Rétro 2021 : Retour sur la Design Parade
Johanna Seelemann / Marc-Antoine Biehler et Amaury Graveleine / Edgar Jayet et Victor Fleury © Luc Bertrand

Rétro 2021 : Retour sur la Design Parade

La Villa Noailles organise depuis 2016 la Design Parade de Toulon, petite sœur de celle de Hyères qui fête cette année ses 15 ans. Respectivement centrés sur l’architecture intérieur et le design, ces deux domaines se côtoient dans ce festival qui avait cette année une saveur toute particulière. Après l’annulation de l’édition 2020, il était tant de retrouver les créateurs et partager avec les visiteurs ce qu’est le design d’aujourd’hui et ce que sera peut-être celui de demain. Le jury composé de 10 personnalités, était cette année présidé par Karl Fournier et Olivier Marty, fondateurs du Studio KO.


Henri Frachon : Mention spéciale du jury (Hyères)

Diplômé de l’Ecole nationale supérieure de création industrielle (ENSCI), Henri Frachon possède aussi un bagage d’ingénieur et de physicien obtenu respectivement aux Arts et Métiers et à l’Université Claude Bernard de Lyon. Le designer, déjà lauréat des Audi Talents 2020, conçoit le design contemporain comme un ensemble de facteurs complémentaires. À la fois inventif, intemporel et pratique, il n’exclut pas une approche sensible offrant rythme, justesse mais aussi dissonance. À travers ses conceptions percées de trous et dépourvues de leurs fonctions classiques, Henri Frachon s’est focalisé sur l’essence même de cette absence de matière. « J’ai interrogé ce que sont formellement les trous, ce qui les caractérise, ce qu’ils apportent, ce qui les rend beaux ». Un projet qui laisse donc voir bien plus loin que la surface en elle-même.

Henri Frachon, Design Parade de Hyères © Henri Frachon

Arthur Donald Bouillé : Prix du public  (Hyères)

Après avoir débuté son cursus avec un Bachelor de Design Industriel à l’Ecole nationale supérieure des arts visuels de Bruxelles, Arthur Donald Bouillé a obtenu un master en création industrielle à l’Ecole nationale supérieure de création industrielle à Paris. Médaillé il y a quelques années au concours annuel organisé par le MIT à Boston pour le développement d’un purificateur d’air intérieur, le designer porte depuis un intérêt plus profond à « l’exploration des mécanismes et des stratégies du Vivant ainsi que les questionnements éthiques ou écologiques qu’elles suggèrent ». C’est ainsi que l’échange avec des chercheurs a pris une place de choix dans son processus créatif pour proposer « de nouvelles manières d’envisager notre relation aux vivants et aux technologies ». Une évidence pour celui qui transforme les frontières en zones de rencontres inter-disciplinaires/environnementales/conceptuelles. Au travers de son projet récompensé par le festival, le designer souhaitait « interroger les manières de prendre soin et d’accompagner les malades du cancer par l’intermédiaire d’objets transitionnels, de supports de projection qui permettent d’extérioriser, de mettre à distance un fragment de la maladie ». Un projet qui, grâce à l’implication de la recherche scientifique et philosophique, peut se qualifier de thérapeutique et transitionnel selon les dires du créateur.

Arthur Donald Bouillé, Expérience de panser, Design Parade Hyères © Anne-Charlotte Moulard

Johanna Seelemann : Mention Spéciale Eyes On Talents X Frame (Hyères)

Née en Allemagne, Johanna Seeleman développe ses « fascinations » durant sa licence en conception de produits à l’Académie des Arts d’Islande puis son master en design contextuel à la Design Academy of Eindhoven au Pays-Bas. Une fascination globale qui a conduit la designer à prendre la parole lors de conférences et d’événements comme la Deutsh Design Week, à s’exposer à Londres, mais aussi de nombreux pays nordiques. Mais celle qui en 2019 a été séléctionnée pour le « ICON Design – 100 Talents to Watch », n’avait jamais remporté de prix avant celui de la Villa Noailles. Particulièrement intéressée par « l’exploration de produits et de matériau qui semble banal en Europe », la designer « aime dénicher des parcours et des contextes cachés et proposer des scénarii alternatifs ou des futurs possibles ». La sensibilité de Johanna Seelemann envers les matériaux et leurs impacts dans une société pourtant sensible à la cause environnementale l’amène à se questionner sur la « possible adaptation de nos systèmes et l’utilisation des ressources au changements constants des goûts. »

Terra Incognita vise ainsi à placer la plasticine (un argile de prototypage) au centre du matériau. « En design on dit que la forme suit la fonction, mais elle suit aussi la mode et les tendances. » Ce nouveau médium offrirait donc la possibilité de remodeler l’objet à l’infini. Un projet esthétique et évolutif en somme !

