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Pour sa 14e édition, les Verallia Design Awards ont décernés six prix, remis aux lauréats le 30 juin, sous le parrainage du designer Pierre Charrié.
Lancé en 2009 par Verallia, 1er producteur européen d’emballages en verre, le concours est à destination d’étudiants et jeunes diplômés avec l’objectif d’être toujours plus créatifs. Le thème de cette édition, « Le verre pour vivre l’instant », a su inspirer les quelque 672 participants. « Ce concours professionnalisant illustre notre volonté de repousser les limites créatives du verre. Nous voulons continuer à explorer comment le matériau verre peut offrir une expérience différenciante grâce à des designs uniques et en lien avec les tendances du marché. » témoignait notamment Marie-Astrid Gossé, Directrice marketing Verallia France.
Le jury composé de professionnels de l’agroalimentaire, de journalistes et de designers a décerné 4 prix : 3 « bouteille » (Vins tranquilles et effervescents – Spiritueux – Bières, eaux et boissons non alcoolisées) et 1 « pot » (Alimentaires) correspondant aux différents marchés du verrier. Un palmarès complété par 2 prix « coups de cœurs » : celui du parrain et pour la première fois, celui des salariés Verallia.
Prix Bouteille catégorie Vins tranquilles et effervescents pour the Vine
Mené par Eloi Menaud et Manon Piette, le projet de la bouteille The Vine est une rencontre entre une bouteille de vin et une vigne. Grâce au biomimétisme où la nature et l’objet ne font qu’un, l’un s’inspire de l’autre. « Nous voulions placer la vigne au cœur du sujet, ce qui permet de travailler le vin sous un angle différent. Ainsi, nous voulions redonner de la valeur à la vigne trop souvent oubliée. Le concept du biomimétisme nous a permis d’intégrer l’écorce de la vigne à la bouteille, faisant que la vigne et la bouteille ne sont plus qu’un objet. Cette fusion se devait abstraite. L’objectif n’était pas de faire un simple « trompe-l’œil », il s’agissait plus d’évoquer la vigne que de la montrer, le tout dans un design moderne. »
Prix Bouteille, catégorie Spiritueux pour Océan
Océan est une bouteille de vodka imaginée par Clarisse Bayle et Lauriane Dupré qui puise son inspiration de la tendance de ralentissement et de recherche de bien-être, manifestée par un désir de vivre plus consciemment et de ralentir le rythme de ses activités pour savourer les petits plaisirs de la vie. Un mouvement qui s’exprime à travers la recherche d’un sentiment de bien-être physique et mental qui contribue à la réduction du stress et de l’anxiété. « Les consommateurs qui aspirent à ce mode de vie recherchent des produits fabriqués à partir d’ingrédients biologiques, naturels et sans additifs, pour une expérience de dégustation plus saine et plus authentique. Amoureuses des côtes Atlantiques, nous avons imaginé une vodka haut de gamme aux algues avec un packaging inspiré de la nature. »
Prix Bouteille, catégorie Bières, eaux et boissons non alcoolisées pour « T »
« T » est une bouteille imaginée par Julien Kudic et Clément Servignat et qui propose une expérience sensorielle. Pour cette bouteille, ils se sont demandé comment faire de la pause thé une pratique fascinante qui procure un sentiment d’apaisement le temps d’un instant suspendu. « A plusieurs dimensions, la bouteille retranscrit un sentiment d’apaisement, que ce soit visuellement, au toucher ou dans son utilisation. Le dessin de « T » est inspiré des motifs géométriques des jardins zen et de la dimension sensorielle du sable. Au toucher, elle se veut surprenante de par le jeu du motif et des textures, nous laissant redécouvrir le sable dans le verre. Elle apporte de même une certaine ergonomie lors de la prise en main. »
Le prix pot, catégorie alimentaire, décerné à Organics Spicies
Jeanne Menier a créé Organics Spicies, un pot qui sublime le verre au travers la médecine traditionnelle chinoise qui puise ses origines dans la sagesse taoïste, selon 5 piliers : bois, feu, terre métal et eau. Ceux-ci sont des ponts vers un équilibre intérieur, chacun rattaché à des parties du corps humains, et plus spécifiquement les organes. « Ces cinq piliers sont en lien avec cinq saveurs différentes : acide, amère, douce, piquante et salée. Nous pouvons prendre soin de notre corps grâce aux aliments. C’est pourquoi, j’ai choisi de décliner en gamme 5 pots contenant 5 épices différentes : gingembre, poivre, sésame, ail et piment de Cayenne. »
Le coup de cœur de Pierre Charrié : Trinkañ
Trinkañ de Tom Azria et Numa Rousseau s’adapte aux usages du jeune public qui consomme le plus souvent à plusieurs, hors de son domicile et en format 33 cl. Une proposition invite à la convivialité et au partage. « Notre concept reprend les codes de la craft beer pour séduire un public jeune et urbain. Nous sommes convaincus que Trinkañ est le format qui permettra de sortir le cidre de son cadre de consommation de crêperie. »
Le Coup de cœur des salariés Verallia décerné à Envoûtement
Bien que le concours soit très suivi par les salariés de Verallia, ces derniers n’étaient jusqu’ici pas directement impliqués. Cette année, et pour la première fois, ils ont pu désigner leur coup de cœur et designer un lauréat. Un prix remis à Christiane de Montigny pour Envoûtement, une bouteille de vin blanc qui témoigne du temps qui s’écoule. Ici, la vigne est une nouvelle fois récompensée, puisqu’elle est l’origine du vin. Lorsque une feuille de vigne s’est posée sur cette bouteille, elle y a laissé son empreinte. Avec le temps, elle l’a transformé et ses veines se sont propagées à l’intérieur. Ainsi, à chaque fois que la bouteille se vide, ses veines intérieures apparaissent et viennent compléter sa forme. « La forme et le motif d’envoûtement racontent une histoire en créant un lien entre le ralentissement (veines) et le biomimétisme. J’ai voulu qu’au fil de la consommation, nous nous laissons surprendre par l’apparition de veines qui proviennent de l’intérieur de la bouteille. Ce spectacle met en avant les perspectives du verre grâce à la magie des gravures internes qui se révèlent lorsque la bouteille se vide. »
Praticable est une coopérative-studio de design. Son sujet de prédilection ? Les enjeux du numérique, avec une attention particulière portée aux vies et aux milieux que la technique affecte. Son objectif ? Favoriser l’autonomie, outiller, rendre capable, en donnant forme à des objets praticables, permettant de faire soi-même.
Rencontre avec Thomas Thibault, designer et co-fondateur du collectif, avec Anthony Ferretti, et Adrien Payet, philosophe et codeur, membre du collectif.
Qui est Praticable ?
Un studio de design qui réalise des objets… praticables. C’est-à-dire des objets réglables, transformables, paramétrables. Le « -able » a son importance : c’est là où il y a, à notre sens, du jeu, au sens de marge manœuvre. Des objets finis mais toujours un peu en devenir, à faire. Nous ne cherchons pas à faire des jeux, même si cela arrive, mais nous sommes très attentifs à la dimension politique des jeux (et du jeu) dans le design. Ce que nous pratiquons au quotidien, c’est le numérique. Un contexte dans lequel les parcours sont très guidés. Qui manque beaucoup de jeu, justement. Or, à notre sens, cette marge de manœuvre est très importante. Pour de multiples raisons. Comme par exemple, offrir la possibilité de régler l’impact écologique de ses usages numériques, ou encore en percevoir les mécaniques. Un game designer les fait souvent comprendre à ses joueurs. Dans le numérique c’est beaucoup moins courant. On tente plutôt de cacher aux utilisateurs les mécaniques de ventes de données, les mécaniques sous-jacentes, et les impacts, dans une coque hermétique. Utilisez, y’a rien à voir !
Il y a une dimension pédagogique dans votre approche ?
On envisage souvent la pédagogie comme une manière de délivrer des messages, des propositions, des connaissances, alors que chez Praticable, nous pensons que le fait d’apprendre et de comprendre peut passer, non pas par l’apprentissage de la connaissance, mais par l’expérience technique, qui nous permet de comprendre la consistance du monde dans lequel on vit. C’est comme ça que nous pensons le jeu. Il y a effectivement une dimension éducative, probablement une saveur particulière du jeu. Mais qui ne relève pas de l’excitation, ou de tous ces mécanismes physiologiques ou cognitifs activés par des interfaces « gamifiées » ou « gamifiantes ». Là où on se joue du joueur en mobilisant son appétit naturel ludique. Uber est très bon exemple de « gamification » problématique. Quand on est conducteur, l’application nous enjoint à faire un certain nombre de courses pour débloquer des points. Elle dissimule le travail sous les attributs du jeu. Un jeu qui ne se montre pas, qui ne se déclare pas comme jeu, alors même que le jeu est un espace-temps défini, dans lequel on fait des choses que l’on ne ferait pas forcément dans la vraie vie. Dans lequel on peut essayer, tenter, échouer, sans conséquences. Un lieu où l’on peut être plus audacieux qu’en réalité. Nous entretenons un rapport critique au jeu.
