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À Meisenthal en Moselle, dans les Vosges, le Centre International d’Art Verrier, met à disposition des designers un site de 15000 m2 pour des expérimentations sans fin. Un vrai terrain de jeu pour designers.
En 1704, la Verrerie de Meisenthal (vallée des mésanges) voyait le jour pour des épopées productives jusqu’en 1969. Cette friche industrielle du Pays de Bitche aurait pu définitivement s’assoupir si un enfant du pays, Yann Grienenberger, bien entouré, ne s’était obstiné à lui redonner vie. Son projet de réhabilitation court sur plus de vingt ans. Depuis 2000, il fouille, creuse, découvre et n’en finit plus de révéler les trésors enfouis de cette épopée industrielle hors du commun qui exploite sa terre sablonneuse, son eau et ses bois depuis la fin du Moyen Âge. Déjà, des communautés verrières nomades installaient leur four de fortune en fond de vallée, pour exploiter les ressources naturelles immédiates. Au début du 18ème siècle, les voies devenant plus carrossables, les verriers ont sédentarisé leur activité jusqu’à allumer le premier four en 1711 dans l’actuel bâtiment du Musée du Verre pour produire des objets de première nécessité (bocaux, bouteilles, verres à vitre).
Au 19ème siècle, la fonderie abandonne le bois au profit de la houille et les découvertes scientifiques de la révolution industrielle – l’invention de la pompe à air comprimé, le développement de la machine à vapeur actionnant les meules de taille ou la mise en œuvre de nouvelles techniques comme la gravure à l’acide ou la technique du verre multicouche. En marge d’une production de gobeleterie ‘bon marché’, de 1867 à 1894, Émile Gallé, chef de file de l’École de Nancy aboutit des pièces exceptionnelles sans précédent qui font de Meisenthal le berceau du verre Art Nouveau. Dans les années 30, la verrerie qui compte 650 salariés s’oriente vers une production de masse de beurriers, sucrières, salières, confituriers et presse-citrons. Dans les années 60, malgré des investissements conséquents et une production annuelle de plus de 4 millions de pièces en verre soufflé et pressé, elle subit de plein fouet la concurrence de ceux qui ont choisi la mécanisation.
En 1969, la verrerie ferme et les ferrailleurs démantèlent et recyclent 8000 moules en métal (ce qui donnera lieu depuis 1992 à la création de la Moulothèque). La friche de l’usine qui occupe un hectare n’a plus aucune valeur et entraîne la mort du village dont la commune achète l’espace pour un franc symbolique et le relance. Depuis les designers les plus réputés s’y sont succédés : Borek Sipek, Enzo Mari, François Azambourg, Jasper Morrison, Andreas Brandolini, Mathieu Lehanneur… ou dernièrement Nicolas Verschaeve.
Le projet architectural du site verrier de Meisenthal est l’œuvre de l’agence new-yorkaise SO-IL (Florian Idenburg, Jing Liu, Ilias Papageorgiou) associée à l’agence parisienne FREAKS architecture (Yves Pasquet, Cyril Gauthier, Guillaume Aubry). Le projet de réhabilitation de 2018 à 2022 a été géré par la Communauté des Communes du Pays de Bitche. L’agence Designers Unit (Paris) signe la muséographie-scénographie du Musée du Verre. Les V8 Designers associés à Fred Rieffel ont pensé divers aménagements intérieurs et le mobilier du site. Charte graphique et signalétique sont réalisées par Stéphane Riedinger. Cette rénovation-création n’aurait pas pu avoir lieu sans le soutien de la Fondation Bettencourt Schueller.
Transposer les grands principes de production d’une aciérie pour concevoir une usine à bonbons en miniature : voilà une manière bien originale pour l’artiste luxembourgeoise Trixi Weis de donner plus de saveur au design industriel patrimonial de son terroir !
Pour sa nomination comme capitale européenne 2022 de la culture, la cité luxembourgeoise d’Esch sur Alzette a choisi de revisiter l’histoire et le patrimoine de son bassin minier, au travers d’un programme général baptisé Remix et qui a notamment investi le cœur central du site d’Esch Belval et de son haut-fourneau avec une série de pièces et d’installations massives. Pour autant, en marge du site central, d’autres artistes et designers du cru se sont emparés de la thématique pour explorer de manière plus intimiste et singulière cette piste du remixage couleur locale. Du côté du tiers lieu FerroForum (centre de savoir-fer logé dans l’atelier central d’origine de l’ancienne fonderie Arcelor Mittal d’Esch-Schifflange), la plasticienne Trixi Weis, artiste invitée pour l’année culturelle européenne, a ainsi imaginé un curieux projet entre usinage et prototypage. Un projet plutôt gouteux, puisqu’il se révèle être une véritable usine sidérurgique en miniature, qui produit non pas de l’acier mais des bonbons !
C’est en s’invitant dans son atelier tout en longueur, un ancien bureau en bout de chaîne des différents espaces laborieux de FerroForum où le métal se travaille toujours de façon artisanale (et fumante), que l’on découvre le prototype du dispositif Kamelleschmelz (Kamell signifiant bonbon et schmelz voulant dire fonderie) conçu par Trixi Weis. Haut-fourneau, laminoir et même rails ou engins de transport, le tout à échelle réduite, se retrouvent disposés sur un long plan de travail de plusieurs tables qui donnent à la fois des airs ludiques, mais aussi une contenance très sérieuse à tout ce processus industrieux étalé sous nos yeux. « La réalisation de cette usine à bonbons est un défi, car à la base, la production de bonbons en sucre dur et complètement différente de la production d’acier, tant au niveau de l’échelle, des ingrédients, des températures, des conditions hygiéniques et des étapes de production », explique Trixi Weis. « La seule chose en commun, c’est la chaleur destinée à faire fondre et cuire des ingrédients pour produire une masse liquide qui se resolidifiera ensuite. »
Une illustration culinaire du patrimoine luxembourgeois
Pour cette « œuvre d’art ludique à caractère pédagogique », illustration d’« une partie du patrimoine luxembourgeois, qui a largement contribué à l’enrichissement du pays de 1850 à la fin du vingtième siècle », Trixi Weis évoque des souvenirs personnels. « Son idée m’est venue grâce à l’association de deux expériences », raconte-t-elle. « La première expérience se situe dans mon enfance lorsque ma grand-mère coulait le caramel chaud, sur une table en marbre huilée, avant de le découper en morceaux. Ces caramels s’appelaient des Kalugas. La deuxième, est la visite du four électrique de Esch, où j’habite depuis 14 ans et où j’ai pu admirer la coulée de l’acier brûlant avec des amis ferrophiles. »
De facto, armée de son harnachement de protection, Trixi Weis a des allures de véritable ouvrière sidérurgiste sur les photos extraites d’une première performance qu’elle présente. « Ces mêmes amis m’ont invité dans le tiers lieu culturel DKollektiv », raconte-t-elle. « J’y ai réalisé des Kalugas dans une usine bricolée quelque peu minimale, lors d’une soirée culinaire sur le thème de la sidérurgie ». Une première étape du processus dira-t-on, que la Kamelleschmelz vient prolonger et complexifier.
Une chaîne de fabrication pour la chaîne de production
Si la conception générale du projet doit en effet beaucoup aux émois personnels de Trixi, la fabrication des différents éléments a requis l’assistance de structures associées. « La Kamelleschmelz est un prototype motorisé et complexe très couteux, réalisé en partenariat avec différents acteurs, notamment les ingénieurs, les constructeurs et les sponsors dont l’ONS et ESCH22 », résume-t-elle.
Les plans ont ainsi été dessinés par l’entreprise luxembourgeoise Paul Wurh SA, spécialisée en la matière. Et la réalisation des pièces proprement dites a été du ressort des équipes éducatives et scolaires de deux lycées techniques de Luxembourg : l’Ecole privée Emile Metz et le Lycée des arts et métiers, pour ce qui concerne le haut-fourneau et tout le début de la chaîne de production. « Ce début de chaine comprend un monte-charge qui mène le sucre vers le haut-fourneau, et le haut fourneau lui-même dans lequel le sucre cuit », explique Trixi Weis. « Les étudiants ont construit le haut fourneau, y compris l’électronique. Nous avons fait tous les essais pratiques sur place ».