Johanna Seelemann, Terra Incognita © Luc Bertrand
Johanna Seelemann, Terra Incognita © Luc Bertrand

Cecile Canel & Jacques Averna : Grand prix du jury  (Hyères)

Lauréats de la résidence « sur mesure + » de l’Institut français et résidents aux Ateliers de Paris, Cécile Canel et Jacques Averna ont exposé leur création mêlant dynamisme et mécanisme à la Design Parade de Hyères. Sortis tous deux de l’ENSCI les Ateliers, et préalablement diplômés respectivement aux Beaux-Arts de Toulouse et à l’Ecole Boulle, ces deux designers adhèrent à un design qui « vient se frotter à des réalités techniques, matérielles et sociales, tout en gardant élégance et astuce ! ». C’est ainsi que ce duo s’est intéressé aux enseignes de magasins « responsables de beaucoup de pollution lumineuse et de consommation énergétique». Pour y remédier avec élégance et astuce, les designers ont saisis la force du vent pour animer aux grès de ses courants ces repères du quotidien.

Cécile Canel et Jacques Averna, Design Parade Hyères © Luc Bertrand
Cécile Canel et Jacques Averna, Design Parade Hyères © Luc Bertrand

Anna Talec & Julie Brugier : Mention Spéciale du jury (Toulon)

Anna Talec et Julie Brugier sont toutes les deux diplômées d’un DSAA, spécialisées respectivement en mode et environnement à l’école Duperré de Paris, et en design d’objet à l’école Boulle de Paris. Ancrées dans l’idée que l’approche contextuelle est désormais devenue inévitable, les deux créatrices font des différents facteurs d’un lieu, un ensemble d’éléments à prendre en compte. « Nos projets s’ancrent toujours dans des territoires emplis de savoir-faire », leurs permettant de revendiquer « un design sobre et vivant ». Premier appel à projet réalisé par le binôme, la thématique leur a permis de mettre en avant une plante attachée au territoire méditerranéen : le chanvre. Écologique, les designers l’ont donc transformée en objet domestique au sein de leur espace appelé la Villa du cueilleur. Un appentis qui, avec sa charpente en bois et ses fonctionnalités primaires, offre un résultat « frugal » selon les créatrices.

La ville du ceuilleur, Anna Talec et Julie Brugier, Design Parade de Toulon © Luc Bertrand
La ville du ceuilleur, Anna Talec et Julie Brugier, Design Parade de Toulon © Luc Bertrand

Clemence Plumelet & Geoffrey Pascal : Prix Mobilier national (Toulon)

Pour ces deux diplômés de la Design Academy of Eindhoven au Pays-Bas, ce prix est le premier remporté. Avec leur vision du design contemporain basé sur l’échange des savoirs-faire et des souvenirs générationnels, les deux jeunes designers ont abordé la thématique méditerranéenne selon plusieurs angles au gré de leurs rencontres. « La Méditerranée et son atmosphère chaleureuse et chaloupée […] se décline en un projet que nous avons voulu riche de couleurs saturées et de matières sophistiquées ». Mais de voyage en rencontres, le projet s’est enrichi pour pencher vers « des matériaux plus justes, en accord avec l’atmosphère qui réside sur le littoral ». Au final, le projet s’articule autour d’un espace remplissant la fonction de salon-bar. L’évocation d’un bord de piscine où entrent en discussion le lieu et les objets l’animant. Le résultat d’une collaboration dont les inspirations tant cinématographiques (La piscine de Jacques Derray) que photographiques (les clichés de Slim Aarons) signent un espace à l’allure ludique et au style intemporel selon les créateurs.