Mais vous le mobilisez ?
Il est moins question de positionner le design en jeu que le jeu dans le design. Laisser ces marges de manœuvre est aussi un moyen de montrer la responsabilité du design, les conséquences des choix de conception. De ne plus placer celui qui pratique dans une position d’utilisateur où le code fait la loi. Si l’on se joue de la proximité entre la règle et la loi, un « appareil » réglable est un appareil dont on peut faire et défaire la loi de fonctionnement. C’est un peu ce que nous poursuivons.
Concrètement ?
Nous menons depuis mars 2022 un projet de recherche en design auprès du laboratoire en informatique LIRIS du CNRS pour réduire les impacts écologiques du numérique. Il s’appelle Limites numériques. L’un des travaux réalisés dans ce contexte était un cahier d’idées pour une pratique écologique dans un navigateur web, qui, en tant qu’individu, est aujourd’hui l’un des derniers outils qui nous permette de jouer avec le web. Le simple fait d’activer un bloqueur de pub, c’est déjà échapper à une partie de la pollution du net, en termes d’énergie et d’attention. Mais nous pouvons aller plus loin. Nous avons réfléchi à la manière dont ce navigateur pourrait faire comprendre son fonctionnement, ses impacts écologiques, et ainsi nous permettre de modifier nos usages de manière consciente et éclairée. Si on ne peut pas modifier, régler, paramétrer, ça ne sert à rien. Nous avons aussi travaillé sur les applications mobiles, les représentations du numérique, la manière dont il se présente à nous (formes, images, pictogrammes), et conditionne ce que l’on en pense. Si je représente le cloud avec un nuage, je n’en ai pas la même compréhension que si je montre que c’est l’ordinateur de quelqu’un d’autre. Ces choix de mots, et de vocabulaire graphique conditionnent notre perception. C’est important.
Autre exemple : nous avons été consultés pour réaliser la mise en forme (voire en page) d’un document d’étude sur les usages du numérique dans le théâtre. Nous avons proposé un logiciel, un outil dans lequel les commanditaires puissent intégrer tous les contenus de l’étude, tout en laissant aux autres lecteurs la possibilité d’exporter leur propre étude. Les parties, textes, chiffres, informations peuvent être ré-agencés différemment par les lecteurs, en fonction de leurs besoins. Ils peuvent ensuite retravailler leur collecte et l’exporter en PDF par exemple, et aller présenter cette étude à un élu, une directrice, pour les convaincre de mettre en place telle ou telle action. La condition du mouvement, presque mécanique des tous ces éléments, ces informations, c’est qu’il y ait du jeu. Un jeu qui court-circuite un peu la dimension dogmatique que peut avoir une étude, et qu’elle serve à tous. Si on présente les chiffres, les informations dans un ordre différent, qu’on l’a défait, déconstruit, dont on a extrait des parties, l’étude peut dire autre chose. C’est là où il y a du jeu : dans la production possible d’un autre sens. Ici, nous cherchons des pratiques de lecture et de partage. Mais au fond, nous travaillons de cette manière-là sur presque tous les sujets qui nous sont soumis.
Let’s play… and enjoy !
Chez Intramuros, le numéro d’été fleure bon l’évasion et la décontraction… tout en restant rigoureusement centré sur les pratiques du design. Au fil des pages, vous découvrirez comment le design investit – depuis longtemps ! – le champ du ludique pour stimuler, éduquer, séduire, transmettre, à tout âge. Passant du jeu à la pratique, le sport est aussi un secteur d’expérimentation du design produits : concevoir juste, et à grande échelle, pour être adapté au plus proche à une pratique, dans un souci d’innovation technologique.
La décontraction est aussi de mise, dans des espaces réservés à l’intime, à l’image de la salle de bains qui, de pièce dédiée à l’hygiène, évolue vers un sas de déconnexion et de soin de soi. Du jeu au plaisir, les sex toys sont aujourd’hui un terrain où les designers interrogent la forme, les sens… pour des objets désirables et revendiqués.
Question icône, le Range Rover révélateur d’un nouveau lifestyle à sa sortie continue dans ses nouvelles versions à devancer les tendances de la mobilité. Quand enfin, le Salone Del Mobile à Milan retrouve son rythme de croisière, avec une édition d’Euroluce très réussie : une grand-messe du design toujours aussi incontournable pour les avant-premières de collection… qui rythmeront la rentrée.
Vous l’aurez compris, pour cet été, un magazine aux bonnes ondes et à l’énergie positive. Bonne lecture !
Quoique évoluant dans les espaces virtuels, l’artiste et designer Charlotte Taylor procède d’une approche créative particulière. Alors qu’elle travaille elle-même en « analogique », avec crayons et papiers, elle s’entoure d’artistes 3D pour l’aider à peaufiner des projets épousant les nouveaux contours technologiques des intérieurs immersifs qu’elle signe.
« Mes projets sont toujours issus d’un aller-retour entre réel et virtuel », reconnaît-elle. « Cela cadre bien avec ma façon de travailler, à distance, avec une communication purement visuelle et riche en diagrammes ». Les rendus de ses espaces rêveurs – d’où leur nom de dreamscapes – sont particulièrement guidés par la texture de ses images, donnant à la fois un côté très sensible et réaliste à ses intérieurs, en grande partie grâce à la lumière qui s’y exprime. « La lumière est pour moi l’élément clé d’un espace », revendique-t-elle. « Jouer avec une lumière naturelle et chaude donne une impression familière et moins austère aux intérieurs ».
Mais là encore, c’est la référence à des détails très concrets qui caractérise l’essence très vivante de ses créations. « J’utilise toujours des petits détails visuels empruntés au monde réel pour sublimer d’un trait de réalisme des espaces totalement virtuels, mais surtout je traite véritablement mes projets numériques comme s’ils étaient de vrais projets physiques. Dans les projets réels, ce sont souvent les contraintes des clients, d’ingéniérie ou d’autres facteurs liés à l’environnement immédiat qui font varier les projets depuis l’intention initiale. Bien sûr, dans un projet virtuel, l’impossible devient possible. Mais j’aime garder à l’esprit ces petites contraintes qui créent toutes les incidences des intérieurs, comme la disposition des prises, des commutateurs et autres éléments domestiques. »
Maison de sable
Plusieurs de ses projets d’architecture d’intérieur emblématiques ont été conçus avec le designer 3D Stefano Giacomello, comme Casa La Paz ou Sand House (qui a donné le nom de son agence, Maison de Sable). « Sand House est né d’une vision augmentée des châteaux de sable de notre enfance, améliorés en quelques chose de vivable en termes d’échelle », explique Charlotte Taylor. « Dans Casa La Paz et Sand House, comme dans beaucoup de mes premiers travaux, l’espace a été ébauché à partir d’un simple cadrage d’image alors que désormais je travaille d’une façon plus traditionnelle à partir d’un plan mis en perspective, mais cela reste une démarche inspirante. Dans ces travaux, le mobilier est directement lié aux formes de l’architecture. L’idée est vraiment de coller aux formes douces, incurvées et organiques de l’architecture pour créer une conversation homogène entre le mobilier et l’espace. »
Une autre de ses collaborations récurrentes est avec le créateur 3D et designer d’intérieur français Anthony Authié (Villa Ortizet, Neo-Chemosphere, collection de NFTs pour Architoys). « Je collabore avec Anthony depuis très longtemps. Son Zyva Studio a un style visuel totalement unique et nos collaborations sont toujours l’occasion de fusionner nos deux univers ». Entre l’excentricité naturelle, riche en identifiants couleur d’Anthony Authié, et les textures plus fluides et lumineuses de Charlotte Taylor, le courant passe à l’évidence. « Nos projets architecturaux comme Villa Ortizet ou Neo-Chemosphere procèdent toujours d’un désir commun d’explorer et de révéler des choses qu’on ne voit pas. Pour Neo-Chemosphere, nous avons repris la structure externe du bâtiment construit par John Lautner, pour façonner son design intérieur, qui est d’ailleurs toujours susceptible de se compléter d’autres éléments. C’est ce qui est passionnant avec le médium numérique : rien n’est jamais totalement fixé. D’autres parties non visibles peuvent toujours surgir. »
Renaissance est une agence d’un genre nouveau, qui se positionne dans l’accompagnement des artistes et des marques désireuses de pénétrer l’univers du web3 pour qu’elles puissent à la fois comprendre ce nouvel environnement complexe et mettre en place les dispositifs créatifs et stratégiques dans ce domaine.
