Prix pour l'Intelligence de la main : les lauréats 2022
© Ambroise Tézenas pour la Fondation Bettencourt Schueller

Prix pour l'Intelligence de la main : les lauréats 2022

Chaque année, l’annonce des lauréats du prix pour l’Intelligence de la main est un temps fort de l’automne. Ce jeudi 6 octobre, dans une salle Wagram comble, au cours d’une cérémonie célébrant avant tout la patience et la passion des artisans et designers, et en présence de Rima Abdul-Malak, Ministre de la Culture, la Fondation Bettencourt-Schueller dévoilait la « promotion 2022 » des prix Talents d’Exception, Dialogues et Parcours.


Depuis son lancement en 1999 par la Fondation Bettencourt Schueller, le prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main récompense les créateurs qui développent un savoir-faire et innovent dans le domaine des métiers d’art. Aujourd’hui devenu à la fois une référence et un label d’excellence, le prix accompagne financièrement et stratégiquement les créateurs primés à approfondir un projet.

Pour cette édition 2022, ont été récompensés : Grégoire Scalabre, le duo Anaïs Jarnoux & Samuel Tomatis et l’union d’associations L’Outil en Main. Des lauréats mis à l’honneur par la présidente de la Fondation, Françoise Bettencourt Meyers, et par le jury à nouveau présidé par Jean de Loisy, commissaire d’exposition et critique d’art. Cette soirée a été lancée sous de bons auspices, avec une prise de paroles engagée en faveur des métiers d’art et du design Mme Rima Abdul-Malak. La Ministre de la Culture a en effet rappelé que son cabinet est le premier à comprendre un conseiller spécialement en charge de ces secteurs, et l’importance du rôle à jouer de ce vivier économique, patrimonial et culturel dans le cadre de France 2030. Par ailleurs, elle a profité de la soirée pour confirmer en direct aux artisans un nouveau report cette année du crédit d’impôts.

Grégoire Scalabre, lauréat dans la catégorie Talents d’exception

Le prix Talents d’exception a pour but de récompenser un artisan d’art pour la réalisation d’une œuvre résultant d’une parfaite maîtrise des techniques et savoir-faire d’un métier d’art. Cette année, c’est le céramiste Grégoire Scalabre qui est récompensé pour son œuvre « l’Ultime métamorphose de Thétis ». Créée en hommage à la nymphe marine de la mythologie, cette pièce célèbre l’objet le plus humble et le plus essentiel de l’humanité. En effet, le vase accompagne l’homme depuis la nuit des temps, et Grégoire Scalabre le sublime en le multipliant, en jouant sur les échelles, les formes. L’œuvre comprend 70 000 amphores miniatures, faites de porcelaine translucide émaillée.

Grégoire Scalabre, céramiste, lauréat Talents d'exception du Prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main 2022 © Ambroise Tézenas pour la Fondation Bettencourt Schueller
Œuvre « L’Ultime Métamorphose de Thétis » du céramiste Grégoire Scalabre, lauréat Talents d'exception du Prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main 2022, en cours de montage dans son atelier © Anthony Girardi

Accompagné par la Fondation Bettencourt Schueller dans ce projet, le céramiste  pourra ainsi réaliser une nouvelle sculpture monumentale et équiper son atelier. La transmission étant une valeur essentielle de son parcours – totalement autodidacte comme il l’a rappelé sur scène – il prévoit également de développer ses actions actuelles, notamment par la création d’un programme de Master Class permettant à des apprentis de rencontrer des artisans d’art ayant une approche singulière de la céramique.

Pour ce prix, Grégoire Scalabre se voit récompensé d’une dotation de 50 000 € et bénéficie d’un accompagnement allant jusqu’à 100 000 € pour réaliser un projet de développement.

