Les immersions lumineuses d'Olivier Ratsi
Présentée à la Gaîté Lyrique, la nouvelle exposition d’Olivier Ratsi met en avant des dispositifs sculpturaux où la lumière impulse le mouvement et invite le spectateur à s’approprier l’espace. Mais elle dévoile aussi des pièces où le design apparaît comme essentiel pour que le dialogue entre la lumière et l’objet se fasse « sans obstacle ».
La lumière a toujours été une source d’interrogation dans le travail de l’artiste Olivier Ratsi. Qu’il s’agisse de lumière projetée, celle des vidéoprojecteurs, héritée des techniques du mapping permettant de révéler des supports, de questionner des volumes, et qui dans son travail se conjugue souvent à des principes d’anamorphose, ouvrant au spectateur à partir d’un certain point de vue le redimensionnement des images projetées en une nouvelle image. Ou qu’il s’agisse de lumière diffuse, lui offrant les perspectives de créer des œuvres plus denses, en lien direct avec l’espace qui les entoure grâce à cette lumière irradiante venant structurer physiquement la relation entre l’objet et l’espace.
Pour l’exposition à la Gaîté Lyrique Heureux Soient Les Fêlés, Car Ils Laisseront Passer la Lumière – titre clin d’œil à Michel Audiard –, aux contours très scénographiques et déambulatoires, cette logique de rapport entre objet et espace, mais aussi entre corps (du spectateur) et espace, se veut sans doute plus forte que jamais. Outre les habituelles notions de cadrage, d’angles, de champ et de contre-champ, qui donnent littéralement vie aux pièces d’Olivier Ratsi, le principe de « cartographie sensorielle » que le public serait invité à ressentir en traversant, en écoutant ou en observant les œuvres et leurs mutations optiques constantes transperce ce mélange de pièces anciennes, revisitées pour l’occasion, et de nouvelles créations.
Architectures immersives
À l’image de Frame, sculpture de cadres de bois et de leds superposées, présentée pour la première fois à la verticale et dont l’effet miroir rappelle un peu les jeux de fuite visuelle de l’échelle de Yayoi Kusama, ou de la nouvelle pièce X, 24 tubes acrylique réfléchissant leur luminosité fuyante en s’étirant sur un long bassin d’eau noire, Olivier Ratsi entame ici un dialogue optimisé des œuvres avec l’espace architectural qui l’accueille. La nature immersive des pièces s’en trouve décuplée, tout comme la perception du spectateur. « Concernant le côté immersif, j’aime multiplier les points de vue dans mon travail », précise-t-il. « L’anamorphose s’observe en général à l’extérieur de l’œuvre, mais je cherche toujours à ce que le spectateur puisse la pénétrer afin de multiplier les possibilités de point de vue, un peu comme dans les Pénétrables de Jésus-Rafael Soto. Il faut aussi qu’il puisse vivre une expérience. »
Les expériences s’avèrent en effet ici très mouvantes pour le visiteur. Des jeux chromatiques de F(lux) ou Spectrum, inspirées des rayons solaires traversant les nuages, aux pertes de repères spatio-temporelles de Negative Space, engendrée par le ballet de lumières et de brouillard créé à partir de 21 totems quadrillant l’espace de la chambre noire, celui-ci se retrouve à la fois caressé du regard ou poussé dans les derniers retranchements de ses perceptions individuelles.
L’impératif esthétique du design
Il est intéressant de noter que le design constitue aussi un élément esthétique pérenne dans le travail d’Olivier Ratsi. Qu’il prenne la forme des rectangles rouges de son installation lumineuse III qui trônait il y a quelques mois encore à l’entrée du Centre culturel Canadien (pour l’événement Human Learning) ou qu’il s’exprime dans les formes tubulaires et lumineuses allongées de F(lux), on saisit bien l’importance de la forme dans ses pièces. « Pour moi le design n’est pas une fin en soi, mais un impératif sur le plan esthétique. Il contribue à rendre les choses plus fluides, afin que le dialogue se fasse ʺsans obstacleʺ, et que la lumière apparaisse comme si elle n’existait sans aucun autre support. »
À ce titre, la création Infinite I et son décor circulaire de miroirs conviant le spectateur à rompre le cercle s’avère la pièce la plus design de l’exposition. « Infinite I est l’une des seules pièces avec Shape qui n’utilise pas de technologie, mais qui nécessite obligatoirement l’informatique pour la conception tant chaque élément est désigné et placé au millimètre près », confesse-t-il. « En se positionnant au centre, le spectateur peut observer que les miroirs, qui semblent à première vue légèrement décalés dans leur rotation, se ʺreplacentʺ tous de manière parallèle. Ils deviennent tous les mêmes, alors qu’ils renvoient tous une partie différente de l’image de l’observateur. » Un concept de boucle infinie qui s’articule avec une véritable recherche dans la conception de l’objet.
À la Gaîté Lyrique, Olivier Ratsi entame ici un dialogue optimisé des œuvres avec l’espace architectural qui l’accueille. La nature immersive des pièces s’en trouve décuplée, tout comme la perception du spectateur.
« Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière » – Olivier Ratsi
Exposition-expérience
Jusqu’au 18/7/2021
La Gaîté Lyrique – 3bis rue Papin – 75003 Paris
https://gaite-lyrique.net/