Folle Envie, Clémence Plumelet et Geoffrey Pascal, Design Parade de Toulon © Luc Bertrand

Edgar Jayet & Victor Fleury Ponsin : Grand prix Design Parade Van Cleef & Arpels + Mention Speciale Eyes On Talents X Frame (Toulon)

« Dans la pénombre, on sent ce vent, tout dans cette pièce respire, on peut se laisser aller à une sieste », tel est décrit le projet par ses créateurs, tous deux étudiants à l’école Camondo de Paris. Si pour Edgar Jayet, le design doit principalement passer par les sensations et la transdisciplinarité, Victor Fleury Ponsin fait pour sa part place au dialogue inter-créatif et à la compréhension propres à chaque matériaux. Deux approches complémentaires du design contemporain qui ont permis aux jeunes primés de créer « un projet autour de souvenirs et de sensations ». La sieste, institution méditerraéenne, se mue ici en un espace travaillé. « Notre pièce est habitée par l’ombre et traversée par le vent ». C’est ainsi que la pierre humidifiée, le plâtre et un voilage suffisent à créer un lieu hors de l’éblouissement et de la chaleur. La sieste, une habitude de vie matérialisée en un espace où les longs et chauds après-midis s’atténuent dans le calme d’un repos.

A Benidor, Edgar Jayet et Victor Fleury, Design Parade de Toulon © Luc Bertrand
A Benidor, Edgar Jayet et Victor Fleury, Design Parade de Toulon © Luc Bertrand

Marc-Antoine Biehler & Amaury Graveleine : Prix Visual Merchandising (décerné par Chanel) et Prix du public (Toulon)

« Questionner l’existant, écouter l’histoire d’un besoin, s’ancrer et s’adapter dans un lieu de façon la plus naturelle possible ». C’est ainsi que résonne le design d’aujourd’hui pour Marc-Antoine Bielher et Amaury Graveleine. Diplômés d’architecture  d’intérieure et design d’objet à l’école Camondo de Paris pour le premier, et d’architecture d’intérieure et design d’espace à l’Ecole Boulle de Paris pour le second, la localité des savoirs et des matériaux représente pour eux une réponse aux besoins. C’est donc de fait que « la beauté du geste artisanal offre une réponse architecturale plus humaine ». Si la Méditerranée est une évocation du bord de mer, le duo a pour sa part choisi de s’inscrire dans les terres. Souvenirs de vacances qui leur sont propres, issus tantôt de moments partagés ? Entre amis ou en famille, tantôt des lectures de Pagnol ou encore de films, un projet est né mêlant liberté et insouciance des moments vécus enfant. Un projet où parasol et table en marqueterie de noyaux d’olives rappellent cette ambiance provençale avec humour.

Le Mirage, Marc-Antoine Biehler et Amaury Graveleine, Design Parade Toulon © Luc Bertrand
Le Mirage, Marc-Antoine Biehler et Amaury Graveleine, Design Parade Toulon © Luc Bertrand


Rédigé par 
Tom Dufreix

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20/2/2025
Dolce & Gabbana, l'Italie dans toute sa splendeur

Le Grand Palais héberge jusqu'au 31 mars 200 créations de la maison italienne Dolce & Gabbana. Une mise à l'honneur maximaliste des savoir-faire italiens sur fond d'architecture.

Un voyage en Italie, de la Renaissance à aujourd'hui. C'est ce que propose l'exposition « Du cœur à la main », visible au Grand Palais. Découpé en une dizaine de salles, le parcours propose une plongée dans l'univers maximaliste et baroque de Domenico Dolce et Stefano Gabbana. Plus qu'une exposition de mode, la présentation de 200 tenues piochées dans les collections de ces neuf dernières années, est une ode au mode de vie transalpin. Par le prisme d'Alta Moda (la haute couture féminine), Alta Sartoria (l'univers sartorial masculin) ou Alta Gioielleria et Alta Orologeria (la haute joaillerie), c'est une réinterprétation de l'Italie qui est ici cousue d'or.

