« Total Recall » : À quoi rêvent les jeunes diplômés de Saint-Étienne ?

« Total Recall » : À quoi rêvent les jeunes diplômés de Saint-Étienne ?

Jusqu’au 4 juin, les diplômés 2022 de l’Ecole supérieure d’art et de design de Saint-Etienne (ESADSE) exposent leur projet de dernière année… Une vue d’ensemble proposée par des commissaires extérieurs, loin des présentations classiques, qui peut dérouter certains, mais qui, en décontextualisant de la démarche de diplôme les pièces présentées, les inscrivent dans un « après » commun. « Total Recall », en référence à la nouvelle de Philippe K. Dick, prend ainsi le parti d’offrir au visiteur un instantané général embrassant l’ensemble des préoccupations portées par les jeunes artistes et designers.


Emma Faury-Graziani, Prisacca, 2022 — Textile, 180 x 80 cm

Simon Decottignies, Cagoule de soudage, 2022, Aluminium, 21 x 36 x 65 cm - Photo S.Binoux

Depuis 2022, l’Ecole supérieure d’art et de design de Saint-Etienne challenge la mise en lumière les travaux des dernières promotions diplômées : le commissariat est confié à des personnalités extérieures , qui portent sur les projets un autre regard que celui de l’équipe pédagogique. Ce sont Julie Portier et le collectif It’s Our Playground qui ont eu la mission de scénographie les propositions de l’ensemble des étudiants diplômés en 2022.

Dans un dialogue avec les étudiants ils ont choisi des pièces de leur projet de fin d’études, voire des éléments créés dans la continuité. Et ont pris le parti de les dispatcher au travers de l’exposition, dans une volonté de faire émerger des thèmes d’ensemble et d’interpeler le spectateur.

Au premier abord donc, difficile de concevoir que l’on se trouve face à différents projets qui ont été menés avec un protocole particulier, un mémoire de recherche et des itérations documentées. Il faut effectivement s’appuyer sur les programmes et plans distribués à l’entrée pour souvent recomposer les puzzles d’un même projet, voire consulter le site internet de l’école pour  celui qui veut aller plus loin dans la compréhension de la démarche du jeune diplômé.

Maëva Borg, La forme de l’Autre, DNSEP option design – mention média, 2022 © Sandrine Binoux

Mattéo Sanchez, Il suffit d’une étincelle pour que tout commence, 2022— Bois, corde et acier inox, dimensions variables

Simon Frajer, La Nuit Sauvage, 2022

Le titre « total Recall » a été choisi en référence à la nouvelle de Philippe K Dick, adaptée au cinéma par Paul  Verhoeven, qui imagine la possibilité de se faire implanter de faux souvenirs, de voyages ou d’actes héroïques. C’est cette omniprésence de la relation au temps dans les différents projets de diplômes, qui a d’abord frappé les commissaires et qui explique ce choix. Et c’est aussi une autre relation au temps des œuvres, au départ terminées pour un examen, qui est en jeu ici , dans un contraste scénographique pensé aussi dans les strates d’une relation au temps, depuis une mise en « façade » à l’entrée de l’exposition jusqu’à la dernière partie dans l’obscurité relative.

Des réminiscences de l’enfance à la recherche autour du deuil, expressions autour de points de passage comme les portes ou d’objets transitionnels, d’objets « passerelles », les restitution d’expériences urbaines à travers le regard de skatteurs, d’artiste graffeurs, ou de restitutions virtuelles;  la réappropriation d’outils relationnels comme les boîtes aux lettres  ou la mise à nu de la violence codifiée  dans les dialogues de gamers en immersion… les sujets d’interrogations et d’engagements sont nombreux. Voire assez déroutants : quand certains requestionnent un rapport à la vie sauvage, dans une étude de terrain où l’on retrouve une inspiration de B. Morizot, d’autres  recréent un rituel autour du rapport au feu.

Chaque année, un jury décerne un prix à  deux projets, en art et en design.  Cette année, avec l’appui du mécène AXA, le prix design a récompensé la recherche de Kunhong  Du, qui s’est intéressé à la création de compagnons réconfortants pour les malades dans une observation fine des besoins du malade. Un travail qu’il compte poursuivre avec la bourse reçue. Le prix Art sera décerné avec ArtPres le 25 avril.

