"Hyper nature" : la nature sous toutes ses coutures

"Hyper nature" : la nature sous toutes ses coutures

En imbriquant dispositifs numériques aux humeurs dystopiques de l’anthropocène et pièces organiques où le design d’objets ouvre des pistes plus poétiques, l’exposition Hyper Nature du festival nantais Scopitone donne un aperçu intrigant du mélange d’hommage et de fantasme que la nature peut susciter chez l’artiste. À voir jusqu’au 19 septembre


Le parcours déambulatoire au sein des différents espaces de Stéréolux – le bâtiment vaisseau-mère de Scopitone – instille en effet un rapport plutôt complexe et intriqué avec une nature interprétée ici sous différentes coutures. Plusieurs pièces alternent ainsi hommage à la nature et questionnement des artistes sur notre relation à celle-ci, à l’ère de l’anthropocène où l’impact humain sur nos écosystèmes devient problématique.

Barthélémy ANTOINE-LŒFF, Tipping Point, 2020, glace, eau, verre © Barthélémy Antoine-Lœff – Photo : David Gallard
Cécile BEAU, Soleil vert, 2020, aquarium, minéraux, eau, algues, crevettes, néon, 30 x 40 x 40 cm © Cécile Beau, ADAGP Paris 2021

Sabrina RATTÉ, Floralia, 2021, animations 3D, photogrammétrie, images de synthèse, papier peint. Durée 4’00’’. Trame sonore d’Andrea-Jane Cornell © Sabrina Ratté – Courtesy Galerie Charlot, Paris

Le glacier artificiel miniature sous cloche de verre du Tipping Point de Barthélemy Antoine-Lœff renvoie donc au temps nécessaire pour qu’un glacier se crée… ou se régénère. Le Soleil Vert de Cécile Beau rejoue dans son aquarium l’hymne à la terre du triptyque minéral / végétal / animal en mettant en scène sphère d’algues, roches immergées et fossiles de crevettes. Les écrans et dispositifs numériques rallient la célébration technologique dont Scopitone est coutumier sous le même prisme, comme dans la collection d’archives virtuelles d’espèces végétales disparues du Floralia de Sabrina Ratté.

Elise MORIN, Spring Odyssey, Triptyque 3, 2019-2021, vidéo, photo, plantes et réalité augmentée © Elise Morin, ADAGP Paris 2021
HeHe, Laboratory Planet II, Sick Planet-Catastrophes Domestiques N°3, 2018, aquarium, globe sur moteur, eau, LED, liquide fluorescent. Production pour l’exposition ''Eco-Visionaries'' à la HeK, House of Electronic Arts Basel, 2018 © HeHe

Le questionnement se porte en particulier sur les signaux et les indicateurs que la nature peut transmettre à l’homme quant à un état des lieux plutôt inquiétant. Le projet très art / science Spring Odyssey d’Elise Morin – mené en partenariat avec des scientifiques de Paris-Saclay – s’appuie ainsi sur la création d’une plante réactive au stress radioactif, à la fois transposée dans des environnements virtuels de réalité augmentée et dans la réalité de la « Forêt Rouge » de Tchernobyl où elle a d’ailleurs muté. Plus allégorique, la sphère terrestre enfermée dans une boîte baignant dans le liquide fluorescent et trouble du Laboratory Planet II du collectif Hehe rappelle que la pollution est désormais un poison global.

Physique quantique et activité électromagnétique : la nature fantasmée

Pour autant, l’exposition sait aussi brouiller les pistes en mettant en perspective la manière un peu fantasmée dont les artistes s’inspirent de la nature, et notamment de ses phénomènes physiques invisibles ou inexplicables, dans leur travail. Une façon pour eux de créer les scénarios d’un futur spéculatif dans lequel le design d’objet s’octroie une véritable place.