Influencé par Le guépard du cinéaste Luchino Visconti, le duo de styliste rend hommage aux tenues de la noblesse italienne ©Mark Blower Photography

L'Italie sous toutes les coutures

Laine, foulards, raphia, plumes, zibeline, verre ou encore précieuses, chez Dolce & Gabbana, l'habit et l’accessoire sont tout sauf passe-partout ! Excentriques, raffinées ou too-much (à moins qu'il ne s'agisse des trois à la fois), les créations de la marque italienne fondée en 1985 sont surtout hétéroclites. N’hésitant pas à piocher dans l'esthétique liturgique, mais également l'opéra, le cinéma ou les coutumes siciliennes, le duo de stylistes illustre la perméabilité entre les Arts d'hier et la mode d'aujourd'hui. Une porosité incarnée par des villes comme Venise, Capri, Portofino, Naples, Palerme, ou encore Syracuse, ayant donné leurs noms à des collections. Et ce n'est pas un hasard, car ces cités regorgent d'une chose chère aux créateurs : l'architecture. Un terme généralement utilisé pour évoquer le vêtement d'un point de vue formel – ce qui est le cas pour bon nombre de créations, dont celle en verre de Murano réalisée avec l'entreprise historique Barovier & Toso –mais qui désigne ici de manière plus pragmatique, une inspiration omniprésente. Un sweat en vison aux motifs inspirés de la mosaïque antique, des tailleurs réalisés intégralement au point de croix avec pour motifs de célèbres monuments comme le Palazzo Vecchio et la cathédrale de Florence, ou encore des corsets imprimés tout en volutes en hommage aux imposants stucs des églises italiennes. Dessinée avec une certaine forme de théâtralité, chaque création s'affiche comme un hommage à l'Italie des cartes postales, mais aussi à l'excellence du fatto a mano (« fait à la main ») issu des nombreuses collaborations de la marque.

Dans une mise en scène immaculée, la marque expose une sélection particulièrement sculpturale ©Mark Blower Photography

Une immersion dans le travail des petites mains

Conçue comme une succession d'univers imaginés par l'Agence Galuchat et produite par IMG, l'exposition initie une résonance entre le cadre et les tenues. Sur fond de grands airs épiques issus de l'opéra ou de films, la scénographie plonge le visiteur dans 10 thématiques pensées comme des micro-architectures au sein desquelles les créations ont été rassemblées de manière thématique. Reprenant tantôt les codes visuels des habits, tantôt le cadre des défilés ou celui à l'origine du dessin, le décor offre une déambulation faite de ruptures successives. Une manière d'insister sur la diversité de la marque, mais également la richesse culturelle de l'Italie. Mettant en avant des savoir-faire comme la mosaïque, la miroiterie ou encore le stuc, « Du cœur à la main » rend hommage à toutes les petites mains, et pas seulement celles de la mode. Une déambulation extravagante et festive mais surtout divinement italienne, à ne pas rater en dépit de son coût... également extravagant.

Servie par une scénographie numérique, les vêtements reprenant les chefs-d'œuvre de Botticelli, Le Titien ou encore Salai, laisse entrevoir la résonance entre architecture, créations picturales et mode ©Mark Blower Photography
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18/2/2025
La Redoute s’associe à huit designers pour le projet « Les Uniques »

Dans le cadre du projet « Les Uniques », La Redoute Intérieurs a fait appel à huit designers pour personnaliser une pièce choisie parmi les collections La Redoute, avec une seule règle : qu'il n'y en ai aucune. Une initiative qui donnera lieu à une vente aux enchères le 11 mars prochain, au sein de l’Hôtel Drouot.

Kevin Germanier, Jeanne Friot, Mathieu Tran Nguyen, Elisa Uberti, Benjamin Benmoyal, Charles de Vilmorin, Pascaline Rey et Alexandre Blanc : voici les huit créateurs sélectionnés pour participer à ce projet d’envergure lancé par La Redoute Intérieurs. Intitulé « Les Uniques », ce projet de collection capsule a un objectif simple : donner une seconde vie à des pièces de mobilier issues de la boutique Les Aubaines, située à Roubaix. L’occasion pour ces créateurs, issus de divers horizons du design, d’exposer leur singularité et leur personnalité à travers une pièce unique.