"La journée calme" , projet lauréat du Prix Design, designer : Kunhong Du © Kuhnong Du

Remise du prix à Kuhnong DuRemise de Prix Design AXA - © Hubert Genoilhac/PhotUpDesign

Rédigé par 
Nathalie Degardin

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3/2/2025
Moustache présente l’extra BOLD sofa, toujours designé par BIG-GAME

15 ans après la sortie de la chaise Bold, l’éditeur français Moustache a dévoilé début janvier l’extra Bold sofa, le canapé de son modèle iconique. Une pièce modulable selon les envies, toujours imaginée par le studio suisse BIG-GAME.

Pour cette version canapé du Bold, le studio BIG-GAME et Moustache proposent un modèle modulaire, qui offre une multitude de possibilités. En effet, ce dernier peut prendre plusieurs formes et directions - droit, rentré vers l’intérieur ou vers l’extérieur - pour des compositions à l’infini. « La chaise BOLD jouait avec un principe d’entrelacement de lignes, qui a ensuite été repris sur le tabouret, le banc et le fauteuil. L’extra BOLD sofa a une nouvelle logique constructive, puisqu’il s’agit d’un système modulaire qui s’appuie sur des éléments répétitifs. Conçu à la demande grâce au configurateur numérique de Moustache, il peut être réalisé en lignes droites ou en courbes dans n’importe quelle forme en utilisant un seul module d’assise et un seul module d’accoudoir » racontent les designers de BIG-GAME. Un modèle d’autant plus modulable qu’il existe en 15 coloris différents, ici encore totalement personnalisables selon les envies. Que ce soit en version monochrome ou multicolore, les combinaisons possibles se comptent par centaine !

Extra Bold Sofa, design : BIG-GAME © Moustache

Un modèle pensé comme une suite logique

Dans la continuité de la chaise sortie en 2009 qui sera ensuite suivie du tabouret et du fauteuil, la version canapé de la collection BOLD semblait être une évidence. Pour autant, les 15 années qui séparent la chaise et le canapé ont permis à la marque et aux designers de développer de nouvelles techniques pour s'affranchir de certaines contraintes. « Nous avons longtemps été limités par le diamètre de la chaussette qui sert de housse par exemple. Aujourd’hui, grâce à une collaboration fructueuse avec Kvadrat, la housse sans couture en 100 % laine a été développée exclusivement pour Moustache et permet de recouvrir des tubes beaucoup plus larges. En termes de confort, il s’est amélioré grâce à la structure de l’assise fabriquée en France avec une technique de production zéro déchet de mousse haute densité spécialement formulée pour Moustache » confient les designers. À l’heure où les intérieurs ne cessent de changer et que l’heure est à la modularité, ce canapé ne devrait pas avoir de difficulté à se faire une place dans les intérieurs.

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29/1/2025
« Speed dating... Love stories » au FRENCH DESIGN by VIA

Le FRENCH DESIGN by VIA présente « SPEED DATING... Love stories » jusqu'au 25 avril. Une exposition rétrospective sur 15 années de rencontres entre designers et éditeurs, initiée par l'institution.

Lancés en 2010 dans l'optique de favoriser l'émergence de nouvelles collaborations, les FRENCH DESIGN SPEED DATING OBJET comptent parmi les événements importants de la création. Favorisant l'échange d'idées novatrices entre les designers et les maisons d'édition porteuses d'un savoir-faire et d'un support industriel, ces rendez-vous annuels ont permis de donner naissance à une multitude d'objets. C'est avec l'idée de réunir sur le devant de la scène les créations les plus emblématiques de ces rencontres et celles passées malheureusement inaperçues que cette exposition a été pensée. À la fois célébration d'une décennie et demie de création contemporaine française, et mise en avant des deux principales familles du design que sont les designers et les éditeurs, “SPEED DATING... Love stories” expose la fécondité d'un concept.

©FRENCH DESIGN by VIA

De petits et de grands noms en face-à-face

Dispersées dans une scénographie signée Maison Sarah Lavoine et faite de drapeaux colorés, comme un clin d’œil aux Jeux olympiques de Paris, 20 pièces prennent place. Assises, luminaires, tapis ou encore bureaux se côtoient et avec eux, leurs designers. Parfois reconnus et déjà bien installés, parfois révélés comme Elise Fouin, Bina Baitel, et Julien Vidame dont on peut penser que les rencontres générées par le Speed Dating Objet ont significativement contribué à leur notoriété.

Sélectionnés pour leur diversité typologique, mais aussi esthétique, chaque objet a également été regardé sous l'angle de l'innovation. En accord avec la volonté de l'institution de favoriser une évolution plus verte de la discipline, quelques pièces s'affichent comme des pistes d'exploration à l'image de la lampe Scalaé de Martin Thuéry et la maison d’édition Boutures d'objets réalisées en 2020 à base de briques concassées. Une manière de démontrer, outre l'intérêt de ces rencontres, que l’addition d'une vision et d'une technique peut aussi être source de nouvelles perspectives.