Guillaume COUSIN, Soudain Toujours, 2021, machine, soufflerie, fumée, aérodynamique © Guillaume Cousin – Photo : David Gallard
Claire WILLIAMS, Zoryas, 2019, sculpture verre soufflé, gaz rares, électricité, son © Claire Williams – Production Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains – Photo : David Gallard

L’impressionnante machine de mécanique des fluides du Soudain Toujours de Guillaume Cousin crée ainsi par ses propulsions de fumée chaotiques un environnement systémique et organique renvoyant à la physique quantique et à ses inconnues. Les expériences atmosphériques du dispositif Zoryas de Claire Williams s’articulent autour d ‘une matière-énergie de plasma combinant gaz d’extraction interstellaire (argon, néon, Krypton, xénon, etc.) et activité électromagnétique solaire, introduite dans des sculptures en verre où elle révèle d’intrigantes chorégraphies de contraction électriques dignes des fameuses bobines Tesla. Des ondulations sonifiées – que Claire Williams décline encore avec son ondoscope, un appareil de captation des variations électromagnétiques naturelles, dans son autre installation, Les Aethers – que l’on peut même entendre tactilement à partir des vibrations émises depuis la table circulaire d’écoute entourant l’œuvre.

Justine EMARD, Supraorganism, 2020, sculptures verre soufflé, LEDs, tiges métalliques sur moteurs, machine learning © Justine Emard, ADAGP Paris 2021 – Photo : David Gallard
Laura COLMENARES GUERRA, Rios, 2020, sculpture (print 3D) basée sur la topographie du bassin amazonien © Laura Colmenares Guerra – Photo : David Gallard

Dans ce registre design d’objets et scénographie symbiotique, la vingtaine de sculptures robotisées du Supraorganism de Justine Emard fait sans doute figure de morceau de choix. Inspirée du comportement des essaims d’abeilles, la pièce associe récipients en verre soufflé et petits dispositifs mécaniques et lumineux intrusifs en jouant une partition collective impromptue. Une note d’espoir peut-être pour une narration futuriste moins dystopique que celle d’autres artistes de l’exposition. Laura Colmenares Guerra par exemple, chez qui l’expression plastique prend la forme de sculptures imprimées en 3D donnant une représentation volumétrique des menaces environnementales pesant sur l’Amazonie (déforestation, prospection minière).

Festival Scopitone, Nantes, jusqu’au 19  septembre.

Rédigé par 
Laurent Catala

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20/12/2024
Olga de Amaral : renouer avec la spiritualité

La fondation Cartier propose jusqu'au 16 mars 2025 une large rétrospective du travail d'Olga de Amaral, ambassadrice du Fiber art. Une mise en lumière sensible et particulièrement réussie où s’entremêlent les techniques et les inspirations, avec, au bout du fil, de véritables architectures.

Pour la première fois en Europe, une exposition d'ampleur propose de plonger dans l'univers de l'une des figures les plus emblématiques du Fiber Art : Olga de Amaral. À travers près de 80 ouvrages réunis aux quatre coins du monde, la Fondation Cartier rassemble six décennies de création. Véritable rétrospective du travail de l'artiste, l'exposition offre une déambulation libre et onirique dans son univers coloré et rigoureusement sensible. Servi par une conception spatiale subtile, aussi immersive que discrète signée par l'architecte Lina Ghotmeh, le parcours questionne l'évolution formelle et colorimétrique des réalisations aux inspirations géographiques et architecturales diverses. Autant d'horizons convoqués dans ces œuvres vibrantes aux émanations spirituelles.

La série des « Muros » joue subtilement sur les camaïeux rappelant des paysages d'automne ©Marc Domage



Une vision architecturale

Nouées, tressées, tissées, cousues, entremêlées... De la diversité des œuvres d'Olga de Amaral, se dégage une certitude. Le fil n'est pas l'aboutissement d'une technique mais le médium au cœur d'une démarche prospective. De ses premières créations dans les années 60 aux « Brumas » réalisées il y a une petite dizaine d'années en passant par les productions monumentales réalisées 30 ans plus tôt, l'artiste a construit son travail en résonance avec son parcours d'abord dans le dessin d'architecture à l'université de Bogota, puis plus artistique à l'université américaine de Cranbrook – l'équivalent américain du Bauhaus allemand – où elle découvre le tissage aux côtés de la designer textile finlandaise Marianne Strengell. Un parcours tourné vers la construction, dont elle gardera tout au long de ses 60 années d'activité, une vision très spatiale : ne pas concevoir comme des tableaux, mais comme de véritables architectures, vivantes sur leurs deux faces. Un parti-pris respecté sur l'ensemble de sa carrière à de rares exceptions près parmi lesquelles les créations monumentales de la série Muros réalisées entre la fin des années 70 et le milieu des années 90. Une période de création faste au cours de laquelle les œuvres témoignent également d'une évolution formelle. D'abord construites selon des jeux de trames très rectilignes avec par exemple « Elementos rojo en fuego », les créations se sont progressivement assouplies par la déformation des lignes jusqu'à devenir un nouveau langage stylistique à l'image de « Strata XV » en 2009. Une diversification visuelle menée parallèlement à un grand nombre d'expérimentation sur les volumes dans les années 70 et 80 - « Naturaleza Mora » - puis sur les jeux de lumières à la fin des années 80 et courant 90 - « Entorno quieto 2 » -. Un moment de transition progressif entre la fin du siècle et le début du suivant où seront créées « Las Brumas » (les brumes) en 2013 et 2020. Une ultime série en rupture absolue avec ses créations précédentes. Interrogeant le médium sous un angle nouveau, Olga de Amaral propose une collection emplie de légèreté où les fils ne sont plus entremêlés mais indépendants. Simplement enduits de gesso - sorte de plâtre – peint astucieusement de manière à dessiner, à la manière d'anamorphoses, des formes géométriques. Une approche innovante dont le nom et la conception sont d’évidents clins d’œil aux brumes omniprésentes de la cordillère des Andes natale de l'artiste.