« Notre idée est de créer des expériences immersives qui rendent intelligibles la complexité du web 3 et qui permettent de mettre en valeur ce principe de rareté digitale induit par les NFTs », explique Adrien Ohannessian, l’un de ses trois fondateurs. Il poursuit : « Avec le WEB 3 et l’apparition des NFTs, nous avons vraiment eu l’impression d’une révolution technologique favorable aux artistes. C’est ça qui nous a donné envie de nous lancer. » En effet, avec les smart contracts – la preuve formelle d’authenticité qui se trouve dans l’œuvre elle-même, et qui intègre le créateur de l’œuvre, tout comme son acquéreur de façon inaliénable – mais aussi grâce au principe de décentralisation de la blockchain, l’artiste n’est plus dépendant d’un tiers comme les grosses structures du réseau social pour affirmer ses droits sur son œuvre et recréer un principe d’échange communautaire dont il reste maître. « Cela fait 15 ans que tout est gratuit sur internet, financé par la publicité et ça ne choque personne. Désormais, on peut parler de souveraineté de la data à l’ère digitale. »
Pour soutenir cette créativité émergente, Renaissance a cofondé la NFT Gallery, une galerie d’art digital créée avec une centaine d’entrepreneurs français, située juste en face de Beaubourg, qui se veut un lieu d’éducation pour comprendre ce nouvel écosystème (pour par exemple se familiariser avec les airdrops, ces fameux lancements promotionnels de jetons promotionnels NFTs à destination de la communauté d’usagers), ou voir des expositions (comme X-Hack, en hommage à artiste de la scène du crypto-art comme XCopy).
La dynamique est réelle en ce moment avec la mise en place de nombreuses plateformes de vente d’œuvres ou de curation, mais aussi un intérêt de l’institution muséale, avec le lancement de collections de NFTs au Centre Pompidou, qui choisit même de les faire sortir de l’écran en imprimant les formes abstraites d’Autoglyphs, du duo de créateurs Larva Labs, sur les murs du musée.
Une agence intermédiaire entre créateurs 3D et marques
Bénéficiant de cette expérience et de cette dynamique, Renaissance peut ainsi recommander des artistes à des marques, comme le studio 3D Plus Mûrs à Renault, voire épouser elle-même un positionnement artistique (comme cela a été le cas avec la designer d’intérieur Laura Gonzalez, spécialiste du mix and match, dans le cadre de D3sign capsule). Dans tous les cas, l’agence développe une relation privilégiée avec des artistes particulièrement porté par ce nouvel esprit libertaire offert par les NFTs, comme le DJ techno Agoria qui retrouve dans ce nouvel environnement des éléments de comparaison avec le côté underground de la scène électronique des débuts (le duo Larva Labs a d’ailleurs lancé une collection de NFTs à succès baptisée CryptoPunks). Du côté des marques, Renaissance apporte l’avantage d’une expertise et un savoir-faire concret bâti sur ce rapport spécifique avec les artistes numériques/3D liés à ce nouvel environnement web 3. Pour Dom Perignon, Renaissance a créé une expérience 3D online pour vendre 200 bouteilles de champagne virtuelles, donnant chacune accès à une bouteille bien réelle, en amont de sa collection « physique » avec Lady Gaga.
Pour célébrer le cinquantième anniversaire de la R5 (1972-2022) et faire entrer le groupe Renault dans le WEB 3, Renaissance a conçu 1972 nouveaux designs à partir des quatre modèles physiques (R5, R5TL, R5Turbo, et Carvan), et les a diffusés comme des pièces uniques en NFTs, « un peu comme une nouvelle génération de véhicules Renault, mais avec plein de variations de couleurs et de textures ». Pour Evian qui voulait célébrer sa collaboration avec l’artiste Sara Shakeel, connu pour ses travaux de collages à effets paillettes sur des photographies et objets en 3D, Renaissance a lancé une collection de NFTs via le marché Tezos, une blockchain green. L’ensemble des revenus a ensuite été reversé pour financer le programme digital Young Talent Fund du nouveau musée 3D de Somerset House.
Rencontrer Jean-Baptiste Fastrez, c’est plonger dans un univers polysémique, riche en faux-semblant et en détournement des codes. De ses associations impensées naissent des objets qui nous sont pour autant familiers. Dans cette époque « disruptive », c’est la subtilité géniale de l’écriture de ce designer : à l’inverse d’un Magritte qui voudrait nous rappeler ce qu’est ou n’est pas la réalité, il nous propose des objets conteurs d’histoires, qui convoquent des images sans trahir leur usage.
Jean-Baptiste Fastrez fait partie du club prisé des « Ensciens » : en 2010, il sort de l’école de création industrielle en décrochant les félicitations du jury… après s’être accordé un an de césure de stage à l’agence de Ronan et Erwan Bouroullec. Comme il l’indique volontiers, autant dire qu’il a été formé dans la rigueur, l’exigence de la forme adéquate et de la qualité, qui ont marqué sa façon de travailler. Il a rejoint ensuite leur agence quelques années, avant de voler de ses propres ailes en ouvrant son studio en 2012. Il collabore depuis régulièrement avec différents éditeurs, institutions et galeries comme Moustache, Kreo, la Manufacture de Sèvres, Kvadrat, le CIRVA ou Tai Ping… À l’image du hamac Quetzalcoatl, certaines de ses créations ont intégré les collections permanente du CNAP, du Centre Pompidou et du musée des Arts Décoratifs de Paris.
Son envol ? Il le situe précisément au Grand Prix de la Design Parade de 2011 : « Mon parcours aujourd’hui ne serait pas ce qu’il est sans la Design Parade. Enfin l’accompagnement de la Villa Noailles dans son ensemble. Ça m’a tout apporté. » En effet, durant le festival, il rencontre Stephane Arriubergé, fondateur de Moustache, avec qui il démarre rapidement une collaboration toujours prolixe. Il y reçoit aussi une dotation de la galerie Kreo, qui édite son projet. Il y noue des contacts avec Tai Ping, le Centre George Pompidou…: « c’est un endroit pivot, notamment pour des rencontres informelles. C’est aussi un lieu qui m’a soutenu dans les premières années, avec des missions qui étaient des apports financiers non négligeables à l’époque. Quand on rentre dans le système, il y a un côté très famille, on est accompagné. Ce réseau vous suit et vous donne de la visibilité. » La fidélité va dans les deux sens : dans le cadre cette année du centenaire de la Villa Noailles, il fait partie des trois finalistes retenus pour la réalisation d’une installation pérenne dans les jardins, le lauréat sera designé fin juillet.
Une histoire de chaînon manquant
Que Jean-Baptiste Fastrez réponde à cette commande artistique n’étonne pas : son travail est marqué par une certaine approche sculpturale de l’objet, proche dans d’une démarche d’art contemporain, mais avec retenue : « Il y a toujours ce risque de sortir du champ du design et d’être juste un mauvais artiste. Certains ont un côté disruptif, mais dans une foire d’art contemporain, quand on les replace dans les champs de l’histoire de l’art, c’est souvent une redite de ce qui a pu être fait dans les années soixante. » Mais il ne renie pas le caractère conceptuel qui nourrit son travail : « J’ai beaucoup créé de faux ready made, comme l’applique moto pour Moustache. On ne sait pas si c’est une visière de moto qui a été mise au mur ou un objet qui a été dessiné pour être en forme de visière de moto. »
C’est ce twist de la rencontre improbable qui donne une énergie particulière à ses conceptions : « J’aime bien diffracter les codes, fragmenter l’ADN d’un objet, pour le reconstruire dans une autre sens. » Le vase Scarabée est ainsi troublant : la section qui relie les parties en céramique reprend l’ élastique en « gros grain » propre aux masques de ski. Recherche-t-il le point médian ? Il nous répond plutôt chercher « le chaînon manquant entre deux éléments aussi éloignés que possible », et reprend l’exemple de la collection Vivarium éditée par la galerie Kreo et développée pour une exposition à Londres en 2019 : « être toujours au bord de la figuration m’intéresse. Je cherche à convoquer l’imaginaire en asséchant au maximum l’objet. J’aime cette frontière entre l’abstraction et la figuration. » Empruntée au vocabulaire stylistique de Charlotte Perriand, la table Crocodile de ce Vivarium reste dans la suggestion : avec ses bords en ogive, sa forme de calisson et la pierre verte, le crocodile émerge, ce qui ne serait pas le cas avec du marbre noir. De la même manière le miroir-serpent a les attributs du reptile, avec subtilité : « Il faut rester le plus simple possible pour garder un pouvoir d’ évocation. »
Narration et fonction
Étudiant, déjà, il n’aimait pas expliquer ses projets : « Je considérais que si l’objet n’était pas capable de parler lui-même, c’est qu’il n’était pas suffisamment abouti. » Car Jean-Baptiste Fastrez aime jouer avec les matériaux, les formes, les narrations, pour former jeux de mots avec les objets. C’est ce qui traverse l’ensemble de son projet : « J’aime bien que les objets parlent d’eux-mêmes. Pour ça j’aime convoquer les images que l’on a dans notre inconscient collectif et les manipuler. » La question de la narration traverse d’ailleurs toute sa production : « Je ne mélange pas deux choses abstraites, mais des idées qui parlent à tout le monde, qui ne sont simplement pas habituellement associées. J’aime bien emprunter des codes pour raconter une histoire, comprise par des gens qui ne vont pas forcément intellectualiser le design. J’aime mettre les objets dans un univers, comme au cinéma. »
Jean-Baptiste Fastrez, ses objets sont des formes de médias, en racontant une histoire, ils participent à la création d’une atmosphère dans un lieu. Ils assument une certaine présence. « Le précepte moderniste de la forme qui suit la fonction se traduit souvent par cette simplification d’aller vers le minimal, de réduire l’objet à leur fonction. Mon postulat c’est que la fonction des objets dépasse leur fonction première la plupart du temps : par exemple un miroir va servir plus à décorer un intérieur qu’à se regarder dedans, compléter une atmosphère, un décor, que simplement vérifier son reflet. » Dans cette perspective, la fonction décorative du miroir prévaut sur sa fonction de réflexion, mais attention, ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas être intransigeant sur la qualité du reflet. Il précise en souriant : « On est forcément construit par les partenariats dans notre carrière. Kreo a une rigueur implacable sur l’usage. On ne fait pas de tables dont le dessus va se rayer, les lampes doivent éclairer, les meubles doivent être solides… Je me reconnais dans cette conception d’objets en série limitée qui ne perdent pas de vue l’usage. »
Il aime faire des objets ludiques, mais n’essaie pas de faire des objets drôles : dans le jeu de références dans lesquelles il inscrit le produit, il se crée un dialogue, empreint de tendresse comme d’espièglerie, nourri d’un partage des codes de l’enfance, très libre, et détourné : le projet de la lampe Olo chez Moustache donne ainsi à voir sans imposer : « La forme a été imaginée pour recevoir des références : des détails vintage, futuristes, voire des codes de Disney. La force de l’objet est d’exprimer un twist sur sa typologie d’origine. » Pour Olo, la forme en double optique rappelle un regard : la lampe en devient un personnage, et convoque des codes aussi bien de pop culture que de culture classique. Le tapis Neon édité par Tai Ping fonctionne de la même façon : le trait géométrique s’inscrit dans l’exploration de références urbaines, mais évoque pareillement Star Wars et Dan Flavin.