La partie centrale du dispositif, en l’occurrence la poche transportée par un train et destinée à recevoir la masse de bonbon qui sort du haut fourneau, puis, la grue transportant la poche vers le convertisseur et le convertisseur lui-même, ont été réalisés par une autre entreprise spécialisée. C’est dans ce convertisseur que sont ajoutés le goût du bonbon (cola) et son colorant. Le convertisseur déverse ensuite la masse à bonbons sur une plaque en inox où elle est malaxée manuellement à l’aide d’une spatule afin de la refroidir avant d’être passée dans le laminoir. C’est ce laminoir qui donne aux bonbons leur forme de petites pastilles en bandes. Des bonbons ensuite convoyés vers la dernière étape : une sorte de passoire rotative dans laquelle ils sont précipités pour l’ébavurage et le sucrage évitant qu’ils ne collent avant la fondamentale étape de la dégustation.
Pour les curieux, le FerroForum ouvre ses portes le 30 avril. La Kamelleschmelz sera d’abord visible en tant que construction non fonctionnelle. Puis elle sera présentée au public en activité du 1er au 30 juin (sur réservation au +352 621 254 466).
Le binôme italo-danois GamFratesi, formé par Stine Gam et Enrico Fratesi, voit le jour en 2006. Tous deux influencés par leur héritage culturel respectif, ils conjuguent leurs acquis avec l’artisanat traditionnel danois et l’approche conceptuelle du design à l’italienne. De Hermès à Porro, GamFratesi n’a de cesse de se démarquer par une création élégante et fonctionnelle qui force le respect.
Quand l’une étudie et travaille en tant qu’architecte en Italie et au Japon, l’autre fait de même en Suède et au Danemark. Stine Gam et Enrico Fratesi se rencontrent durant leurs études en Italie à l’université d’architecture. Ils découvrent alors qu’ils partagent la même vision du design : « Nous avons un profond respect pour les maîtres scandinaves dont le travail se traduit par une combinaison entre son artisanat unique et son design fonctionnel. L’estime que nous portons aux maîtres italiens est suscitée par leur approche intellectuelle du design. C’est pour ces raisons que nos inspirations viennent à la fois de la tradition artisanale du mobilier classique danois et de la démarche intellectuelle italienne. » Avec humilité, le duo développe ainsi un regard aiguisé et analytique sur l’histoire de leur domaine d’expertise, le design de mobilier.
Un style, deux cultures
Installés au Danemark depuis 2006, GamFratesi conçoivent leurs projets « à l’italienne » ; leur concept d’origine aboutit le plus souvent au produit final. « Nous essayons de préserver jusqu’à la fin l’idée de départ. C’est très italien comme façon de travailler ! » Mais le résultat reste toujours hybride puisque réfléchis en symbiose de deux cultures, tout en apportant une nouvelle lecture à un objet familier. Vient ensuite la phase de production, traitée de manière scandinave dans sa simplicité et sa fonctionnalité mais aussi dans le respect de l’ADN du client. « C’est une fusion honnête qui rend la collaboration toujours très intéressante. »
Le binôme collabore avec plusieurs entités internationales tant en Scandinavie, Italie et France qu’au Japon.
Chaise Miau, éditée par Koyori, design GamFratesi
Reconnus par leurs pairs, ils reçoivent de nombreuses récompenses importantes comme le prix Vico Magistretti par DePadova, the Chicago Atheneum Museum of Architecture’s Good Design Award, Best Danish Designer 2012 par Bolig Magasinet, ‘Walk the Plank award 2009’ et Best Danish Designer 2009 par RUM.Young Designer of the Year 2013, EDIDA (Elle Decoration International design award).
« Nous avons eu une longue collaboration avec Hermès pour des expositions et des vitrines, nous travaillons avec des branches italiennes telles que Minotti, Poltrona Frau, De Padova, Porro et Gebruther Thonet Vienna. » Au Danemark, Gamfratesi travaille avec Louis Poulsen, Royal Copenhagen, Hay et Kvadrat.
Dix ans après
La chaise Beetle, inspirée par la carapace du scarabée, est composée de deux coques en guise d’assise et de dossier. Editée par le danois Gubi, elle est la pièce la plus symbolique des créations de Gamfratesi. « C’est l’un des projets les plus complexes que nous avons réalisés. De nombreux échantillons ont été nécessaires au développement du premier prototype. »
Il a fallu ensuite près de deux ans avant de pouvoir lancer le produit sur le marché. Depuis, le siège a subi de nombreuses améliorations et est aujourd’hui décliné en fauteuil et en tabouret de bar, le tout proposé dans de nombreuses finitions. « C’est devenu une pièce iconique qui contient tous les ingrédients de notre philosophie et l’essence même de notre design : harmonie, rondeur, originalité et qualité sont conjuguées dans un produit très personnel. » Un best-seller dont les multiples contrefaçons signent son succès à l’internationale !
En symbiose à la scène comme à la ville
Les contrastes sont au centre des inspirations de Stine Gam et Enrico Fratesi qui vivent et travaillent ensemble. Leurs différences, qu’elles soient individuelles ou culturelles, combinées à leurs centres d’intérêts et leurs compétences mis en commun, permettent des confrontations très constructives. Toutes les étapes du processus de recherche et développement sont faites à quatre mains. « Nous sommes tous deux si impliqués qu’il est souvent impossible de distinguer qui a commencé ou terminé quoi. Et le résultat est finalement une fusion de nous deux. »
Cette diversité se retrouve dans le choix des entreprises auxquelles Gamfratesi s’associent. « Les entreprises italiennes sont toujours très liées à la communication, au langage ou aux détails techniques. Pour les nordiques, le processus est différent, il valorise la recherche d’une simplicité formelle et la relation à la nature. Nous aimons garder cette dualité très stimulante. »
La nature, une inspiration sans limite
Très inspiré par la nature, le duo en découvre sa simplicité et sa beauté avec le temps. « Tout est en quelque sorte parfait. Cela ne signifie pas qu’il faut la transcrire dans le design, mais utiliser certaines de ses nuances en écho, subtilement. C’est un travail parallèle que nous faisons en regardant la nature ». Et ce n’est sans doute pas par hasard que Stine affectionne le bois comme matériau de prédilection. L’interaction entre un individu et un produit est un des aspects pris en compte par GamFratesi dans leur approche créative. Ils restent convaincus que l’impact de l’environnement intérieur peut être positif sur l’individu et générer de la bonne humeur, à l’image de la collection de vaisselle « Royal Creature » imaginée pour Royal Copenhagen. Ici, après une étude poussée d’animaux à écailles, ils ont réinterprété une faune très poétique avec beaucoup de légèreté et dans le respect de la tradition. « Le produit devrait être capable de créer une relation personnelle avec son utilisateur, en espérant qu’elle puisse durer sur plusieurs générations. »
Si Gamfratesi sélectionnent avec parcimonie les projets qu’ils acceptent pour continuer de travailler de manière artisanale et dans l’intimité de leur binôme, ils tendent à créer de façon plus globale ces derniers temps. « Nous aimons interagir avec les intérieurs et l’espace dans son entièreté afin d’y intégrer notre philosophie. C’est un nouveau défi intéressant. »
La conférence de l’EPDA, association d’agences de design européennes, le 20 mai à Bologne, a présenté plusieurs témoignages de professionnels qui gardent la flamme créative malgré les injonctions marketing.
L’EPDA, European Brand & Packaging Design Association, fête ses 30 ans cette année et vient de nommer une nouvelle présidente, Sylvia Vitale Rotta, fondatrice de l’agence française Team Créatif. Elle succède à l’Allemand Uwe Melichar pour un mandat de 3 ans. Cette association internationale regroupe plus de 60 agences de 17 nationalités différentes qui se retrouvent chaque année pour partager leurs bonnes pratiques, sans notion de concurrence. Pour son anniversaire, l’EPDA a réuni ses adhérents à Bologne en Italie du 19 au 21 mai, conviant également des donneurs d’ordre (Coca Cola, Nestlé, Colgate Palmolive, Carrefour, Pantone…).