Reflétées dans les vitres du bâtiment, les œuvres de la série « Brumas » semblent flotter dans la végétation extérieure ©Marc Domage



La couleur, une matière au cœur de l'œuvre

« Je vis de la couleur. Je sais que c'est un langage inconscient et je le comprends. La couleur est comme une amie, elle m'accompagne » raconte Olga de Amaral. En effet, si la technique confère indéniablement aux œuvres, leur essence, leurs couleurs, elles, en dégagent souvent le sens. Tantôt automnales, tantôt prégnantes, elles habillent les créations de l'artiste et les animent. Témoignant d'une inspiration tout autant culturelle que symbolique, elles fragmentent sa production dans le temps. Très inspirée par l'histoire précolombienne, Olga de Amaral offre par le prisme de la couleur un regard à la fois historique et spirituel. Ainsi, comment ne pas voir dans les couleurs organiques des fibres, autant de portraits de sa région, rehaussés çà et là de bleu et de rouge rappelant la faune sauvage à l'image de « Naturaleza mora ». Une approche très personnelle dans l’œuvre de l'artiste, mais progressivement éclipsée à la fin dans les années 70 par l'arrivée de l'or dans son travail. Un matériau introduit dans sa démarche par la rencontre de Lucie Rie qui lui enseigne la technique du kintsugi – art japonais de la réparation des pots cassés avec de la poudre d'or -. Dès lors, l'activité d'Olga de Amaral entame une métamorphose technique, passant d'une matière principalement tissée brute, à des assemblages cousus de petits morceaux de coton rigidifiés par du gesso et recouverts d'acrylique et de feuilles d'or. Une évolution qui ouvre les portes d'un nouvel univers très visuel, évoquant des écailles colorées aux reflets dorés multiples. Se dégage alors de cette approche un nouveau monde, plus spirituel, plus précieux, aux intonations liturgiques en écho aux églises colombiennes fréquentées par Olga de Amaral dans sa jeunesse. De ces cartographies mémorielles et oniriques se dégagent également de nouveaux horizons. L'eau bien sûr avec « Umbra verde », mais également la terre ou encore le ciel avec « Estelas » - qui signifie les stèles, mais que l'on pourrait traduire par les étoiles -. Une double lecture qui conjugue le symbolique à l'artistique.

Des dessins abstraits sur les « Estrelas » rappellent les inspirations précolombiennes de l'artiste ©Marc Domage



Un lieu repensé pour l'occasion

Architectures en elles-mêmes, les créations d'Olga de Amaral trouvent à la Fondation Cartier un écrin taillé sur mesure. Ces tapisseries modernes et suspensions contemporaines par définition statiques auraient pu figer l'exposition dans une atmosphère répétitive, or, il n'en est rien. Construit par l'architecte Lina Ghotmeh, le parcours propose une approche vivante des créations où la monumentalité de certaines n'écrase pas la finesse des autres, mais participe à la construction d'un univers. Par le biais d'apports comme des pierres rappelant celles sur lesquelles Olga de Amaral photographiait son travail en Colombie, ou la mise en place d'un film sur les vitres du bâtiment afin de refléter « Las brumas » dans le jardin de la Fondation, l'architecte convoque une dimension poétique à la rétrospective. Également à l'origine d'une restructuration complète du niveau inférieur, Lina Ghotmeh invite le visiteur à une découverte intimiste des œuvres. Mise en scène de manière simple mais très habile, chacune renvoie la lumière et évoque au gré d'un parcours en spirale, un voyage entre inspirations précolombiennes et japonisantes, marines et cosmiques.