Anaïs Jarnoux & Samuel Tomatis, lauréats de la catégorie Dialogues

Depuis sa création en 2010, le prix Dialogues salue la collaboration d’un artisan d’art et d’un designer, à travers la présentation d’un prototype ou d’une création qui témoigne d’un savoir-faire artisanal d’excellence, l’artisan étant challengé dans sa pratique par l’approche du designer. Le duo composé de la tapissière d’ameublement Anaïs Jarnoux, et du designer Samuel Tomatis a été récompensé pour le prototype du sac MS.86.Ulva, conçu à partir d’un matériau composé à 100 % d’algues, en lieu et place des traditionnelles peaux animales. Un matériau que Samuel Tomatis a développé, testé, puis éprouvé au terme de six années de recherche en collaboration avec des artisans et des scientifiques. Ce dernier est totalement biodégradable et peut très bien remplacer le cuir ou encore le plastique, autant dans le champ industriel qu’artisanal. Une réalisation qui s’inscrit dans une démarche écologique et vertueuse. Et sur ce projet, le processus de création du sac a mobilisé l’expertise et le savoir-faire de maroquinerie et sellerie d’Anaïs Jarnoux, rencontrée aux Ateliers de Paris. Avec le soutien de la Fondation, le duo compte créer de nouvelles pièces, perfectionner ce biomatériau et développer son processus de production en vue d’une application à plus grande échelle.

Anaïs Jarnoux et Samuel Tomatis, lauréats Dialogues du Prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main 2022, travaillant à la création de leur pièce MS.86.Ulva (2021) dans leur atelier © Ambroise Tézenas pour la Fondation Bettencourt Schueller

Pour ce prix, ils obtiennent une dotation de 50 000 € à se partager, en plus de l’accompagnement pouvant aller jusqu’à 150 000 € pour le déploiement d’un prototype ou de l’objet afin d’en approfondir l’expérimentation, la recherche et l’innovation.

L’Outil en Main, lauréat de la catégorie Parcours

Lancé en 2014, le prix Parcours salue une personne morale pour son engagement et sa contribution exemplaire au secteur des métiers d’art français. C’est le seul prix qui ne demande pas de candidatures, les lauréats sont détectés par les experts entourant la Fondation. Cette année, c’est l’union d’association L’Outil en Main ® qui se voit récompensée. Créée en 1994, elle s’est donnée pour ambition de faire appel à des artisans et des artisans d’art à la retraite pour initier les jeunes aux métiers manuels. L’Outil en Main regroupe aujourd’hui 235 associations, réparties dans 68 départements, en métropole, également en Guadeloupe et Guyane. Chaque semaine, 3 500 jeunes de 9 ans et plus sont accueillis par les 5 500 bénévoles. Une occasion pour s’initier durant l’année à trois ou quatre disciplines différentes, de développer sa dextérité en découvrant les gestes et les outils et de réaliser son « chef-d’œuvre »…  Une initiative révélatrice de talents, puis que l’expérience suscite de multiples vocations. En effet, 40 % des jeunes passés par L’Outil en Main ® choisissent ensuite un métier autour de l’artisanat.

Groupe des formateurs et jeunes initiés aux métiers manuels dans un atelier de l’association L'Outil en Main, lauréat Parcours du Prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main 2022 © Ambroise Tézenas pour la Fondation Bettencourt Schueller

Accompagnée par la Fondation, L’Outil à la Main ® pourra développer davantage son réseau d’associations, soutenir le recrutement de bénévoles (notamment dans les métiers d’art), et mettre en place des modèles innovants d’ateliers destinés, par exemple, aux jeunes en situation de handicap. Avec ce prix, l’Outil en main bénéficie d’un don de 50 000 € ainsi qu’accompagnement jusqu’à 100 000 € pour réaliser un projet destiné à faire rayonner l’univers des métiers d’art.


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20/2/2025
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Une immersion dans le travail des petites mains

Conçue comme une succession d'univers imaginés par l'Agence Galuchat et produite par IMG, l'exposition initie une résonance entre le cadre et les tenues. Sur fond de grands airs épiques issus de l'opéra ou de films, la scénographie plonge le visiteur dans 10 thématiques pensées comme des micro-architectures au sein desquelles les créations ont été rassemblées de manière thématique. Reprenant tantôt les codes visuels des habits, tantôt le cadre des défilés ou celui à l'origine du dessin, le décor offre une déambulation faite de ruptures successives. Une manière d'insister sur la diversité de la marque, mais également la richesse culturelle de l'Italie. Mettant en avant des savoir-faire comme la mosaïque, la miroiterie ou encore le stuc, « Du cœur à la main » rend hommage à toutes les petites mains, et pas seulement celles de la mode. Une déambulation extravagante et festive mais surtout divinement italienne, à ne pas rater en dépit de son coût... également extravagant.