Créativité et flexibilité
La journée de conférence du 20 mai a fait émerger la thématique de la créativité, carburant des designers face à la pression des clients. Rebecca McCowan, responsable du design Europe centrale et orientale de Coca Cola basée en Autriche, et Jessica Felby, ancienne directrice du design chez Carlsberg au Danemark, ont échangé sur la nécessité de retrouver de la lenteur dans le processus de création, à rebours des sessions de « sprints » où un projet doit être bouclé en quelques semaines. « Au lieu d’une course épuisante, pourquoi ne pas faire une randonnée ?, a plaidé Jessica Felby, aujourd’hui designer textile sur une île de la mer Baltique. Chez Carlsberg, j’ai eu besoin de plusieurs années pour mettre à plat le design, en discutant avec des fabricants de verre et même de machines à laver pour optimiser les produits. » « Notre industrie travaille trop en silos, a renchéri Rebecca McCowan. Par exemple, Coca Cola a fait un formidable travail sur son identité mais lorsque la campagne de communication Happiness Factory est sortie, elle ne montrait même pas le nouveau packaging. Aujourd’hui, après avoir imposé son logo manuscrit, la marque va se doter de sa propre typographie pour les mentions obligatoires de ses packagings. Le design est un bon investissement, mais cela prend du temps. » Autre entreprise qui doit faire preuve de flexibilité, Carrefour décline son identité en fonction de ses différentes activités, avec des codes couleurs : magasins sans contact, banque, défi zéro plastique, gamme textile responsable… « La crise sanitaire a posé la question de la confiance dans les marques. C’est une formidable opportunité pour les distributeurs de montrer leur compréhension des consommateurs en proposant de nouveaux services », a souligné Tatiana Ryfer, directrice de la marque et de l’identité visuelle de Carrefour France.
La question du changement
L’agilité suppose aussi de sortir des carrières toutes tracées. L’Italien Dario Buzzini a quitté son poste de directeur du design à l’agence Ideo à New York pour ouvrir son propre studio, BBDB, à Vicence près de Venise. Situé en vitrine sur la rue, il consacre un tiers de l’année à l’organisation d’expositions d’art contemporain et à l’édition de livres d’art. « Ideo passait son temps à convaincre les clients d’accepter le changement, je voulais appliquer ces convictions à moi-même. Je me suis rendu compte que j’avais le choix de travailler avec qui je voulais. Ce n’est pas facile, New York me manque parfois, mais j’ai besoin de garder ma passion pour produire le meilleur travail », a-t-il relaté. John Glasgow s’est quant à lui délocalisé de Londres à New York après après avoir été découvert par le magazine Dazed & Confused pour ses oeuvres de street art. Le jeune homme a créé le studio Vault 49 avec son associé Paul Woodvine il y a 20 ans et continue d’insuffler l’énergie de la rue à ses collaborations (Pepsi, Baileys, Smirnoff, SKII…). « Nous réunissons des typographes, des imprimeurs, des créateurs de fresque murale. Nous nous sommes également engagés dans le mouvement Black Lives Matter et nous offrons des programmes d’échanges à des étudiants de couleur, peu représentés dans nos métiers » a défendu le dirigeant, lui-même métis.
Mathieu Reverte, associé de Team Créatif à Sao Paulo, a vanté à son tour la société métissée du Brésil, « un pays plein de problèmes mais où les relations entre les gens sont très simples et directes. Nos projets célèbrent la diversité du pays : l’eau de coco Obrigado inspirée par l’héritage africain de la région de Bahia, l’organisme gouvernemental de soutien aux PME qui montre toutes les couleurs du pays, le logo du mouvement de défense des favelas que nous avons réalisé gratuitement. » La conférence a dépassé les frontières de l’Europe et du design classique en présentant l’identité sonore réalisée par Sixième Son pour la compagnie aérienne d’Abu Dabhi Etihad Airways : un mélange de musiques moyen-orientales et occidentales jouées par des musiciens du monde entier, comme un éloge des échanges féconds.
Sans jamais sombrer dans le pathos, les 82 pavillons nationaux dispersés entre les Giardini, l’Arsenal et la cité, traitent de nombreux thèmes d’actualité comme la femme au sein des sociétés, les communautés, le genre, l’environnement, l’histoire ou la notion de migration. Focus sur quelques immanquables, primés ou non.
Coup de cœur pour le pavillon polonais, revanche des « Rom »
Douze installations textiles monumentales réalisées par Małgorzata Mirga-Tas, artiste-activiste rom forment « Re-enchanting the World », œuvre flamboyante inspirée des fresques de la Renaissance du Palazzo Schifanoia, à Ferrare. Ce splendide patchwork est un plaidoyer en faveur de l’identité rom, de son art au sein de l’histoire de l’art européen. Intime – l’artiste y a représenté sa famille – et collectif – il évoque la minorité rom – il propose un nouveau récit sur la migration culturelle, fondé sur l’idée de « transnationalité » et d’appropriation des images.
Zineb Sedira fait son cinéma au pavillon français
Promesse tenue et mention spéciale du jury pour Zineb Sedira et son projet « les Rêves n’ont pas de titre ». Le public pénètre un lieu de tournage inspiré des années 60-70-80 où un couple danse un tango dans un bar, comme il est invité à s’engouffrer dans l’intimité de la plasticienne. L’artiste de Kamel Mennour raconte sa propre histoire au sein de la grande, dans une atmosphère postcoloniale, entre la France, l’Algérie et Venise. Comme si on y était.
Les USA célèbrent la femme afro-américaine « invisible », l’Afrique et ses mythes avec Simone Leigh
Avec « Sovereignty », le lion d’or 2022 redonne fierté et noblesse à la travailleuse afro-américaine, tour à tour femme-cuillère d’inspiration Zoulou, reine-cauri, ou encore femme-masque d’influence Baga, dans ce qui ressemble à une maison d’ancêtres. Des corps sculptés féminins noirs, en céramique ou bronze, à travers lesquels la Chicagoenne parle d’exploitation, de colonialisme, mais aussi crée une nouvelle communauté née de l’hybridation des cultures, au-delà des genres et des frontières.
L’Autriche, au pays dingo de Knebl et Scheirl
Remarqué sur Art Paris (galerie Loevenbruck), en 2021, le duo Jakob Lena Knebl et Ashley Hans Scheirl propose “Invitation of the Soft Machine and Her Angry Body Parts”. Un projet coloré, ludique questionnant l’identité, le corps et ses transmutations, à travers une pluralité de médiums. Scénographiés de manière délirante, tout en posant de vraies interrogations, leurs peintures, sculptures, photographies, mobilier design, œuvres textiles, écrits, vidéos, et collection de mode, forment un « tout organique, hybride et vivant », que le visiteur expérimente.
Poétique universelle de l’enfance en Belgique
Depuis 2017, le plasticien belge Francis Alÿs filme l’enfant qui joue, aux quatre coins du globe – Hong Kong, République Démocratique du Congo, Belgique, Mexique -. Avec poésie et humilité, « The Nature of the Game », installation de vidéos et petits tableaux parle de colonialisme, comme d’actualité. « J’ai souhaité remettre au centre de l’attention les enfants qui ont beaucoup souffert durant le confinement », souligne-t-il. À travers un parcours entre les écrans, il évoque aussi la similitude de l’être humain. Loin du fracas de l’univers adulte, l’enfant joue avec la même insouciance, qu’il vive dans un monde protégé ou soumis à ses turbulences.
À l’Arsenal, l’Arabie Saoudite tire la sonnette d’alarme sur l’environnement
Le riyadien Muhannad Shono a imaginé une installation mouvante de 40 mètres de long, réalisée à partir de feuilles de palmier peintes en noirs. « The Teaching Tree », tel un « arbre vivant » entre déesse-mère et animal fantasmagorique, semble nous avertir de l’impact du changement climatique, comme il fait allusion à l’espoir d’une renaissance. Une leçon de résilience de Mère-Nature à l’Homme.
Subjective, cette sélection illustre toutefois la récurrence des thèmes que l’on retrouve encore au pavillon anglais de Sonia Boyce, Lion d’or pour la meilleure participation nationale, mettant à l’honneur les femmes noires à travers le chant et son projet « Feeling her way ». De même, les pavillons danois, coréen, nordique nous invitent au pays de la transmutation, de l’étrange ou de la communauté Sami. Des nations illustrant des préoccupations dans l’air du temps, en symbiose avec le thème général de l’évènement.