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31/1/2025
La maison L. Drucker signe une collaboration avec BrichetZiegler

Connue pour ses chaises en rotin, la Maison L. Drucker l'est aussi pour ses collaborations avec divers designers. Parmi eux, le studio BrichetZiegler qui vient de signer la chaise colorée Valmy.

C'est une collaboration née « au culot » résume Caroline Ziegler du studio BrichetZiegler. « Avec Pierre Brichet, mon associé, nous aimons et collectionnons les chaises, comme beaucoup de designers. Alors nous en dessinons, tous azimuts, et puis on affine. Il y a un moment où les planètes s'alignent avec cette méthode. » Tout est parti d'un croquis fait à l'atelier, et puis un autre et encore un autre, tous basés sur l'image d'une chaise de bistrot. D'abord imaginée en métal, le matériau le plus utilisé par le studio, l'assise a rapidement évoluée vers le rotin « pour plus de simplicité » explique la créatrice, convaincue que « la forme est toujours associée à un matériau qui permet de la réaliser. Jamais l'inverse. » Une réflexion qui amène le duo à proposer leurs esquisses à la Maison L. Drucker, spécialiste du mobilier en rotin, il y a un an. « Nous n'avions aucun lien avec eux à ce moment-là, mais ils se sont montrés à l'écoute et très intéressés par notre modèle qui sortait de leurs codes habituels. C'est ainsi qu'a débuté notre travail commun. »

©Maison L. Drucker & BrichetZiegler

Une rencontre entre le design contemporain et l'artisanat patrimonial

« Ce qui est intéressant dans ce projet, c'est ce pas de côté par rapport à la chaise de bistrot classique. On a gardé tous les codes qui lui donnent son identité, tout en l'amenant vers quelque chose d'autre. Si demain on la montre à un brésilien, il se dira certainement que c'est à Paris. Il y a quelque chose de la filiation. » Jusqu'alors inutilisé par les designers – hormis un balai présenté à la Biennale Émergences de 2020 -, le rotin s'est avéré être une source d'opportunité autant que de complexité pour le duo dont le croquis initial a vite dû évoluer, sur le plan structurel d'abord, mais également esthétique. « Nous avons été obligés de rajouter plusieurs renforts sur les intersections ce qui nous a amenés à repenser légèrement l'apparence. D'une certaine manière, ce décalage entre notre vision et celle de l'entreprise raconte cette discrétion structurelle propre aux chaises en rotin, et à côté de laquelle nous étions passés. C'est très intéressant ! » Par ailleurs, c'est aussi visuellement que l'idée initiale s'est enrichie. « Dans notre premier dessin, il y avait moins de textile car nous ne pensions pas qu'il était possible de tisser autour de l'armature. Nous avons été encouragés à le faire et c'est ainsi qu'est né ce dossier si prégnant. » Une pièce à l'allure bien particulière qui a donné lieu à de nombreux prototypes pour trouver le confort optimal, et à de nombreux essais colorimétriques.

©Maison L. Drucker & BrichetZiegler

Tresser la couleur

Rouge, verte, jaune ou bleue, la Valmy tire son identité graphique de sa couleur plus que de sa structure qu'elle « vient habiller ». Pourtant, ce « véritable parti-pris » n'a fait son apparition que dans un second temps, « lorsque Monsieur Dubois, le directeur de la Maison L. Drucker nous a annoncé l'ensemble des possibilités de mise en œuvre du tissage. C'est lui qui nous a recommandé d'y aller franchement sur le design. Assez logiquement, nous nous sommes pris au jeu et nous avons décidé d'accompagner le dessin par la couleur. » Les trois arceaux se sont alors épaissis pour accueillir chacun une nuance différente de façon à créer un dégradé. Trois teintes que l'on retrouve également dans le tressage ajouré de l'assise en plus d'une couleur complémentaire, visible au niveau des jonctions du dossier, et de deux fils, noir et blanc. « La couleur est un exercice que nous aimons travailler, mais qui demeure occasionnel. Elle n'a d'intérêt que si elle amène quelque chose en plus, en venant renforcer un élément graphique par exemple. C'est le cas pour Valmy. » Heureux de cette collection, le studio « amateur d'une certaine abondance formelle et d'une richesse visuelle », se pose d'ores et déjà la question de poursuivre les explorations créatives de ce matériau, source de projets en tous sens.

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