Les contrastes, caractéristiques communes d’ATRA
Spécialisée dans des pièces de mobilier à l’allure futuriste à mi-chemin entre la technologie contemporaine et l'artisanat d'hier, la marque mexicaine ATRA s’exposait en octobre à Paris. Retour avec son directeur créatif, Alexander Diaz Andersson, sur l'identité créative du studio et sa transposition dans les pièces haut de gamme, souvent uniques.
Atra, c'est la finesse de la pierre qui en fait oublier son poids, c'est l'allure qui en fait oublier la matière, quand ce n'est pas cette dernière qui semble primer sur l'usage. Nous pourrions dire qu'Atra est une marque dictée par la radicalité sculpturale des formes et l'éloignement de tout classicisme, mais son directeur créatif, Alexander Diaz Andersson, préfère lui parler « de créations motivées par un sentiment d'émerveillement. ». Une vision défendue par « CARE INSTRUCTIONS », la première exposition parisienne de la marque qui s'est tenue mi-octobre.
Fondée en 2014 comme une entreprise dédiée au mobilier sur mesure de luxe, ATRA s'est progressivement transformée en studio pluridisciplinaire, devenu au fil des ans une « petite école de pensée et d'expérimentation des processus de conception. » En découlent des pièces - dont une douzaine étaient exposées - aussi diverses dans leurs usages, que dans leurs formes et leurs matériaux. Ainsi gravitaient autour d'un sofa Beluga disproportionnelement grand en alpaga noir bouclé et laiton vieilli, la table basse Pebble en onyx blanc et la table d'appoint Neptuno en marbre vert veiné. Autour, un corpus de luminaires disparates en argent ou en laiton apportaient çà et là, une lumière diffuse. Chez ATRA le décoratif prime sur le fonctionnel et ouvre les portes de « la nouvelle esthétique du futurisme » née d'une « vision utopique de l'avenir où le design, l'architecture, l'humanité et la nature coexistent en harmonie et se nourrissent mutuellement. »
Un design hérité de mondes opposés
« Mes origines suédoises et mexicaines se reflètent dans nos créations » où se mélangent des lignes modernes épurées et la minéralité de matériaux à forte présence visuelle. Éclectique, « CARE INSTRUCTIONS » est le fruit d'inspirations tout autant complémentaires que contradictoires. Outre sa double culture, Alexander Diaz Andersson évoque une « fascination pour le point de tension entre le terrestre et le céleste, le monolithique comme le lourd et le léger, le brutal et le raffiné. » Des oxymores réunis dans des créations luxueuses souvent hors du commun. « C'est le contraste de ces concepts qui définit véritablement le style ATRA. » Mais derrière ces notions, c'est surtout d'idées dont il est question. Créateur de pièces à la fois naturelles dans leurs matériaux mais très artificielles dans leurs styles, c’est donc avec une logique assez paradoxale que le designer dit avoir pour principale source d'inspiration l’écosystème. « Qu'il s'agisse du design cosmique ou de la perfection de la nature, mes idées me viennent de ce qui m'entoure et de ce que je vois en me promenant. »
La conception trait d'union entre passé et futur
Imaginées comme des ponts entre le passé et le présent, les pièces éditées par ATRA font « coexister harmonieusement l'innovation et la tradition. » Une philosophie temporelle et conceptuelle évoquée depuis quelque temps par l'idée de « Future Relics ». Une appellation qui fait le lien entre les époques et amène par l'objet de nouvelles pistes de réflexion. « CARE INSTRUCTIONS » s'offre ainsi au visiteur comme la continuité d'ATRA2100, une première série de pièces présentée lors de Design Miami 2021. Une collection qui avait alors pour but « d'interroger les valeurs futures de l'objet et les aspirations de notre mode de vie à la fin du siècle. » Une philosophie inscrite parallèlement à la démarche du studio entre questionnement temporel et design. « Nous concevons des objets en pensant à l'avenir, c'est-à-dire à la manière dont l'objet vieillira, se patinera. Pour certains, cette empreinte du temps sur leurs objets est quelque chose qu'il faut chérir, tandis que pour d'autres, elle représente exactement le contraire - une aversion à laisser l'entropie entrer dans leur vie. » Deux approches radicalement opposées, que le designer à souhaité soulever discrètement à Paris en disposant en face-à-face deux canapés Beluga blancs dont l'un était entouré d'une Peau en polymère et scellé. L'occasion de recréer « une réflexion sur le passage des ans en juxtaposant un objet sur lequel le temps fait son œuvre et un second ou la notion de temps est suspendu par la préservation et l'inutilisation de l'objet. » Une création concept à la limite du design, de l'Art et de la métaphysique, qui intégrait une autre grille de lecture à cet ensemble luxueux signé ATRA.