Pavillons nationaux, Biennale Il Latte dei Sogni, Venise, jusqu’au 27 novembre 2022. www.labiennale.org
ICFF + Wanted Design, rendez-vous du design et de la création émergente, outre-Atlantique, s’est clôturé le 17 mai dernier. Après deux années perturbées par la crise sanitaire, le retour à une édition plus « classique » était attendue. Entre inaugurations de nouveaux espaces, remises de prix et innovations design focalisées sur l’environnement, l’heure est au premier bilan.
Une édition 2022 tournée vers l’environnement
Si la présentation de nouveautés était évidemment de mise sur les deux évènements, la direction de Wanted Design souhaitait inscrire l’événement dans une dynamique environnementale et durable. En effet, cette édition a été l’occasion d’aborder des problématiques tels que la durabilité, le changement climatique ou encore l’agitation politique et l’urbanisme, et ce notamment à travers l’exposition ECO Solidarition. Celle-ci, qui présenté le travail de neuf studios de design européens, a notablement remporté le prix du meilleur stand.
De nombreux talks et remises de prix
La tenue de l’évènement a également été rythmée par de nombreux débats portés sur l’avenir du design, animés par des orateurs comme que Paola Antonelli, YabuPushelberg, Höweler+Yoon, Inside Norway : Meet the Makers ainsi que de nombreux designers émergents.
Plus largement, l’ICFF + WantedDesign a été l’occasion de remises de nombreux prix, à savoir :
- Le prix du designer de l’année lors de la 42e édition des Interiors Awards remis à Kia Weatherspoon
- Le Launch Pad a récompensé Erika Cross dans le domaine du mobilier et Tianning Zhao dans le domaine de l’éclairage.
- Le nouvel espace dédié à l’exposition d’étudiants des écoles de design du monde entier a permis de récompenser la Dust Chair de Bill Caroll de l’école RISD (Etats-Unis) comme meilleur étudiant, tandis que l’école BFA Design – SVA Products of Design (Etats-Unis) et leur stand Re-Actors a été récompensée en qualité de meilleure école.
Cette édition a ainsi été l’occasion de faire émerger de jeunes talents du design, diplômés ou non, d’animer de larges débats sur le design, en mettant l’accent sur les questions environnementales, désormais comprises comme intrinsèques au process créatif.
Rendez-vous l’année prochaine, du 21 au 23 mai 2023, pour la prochaine édition.
En partenariat avec l’Ambassade de France et l’Institut français en Indonésie, la galerie balinaise CushCush Gallery (CCG) lance un appel à candidatures pour un programme en résidence d’un artiste designer. Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 12 juin.
Convaincue que la créativité se nourrit par la rencontre de différentes cultures, CushCush Gallery (CCG) souhaite faire se rencontrer cette année le design contemporain français et l’art culturel et artisanal balinais. Une expérience qui permettra au designer sélectionné d’être accueilli du 15 aout au 19 septembre 2022. Au programme : découverte des matériaux et des différentes formes d’arts présents sur l’archipel, rencontres et discussions avec les artistes designers balinais, voyages à Yogyakarta, Bandung et Jakarta pour partager son expérience auprès des communautés créatives de l’île.
En réponse à cette expérience, le designer sélectionné sera en charge de la création d’une collection d’objets comme pour faire un retour de cette expérience. Une collection qui sera par ailleurs exposée à son retour en France dans le cadre de divers évènements mais également en Indonésie.
Conditions de participation et dates à retenir
Pour être éligible, le profil du candidat doit remplir plusieurs conditions à savoir :
- Être de nationalité française
- Être diplômé d’une école de design (française ou internationale)
- Avoir une maitrise de l’anglais suffisante pour pouvoir dialoguer avec les populations sur place (échanges principalement en anglais)
- Être entièrement libre professionnellement durant la période
- La candidature doit être individuelle
À noter qu’aucune limite d’âge n’est requise pour envoyer sa candidature, dont les inscriptions sont possibles jusqu’au 12 juin 2022. Le designer sélectionné sera ensuite annoncé le 16 juin.
À travers l’exposition déambulatoire « Aurae », l’artiste canadienne Sabrina Ratté crée un archipel trouble de sculptures-écrans et de dispositifs immersifs, mettant en scène autant de compositions d’images numériques mutantes, agissant comme un défilé d’« unités d’ambiances » à explorer physiquement. L’exposition se tient jusqu’au 10 juillet à la Gaîté Lyrique.
On le savait depuis l’exposition consacrée à Olivier Ratsi (« Heureux Soient Les Fêlés, Car Ils Laisseront Passer La Lumière », avril-octobre 2021), les espaces de la Gaîté Lyrique s’avèrent particulièrement propices à la présentation de pièces mêlant images métamorphiques et design graphique dans une succession de paysages visuels projetés où architecture et spatialité semblent définir une nouvelle approche déambulatoire pour le spectateur. Pour l’exposition « Aurae », présentant onze pièces de l’artiste canadienne et « faiseuses d’images » Sabrina Ratté (bien aidée par le travail de scénographie du designer Antonin Sorel), ce dernier est à nouveau invité à visiter un parcours d’architectures immersives et de paysages habités par une matière visuelle en mouvement, qui interroge avec tact la séparation physique entre deux réalités, celle du réel et du virtuel.
Les paysages d’Aurae – titre emprunté à l’une des premières œuvres vidéos de Sabrina Ratté en 2012, aux couleurs lavées par le soleil, et à l’étymologie du mot “aura”, qui indique un vent doux ou une atmosphère – décrivent bien le subtil équilibre du travail de Sabrina Ratté entre poésie et science-fiction. En les recomposant dans des installations usant de projections vidéo, d’animations, d’impressions, de photogrammétries, de sculptures et de dispositifs spatiaux, Sabrina Ratté donne un nouveau relief à ses images : une « aura » singulière qui vient relever la part d’émotion subtile de représentations variables – une véritable végétation numérique, parfois très graphique et géométrique, parfois plus naturelle et organique – pourtant largement ancrées, par leur connexion physique à autant d’écrans hypnotiques, à la saturation technologique et audiovisuelle actuelle.
L’approche fusionnelle des « unités d’ambiance »
Se faisant, par leur approche fusionnelle entre froideur visuelle et chaleur émotionnelle, les pièces de Sabrina Ratté agissent comme de véritables « unités d’ambiances », variant en fonction de la thématique des images. Les paysages naturels y sont par exemple explorés dans une esthétique de photomontage aux lentes évolutions colorisées. Pour Alpenglow, Sabrina Ratté a ainsi conçu un espace architectural 3D aux multiples parois de verres translucides, rappelant un peu les dispositifs de Digital Shadow, qui s’ouvre sur un horizon de montagnes et de mer suivant de très évolutifs changements de lumière irisée. Pour Undream, évoquant les travaux du collectif architectural italien Superstudio, la mise en scène de l’image dans le prolongement d’un promontoire carrelé appose une perspective nouvelle à la lente évolution du paysage grandiose, particulièrement bien soulignée par la texture de la bande-son électronique (signée Roger Tellier-Craig). Dans Machine For Living, c’est l’urbanisme des villes nouvelles qui sert de canevas à la projection sur une structure en escaliers d’un tapis roulant d’architectures imagées au mouvement des plus mécaniques.
Le goût de Sabrina Ratté pour la transgression des formes organiques se manifeste dans la série d’animations 3D Floralia. L’artiste y propose une forme de sauvegarde visuelle de plantes et de leur écosystème : un conservatoire numérique aseptisé où les interférences du signal visibles sur les images indiquent la mémoire toujours vivace des plantes. Ce rapport d’hybridation entre organique et numérique est encore davantage poussé dans ses retranchements dans Aliquid. La mécanique des fluides mise en scène dans cette vidéo HD semble procéder de la lente désintégration d’une chair coulante au contact des arêtes d’une architecture de verre. Une contemplation particulièrement déstabilisante, tant la matière numérique et organique paraît se confondre en tout point.