Une exposition très réussie qui, après 40 ans passées au 261 boulevard Raspail, sera la dernière de la Fondation Cartier avant son déménagement Place du Palais-Royal prévu pour octobre 2025.

Au niveau inférieur, la déambulation guidée par la lumière invite le spectateur à une découverte onirique et chronologique ©Marc Domage
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20/12/2024
Prix Amour Vivant : 4 lauréats pour la 1ere édition

Soutenu par l’Association Un Design Soutenable, le prix Amour Vivant célébrait sa première édition, dont les quatre lauréats ont été annoncés le 10 décembre à la Fondation Akuo.

Portée par Hélène Aguilar, Marie-Cassandre Bultheel et Armelle Lalo, l’Association Un Design Soutenable est la première association d’intérêt général à mettre en lumière une problématique majeure en écologie : le plastique invisible. En effet, nous qui passons une grande partie de notre temps à l’extérieur, nous respirons cependant un air pollué par des particules invisibles de plastiques, ajoutées à celles respirées dans nos intérieurs contenues dans les peintures, meubles, tapis et colles... Pour offrir une nouvelle alternative à ces problématiques, l’association a lancé le prix Amour Vivant, dont l’objectif est d’accélérer la transition vers des intérieurs libérés de cette empreinte toxique, soucieux de l’impact hydrique et ancrée dans les cycles naturels. Un prix qui a récompensé deux lauréats et deux coups de cœur, destiné à célébrer des créations dépourvues de plastique aux pratiques vertueuses. Une première édition, dont le jury était composé de Philippe Brocart, Matali Crasset, Laurent Denize d'Estrées, Nathalie Gontard et Godefroy de Virieu qui a sélectionné fin novembre 6 finalistes : Alea, Thomas Guillard, Hors Studio, Sacha Parent, Aurore Piette et Lucie Ponard. Le 10 décembre, ils ont été 4 à être récompensés.

Deux lauréates ex-æquo : Sacha Parent et Aurore Piette

Pour ce premier prix Amour Vivant, le jury a distingué deux lauréates dont les projets étaient en adéquation avec une démarche respectueuse et ancrée dans les territoires qu’elles côtoient. D’abord Sacha Parent, récompensée pour son projet Paille de Seigle +++, dans lequel la designeuse réinvente le mobilier paillé avec des matériaux bruts ou peu transformés, tels que la paille de seigle et le frêne teint par des réactions tanniques naturelles. Des créations assemblées par auto-blocage, qui mettent en avant les propriétés intrinsèques des matériaux, tout en facilitant leur entretien. Pour toutes ses pièces, la colle utilisée est faite à base de farine végétale, renforçant ainsi son approche écologique. Dans ses futurs projets, elle envisage le développement de panneaux alvéolaires en paille de seigle.

Paille de Seigle +++ © Sacha Parent

Aurore Piette quant à elle, a été remarquée pour son projet Desserte Rocaille, un mobilier conçu à partir de matériaux locaux comme le bois flotté, les fibres de cultures locales et les sédiments argileux d’un estuaire. Les sédiments d’argile sont ici la clé de voûte du projet puisque que chaque année, près de 5 millions de tonnes de sédiments d’argile issus de la précipitation chimique sont collectés et relâchés au large, avant de revenir dans les marais côtiers, inutilisés. Avec ce projet, Aurore Piette leur trouve un usage et pose ainsi un regard neuf sur une ressource abondante mais négligée. Une démarche qui invite à repenser des matières perçues comme des « déchets », mais qui méritent d’être considérées comme une richesse à exploiter.

Desserte Rocaille-BoisFlotté & Torchis © Aurore Piette Studio

Deux prix coup de cœur : Thomas Guillard et Lucie Ponard

Bien que le prix ne devait récompenser qu’un seul lauréat, face à la richesse et à la qualité des projets proposés, le jury a spontanément créé une nouvelle catégorie « coups de cœur » pour célébrer deux projets dont la force d’innovation et la portée écologique méritaient d’être reconnues. Parmi eux, Thomas Guillard, qui, avec Fournitures agricoles végétales, réinvente les outils agricoles dans un univers dominé par le plastique. N’utilisant que des ressources végétales locales, il développe ainsi des gaines de protection en noisetier tressé pour les jeunes arbres, des goupilles en bambou fumé, des attaches rapides en papier de chanvre entièrement biodégradables, et des textiles de paillage en paille de seigle.