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18/2/2025
La Redoute s’associe à huit designers pour le projet « Les Uniques »

Dans le cadre du projet « Les Uniques », La Redoute Intérieurs a fait appel à huit designers pour personnaliser une pièce choisie parmi les collections La Redoute, avec une seule règle : qu'il n'y en ai aucune. Une initiative qui donnera lieu à une vente aux enchères le 11 mars prochain, au sein de l’Hôtel Drouot.

Kevin Germanier, Jeanne Friot, Mathieu Tran Nguyen, Elisa Uberti, Benjamin Benmoyal, Charles de Vilmorin, Pascaline Rey et Alexandre Blanc : voici les huit créateurs sélectionnés pour participer à ce projet d’envergure lancé par La Redoute Intérieurs. Intitulé « Les Uniques », ce projet de collection capsule a un objectif simple : donner une seconde vie à des pièces de mobilier issues de la boutique Les Aubaines, située à Roubaix. L’occasion pour ces créateurs, issus de divers horizons du design, d’exposer leur singularité et leur personnalité à travers une pièce unique.

Les Uniques x Pascaline Rey © La Redoute
Les Uniques x Alexandre Blanc © La Redoute

Manifeste créatif

Au-delà du projet créatif et caritatif, ce projet soulève une question plus large sur notre rapport aux objets et à leur temporalité. En effet, certaines pièces, une fois transformées, sont méconnaissables et laissent penser qu’il est possible de réinventer le mobilier à l’infini à partir d’objets existants. Un travail de pièce unique qui porte également un message et un engagement sur l’avenir du design. Mais jusqu’où peut-on déconstruire et réécrire un design sans en effacer l’âme ? C’est justement la question que se sont posée les huit invités du projet.

Les Uniques x Kevin Germanier © La Redoute

Huit créations singulières

Connu pour son travail sur le tissage de bandes magnétiques VHS, Benjamin Benmoyal s’est emparé du fauteuil en rotin Malu pour l’habiller d’un tweed étoilé, faisant de l’assise une extension de ses explorations textiles. Alexandre Blanc, quant à lui, dont la pratique oscille entre peinture et couture, transforme la table en chêne Adelita en un tableau en trompe-l’œil, jouant sur les ombres et les transparences pour en exalter les lignes architecturales. Avec Charles de Vilmorin, la méridienne Tapim devient un écrin textile, revêtue d’un jacquard sur-mesure tissé dans la plus pure tradition lyonnaise.

Les Uniques x Benjamin Bnemoyal © La Redoute

Jeanne Friot, de son côté, impose son langage mode en sanglant un duo de chaises Sarva avec ses ceintures signature. Pour Kevin Germanier, qui s’est attaqué au luminaire Moricio, l’objet devient sculpture, saturé de perles brodées et oscillant entre artefact décoratif et œuvre précieuse, dégageant un éclat baroque. Pascaline Rey, quant à elle, opte pour une approche contemplative en intégrant au bureau Tristan une céramique évoquant une banquise suspendue, entre rêverie et fragilité du monde.

Les Uniques x Charles de Villemorin © La Redoute

Chez Mathieu Tran Nguyen, la desserte Hiba initialement métallique, disparaît presque sous les ajouts sculpturaux de bois laqué, rappelant les jeux de panneaux et de paravents. Enfin, Elisa Uberti, fidèle à son approche du design sculptural, insère une lampe en céramique directement dans la structure de la desserte Crueso, abolissant la frontière entre mobilier et œuvre d’art.