Un laboratoire d’images en mode immersion brute
La pièce la plus impressionnante de l’exposition se révèle toutefois être la seule à véritablement opter pour une confusion et une multiplication de flux audiovisuels multidirectionnels. Installée dans la salle noire cloisonnée de la Gaîté Lyrique, Distributed Memories agit comme un véritable laboratoire d’images, agrégeant dix ans de recherches formelles et visuelles de Sabrina Ratté dans une sorte d’antichambre-régie, où l’immersion brute rejoint une forme d’interactivité plus ludique – avec des capteurs et surtout ce buzzer permettant de rebooter depuis un pupitre tout le décorum de projections en temps réel. Une approche qui apporte un peu plus de souplesse fantasmagorique et déliée à l’univers visuel mutant procédant des images-espaces de Sabrina Ratté.
Projections virtuelles et retour à la matière : notre époque, riche en paradoxes, dresse des ponts entre des univers autrefois étanches, voire antinomiques. Entre mondes réels et virtuels, Maison et Objet choisit d’orienter son édition de septembre sur des expériences sensibles et sensorielles, attentif à une société en quête d’émotion et d’évasion, entre défiance et renaissance. Décryptage par Vincent Grégoire, directeur Consumer Trends & Insights chez NellyRodi.
« En 2020, nous avons tous été en mode résistance, en 2021, en mode résilience. 2022 marque une volonté de renaissance. » Avec le Covid, la peur de perdre le goût, l’odorat, et la sensation de vase clos qui donne un sentiment de limiter l’espace où porte le regard, s’est développée une réaction de retour à la prise en compte des sens… voire un rapport au monde en mode « hypersensible ». Depuis la maison-refuge, à côté des digital native, les boomers se sont mis à apprivoiser le numérique, une appropriation du digital accélérée, qui n’appelle pas de marche arrière. Vincent Grégoire observe ainsi une fracture générationnelle avec des «quinquados » qui refusent un éventuel déclassement par l’âge, qui côtoient une jeune génération qui a enchaîné des périodes de crise et qui n’a pas connu la vie sans Internet et qui gère parallèlement au quotidien une vie numérique à travers les réseaux sociaux, en mode ludique comme en mode projet. Le digital devient un média comme un autre, il accompagne naturellement l’expérience physique, et l’augmente plus que s’y substitue.
Hybridation des univers
Un choc d’expériences, qui tend à rendre poreuses les frontières entre les mondes réels et virtuels. Un besoin de tangible parallèlement à une volonté de se projeter, et vite, de s’immerger, car les outils technologiques ont depuis bien longtemps modifié notre rapport au temps. Visite virtuelle en preview de la visite physique d’un showroom, création NFT en complément de l’objet édité… les nouveaux entrepreneurs brouillent les pistes et testent dans le métaverse des projets avant de les éditer, utilisent les réseaux sociaux comme des mondes inspirants.
C’est cette fusion des mondes que Maison et Objet a choisi de mettre en avant, à travers le thème « Méta-sensible » qui va porter son édition de septembre, et infuser la Paris Design Week.
En mode ludique
Une volonté de mettre en avant de nouvelles énergies, des esthétiques détonantes, d’observer des nouveaux usages après cette réappropriation du « chez-soi » qui a marqué ces années rythmées par différents confinements. Le « cocon » de l’habitat évolue doucement vers un cadre toujours protecteur mais plus joyeux, aux formes rebondies, dans le développement d’une esthétique fantasmatique… irriguée par les passages entre les mondes : à l’image des collections de Pink Stories, PolsPotten, Mojow ou l’Italien Saba (qui propose déjà ses canapés sous forme de NFT).
Maison et Objet : détecteur de talents
Si Maison et Objet cherche à traduire dans son choix de « tendances » le cœur vivant de la société, le salon aussi a décidé d’accentuer sa volonté de mettre en avant la jeune création. Parallèlement aux Rising Talents Awards (en septembre consacrés à la scène néerlandaise), le label Future on Stage mettra l’éclairage sur de jeunes maisons d’édition.
Parallèlement, la Paris Design Week – notamment dans la section Factory – se fera l’écho de cette époque résolument « phygital », en présentant des projets dédiés à la matière, que ce soit dans sa valorisation par le geste ou sous l’angle de l’innovation écologique, dans une promesse de mises en scène faisant appel au design numérique.
Une édition qui s’annonce généreuse, enthousiaste, éclectique, dans un « besoin de sens et d’émotion » : l’attente est créée, aux exposants de répondre à cette envie du public d’être surpris.
Du 8 au 12 septembre
Maison et Objet (Parc des Expositions – Villepinte)
Paris Design Week
Labellisée Biennale internationale de Design Saint-Etienne 2022, La « Nef des Fous » ou la folie des transports au Frac Grand Large interroge l’objet dans son rapport très large au voyage, à travers une sélection d’objets design du Museum Design Gent, de films et œuvres d’artistes. Une exposition dont la scénographie étoffe un scénario fondé sur le tableau éponyme du peintre néerlandais Jérôme Bosch, à découvrir jusqu’au 31 décembre 2022.
Partant du postulat de la « folie » humaine des transports d’après-guerre, l’évènement débute, au 5ème étage du bâtiment, par une intelligente mise en situation de l’objet dans tous ses types de « transports » – affectif, géographique, monétaire… -, avec le film Provenance de la plasticienne vidéaste américaine Amie Siegel, évoquant la chaise « Chandigarh » du Corbusier. Composé d’une succession de longs travellings silencieux conférant au public l’impression de se déplacer, le film prêté par la Tate Modern met en avant le sens pluriel de cet objet iconique en fonction de ses contextes. Pièce stylée dans un intérieur occidental chic ou meuble de bureau fonctionnel, objet conditionné dans des entrepôts ou chargé sur un cargo en partance, la chaise repasse par Chandigarh, sa ville originelle. Le revers de l’écran évoque une vente aux enchères qui replace l’objet design dans sa dimension économique.
Le transport dans tous ses états
Au troisième niveau, cent pièces des années 1950 à nos jours provenant de la collection du Design Museum Gent dialoguent avec quelques-unes de l’institution, d’autres films et œuvres d’artistes. Tirant son titre du tableau éponyme de Jérôme Bosch dont la reproduction est visible dès l’entrée, mais aussi du texte de l’humaniste et poète allemand Sebastian Brandt, l’exposition, imaginée par la commissaire indépendante et autrice Mathilde Sauzet, nous emmène au cœur d’une « fiction de pêche miraculeuse sur le septième continent ». Sorte de métaphore matérielle de cette barque étonnante du XVIème siècle, au destin mystérieux, elle se décline en trois volets. Le premier, Vanity cases, célèbre nos objets de voyage, anciens et actuels, dans ce qu’ils ont de plus intime à l’homme mais aussi d’universel : un porte-préservatif en argent, une flasque d’alcool, mais aussi la première valise cabine, les iconiques plateaux-repas d’avion, une flanquée de « Tupperware », compagnons indispensables de nos sorties, dont une usine de fabrication est installée près de Gent…
Le second, Kitchen Tour, nous plonge au sein des foyers domestiques où il questionne indirectement la place de la femme après la seconde guerre mondiale. Cafetières, théières de tous âges, splendide service à thé et café de Zaha Hadid de 2003 côtoient non loin un ancien radio-réveil, un modeste grille-pain ou encore Ship Shape, petits récipients colorés en résine thermoplastique en forme de bateau de chez Alessi. Enfin, Self-Transports soulève le rapport affectif que nous tissons avec eux. Une cravate de Nathalie Du Pasquier est posée sur le dossier de la chaise longue « Prosim sedni » du designer architecte tchèque Bořek Šipek pour Driade des années 1980, près de « Feltri », fauteuil-trône de Gaetano Pesce et la « tavolo mobile infinito » créée par Studio Alchimia (Alessandro Mendini), comme des témoins, parmi bien d’autres, de mille histoires personnelles fantasmées.