Lin, noisetier, seigle, bambou et chanvre © Thomas Guillard

Lucie Ponard s’est de son côté distinguée pour son projet de Terres émaillées, qui valorisent les terres de chantier et les déchets de démolition pour créer des céramiques uniques. Elle exploite les textures et couleurs spécifiques des sites d’origine pour ses créations et réduit donc l’empreinte écologique des matières premières tout en ouvrant de nouvelles perspectives pour le mobilier, les crédences ou les revêtements. Une initiation de projet rendue possible par Faire Paris (Pavillon de l’Arsenal) et le Fonds de production Enowe-Artagon.

Terre brune © Lucie Ponard

Des projets ambitieux et engagés, qui incarnent à eux quatre l’ambition forte du prix Amour Vivant qui est de contribuer au développement de nouvelles techniques et manières de penser le designer soutenable et respectueux de l’environnement.

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18/12/2024
À Nice, Daniel Libeskin et la Compagnie de Phalsbourg signent ICONIC

Implanté dans le quartier de la gare de Nice, le centre ICONIC réalisé par l'architecte allemand Daniel Libeskin incarne la vision portée par la Compagnie de Phalsbourg. Une réalisation architecturale au parti-pris très fort mais correctement inscrite dans son environnement grâce aux questionnements esthétiques et à la philosophie sociologique.

S'il est une architecture impossible à louper à Nice, c'est désormais celle du centre ICONIC. Surnommé « le diamant » par les Niçois en raison de son architecture en verre toute en angles et tension, bâtiment de 20 000m² tient autant du manifeste architectural que de l’œuvre in-situ. Coincé entre la voie rapide et les voies de chemin de fer d'un côté, et les vieux édifices du quartier de Thiers de l’autre, la construction est un véritable espace de vie multidisciplinaire. Abritant une dizaine de magasins, un hôtel Hilton quatre étoiles de 105 chambres, des restaurants, la plus grande salle de sport du centre-ville de Nice, une salle de concert ou encore deux écoles, ICONIC insuffle une nouvelle dynamique servicielle, culturelle et commerciale à un quartier en retrait du centre-ville. Imaginé comme un trait d'union entre deux univers, la création à 120 millions d'euros de Daniel Libeskin – sa première réalisée en France – incarne la vision de la Compagnie de Phalsbourg, une foncière spécialisée dans l'immobilier commercial. Une architecture en lien avec son environnement, et fruit d'une stratégie de réhabilitation des centres périurbains passant par une approche design de la construction.

Avec ses façades en dévers, le bâtiment est également une prouesse structurelle ©Hilton / Compagnie de Phalsbourg

Une architecture en lien avec les éléments

« C'était un projet très contesté lors de son lancement en 2016. C'est aujourd'hui une architecture source de changement au sein du quartier, et vectrice d'une nouvelle qualité de vie selon les habitants » relate Karine Journo, directrice du studio créatif de la Compagnie de Phalsbourg. Il faut admettre qu'avec ses 35 mètres de hauteur, l'édifice tout en verre dénote quelque peu de l'architecture environnante. Situé en plein cœur d'un quartier délaissé, le bâtiment prend place dans un écosystème architectural et social diversifié. Accolé à la gare de style Louis XIII, construction emblématique de ce quartier plutôt populaire, le lieu a été dessiné pour « s'intégrer harmonieusement dans son environnement tout en y ajoutant une touche de modernité » selon Daniel Libeskin. Car ICONIC est surtout porteur, au-delà de sa forme, « des codes de la ville » analyse Karine Journo, arrivée sur le projet il y a deux ans pour prendre en charge les aménagements intérieurs. « Nous ne voulions pas être complètement déconnectés de l'univers dans lequel le bâtiment s'implante. Pour cette raison, l'ensemble de la construction s'inspire de la ville et de son atmosphère, mais de manière différente entre l'intérieur et l'extérieur. » Ainsi, les parois aux reflets bleutés, visibles de l'extérieur, ont été mises au point selon les teintes des fonds marins de la ville, cartographiés pour l'occasion. Légèrement irisés en journée, ces grands murs vitrés évoluent quotidiennement au gré de l'ensoleillement de sorte à animer le bâtiment dans lequel se reflète le ciel et la mer. Une conception très visuelle au rendu quasi-futuriste.