Matière première
La question du matériau est centrale dans ses projets : une grande partie tourne autour du fait d’associer une forme avec un matériau qui n’est pas habituel. Ce peut être un levier très puissant pour générer quelque chose de surprenant « La matière est un élément de narration, elle parle de l’origine. Elle nous rappelle des environnements, des usages. » Ce sera particulièrement percutant dans l’exposition qu’il prépare avec Kreo pour le début 2024 , avec des nouvelles pièces faites artisanalement mais qui auront l’air d’être issues d’une industrie futuriste : « Cette exposition questionnera les modes de production, la réalité de ce qui est artisanal et de ce qui ne l’est pas : on pense souvent que les éléments artisanaux sont en terre cuite et en verre soufflé et les pièces industrielles en aluminium alors que ce peut être l’inverse. Par exemple, des pièces fraisées en alu peuvent facilement exprimer l’idée d’une production industrielle mais sont en fait souvent des pièces réalisées à l’unité dans des ateliers de toute petite échelle. »
Parallèlement à cette approche, l’exposition proposera une réflexion sur la croissance et la décroissance : « C’est très intéressant structurellement de mélanger cette esthétique de l’accélération vers le monde de demain, avec une autre esthétique, dominante dans notre société, qui est sur le ralentissement ; le retour à l’artisanat, aux savoir-faire. » Un programme pro-metteur. À la même période il proposera pour Concrete LCDA une collection et une scénographie valorisant une nouvelle formulation de panneaux en béton à partir de paille.
Mises en espace
Car la scénographie est aussi un terrain d’expression de Jean-Baptiste Fastrez : « C’est l’occasion de travailler en grands formats une narration. » À l’hôtel des Arts de Toulon, en 2021, il avait ainsi mis en espace des pièces de la collection de design italien du Centre Pompidou, avec à nouveau un jeu de sens : « Je suis parti en quelque sorte à la recherche du point médian entre de la muséographie dans un musée d’art contemporain et de l’architecture d’intérieur dans un hôtel particulier. J’avais un espace structuré, avec des pièces identifiées : bureau, salle de bains, chambre à coucher, etc. J’ai créé un principe de cimaises monochromes pour mettre en valeur cette évocation de fonctions traduites par les objets. » Pour les céramiques Ravel, en 2014, il investit une église désacralisée : « J’ai rempli l’église de pots autour du principe narratif du carroyage des fouilles sous-marines, soit la division en carrés d’une zone, ici matérialisée par des filets blancs. » Sachant qu’un balcon de l’église permettait une vue en surplomb, la présentation plaçait le spectateur dans la position d’un plongeur sous-marin et un fascicule nommait les pièces sous les codes d’une cartographie archéologique.
Dans un autre secteur, à Bordeaux, pour l’exposition « Paysans designers », il travaille des blocs végétalisés, tel un paysage morcelé, pour apporter le vivant dans le musée. Comme un rendez-vous régulier, en septembre, lors de la Paris Design Week, il présentera sa première chaise éditée avec Moustache ainsi qu’une collection de miroirs : « Avec Stéphane Arriubergé, on se retrouve toujours sur une envie de faire des choses différentes : Il est toujours là pour faire l’inverse de ce que l’on attend de lui ! » Et à l’automne, le Silmo dévoilera une nouvelle collection de lunettes qu’il a dessinées. Le designer se réjouit avec simplicité de cette actualité à venir : « Les gens consomment beaucoup les objets en images. Comme une chanson, une peinture: on regarde sans posséder. Avec les médias, les réseaux sociaux, mes objets vont être vus 99 % du temps en images plutôt que dans la réalité. C’est peut-être pour cela que j’aime qu’on les voie comme des objets extraits d’une narration.»
Depuis son lancement, le campus MaNa multiplie les propositions de formations originales, toutes liées à des valeurs actuelles et accompagnées par des enseignants au savoir-faire remarquable. En octobre, l’excellent Ruedi Baur animera l’atelier « Du détail à l’utopie ». Les inscriptions sont ouvertes.
Ouvrir le champ des possibles par le biais de la céramique, tout en prenant en compte l’anthropocène fera partie des fondements de ce workshop. Et c’est en se basant sur la « Scuola del non sapere » qui représente le non-savoir et qui engage un dialogue entre l’art, le design, la société et la science dans le but d’imaginer de nouveaux points de vue d’un monde que l’on croit connaître et maîtriser. Ruedi Baur, encadré par Vera Baur, sociologue-anthropologue et présidente de Civic City, et du céramiste franco-marocain Youssef Ait Brahim, spécialiste de la céramique marocaine, abordera la question de la terre cuite dans la ville de demain.
Apprenants et enseignants partageront leurs processus de réflexion, de projection et de réalisation du détail de la cuillère en porcelaine à l’utopie de la ville en terre, tout en étudiant des techniques ancestrales issues de cultures mondiales. Car c’est en se remettant en cause, en reconsidérant nos habitudes et en posant les questions justes que les besoins essentiels sont mis en lumière pour un futur plus équitable.
Durée et modalité d’organisation
Dates : du 02/10/2023 au 13/10/2023 inclus
Durée : 12 jours
Horaires : 9h-13h — 14h-18h
Taille du groupe : 15 personnes maximum
Lieu : La formation se déroule sur site : Campus MaNa, Domaine du Croisil, 89350 Champignelles France
Accessibilité : Pour toute personne en situation de handicap merci de nous contacter afin d’envisager la faisabilité.
Délai d’accès : Jusqu’à 15 jours avant le début du module et en fonction des places restantes.
Tarifs : 3900 euros TTC. Ce tarif comprend le coût de la formation, l’hébergement et la pension complète, les matériaux et les équipements de protection individuelle.
La Design Parade vient de dévoiler son palmarès 2023 , en design à Hyères et en architecture d’intérieur à Toulon, pour sa 17e et 7e édition respectives. Un des concours les plus dotés du secteur, véritable promoteur de talents.
À Hyères, la Villa Noailles accueille la Design Parade depuis 2006. Fondé et dirigé par Jean-Pierre Blanc et présidé par Pascale Mussard, le festival est composé de deux parties depuis 2016, avec une partie design à Hyères et une partie architecture d’intérieur à Toulon. L’objectif reste le même depuis le début : offrir à 20 jeunes créateurs une vitrine et un accompagnement complet pour la réalisation de leur projet. Les lauréats sont annoncés dans les premiers jours de festival, mais les expositions sont ouvertes au public tout l’été jusqu’au 3 septembre pour celles de Hyères et jusqu’au 5 novembre pour celles organisées à Toulon.