Les Uniques x Elisa Uberti © La Redoute
Les Uniques x Jeanne Friot © La Redoute

Une vente aux enchères caritative

Pour ce projet collectif multidisciplinaire, La Redoute Intérieurs exposera dans un premier temps les huit pièces du 7 au 11 mars prochain au sein d’une salle de l’Hôtel des Ventes Drouot. Puis, le mardi 11 mars à partir de 19h, une vente aux enchères exclusive aura lieue et sera retransmise en direct sur le site internet de ce dernier. Tous les bénéfices de la vente seront ensuite reversés à l’association Solfa (Solidarité Femmes Accueil), qui vient en aide aux femmes et aux enfants victimes de violences. Cette association, soutenue par La Redoute depuis de nombreuses années, renforce l’aspect solidaire de ce projet unique.

Les Uniques x Mathieu Tran Nguyen © La Redoute
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17/2/2025
Une collection en carbone dessinée par Emmanuel Gallina

Le designer français Emmanuel Gallina signe la première collection de la jeune marque de mobilier en fibre de carbone, Belull.

C'est une aventure qui débute la tête dans les nuages. « Tout a commencé lors d'un vol Bordeaux-Milan, où j'ai rencontré par hasard Stéphane Lull, le PDG d'Epsilon composite, une entreprise du Médoc spécialisée dans les tubes en fibre de carbone. » Une conversation, un échange de contact et bien des années plus tard, une proposition. « Bénédicte Lull m'a recontacté avec le projet de créer une marque de mobilier à partir de tubes en carbone ne répondant pas aux critères requis par l'industrie. Cette idée de concevoir du mobilier en s'appuyant sur le savoir-faire de l'entreprise et en valorisant des morceaux inutilisés m'a plu et j'ai dit oui ! » Entamée en 2021, cette collaboration est à l’origine de 27 pièces diversifiées, de l’étagère au miroir en passant par le banc. Un corpus à l’apparence « technique mais néanmoins chaleureux ».

La table Gustave nommée en hommage à ingénieur Gustave Eiffel, est le fruit d'une réflexion sur la manière dont rigidifier la structure en carbone, un matériau relativement flexible ©Cécile Perrinet Lhermitte

Une initiation

Véritable découverte pour le designer, le matériau est rapidement soumis à toutes sortes d'expérimentations. « Contrairement au tube en aluminium ou en acier auxquels elle peut s'apparenter, la fibre de carbone, à la fois légère et très résistante, est beaucoup moins rigide que le métal. Il a donc fallu bien maîtriser l’élasticité des tubes et des plats, puis chercher comment rigidifier les structures, avant de continuer. » Une étape de développement étalée sur plusieurs mois en amont desquels plusieurs typologies d'objets avaient été identifiées. « À ce moment-là, nous avions aussi la contrainte de réaliser des choses simples, car Bellul n'avait pas encore d'espaces de fabrication. Il a donc fallu s'organiser avec des ateliers extérieurs » raconte Emmanuel Gallina.

La table bijoux en quartz bleu joue sur le contraste de ses diamètres et la dualité des surfaces renforcées par les couleurs ©Cécile Perrinet Lhermitte

La fibre de carbone, mais pas seulement

« L'une des particularités du tube de carbone, c'est le tressage de la fibre, assez lisible en surface. » Un rendu « froid et technique » que le designer a associé à d'autres matériaux nobles comme le bois (chêne naturel et noyer) ou le marbre de Carrare. « Nous aurions pu le laisser brut, mais j'ai souhaité éviter l'approche monomatière car cela ne correspondait pas au marché de l'habitat. Il fallait donc amener de la chaleur avec un contraste qui ne soit ni froid ni agressif, mais qui puisse s'intégrer naturellement et de manière fluide avec le carbone. » Une manière de créer par ailleurs une dualité entre la zone structurelle, c'est-à-dire le piètement, et la partie décorative qu'est le plateau. Une jolie collaboration qui rime avec valorisation.