Sur le toit, la terrasse du Hilton permet d'observer Nice à 360° ©Hilton / Compagnie de Phalsbourg

À l'inverse, « l'intérieur a été traité avec beaucoup de rondeur et des couleurs douces et claires dans les espaces communs ». Conjugués aux nombreuses essences méditerranéennes choisies par le fondateur de la Compagnie de Phalsbourg, Philippe Journo, les espaces de déambulation « proposent une approche différente de la ville, portée sur la douceur de vivre ». Une atmosphère que l'on retrouve également au sein du Hilton DoubleTree – une nouvelle gamme - dont les chambres ont été conçues avec Cécile Bleux, directrice de projet au sein du studio créatif de la Compagnie de Phalsbourg. « Nous avons souhaité penser cet hôtel non pas comme un hôtel de gare, mais sous forme d'un boutique-hôtel. Nous voulions créer un sentiment de confort de sorte à ce qu'ICONIC ne soit pas un simple lieu de passage, mais une vraie destination. Et c'est réussi puisque les touristes réservent cet hôtel pour plusieurs nuits » assure Karine Journo.

Un projet illustrateur d'une stratégie globale

Pensé par Daniel Libeskin comme un espace ayant pour vocation de devenir « naturellement un pôle d'attraction vibrant et dynamique » répondant « aux besoins des résidents, des travailleurs et des visiteurs », ICONIC est intrinsèquement lié à l'approche de la compagnie. « Lorsqu'elle a été créée en 1989, c'était avec une vision nouvelle : réinstaurer du beau dans les zones périurbaines. Comme de nombreuses banlieues notamment industrielles, souvent maltraitées avec des constructions semblables à des boîtes à chaussures, des quartiers ferroviaires comme celui de Nice, ont parfois été oubliés. Or, il s'agit du premier visage de la ville aux yeux des visiteurs. Nous avions donc besoin de rapporter de l'esthétisme et une forme de beauté au quartier. » Une mantra pour la compagnie, mais également une réponse architecturale à un besoin éminemment sociologique de la Cité des anges azuréenne. En témoigne la création d'une promenade privée reliant le centre ICONIC à la gare et permettant à la compagnie comme à la ville de dessiner par le biais de cet espace sécurisé et très arboré, les contours d'un nouveau visage pour le quartier. Une démarche appliquée par le prisme d'une architecture ultra-contemporaine « à vocation indirectement sociale » grâce au brassage de population nouvellement généré par la multitude de services regroupés. « Nous pensons que la beauté doit être accessible à tout le monde et en ce sens, l'architecture doit en être un vecteur notamment dans les zones périurbaines en réduisant les fractures comme ici à Nice, entre le nord et le sud » conclut Karine Journo.

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20/12/2024
Intramuros #222 : Celebrate

Soyons libres, célébrons !

Normes indigestes, restrictions à venir, frustrations éternelles, les sociétés constipées ne font pas la trêve des confiseurs.

Alors, comme contre-pied à une génération faisant de nouveau du plaisir une source de remords, célébrons ! Célébrons le goût, le beau, la fête, le liquide comme le solide, le spirituel comme le matériel, érigeons en totem de joie les plaisirs simples d’un quotidien ne pouvant être celui nous promettant de devenir centenaire.

Et si « Carpe diem » est devenu un mauvais tatouage, inventons ensemble un adage qui nous permettra de nous envoler loin des préoccupations terrestres et des ennuis mortels. Célébrons !

Sommaire

Design 360

Design Story

Simon Geringer, échafaudeur de projets

Victoria Wilmotte, en abscisse et en ordonnée

Patrick de Glo de Besses, formats libres

Marianna Ladreyt, Waterproof

Astronauts, Ovnis contemporains

Julie Richoz, Design tangible

Perriand et Barsac, retour vers le futur


Ponti Design Studio, le design urbain en douceur

Junya Watanabe, du labo au podium

BMW Neue Klasse, reset all

Celebrate

Studio Drift, la célébration festive par nature

Nightlife, Design et creative


Kevin Germanier, Surcyclage flamboyant

Mixologist in the Soul, esthétique du liquide

Frédéric Anton, précis et audacieux

In-situ

Patrick Roger, Histoire de boîtes

Not A Hotel, Élégantes fusions

L’univers immersif de Thom Browne


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