Cette année, le jury était présidé d’une part par Aline Asmar d’Amman pour les prix d’architecture d’intérieur à Toulon, accompagnée de Victoire de Taillac, Gay Gassmann, Pierre Hermé, Judith Housez Aubry, Oliver Jahn, Rabih Kayrouz, Agnès Liely, Harry Nuriev et Tyler Billinger, Lindsey Tramuta, Madeleine Oltra et Angelo de Taisne (cf Intramuros 214). Pour la section design à Hyères, c’est Noé Duchaufour-Lawrance qui a été choisi pour présider le jury composé de Guillaume Bardet, Clara Le Fort, Marion Mailaender, Jean-Marie Massaud, Luca Nichetto, Astrid Rovisco Suzano, Bas Smets et du duo Claire Pondard et Léa Pereyre. Chaque président a également sa propre exposition.
Lauréats en design
Le Grand Prix du jury et du public à Hyères décernés à Yassine Ben Abdallah
Le parcours de Yassine Ben Abdallah n’est pas des plus communs, et c’est ce qui forme la richesse de son approche du design. Formé à Science-Po puis à l’Académie d’Eindhoven, le designer est aujourd’hui basé entre la Réunion et les Pays-Bas. Pour la Design Parade, le designer présentait le projet « Mémoires de plantation », qui se penche sur la disparition des objets appartenant aux esclaves et aux engagés des plantations sucrières de La Réunion. En effet, l’identité culturelle de l’ancienne colonie française a été façonnée par la monoculture de la canne à sucre, mais peu d’objets subsistent à cette histoire, si ce n’est ceux des maîtres. De fait, le sucre, matière première de la plantation, devient ici narrateur de cette absence : Yassine Ben Abdallah subvertit la scénographie habituelle de la muséographie en installant des machettes éphémères en sucre, artefacts disparus des esclaves, face aux objets permanents du maître. Un projet qui touche aux frontières du design et de l’art contemporain, d’une justesse sensible dans la transcription du propos : un dialogue qui convoque en silence le passé, pour mieux évoquer les interrogations du présent.
En tant que lauréat du Prix du Jury, Yassine Ben Abdallah se voit récompenser d’une résidence de recherche d’un an à Sèvres – Manufacture et Musée nationaux ainsi que d’une résidence de recherche d’un an au Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques de Marseille (Cirva) pour la réalisation d’un vase en trois exemplaires. Il est également invité à participer concours en tant que membre du jury et bénéficiera d’une exposition personnelle à Hyères lors de la prochaine édition de la Design Parade, en 2024.
Lucien Dumas & Lou-Poko Savadogo, lauréats du prix Tectona et de la Dotation de la Fondation Carmignac
Le duo composé de Lucien Dumas & Lou-Poko Savadogo présentait la collection Au dixième. « En tant qu’architectes et artisans, nous considérons qu’il n’y a pas de frontière d’échelle, d’usage ou de forme entre un bâtiment et un mobilier. » Dans leur pratique, la fabrication n’est plus séparée de la conception et un détail constructif peut devenir le point de départ d’un projet plus global. Ils envisagent ainsi les pièces de mobilier comme des éléments d’architecture. La collection est le résultat d’une recherche sur l’assemblage du bois par le tissage : les meubles sont composés de petites pièces de bois maintenues entre elles grâce à une corde en papier, qui met en avant la jonction, pour souligner les fondamentaux d’une structure. Une écriture très personnelle, autour d’un « entre-deux » entre architecture et design, très prometteuse pour des résidences annoncées.
Respectivement lauréats de deux prix, Lucien Dumas & Lou-Poko Savadogo se voient donc doublement récompensés. Lauréats du prix Tectona, mis en place pour la première fois cette année, les dix finalistes devaient imaginer un fauteuil de repas empilable sur le thème « Une pause sous le soleil », avec une seule contrainte technique : utiliser le métal ou un matériau naturel imputrescible. Pour ce prix, le duo lauréat avec leur fauteuil Materra-Mantang recevra un prix de 5.000 euros. En parallèle, le prix de la dotation Carmignac leur permet d’être invités lors d’une résidence à créer un objet en lien avec la philosophie du lieu.
Lauréats en architecture d’intérieur
Le Grand Prix du jury Van Cleef & Arpels décerné à Clément Rosenberg
Designer textile, Clément Rosenberg s’est inspiré de la tradition médiévale de l’art héraldique pour son projet Chambre tapissée pour cigale en hiver, en créant des blasons pour signifier la Méditerranée, qui n’existaient pas jusqu’ici. Il propose ainsi différentes versions afin de rassembler sous un même emblème le littoral hétérogène qui s’étend de Nice à Perpignan. Influencé d’une part par les ressources du territoire, il y ajoute une figure majeure : la cigale qui unit par son chant la Provence à l’Occitanie. Clément Rosenberg choisit de lui rendre hommage en déployant les formes et les couleurs de son blason à l’échelle architecturale grâce à l’emploi de matériaux locaux et de matières nobles. À l’image du cocon sous la terre et des chambres médiévales remplies de tapisseries, il conçoit une pièce entièrement souple, faite de drapés et de tentures.
La dotation Van Cleef & Arpels comprend une bourse de 5 000 euros, un projet de collaboration avec Delisle pour la création d’une pièce d’exception d’une valeur de 10.000 euros, le développement d’un projet créatif avec Codimat, d’un accompagnement en conseil en image et relations presse d’une durée d’un an de la part de l’agence Perrier / Giroire Communication, une résidence de deux semaines dans l’atelier parisien de L’Atelier Mériguet, la création d’une pièce d’une valeur de 10.000 euros avec l’Atelier François Pouenat, d’une résidence de recherche, développement et création d’un prototype au sein de l’atelier Relax Factory ainsi que la participation au concours en tant que membre du jury et d’une exposition personnelle à Toulon en 2024, dans le cadre du festival.
Mention spéciale du Jury de Toulon : Mathieu Tran Nguyen
Le projet l’Oseraie de Mathieu Tran Nguyen met en avant une tradition immémoriale qu’est la vannerie, l’art de tresser les fibres végétales. Rencontre entre esprit méditerranéen et esprit japonais, L’Oseraie rend hommage à ces innombrables objets, utilisés par une large population paysanne, pour ranger, transporter, nettoyer, cuisiner, s’asseoir et dormir. Un art de l’ordinaire, typique d’une Provence rêvée. Cette collection se compose des assises d’osier taillé Botte, d’une marqueterie murale d’osier Écailles, du tapis Canisse, ou encore des luminaires Barigoule en osier tressé. Une mise en espace extrêmement originale, qui par une composition extrêmement structurée, propose un discours très contemporain, évitant habilement les écueils des clichés « d’authenticité » trop souvent liés à la notion de « tradition ».
Prix Visual Merchandinsing décerné par Chanel pour Arthur Ristor et Anaïs Hervé
Le projet Le palais de Sable d’Arthur Ristor et Anaïs Hervé est un paysage, une carte postale d’un bord de mer, où les souvenirs d’un après-midi à la plage se fondent dans l’architecture fragile d’un décor fantasmé. Des coussins en forme de coquillages viennent se loger dans des architectures rocheuses incrustées d’éclats de mosaïque. Sur de petits guéridons de verre, des perles s’amassent en tas comme des algues rescapées de la marée. Un petit salon en vitrail illumine la pièce de mille couleurs. Les deux univers de la plage et du château ne font qu’un, comme un palais imaginaire sculpté dans le sable.
Pour ce prix, Chanel offre la possibilité de réaliser un projet de création à hauteur de 20 000 euros, en collaboration avec une ou plusieurs Maisons d’art, qui sera exposé lors de l’édition 2024.
Marisol Santana et Emily Chakhtakhtinsky récompensées par le prix du Mobilier National
Le projet Lou Cabanoun de Marisol Santana et Emily Chakhtakhtinsky réunit abeilles et humains dans un espace refuge. Le duo a dessiné une pièce éco-système qui questionne la façon dont le territoire méditerranéen est vivable en étant confronté à l’épreuve climatique actuelle. Lou Cabanoun est inspirée formellement des apiés provençaux et rend hommage à l’abeille noire provençale en empruntant des éléments au monde apicole. Un sanctuaire qui, par sa matérialité, est une interprétation des cabanes de pierres sèches, constructions vernaculaires provençales. Au sein de Lou Cabanoun, les éléments de l’écosystème méditerranéen sont sublimés et sacralisés.
La récompense offre au duo l’occasionde développer un projet créatif avec l’ARC (Atelier de Recherche et de Création) de l’institution. Le prototype sera présenté l’année suivante au sein d’une exposition scénographiée par les lauréats avec l’aide et le soutien du Mobilier national.
Le prix du public de la ville de Toulon décerné à Théophile Chatelais et Hadrien Kriepalmarès
Le projet de Théophile Chatelais et Hadrien Kriepalmarès est une réflexion sur la chaleur et sa gestion par les humains. De fait, pendant les heures chaudes, le soleil est haut dans le ciel et la mer silencieuse. L’air paraît plus épais, les ombres plus courtes et le temps plus long, ce qui impose de rentrer se protéger à l’intérieur de la maison. Le duo a ainsi créer une salle rectangulaire, accolée à la cour, où coule une fontaine intérieure qui permet de rafraîchir l’espace. Le temps d’un été, celle-ci devient le théâtre de nouveaux désirs, de nouvelles manières d’habiter et d’être ensemble. Une question se pose : Comment vivrons-nous lorsque les températures seront trop élevées ? Peut-être faudra-t-il renouer avec d’anciens rituels, en inventer de nouveaux ?