Une scénographie adéquate au sujet
Cet « inventaire » matériel incarnant la notion de déplacement dans son rapport pluriel à l’humain, ne sortirait pas du lot si, au-delà de sa narration reliée aux méandres de l’art médiéval et de ses relations avec les films d’artistes, celui-ci n’était pas pertinemment mis en scène par le designer Julien Carretero. En effet, celui-ci pensa « La Nef des Fous » comme « une zone de transit, un centre de tri au sein duquel les objets et les œuvres se rencontrent pour un laps de temps avant d’être dispersés à nouveau ». En choisissant sciemment de nous embarquer dans des zones de fret transitoire, grâce aux contenants (cartons, palettes…) qui ont servi à faire voyager les pièces et aux « dispositifs ready-made » trouvés dans les réserves du Frac, sa scénographie durable ne magnifiant nullement le statut des objets de grandes ou plus modestes signatures, appuie avec justesse le propos. Non scientifique, fondée sur la sémiotique et la polysémie des objets, l’exposition qui livre ces derniers, tels quels, à l’appréciation du public, questionne les travers et l’avenir de notre société d’opulence. Dans l’air du temps.
Watches&Wonders Geneva, le salon de l’horlogerie de Genève qui s’est tenu du 30 mars au 5 avril 2022, a dépassé toutes les espérances et s’est clôturé avec les meilleurs chiffres.
Les marques internationales ont encore une fois démontré leur capacité à créer et à innover avec une exposition de 40000 m2 de montres et bijoux et des millions de vue sur les réseaux sociaux. Sa première édition remonte à 1991 avec cinq marques installées sur 1 000 m2 à l’initiative de Alain Dominique Perrin, alors PDG de Cartier. Le SIHH, Salon International de la Haute Horlogerie, a été officiellement renommé Watches&Wonders Geneva en 2020, parallèlement à l’introduction d’une nouvelle formule.
L’industrie de la montre a encore une fois montré sa force, réussissant à réunir 38 marques sur des stands à la hauteur de leur chiffre d’affaires. Sous cette nouvelle appellation Watches&Wonders Geneva, l’industrie suisse a confirmé la force de ses maisons qui ont réussi à vendre leurs nouveautés, montres, bijoux, automates…avant même que le salon ne soit terminé, laissant traîner un petit sentiment de pénurie. 22000 visiteurs, 1000 journalistes, ont assuré à eux seuls 30000 nuits sur Genève. Parmi les 38 marques, 19 étaient de nouveaux arrivants faisant vibrer la semaine d’un dynamisme extraordinaire avec des échanges sur la durabilité, l’innovation et l’expérience client. Le LAB exposait quinze initiatives des marques sur de nouveaux moyens de calculer l’heure, l’utilisation de nouveaux matériaux.
L’impact de cette réunion internationale a été estimée à 350 millions de personnes avec 800000 posts mentionnant le hashtag watchesandwonders et permettant à 2600 journalistes du numérique accrédités (les digital journalists) de suivre les événements depuis le « salon live ». Grâce à ce format « physical et digital », en présentiel et en video, l’industrie horlogère a démontré sa capacité d’adaptation à l’évolution des mœurs et sa résistance aux menaces de Covid, avec agilité et créativité.
Côté tendance, le platine se conjugue à l’or jaune dans des accords très populaires. Le Titane se répand. Les couleurs de base restent le bleu et le vert même si le noir version mat ou brillant fait un retour remarqué. Le orange, le corail et le rouge se limitent à quelques pièces tout comme le mineral, le beige et les ombres vert forêt. En attendant l’édition 2023, toute la profession attend avec impatience le Watches and Wonders Shanghai qui doit se tenir du 7 au 11 septembre 2022, si un reconfinement n’est pas envisagé.
Ambiance forestière
Van Cleef, sous la direction de Nicolas Bos depuis 2013, avec une scénographie de Jean-Baptiste Auvray brillait par l’originalité de son stand. Ambiance forestière et aquatique assurée grâce au travail des 12000 pampilles en verre coulé de Matteo Gonet, vitrier à Arlessheim en Suisse et Salviati 1859, verriers de Murano. Le visiteur était invité à se promener et à se perdre dans un bois habité d’une nature bienveillante où animaux et pièces horlogères et joaillerie cohabitaient grâce au savoir-faire d’artisan d’art à la maîtrise parfaite qui de la marqueterie de koto pour les troncs des arbres, qui du tuftage pure laine naturelle du massif d’herbes hautes ou dans la perspective d’un sous-bois avec papillons, fleurs et oiseaux sur de grandes tapisseries en point d’Aubusson. Un plongeon dans un décor fort et immersif respectant le niveau de qualité de la marque. Pour Jean-Baptiste Auvray, « l’utilisation de l’artisanat dans l’architecture même temporaire permet de travailler avec des matériaux moins transformés, plus proche de leur état et de leur localisation naturelle et rend le projet par conséquent plus durable. Moins polluant également avec des éléments qui seront utilisés comme gisement dans la suite de leur cycle de vie. »
La majorité des fabrications réalisées seront conservées et réutilisés pour de futures opérations. » Les valeurs du travail de la main, de la matière sont portées depuis plus de 10 ans par l’agence Faire. Elles lui permettent de réaliser des projets importants pour de belles maisons qui adhèrent à sa vision de l’architecture et comprennent les enjeux et les avantages de travailler au plus proche des artisans d’art. C’est ainsi que la marque Ulysse Nardin, fondée en 1846, lui a également demandé de faire la scénographie de son stand, tout en verre, dorure et lumière pour des montres caractérisées par la maîtrise exceptionnelle du silicium. La Black Ceramic en 45 mm associe titane et DLC noir et case en or rose. Les six vis sont visibles à travers un verre saphire légèrement bombé qui indique les heures et les minutes dans un mouvement de rotation permanent. Le bracelet en peau d’alligator noir ou en veau doré est en série limitée à 75 éditions. Pour marquer le stand dans lequel personne n’osait entrer, le CEO, Patrick Pruniaux, avait fait placer un surprenant requin en métal aux dents longues.
Des temporalités contraires
Dans le Carré des Horlogers, Trilobe, la toute jeune marque de Gautier Massoneau et Volcy Bloch, DG, présentait une folle Journée, une montre à trois plateaux en rotation à 10.2 mm de hauteur, sous un globe en cristal, une réelle prouesse horlogère. Dans ce stand signé Procept, concepteur et réalisateur d’événement, qui se voulait casser les codes du luxe et remettre en question quelques habitudes comme lire l’heure avec des aiguilles, ce sont surtout les assises, Rock on the Moon, quatre boules de mousses enveloppées de textile de Toyine Sellers, (Atelier of Textile and Design) et dessinées par Fabrice Ausset, qui faisait réagir un public en recherche de confort, sur des rochers séculaires pour lire un temps novateur et associer des temporalités contraires.
Sur le stand Hermès, la marque faisait la part belle à l’art numérique avec une œuvre de l’artiste Sabrina Ratté. « Dans cette installation, explique-t-elle, je voulais évoquer la manière dont les nouvelles technologies comme les images satellites font évoluer notre perception du temps et de l’espace. » Laurent Dordet, directeur général de Hermès Horloger précisait quant au positionnement de la marque : « Nous essayons de nous adresser non pas à une génération mais à toutes les générations. Nous créons les objets dans lesquels nous croyons et qui nous font plaisir. » Innovation, transparence, économie circulaire et bien sûr développement durable étaient au cœur de ce salon du Metaverse.
Jusqu’ au 6 novembre, la Fondation Martell accueille une nouvelle exposition intitulée « La fin est dans le commencement et cependant on continue ». Un titre extrait d’une pièce de Samuel Beckett, qui trouve un écho étrange dans ce monde de « l’après confinement ». Une exposition pensée par la commissaire, Nathalie Viot autour des cinq sens, augmentés de deux nouveaux, la vulnérabilité et le mouvement, dans une approche synesthésique. Explications.
À Cognac, au cœur de la fondation Martell, l’exposition « La fin est dans le commencement et cependant on continue » prend forme dans le dédale de cuves ouvertes. À la demande de Nathalie Viot, ex-directrice de la fondation aujourd’hui dirigée par Anne-Claire Duprat, elles ont été réalisées par le groupe Chalvignac pour l’exposition précédente, et depuis conservées. Un jeu de dédales et de connexions, comme autant d’écrins offerts aux artistes et artisans pour s’exprimer.
