Les sens et le corps à la Fondation Martell
Jusqu’ au 6 novembre, la Fondation Martell accueille une nouvelle exposition intitulée « La fin est dans le commencement et cependant on continue ». Un titre extrait d’une pièce de Samuel Beckett, qui trouve un écho étrange dans ce monde de « l’après confinement ». Une exposition pensée par la commissaire, Nathalie Viot autour des cinq sens, augmentés de deux nouveaux, la vulnérabilité et le mouvement, dans une approche synesthésique. Explications.
À Cognac, au cœur de la fondation Martell, l’exposition « La fin est dans le commencement et cependant on continue » prend forme dans le dédale de cuves ouvertes. À la demande de Nathalie Viot, ex-directrice de la fondation aujourd’hui dirigée par Anne-Claire Duprat, elles ont été réalisées par le groupe Chalvignac pour l’exposition précédente, et depuis conservées. Un jeu de dédales et de connexions, comme autant d’écrins offerts aux artistes et artisans pour s’exprimer.
Comme une mise en conditions, c’est une installation sonore du Berlinois Reto Pulfer qui accueille le spectateur des l’entrée. Allongé sur des coussins, le casque sur les oreilles, le spectateur est invité à se plonger dans des conversations fortuites – et récits « mnémoniques » pour « se mettre à l’écoute » de Gina, héroïne du roman post-apocalyotrique écrit par l’artiste en plein confinement. Prêtée par le FRAC Limousin Nouvelle Aquitaine, c’est aussi la seule œuvre de l’exposition qui n’a pas été conçue in situ.
Alchimie mécanique
Mis en condition, le visiteur contemple dans l’écrin suivant une étrange alchimie autour du mouvement. Une installation qui réunit la designeuse textile Jeanne Vicérial, qui poursuit son travail de « clinique vestimentaire » et la danseuse et fasciathérapeuthe Julia Cima. Ses sculptures textiles prennent littéralement corps et vie lors de temps de rituels dansés. Un étrange échange, entre un robot qui tisse à mouvement lent une robe à partir d’un fil, et une présence habitée de l’artiste. Une alchimie incroyable, entre la mécanique adoucie, qui bruisse comme une respiration, reliée par le prisme du tissage proche du corps. Le dispositif a été conçu avec l’aide de la société Ingeliance pour la programmation robotique. Cet espace est habité comme un sanctuaire; la machine vient relayer le corps, la sculpture dicte le mouvement… et interpelle ce que d’aucun appelle le 6e sens : la proprioception. Ce sens , »permet d’avoir une conscience plus ou moins précise de la position de son corps dans l’espace ». (cf Science et avenir, 27/9/2016).
Pédagogie active
Plus que la démonstration, c’est le ressenti qu’a privilégié l’artiste Odile Soudant pour évoquer la vue : le visiteur est invité à expérimenter physiquement dans un dispositif lumineux la création de phosphènes, ces images lumineuses que crée notre cerveau à la suite d’un éblouissement.
Le goût et l’odorat sont interrogés par Julie C. Fortier, dans un premier dispositif, de mise en résonance de ces deux sens, dans lequel un aliment est accompagné d’un parfum, à l’instar d’un condiment. Dans un second espace, un tapis en laine tufté laisse à celui qui s’y roule des impressions olfactives, comme un minipaysage improvisé. Les différents éléments – récipients en porcelaine, tapis; ont été faits sur place.
La nature est présente dans le parcours, par sa force de résilience. Partant du constat que l’on va développer une intuition par la prise de conscience de notre vulnérabilité– qui pourrait être le 7e sens de l’exposition ?–, Nathalie Viot a invité le botaniste Marc Jeanson à concevoir avec le duo de designers Alexandre Willaume et Marie Corail des installations valorisant la force d’adaptation des plantes. Plus loin, Rachel Marks invite au toucher, en dévoilant des sculptures de troncs d’arbre majestueuses, modelées à partir d’assemblage de véritables lianes de papier, dans une mise en scène incandescente, qui traverse littéralement les cadres porteurs de l’espace.
Amateurs éclairés et grand public, la force de ce parcours est de s’adresser à tous, dans une déambulation poétique qui donne aussi bien aux plus curieux l’envie de creuser le sujet après la visite.
Jusqu’au 6 novembre, Fondation d’entreprise Martell 16 avenue Paul Firino Martell 16100 Cognac,
Du jeudi au samedi de 14h à 20h – Le dimanche de 11h à 17h
Visites racontées le mercredi à 11h et 16h30