La 4ème Biennale internationale du design graphique à Chaumont (52) se poursuit avec quatre expositions majeures. Explorant les facettes d’un graphisme vecteur de propos engagés, elles révèlent un éclectisme réjouissant présenté sous forme (très) pédagogique pour tout public… A découvrir, jusqu’au 15 juillet 2023.
Avec ses contractions les plus diverses, la 4ème Biennale internationale du design a tenu sa promesse. Celle de formuler des matières à réflexion, actuelles et engagées… La partie contemporaine du bâtiment du Signe et l’ancienne école Ste Marie désaffectée, accueillent des expositions qui ont emprunté des chemins de traverse. « Procès d’intention », par Jean-Michel Gueridan donne le ton. Berçant l’ordre établi, elle parcourt un panorama expérimental, renoue avec tous les médias, parfois délaissés, des recherches menées sur des écritures anciennes jusqu’à l’art graphique numérique. De l’autre « Parade » signée Vanina Pinter historienne et féministe, met en lumière un panel de graphistes françaises. Radical et analytique, « la Fabrique des caractères » du duo d’Atelier Baudelaire, décortique le genre dans l’univers des jeux et jouets pour enfants. Quant à « l’As du crayon » mis en scène par Tony Durand, elle concrétise avec joie et bonne humeur l’œuvre méconnue, pourtant populaire de Joseph Le Gallennec.
Parade, conçue par Vanina Pinter
Dans la continuité de l’exposition Variations épicènes qui a eu lieu au MABA (Maison d’Art Bernard Anthonioz), à Nogent-sur-Marne en 2020, « Parade » présentent des projets conçus par 39 femmes graphistes françaises toutes contemporaines. « Un·e graphiste prend des coups, doit défendre vaille que vaille sa composition pour que celle-ci émerge dans une société du spectacle ultra formatée, où une mécanique marketing a tout intérêt à ce qu’une graphiste pense peu, qu’iel dépense moins. » clame Vanina Pinter.
Tous les objets de l’exposition explorent des territoires défrichés, des ambitions et des utopies. Chaque projet contemporain et ponctué d’archives, demande une attention particulière, de prendre le temps (et c’est appréciable) de lire afin comprendre le mécanisme d’une pensée. Les deux entrées de l’exposition, l’une intérieure l’autre extérieure, traduisent bien le propos. Sans pour autant propulser au-devant de la scène une création spécifiquement féminine, « un non-sens », selon la commissaire, ces recherches offrent une belle diversité du graphisme que l’on ne voit pas forcément, imprégné de nouveaux territoires, du livre botanique jusqu’au papier peint panoramique créé pour Arte International.
La fabrique des caractères, par Atelier Baudelaire
L’Atelier Baudelaire décrypte les mécanismes du jeu et du jouet autour de la question des déterminismes du genre. Camille Baudelaire et Olivia Grandperrin, graphistes féministes et mères de famille engagées, ont répertorié de manière scientifique et analytique les formes, les logos, les typographies et les couleurs les plus fréquentes utilisées par la grande distribution et propres aux jeux et tee-shirts pour enfants. Le résultat est un ensemble de data sculptures à la fois graphique et design, qui révèle les dessous de la consommation de masse.
La scénographie très soignée et destinée à être démontable, plonge le spectateur en immersion dans un nuancier de couleurs XXL, une table de jeu modulable et des panneaux textiles comme des kakemono japonais. Le propos dénonce aussi le regard parfois insidieux du marketing, tout en s’appuyant sur de nombreuses études. Le constat des deux graphistes est sans appel ; les jouets de grande consommation contribuent massivement à la stigmatisation des activités et des centres d’intérêts selon le sexe des enfants. Cependant, l’exposition n’est ni sociologique ni scientifique, mais elle porte plutôt un regard tendre et ludique sur cet univers implacable de la grande distribution, et faire peut-être bouger les lignes…
L’as du crayon par Tony Durand
Dans le rétroviseur, l’exposition « l’As du crayon » présente le travail de Joseph Le Callennec. Le paquet de sucre en morceaux Béguin Say, la carte routière Michelin et le fameux jeu des 1000 bornes… Vous les connaissez surement, sans le savoir. Le dessin publicitaire de ces objets du quotidien a été conçu par cet illustrateur méconnu, qui à l’époque ne s’appelait pas encore graphiste. C’est à Tony Durand que l’on doit cette formidable exposition et rétrospective, témoignage du développement de la consommation de l’époque des Trente glorieuses.
Les archives de Joseph Le Callennec, ayant pour la plupart disparues dans l’inondation d’une cave, ce graphiste et scénographe discret s’est attelé à regrouper une quantité phénoménale de boites de jeux, d’illustrations, d’affiches, toutes aussi savoureuses les unes que les autres. Des années de recherche et de trouvailles auprès des particuliers ou dans des brocantes, lui ont permis de créer une vaste collection, assez complète, redonnant toute la valeur à l’œuvre précieuse, un poil nostalgique, de ce dessinateur. La scénographie est à l’image de la collection, modeste, colorée, qui va droit au but… Les vitrines en bois sont posées à bonne hauteur sur de simples tréteaux ce qui permet en un clin d’œil ou presque de démonter l’exposition, en route pour de nouvelles aventures.
Pour fêter les 30 ans de la Renault Twingo, la designer Sabine Marcelis a collaboré avec la concession automobile pour proposer une réinterprétation artistique du modèle.
Modèle iconique de Renault sorti en 1993, la Twingo célèbre cette année son 30e anniversaire. A cette occasion, la designer Sabine Marcelis (cf Intramuros 213) a accepté de collaborer pour proposer un modèle inédit. Elle succède ainsi à Mathieu Lehanneur qui avait mit à l’honneur la 4L pour ses 60 ans avec Suite N°4 et à Pierre Gonalons qui avait repensé la R5 pour les 50 ans du modèle avec le concept R5 Diamant.
Connue pour son travail de formes à la fois épurées et élégantes, son affinité particulière avec la lumière et sa maîtrise des technologies repoussant les limites du possible pour une meilleure utilisation des matériaux, la designer néerlandaise, récente lauréate du ELLE DECO International Designer of the Year Award, semblait être la candidate idéale pour relever ce défi.
Un modèle qui allie l’esthétique aux nouvelles technologies
La version proposée par la designer reprend les traits les plus reconnaissables de la Twingo, à savoir sa silhouette monovolume emblématique, ses phares caractéristiques et son intérieur modulaire qui offre une sensation d’espace et de luminosité malgré qu’il s’agisse d’une petite citadine. Par la suite, s’en est suivi un travail de jeux de transparence et d’interaction entre la couleur et les matériaux. « Travailler sur une voiture si emblématique et populaire représentait un véritable défi. C’était l’opportunité de créer quelque chose de véritablement novateur et de mémorable » déclarait Sabine Marcelis à propos du projet. Renault étant très engagé en termes de voitures électriques, le concept bénéficie également d’un kit retrofit.
Si la radicalité était la thématique de ce premier opus des néo Designer’s Days, elle a été interprétée très différemment par les 19 showrooms de la rive gauche. Les scénographies étaient à l’image de l’historique des marques, certaines trop subtiles pour les néophytes, et d’autres hautes en imagination et réalisation.
Dans le top 3 de nos coups de cœur, on salue la devanture de Cassina qui n’a pas hésité à recouvrir ses pièces iconiques d’un textile façon Dripping créé pour l’occasion. Rhabillée de la tête aux pieds, la vitrine a conquis son public. De l’autre côté du boulevard, c’est celle de Roche-Bobois qui nous a interpellé. La marque présentait Zéphyrus et Polygonia de Giacomo Garziano, des meubles-sculptures colorés aux formes futuristes.
Mis en scène dans un décor créé par la plasticienne origamiste Clotilde Gries, l’espace dédié est ainsi devenu spatio-temporel durant ces 4 jours de festival. C’est chez USM que l’adjectif « radical » a fait sens en termes de fondamentalité. USM a conjugué architecture et mobilier en imaginant un petit loft, inspiré par l’ADN du système USM Haller. Cette réalisation permet de se projeter dans un environnement ingénieux et créatif, quelque 60 ans après les premiers prototypes !
On notera l’inauguration du nouvel espace Silvera Gribeauval, réaménagé par Frédéric Turpin. Conçu tel un appartement, ce nouveau showroom, habillé de bleu électrique pour l’évènement, met en avant les produits Baxter. Espérons que cette nouvelle édition soit la première d’une longue lignée !
Le Grand Est parisien a le vent en poupe ! Pour preuve, la 7e édition de la biennale Emergences a encore une fois exposé un vivier de talents locaux du 1er au 4 juin derniers au Centre National de la Danse de Pantin.