Comme une mise en conditions, c’est une installation sonore du Berlinois Reto Pulfer qui accueille le spectateur des l’entrée. Allongé sur des coussins, le casque sur les oreilles, le spectateur est invité à se plonger dans des conversations fortuites – et récits « mnémoniques » pour « se mettre à l’écoute » de Gina, héroïne du roman post-apocalyotrique écrit par l’artiste en plein confinement. Prêtée par le FRAC Limousin Nouvelle Aquitaine, c’est aussi la seule œuvre de l’exposition qui n’a pas été conçue in situ.
Alchimie mécanique
Mis en condition, le visiteur contemple dans l’écrin suivant une étrange alchimie autour du mouvement. Une installation qui réunit la designeuse textile Jeanne Vicérial, qui poursuit son travail de « clinique vestimentaire » et la danseuse et fasciathérapeuthe Julia Cima. Ses sculptures textiles prennent littéralement corps et vie lors de temps de rituels dansés. Un étrange échange, entre un robot qui tisse à mouvement lent une robe à partir d’un fil, et une présence habitée de l’artiste. Une alchimie incroyable, entre la mécanique adoucie, qui bruisse comme une respiration, reliée par le prisme du tissage proche du corps. Le dispositif a été conçu avec l’aide de la société Ingeliance pour la programmation robotique. Cet espace est habité comme un sanctuaire; la machine vient relayer le corps, la sculpture dicte le mouvement… et interpelle ce que d’aucun appelle le 6e sens : la proprioception. Ce sens , »permet d’avoir une conscience plus ou moins précise de la position de son corps dans l’espace ». (cf Science et avenir, 27/9/2016).
Pédagogie active
Plus que la démonstration, c’est le ressenti qu’a privilégié l’artiste Odile Soudant pour évoquer la vue : le visiteur est invité à expérimenter physiquement dans un dispositif lumineux la création de phosphènes, ces images lumineuses que crée notre cerveau à la suite d’un éblouissement.
Le goût et l’odorat sont interrogés par Julie C. Fortier, dans un premier dispositif, de mise en résonance de ces deux sens, dans lequel un aliment est accompagné d’un parfum, à l’instar d’un condiment. Dans un second espace, un tapis en laine tufté laisse à celui qui s’y roule des impressions olfactives, comme un minipaysage improvisé. Les différents éléments – récipients en porcelaine, tapis; ont été faits sur place.
La nature est présente dans le parcours, par sa force de résilience. Partant du constat que l’on va développer une intuition par la prise de conscience de notre vulnérabilité– qui pourrait être le 7e sens de l’exposition ?–, Nathalie Viot a invité le botaniste Marc Jeanson à concevoir avec le duo de designers Alexandre Willaume et Marie Corail des installations valorisant la force d’adaptation des plantes. Plus loin, Rachel Marks invite au toucher, en dévoilant des sculptures de troncs d’arbre majestueuses, modelées à partir d’assemblage de véritables lianes de papier, dans une mise en scène incandescente, qui traverse littéralement les cadres porteurs de l’espace.
Amateurs éclairés et grand public, la force de ce parcours est de s’adresser à tous, dans une déambulation poétique qui donne aussi bien aux plus curieux l’envie de creuser le sujet après la visite.
Jusqu’au 6 novembre, Fondation d’entreprise Martell 16 avenue Paul Firino Martell 16100 Cognac,
Du jeudi au samedi de 14h à 20h – Le dimanche de 11h à 17h
Visites racontées le mercredi à 11h et 16h30
À l’initiative de l’Institut français, une quinzaine de professionnels étrangers viennent de participer à un Focus Design sur le territoire français. Du 8 au 15 mai, ils ont suivi un programme très dense de rencontres et de workshops, pour les sensibiliser à l’expertise française et développer des échanges.
Organisés par l’Institut français, les Focus sont des voyages thématiques, visant le partage de pratiques, l’échange d’idées et de projets, l’objectif étant de développer les réseaux professionnels et les maillages de partenaires, voire des mutualisations de programmes et de pratiques. Mis au point par l’Institut, ils permettent à des interlocuteurs étrangers de rencontrer les acteurs majeurs d’un secteur dans un temps concentré.
C’est dans ce cadre que la semaine passée, un groupe de professionnels a effectué un véritable marathon autour du design français de Paris à la Biennale de Saint-Etienne. Japon, Costa Rica, Danemark, Maroc, Pologne, Indonésie, Inde, Corée… Les participants étrangers provenaient de plus 13 pays, de tous les continents.
Un programme très éclectique
Du Mobilier national au département recherche de l’Ecole des Arts décoratifs, du French Design by Via à la en passant par des galeries et des ateliers, le planning de rencontres immergeait volontairement les participants au cœur du design français : écoles, recherches, savoir-faire artisanaux et industriels, patrimoine… De Jean-Louis Fréchin à Rudy Bauer, en passant par Goliath Dyèvre, Constance Guisset, Les Sismo, Mathilde Brétillot, Alexandre Imbert, Samy Rio…ce Focus s’est attachée à montrer la diversité des approches, de la conception de produits à celle de services, et surtout de la diversité des champs d’intervention.
Dans la logique de l’engagement de l’Institut français sur le design, la conjugaison des interventions dressait un panorama français dynamique, attentif à la créativité des nouvelles générations (lauréats « Mondes nouveaux »…), engagé dans les grands défis sociétaux (le secteur du« Care », les biomatériaux, la transformation numérique…), acteur pour le développement de nouveaux écosystèmes économiques (savoir-faire artisanaux, circuits courts…).
Développer les marchés
En créant les programmes Focus, l’objectif de l’Institut français est aussi de faciliter les échanges pour enrichir concrètement les programmations des postes à l’étranger. Ainsi les participants ont découvert des projets, des collaborations, des expos déjà réalisées, qu’ils pourraient reprendre, comme des projets en cours de préparation, en France ou à l’étranger.
La Biennale de Venise est à l’art contemporain ce que le festival de Cannes est au cinéma : un must-be, grand raout arty avec 80 pavillons dans les Giardini, de nombreux solo shows produits dans de superbes palais par de grandes galeries internationales, mais aussi une exposition générale donnant le pouls de l’état de la création contemporaine. Cette 59e édition est partie pour rester dans les annales comme l’une des plus belles de ces dernières décennies. Florilège de plusieurs artistes ou œuvres « coups de cœur », au pavillon central des Giardini et à l’Arsenal.
Féminine, engagée, muséale, l’exposition internationale de cette 59e Biennale réenchante le monde tout en mettant en exergue ses soubresauts et enjeux actuels. Imaginée par la commissaire Cecilia Alemani, cette dernière rassemble 1433 œuvres de 213 artistes – dont 83 % de femmes -, provenant de 58 pays, sur le thème de l’humanité et ses métamorphoses, inspiré par les postulats de la surréaliste Leonora Carrington.
Une Biennale avec des artistes historiques et confidentielles aux Giardini
Aux Giardini, un premier choc a lieu devant Elephant, œuvre monumentale de l’Allemande Katarina Fritsch, Lion d’or d’honneur. L’hyperréalisme de sa sculpture interroge les notions de captivité et respect de la vie animale, dans une atmosphère d’exposition coloniale d’un autre temps. Entre autres, le pavillon met en avant des artistes féminines surréalistes qui n’ont pas toujours été considérées à leur juste valeur. Citons la Française Claude Cahun et ses autoportraits des années 30 tordant le cou aux représentations binaires, mais aussi Leonora Carrington, Leonor Fini, Jane Graverol, Remedios Varo, dont les œuvres virtuoses, souvent sous vitrine, plongent le spectateur au pays des mythes et du fantasme. Et mettent en lumière l’aptitude de la figure féminine à la métamorphose, effaçant les frontières entre les genres et les espèces.