La console Kumo - qui signifie nuage en japonais - est un homme au pays du soleil levant avec lequel Epsilon Composite collabore sur de nombreux projets ©Cécile Perrinet Lhermitte
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13/2/2025
Au MAD, l'intimité s'expose

Le Musée des Arts Décoratifs propose jusqu'au 30 mars de pousser la porte de la chambre, espace d'intimité par excellence, dont l'évolution des usages traduit près de 400 ans d'histoire de la société. Une exposition tout autant indiscrète qu'intéressante.

Regarder par la serrure. Voici l'indiscrétion à laquelle la Musée des Arts Décoratifs de Paris invite ses visiteurs jusqu'à la fin du mois de mars. Dans une sorte de rétrospective dédiée à l'un des espaces les plus impénétrables de nos intérieurs, le MAD propose de porter un regard chronologique du XVIIIe siècle à nos jours. Condition sine qua non à l'indépendance et à l'émancipation pour Virginia Wolf, la chambre, à soi ou partagée, est le témoin privilégié de l'évolution sociétale de nos us et coutumes. Tout à la fois théâtre de la vie intime et décor de mises en scène à vocations sociales, elle illustre depuis toujours la porosité entre sphère publique et privée. Une fluctuation de la frontière évoquée au travers de douze thématiques.

In-situ de l'exposition "L'intime, de la chambre aux réseaux sociaux", MAD Paris © Luc Boegly

L'objet engendré par l'époque

Tantôt espace de restriction des libertés dont la femme fut la première touchée, tantôt espace d'expression avec l'arrivée progressive de la technologie, la chambre est avant tout un microcosme dont l'évolution progressive demeure très liée à la société, entraînant la création de nouveaux objets. Matérialisations de courants de pensée, tous témoignent d'une époque. L'hygiénisme du XIXe siècle voit ainsi se développer une multitude de pièces. Les baignoires intègrent la chambre à mesure que de nouveaux ustensiles de coquetterie débarquent, devenant des supports aux designs les plus en vogue. En témoignent les bourdaloues - pot de chambre féminin – dont l'usage se démocratise, et les exemplaires se déclinent plus ou moins richement. Le XXe siècle est également celui des mutations sociales rapides. La révolution sexuelle offre une nouvelle perception du désir et du plaisir intimement liés à la chambre. Un sujet que des artistes comme David Hockney ou Zanele Muholi immortalisent sur différents médiums, et sur lequel nombre de designers travailleront plus tard, notamment avec la démocratisation des sex-toys.

In-situ de l'exposition "L'intime, de la chambre aux réseaux sociaux", MAD Paris © Luc Boegly

Mais les bouleversements modernes sont également sources d'inspiration pour de jeunes esprits novateurs, futures références du design. Parmi eux, Verner Panton dont la Living tower incarne la volonté d'un repli protecteur, très vite remplacé par le besoin de communier dans les 70's. Une époque où entrent alors en scène des studios stars comme Archizoom, Memphis ou bien plus récemment, les frères Bouroullec.

In-situ de l'exposition "L'intime, de la chambre aux réseaux sociaux", MAD Paris © Luc Boegly

La technologie au pied du lit

Le poste radio, le walkman, le minitel rose, les téléphones portables ou encore la téléréalité. Depuis près d'un demi-siècle, l'intimité de la chambre à coucher se trouve bousculée par l'arrivée de supports médiatiques extérieurs. Plus petits, moins bruyants (parfois), plus complets, tous ont su convaincre leur public. Un fait auquel l'exposition dédie la fin de son parcours. Affichés en grand, les réseaux sociaux et leurs personnalités lifestyle les plus influentes comme Léna Mahfouf ou Sophie Fontanel, font désormais partie intégrante de notre intimité partagée. Un constat sur lequel s'ouvre un espace dédié à la surveillance. Un lieu d'interrogation utile après ce balayage historique rapide depuis les toiles d'Antoine Watteau et Edouard Vuillard situées à quelques mètres de là, si proches et si lointaines. Donnant la possibilité au visiteur de coucher sur le papier ses pensées, la dernière salle de l'exposition propose de renouer avec l'intimité ultime, celle que l'on entretient avec sa propre personne.

In-situ de l'exposition "L'intime, de la chambre aux réseaux sociaux", MAD Paris © Luc Boegly
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