Les métiers d’art et du design du territoire Est Ensemble étaient représentés par une trentaine de professionnels de la création sélectionnés par Véronique Maire et Helena Ichbiah, co-commissaires de In-Situ. Ensemble, elles ont souhaité montrer le processus de création qui a permis la mise en lumière de lien entre les différentes disciplines.
Imaginée en six tableaux baptisés studios, cette scénographie s’est déployée sur trois niveaux du CND. Les pièces exposées dans les studios couleur, matière, ornement, épure, manifeste et radical-futur ont démontré le bon fonctionnement de cet écosystème intercommunautaire.
Engagés, les designers, artisans d’art et artistes, tous affiliés aux neuf villes du territoire Est Ensemble, ont partagé leur univers par le biais de dessins, prototypes, échantillons, réalisations et autres maquettes.
Les travaux d’ébénisterie de Materra-Matang, le constructivisme de Pierre Lapeyronnie, la transversalité de l’atelier Noue, l’engagement de Hall.Hause, l’harmonie décalée de Hugo Dubray ou encore la dénonciation d’Anaïs Beaulieu font partie des coups de cœur de cette biennale dédiée au savoir-faire et à l’excellence.
Ce panorama très enthousiasmant est un des reflets du dynamisme de ce territoire ascensionnel.
Lettres, chiffres, notes et signes sont la matière première des fascinantes œuvres sculptées à visage humain présentées par le sculpteur Jaume Plensa à La Pedrera – Casa Milà de Barcelone.
Quoi de mieux que l’écrin architectural de La Pedrera – Casa Milà de Barcelone pour accueillir un mélange à la fois immersif et spectaculaire des œuvres les plus intimes et monumentales du sculpteur catalan Jaume Plensa ? À l’invitation de la Fondation Catalunya La Pedrera, l’artiste investit les espaces notables du bâtiment d’Antoni Gaudí (l’étage muséal, mais aussi les appartements, le « ventre de la baleine » – le sous-toit aux fameuses 127 arches – et la terrasse) pour concevoir une exposition-rétrospective labyrinthique autour de la fragilité des mots et de la poésie de la forme et du geste.
Un alphabet-design de nos pensées
Lettres et chiffres, notes de musique et signes, s’enlacent ainsi autour ou à l’intérieur des sculptures aux contours humains, aux visages et bustes translucides, pour créer un nouvel alphabet de corps dont le design épuré évoque un éloquent hommage au silence.
Des personnages assis, en bronze ou en métal peints, parfois portés par des sphères ; des faces absorbées par une quiétude méditative ; des humanoïdes ou des poupons délivrant leur chapelet de signes pendulaires ; autant d’interprètes cois qui nous accompagnent dans une déambulation cathartique, que semblent survoler les œuvres les plus massives, comme cette main traversant l’espace de la cour intérieure ou cette sculpture- autoportrait aux mains sur la bouche, qui surplombe les toits depuis sa plate-forme expiatoire.
Des œuvres passerelles
« Une lettre ce n’est pas grand-chose, c’est quelque chose d’humble, mais liée à d’autres, elles forment des mots, et les mots forment des textes, et les textes la pensée », nous explique Jaume Plensa au détour des quelques annotations murales venant donner des clés de lecture éparses à ses œuvres muettes. De la même manière, le design habité de ses objets incarnés forme devant nous le fil narratif de corps empreints de solennité et de recueillement. Un choix esthétique qui nous guide et ameuble à sa façon les lieux, comme pour créer une litanie de passerelles visibles du langage entre l’espace physique et l’espace intérieur de nos esprits.
Déjà plébiscitée depuis sa création par les professionnels, la 4e Biennale internationale du design graphique mise à l’honneur à Chaumont (52) gagne à être d’avantage connue du grand public. Dans ce lieu unique en France, le Signe, on y découvre en autre le 30e concours international d’affiches et des expositions foisonnantes, qui distillent une vision enjouée, colorée et engagée du champ créatif tentaculaire de l’image. Une exposition à découvrir jusqu’au 21 octobre.
Le Signe, Centre national du graphisme, un lieu incontournable
Dès sa création en 1990, le Signe a toujours su démontrer que le design graphique infuse toutes les strates de la société dans notre environnement physique et virtuel, sous forme d’images, de typographie, de signalétique, d’affiches ou de logos… Dans une architecture épurée, il accueille expositions, résidences, formations, mais aussi un festival, un concours international d’affiches, ce dernier prolongeant par un fond d’affiches contemporaines, la collection acquise par la ville en 1906. Porté par la Ville de Chaumont, la Région Grand Est et le ministère de la Culture, constitués en groupement d’intérêt public, le Signe est un bâtiment incontournable dédié au design graphique, dont l’extension conçue par l’agence Moatti&Rivière révèle en toute discrétion, la puissance des images et des œuvres exposées.
Concepteur de l’identité visuelle du Signe depuis 2018, le graphiste Mathias Schweizer, donne le ton joyeusement rock and roll de la 4e Biennale internationale du design graphique, tandis que la thématique du gâteau d’anniversaire « se déguste » dans un propos porté par le directeur Jean-Michel Geridan. Cette signature bouillonnante comme vecteur de communication, entre street art et futurisme, se métamorphose en images ludiques maitrisées, sublimées par le noir et blanc superposé de couches de couleurs fluos, le tout délicieusement régressif et subversif.
Un concours international d’affiches époustouflant
Pour le 30e concours international d’affiches, 1700 créations issues de 50 pays, ont été analysées devant un jury international composé de professionnels : Atelier 25 qui accompagne les institutions culturelles, Harmen Liemburg graphiste et sérigraphe néerlandais, Réjane Dal Bello conceptrice graphique, Clément Valette représentant de la SAIF et Hervé Di Rosa artiste pour l’Académie des Beaux-Arts. Toutes les affiches ont été conçues dans le cadre d’une commande officielle et réalisées ces deux dernières années.
Dans une scénographie astucieuse signée Kévin Cadinot et Romain Petit, qui combine les structures modulables et les cartels au sol, la centaine sélectionnée explose dans un festival de couleurs. « C’est toujours l’exposition phare de la Biennale. Elle est très parlante pour le grand public qui décerne lui aussi son prix, étant donné la diversité d’écritures et de contextes. Il n’y a jamais de thèmatique ; c’est un concours professionnel qui vise à montrer l’état de la commande actuelle, en tant qu’objet de communication. » explique Mariina Bakic, responsable de la création et de la transmission. Si le spectacle vivant, (théâtre, cirque, danse) au travers de la commande publique est bien présent, les centres d’art et l’auto commande (pour une manifestation) ont aussi leur place.
Sans format imposé, la sélection du jury reflète également la qualité des supports digitales ou imprimées, chaque affiche ayant été observée dans son media de création. « Le savoir-faire et la collaboration des graphistes avec les imprimeurs (sérigraphie, impression offset ou jet d’encre) est aussi primordiale que la conception de l’affiche. » Le travail de la typographie par la recherche grâce aux outils numériques est l’une des grandes révélations de cette 4e Biennale internationale du design graphique qui marque aussi via le digital, un retour à la lettre manuscrite.
En 2023, la sixième biennale des métiers de l’art et de la création contemporaine a fêté ses dix ans d’existence en célébrant la créativité du Québec, pays à l’honneur.
Le Grand Palais Ephémère vient de refermer ses portes sur le salon Révélations. Très qualitative, cette nouvelle édition a permis au public de découvrir 350 exposants, dont 71 % de nouveaux venus. Dans la scénographie toujours aérée du designer Adrien Gardère, ces créateurs, galeries, manufactures, régions et associations, issus de 29 pays, ont été sélectionnés par le comité d’orientation artistique, composé de onze acteurs de la filière, des arts, du marché et des institutions. Fidèles à ses valeurs, Ateliers d’Art de France, organisateur de l’évènement, a renouvelé son exposition centrale « le Banquet », mis en lumière la création foisonnante d’un pays – cette année, la province du Québec -, ou encore a réalisé un focus appuyé sur les jeunes talents du secteur.