Un « Arsenal » engagé, coloré, du vivant
Grand coup de cœur pour l’Américaine Simone Leigh, – également au sein du pavillon américain –, récompensée du Lion d’or. Accueillant le public dans la première salle de l’Arsenal, Brick House, sa figure gigantesque en bronze représentant une femme noire, mi-déesse, mi-mère, dépourvue de regard se tient debout avec force et évoque la notion de race, de communauté. Autour de celle-ci, les collographies de la Cubaine Belkis Ayón parlent du mythe fondateur des Abakuà, personnages afro-cubains sans bouche et regards hypnotiques… Autres découvertes, la Brésilienne Rosana Paulino et ses troublantes aquarelles de femmes-plantes mais aussi l’Haïtienne Myrlande Constant et ses nappes de soie brodées de paillettes et perles de verre évoquant des êtres hybrides mythologiques… À travers deux installations aux chromatisme flamboyant et graphisme entre abstraction et figuration, la jeune Dominicaine Firelei Báez parle de la diaspora africaine, alors que le Sud-Africain Igshaan Adams présente une installation merveilleuse et politique, faite entre autres d’os, petites perles, coquillages et fils… Au sein de la capsule « la séduction du cyborg », les costumes futuristes, hybrides et fantastiques des artistes allemands Lavinia Schulz et Walter Holdt, ayant révolutionné la danse dans les années 1920, prennent toute leur dimension. Notons encore les installations textiles et poétiques de la Canadienne Kapwani Kiwanga aux couleurs du désert au coucher du soleil, comme les sculptures biomorphiques, surnaturelles, composées de déchets plastiques rejetés par l’océan de la jeune Française Marguerite Humeau. Enfin, dans la dernière salle, la jeune pousse anglaise Precious Okoyomon traite de la « révolution écologique », à travers un parcours immersif dans un champs de plantes sauvages, où des sculptures en matériaux vivants vont évoluer avec le temps.
Au-delà du voile levé sur de nombre d’artistes féminines silencieuses, le parcours composé d’allers-retours entre l’histoire et l’actualité est fluide et très cohérent. Et reflète combien l’art n’est qu’un éternel recommencement. Une biennale de la réconciliation avec le public et la presse, aux critiques unanimes.
Au-delà du voile levé sur de nombre d’artistes féminines silencieuses, le parcours composé d’allers-retours entre l’histoire et l’actualité est fluide et très cohérent. Et reflète combien l’art n’est qu’un éternel recommencement. Une biennale de la réconciliation avec le public et la presse, aux critiques unanimes.
Il latte dei Sogni, the Milk of Dreams, jusqu’au 27 novembre 2022.
www.labiennale.org
Le 17 mai prochain, à l’initiative de Guillaume Foissac responsable d’EDF Pulse Design, la Biennale internationale du design accueillera le premier séminaire « Inspire » pour questionner l’évolution du rôle du design dans la recherche et développement. Une journée configurée autour de 4 tables rondes, qui réuniront des responsables design de laboratoires de grands groupes (EDF, AREP, Essilor, Saint-Gobain, Malakoff Humanis, Decatlhon, le CEA…), des agences de design et des représentants d’universités ( l’ENSCI, l’Université de Paris, l’UQAM), …. Le séminaire est accessible en présentiel et en streaming.
Une première : Universitaires et chercheurs- designers d’une douzaine de groupes seront présents pour le séminaire « Inspire » le 17 mai à la Cité du design de Saint-Etienne. L’objectif ? Débattre autour de cette question « la recherche design est-elle un accélérateur de mutations et de progressions pour les entreprises ? » Chercheurs-designers en entreprise et acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche seront réunis pour partager expériences et points de vue, et considérer l’élargissement actuel du champ du design, au-delà de la conception traditionnelle de conception de produits et de services en lien avec l’innovation, vers un positionnement à la pointe de l’exploration de l’avenir, dans le développement de la recherche-action. Comme le souligne Guillaume Foissac dans la présentation du séminaire « Bien au-delà de tout enjeu strict de production ou d’usage, la recherche design a la capacité d’orienter l’exploration du champ des possibles. A travers la mise en lumière des enjeux environnementaux, sociétaux, culturels et émotionnels qui composent un milieu – quel que soit son échelle – ses résultats doivent conduire à favoriser une opérationnalisation souhaitable du futur. »
La journée sera articulée en 4 séquences
– Comment la recherche design en entreprise permet d’ouvrir de l’intérieur des orientations stratégiques à plus long terme pour l’entreprise ?
– Comment passer d’une dimension d’exploration à une dimension d’exploitation des résultats de la recherche design en entreprise ?
– Méthodes et protocole de recherche dans le contexte et la temporalité de la vie de l’entreprise, quels sont les enjeux des dispositifs Cifre ?
– Quelle est la valeur des ressources produites par la recherche design en entreprise pour les chercheurs académiques ?
Chaque séquence fera l’objet d’une table ronde, dont un expert attitré fera la synthèse.
Parmi les intervenants, on notera la présence de :
– Helene Allain Directrice des programmes, Liberté Living lab
– Marie Virginie Berbet, Product & Service Design Manager Essilor
– Charles Cambianica, Decatlhon Advanced design project leader
– Marc Chassaubéné Adjoint au maire de Saint-Étienne, Vice-président de Saint-Étienne Métropole et Président de la Cité du design
– Katie Cotellon, Head of Design and User Experience Saint-Gobain
– Guillaume Foissac, Responsable du Département Design EDF
– M. Antonietta Grasso Principal Scientist, User Experience and Ethnography, Naver Labs Europe
– Guillian Graves, Founder, designer & CEO. Agence Big Bang Project
– Samuel Lacroix Designer, EDF
– Thierry Mandon Directeur Général de Cité du design
– Raphaël Ménard, Président du Directoire – Arep
– Caroline Nowacki, Design Manager & Research Lead ReGeneration at frog, part of Capgemini
– Ioana Ocnarescu, Directrice de la recherche Strate l’école de design
– Sophie Pène, Professeure Université de Paris (CRI)
– Olivier Peyricot Directeur de la Plateforme de recherche Cité du design – Esadse
– Julie Sahakian, Strategic Design Lead, Researcher & Lecturer (Ph.D.) Malakoff Humanis
– Bruno Truong, Head of Design at Y.SPOT Labs CEA
– Stéphane Vial, Professeur à l’École de design de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Titulaire de la Chaire Diament
Les animateurs des tables rondes :
– Rudy Cambier , co-dirigeant Liberté Livinglab
– Annie Gentes,Directrice de la Recherche CY L’école de design–
– Samuel Huron, Associate Professor of Design and Information Communication Technology · Institut Mines – Télécom
– Frédérique Pain, Directrice de l’ENSCI
Les experts concluants les tables rondes :
–Valérie Dijkstra, directrice Performance et développement EDF
– Stéphane Vial, Professeur à l’École de design de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Titulaire de la Chaire Diament
– Nawelle Zaidi et Dorian Reunkrilerk pour Design en Recherche
Les grands témoins qui formuleront une synthèse de la journée :
– Sophie Pène, Professeure Université de Paris (CRI)
– Emmanuel Mahé : Directeur de la Recherche ENSAD
– Dominique Sciamma : Directeur de l’APCI
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En octobre 2021, dans le très bel hôtel particulier Vernon, créé entre le XVIème et le XVIIIème siècles, le studio Constance Guisset a été chargé des aménagements des espaces d’accueil – vestiaires et tisanière-boutique – du fonds de dotation de l’artiste coréen Lee Ufan.
Connaissant très bien la philosophie de ce grand plasticien, héritier du mouvement Mono-ha, la designer française Constance Guisset a choisi des matériaux et des teintes illustrant la vocation du lieu : des espaces de paix et de repos, propices au recueillement. « Parce que son son œuvre est très minérale, il fallait trouver un équilibre subtil dans le choix des matières et des tons neutres, afin d’adoucir la pierre et la rendre apaisante », explique-t-elle. Le chêne réchauffe en habillant les parois et les meubles aux lignes pures géométriques et essentielles, l’inox et le textile des panneaux acoustiques dialoguent avec la minéralité du sol. Des espaces à l’agencement clair et délicat soulignant l’architecture originelle des pièces, dont la sobriété incite à la quiétude. Un geste discret et respectueux, en harmonie avec l’esprit de cet écrin historique revisité, qui vient d’ouvrir ses portes au sein de la ville.
Ouverture depuis le 15 avril 2022 de Lee Ufan Arles, Hôtel Vernon 5, rue de Vernon 13200 Arles.