Le Banquet, l’excellence des savoir-faire internationaux
Exposition-signature du salon, le Banquet 2023 a présenté la crème de la création provenant de dix régions du monde. La Chine, l’Egypte, l’Equateur, la France, l’Irlande, le Portugal, les Pays-Bas, mais aussi le Rwanda, la Suède, l’Ukraine et l’Europe ont dialogué autour des matières et des techniques. En dix espaces, 70 artistes et manufactures ont repoussé les formes et les frontières. Parmi les propositions, quelques pièces ont retenu notre attention. Certaines provenaient de l’exposition « les Aliénés » du Mobilier national, réalisée en 2022, présentant des meubles inusités du Mobilier, revus par des plasticiens aussi audacieux que provocateurs. Sur le Banquet, le designer Thierry Betancourt, en collaboration avec la Maison Louis Marie Vincent a posé La Rêveuse, commode en bois de rose de style Louis XV, recouverte d’une épaisse gangue blanche, réalisée en « carton pierre », une technique ancestrale du XVIIème siècle remise au goût du jour. Les formes organiques de cette dernière semblent annihiler le caractère utilitaire du meuble. A l’aide de cuivre gonflé à la flamme, Prisca Razafindrakoto a transformé la chaise d’écolier Mullca 510 du créateur légendaire Gaston Cavaillon. De même, sur le Banquet Europe, la suédoise Léonie Burkhardt a présenté Radiant Pink, sorte de vase textile créé à partir d’un fil rétractable thermoréactif, où aucune couture n’est visible, tandis que Blush, pièce de l’Irlandaise Helen O’Shea sublimait une bouteille plastique grâce aux fils de coton et épingles à coudre. Enfin, le Rwanda brillait notamment à travers Mannequin, une pièce imposante de métal et fils, du jeune plasticien Cedric Mizero.
Le Québec à la fête
Aux côtés de nouveaux pays exposants comme l’Arménie, l’Egypte, le Danemark, le Liban, mais aussi l’île française des petites Antilles Saint-Barthélemy, pour ne citer qu’eux, la nation Québec était l’invitée d’honneur du salon, faisant suite à l’Afrique en 2022. « Ce pays était déjà présent sur le Banquet 2019, explique Stéphane Galerneau, président fraîchement élu à la tête d’Ateliers d’Art de France et du salon. Bénéficiant du plus gros budget culturel jamais alloué aux métiers d’art, nos cousins francophones portent les couleurs d’une création libérée des contraintes patrimoniales, et ont cette volonté d’inclure les peuples autochtones. » Soutenus par le conseil des métiers d’art, la maison des métiers d’art de Québec, le gouvernement québécois et sa délégation parisienne, trente-quatre créateurs dont dix des Premières Nations ont proposé des pièces en verre, textile, métal, pierre, papier, bois, céramique, hybridant les cultures nordaméricaine et européenne. Parmi ces nombreux artistes de la matière, le duo canadien Hélène et son mari – la céramiste Hélène Chouinart et le sculpteur Jean-Robert Drouillard – exposait, non sans humour, J’effeuille les parfums de mon enfance, une installation composée d’une kyrielle de tasses en céramique, accompagnées d’une figure en bois. Une œuvre illustrant les pratiques traditionnelles de cet art du feu, réactualisées par des motifs imprimés par décalcomanie. Exclusivement dédié à quinze artistes québécoises et canadiennes, dans trois lieux parisiens, le programme « Hors les murs » accompagnait également cette foisonnante sélection de la Belle Province, visible sur les deux grands stands in situ.
Sur l’Agora, l’avenir du secteur
L’exposition collective des dix ans du Prix de la Jeune Création Métiers d’Art, accueillait le public, dès son entrée, sur l’Agora. « Cette année, Révélations a souhaité valoriser tous les lauréats dénichés sur le territoire français depuis une décennie », renchérit Stéphane Galerneau. Lauréate 2023 avec l’artiste du verre Tiphaine Germaneau, la céramiste Cécile Fouillade alias Siquou présentait quelques nouveaux Vases Fourrure reproduisant en céramique le pelage animal, inspiré de sa dernière résidence artistique au Groenland. Parmi d‘autres, la brodeuse Clémentine Brandidas, lauréate 2018 exposait Shanshui, marqueterie de plumes sur soie teintée, tandis que l’étonnant collier Kaa, en cuivre et argenture était l’œuvre réalisée et récompensée en 2016, par Marine Dominiczak, artiste du bijou contemporain.
Tremplin pour la jeunesse, acteur économique déterminant pour toute une filière, le salon s’est créé, au fil du temps, un ADN unique. Cette année, cette identité particulière s’est aussi exprimée à travers Columbidae, œuvre délicate de papier de la sculptrice japonaise Kuniko Maeda, associant technologie numérique et artisanat d’art nippon. « Nous souhaitions souligner la diversité de nos métiers, poursuit Stéphane Galerneau, et présenter au public des métiers plus rares. »
Le design en trois coups de coeur
Si le président d’Ateliers d’Art de France et du salon affirmait que « la biennale est cette niche d’excellence qui ne dérive pas vers l’art ou le design », cette nouvelle édition lui donnerait-elle tort ? En témoignent quelques exemples parmi beaucoup d’autres, venant appuyer l’idée de porosité des frontières, de filiation entre créateurs et designers.
Tiffanie Baso/ Magdeleine, Slacken
Fondatrice, en 2019, originaire d’Occitanie de la marque Magdeleine, Tiffanie Baso est une jeune artisane-designer du bois, pleine de promesses. Créé en 2021, son fauteuil Slacken en frêne et orme a été réalisé grâce à la technique du cintrage. « Le cintrage tord le bois, explique-t-elle. Une accumulation de lames est nécessaire pour fabriquer notre forme finale. Lorsque nous avons sélectionné et organisé minutieusement nos lamelles, nous les plaçons dans une étuve à vapeur, élément-clef pour plier le bois. Elle permet de réchauffer et détendre la fibre du bois, afin de la façonner aisément autour d’un gabarit pour créer une forme spécifique, et obtenir des courbes optimales. »
Seraphyn’, Gracile et Mangrove
Dessinée par la créatrice Seraphyn Luce Danet, la chaise Gracile créée en 2023 a été exécutée par l’atelier de menuiserie Falher. Selon la technique brevetée par le Français Claude Barlier, sans assemblages apparents, elle est décomposée en une série de strates numériques découpées dans des matériaux en plaques, ensuite compilées pour reconstituer la pièce finale. Quant à son guéridon Mangrove, en bronze poli et doré, exécuté par le ciseleur Mapie Belgary et le fondeur Yannec Tomada, sa forme organique et asymétrique s’inspire d’une végétation racinaire qui se développe dans les marais des littoraux tropicaux, lieu de reproduction de la biodiversité.
Mobilier National et la Cité de la céramique – Sèvres & Limoges
Pour la première fois, la Cité de la Céramique-Sèvres & Limoges et le Mobilier national ont partagé un stand. Grâce à la scénographe Mathilde Bretillot, cinq « tableaux » offraient des points de vue sur la création mêlant de nombreuses pièces. Parmi celles-ci, quelques tapisseries de Jean Messager, Geneviève Asse ou Cécile Bart, un fauteuil de Francesco Binfare, une banquette du Studio Mr. & Mr, des guéridons d’Eric Schmitt ou encore plusieurs vases de grandes signatures.
Depuis dix ans, Révélations a su affirmer son positionnement d’excellence en faveur des métiers d’art et de la création. De plus en plus décomplexés en regard des nouvelles technologies, tout en respectant les traditions et l’environnement, ces métiers font de ce salon, un exemple unique en son genre.
Si créer pour une société à la fois durable et créative est la base de la philosophie de l’architecte Jacques Ferrier, il compte bien la transmettre lors de son programme à Campus MaNa. La thématique « Habiter la fenêtre » en dit long sur ces quinze jours d’atelier ! Il traitera la fenêtre en tant qu’élément primordial de l’architecture, véritable lien entre l’intérieur et l’extérieur.
Accompagné de l’assistant architecte et théoricien Clémentin Rachet, et de Mathieu Luzurier, menuisier habitué au campus, Jacques Ferrier abordera des sujets incontournables en termes de construction dans un contexte de crise climatique. Pour lui, la relation entre l’habitant et l’environnement est essentielle, et passe notamment par l’appropriation et le désir d’usage.
Véritable défit architectural, la baie vitrée fragilise une architecte en retirant de la matière. Revoir l’histoire de toutes ces ouvertures, de l’arc roman aux constructions en béton armé, permet d’envisager une nouvelle vision de la fenêtre, non seulement stylistiquement mais aussi techniquement.
De la théorie à la pratique, la fenêtre, symbole de liberté et d’évasion, sera au cœur des échanges et de l’atelier bois du campus. Transparence, occultation, performances techniques et écologiques, sans oublier esthétique, tous ces points seront abordés durant ce programme.
Car au-delà d’être uniquement un vecteur d’air et de lumière, la fenêtre peut être habitée. À l’instar des bow window ou fenêtre en saillie, c’est un seuil entre l’intime et le public que l’on habille de rideaux ou de volets pour se protéger. Mais le verre utilisé peut aussi être chauffant, teinté, voire changeant. La fenêtre est une thématique qui mérite une attention toute particulière pour les enjeux d’aujourd’hui et de demain !
Détails du programme
Du 18/09/2023 à 29/09/2023
Matériaux: végétal, bois, métal, autres
Domaine : Architecture
Durée : 2 semaines
Langue : Français & anglais
Coût : 3900 € TTC
Ce tarif comprend le coût de la formation, l’hébergement et la pension complète, les matériaux et les équipements de protection individuelle.
Ce tarif comprend le coût de la formation, l’hébergement et la pension complète, les matériaux et les équipements de protection individuelle.
De 18/09/2023 à 29/09/2023