Les Uniques x Pascaline Rey © La Redoute
Les Uniques x Alexandre Blanc © La Redoute

Manifeste créatif

Au-delà du projet créatif et caritatif, ce projet soulève une question plus large sur notre rapport aux objets et à leur temporalité. En effet, certaines pièces, une fois transformées, sont méconnaissables et laissent penser qu’il est possible de réinventer le mobilier à l’infini à partir d’objets existants. Un travail de pièce unique qui porte également un message et un engagement sur l’avenir du design. Mais jusqu’où peut-on déconstruire et réécrire un design sans en effacer l’âme ? C’est justement la question que se sont posée les huit invités du projet.

Les Uniques x Kevin Germanier © La Redoute

Huit créations singulières

Connu pour son travail sur le tissage de bandes magnétiques VHS, Benjamin Benmoyal s’est emparé du fauteuil en rotin Malu pour l’habiller d’un tweed étoilé, faisant de l’assise une extension de ses explorations textiles. Alexandre Blanc, quant à lui, dont la pratique oscille entre peinture et couture, transforme la table en chêne Adelita en un tableau en trompe-l’œil, jouant sur les ombres et les transparences pour en exalter les lignes architecturales. Avec Charles de Vilmorin, la méridienne Tapim devient un écrin textile, revêtue d’un jacquard sur-mesure tissé dans la plus pure tradition lyonnaise.

Les Uniques x Benjamin Bnemoyal © La Redoute

Jeanne Friot, de son côté, impose son langage mode en sanglant un duo de chaises Sarva avec ses ceintures signature. Pour Kevin Germanier, qui s’est attaqué au luminaire Moricio, l’objet devient sculpture, saturé de perles brodées et oscillant entre artefact décoratif et œuvre précieuse, dégageant un éclat baroque. Pascaline Rey, quant à elle, opte pour une approche contemplative en intégrant au bureau Tristan une céramique évoquant une banquise suspendue, entre rêverie et fragilité du monde.

Les Uniques x Charles de Villemorin © La Redoute

Chez Mathieu Tran Nguyen, la desserte Hiba initialement métallique, disparaît presque sous les ajouts sculpturaux de bois laqué, rappelant les jeux de panneaux et de paravents. Enfin, Elisa Uberti, fidèle à son approche du design sculptural, insère une lampe en céramique directement dans la structure de la desserte Crueso, abolissant la frontière entre mobilier et œuvre d’art.

Les Uniques x Elisa Uberti © La Redoute
Les Uniques x Jeanne Friot © La Redoute

Une vente aux enchères caritative

Pour ce projet collectif multidisciplinaire, La Redoute Intérieurs exposera dans un premier temps les huit pièces du 7 au 11 mars prochain au sein d’une salle de l’Hôtel des Ventes Drouot. Puis, le mardi 11 mars à partir de 19h, une vente aux enchères exclusive aura lieue et sera retransmise en direct sur le site internet de ce dernier. Tous les bénéfices de la vente seront ensuite reversés à l’association Solfa (Solidarité Femmes Accueil), qui vient en aide aux femmes et aux enfants victimes de violences. Cette association, soutenue par La Redoute depuis de nombreuses années, renforce l’aspect solidaire de ce projet unique.

Les Uniques x Mathieu Tran Nguyen © La Redoute
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17/2/2025
Une collection en carbone dessinée par Emmanuel Gallina

Le designer français Emmanuel Gallina signe la première collection de la jeune marque de mobilier en fibre de carbone, Belull.

C'est une aventure qui débute la tête dans les nuages. « Tout a commencé lors d'un vol Bordeaux-Milan, où j'ai rencontré par hasard Stéphane Lull, le PDG d'Epsilon composite, une entreprise du Médoc spécialisée dans les tubes en fibre de carbone. » Une conversation, un échange de contact et bien des années plus tard, une proposition. « Bénédicte Lull m'a recontacté avec le projet de créer une marque de mobilier à partir de tubes en carbone ne répondant pas aux critères requis par l'industrie. Cette idée de concevoir du mobilier en s'appuyant sur le savoir-faire de l'entreprise et en valorisant des morceaux inutilisés m'a plu et j'ai dit oui ! » Entamée en 2021, cette collaboration est à l’origine de 27 pièces diversifiées, de l’étagère au miroir en passant par le banc. Un corpus à l’apparence « technique mais néanmoins chaleureux ».

La table Gustave nommée en hommage à ingénieur Gustave Eiffel, est le fruit d'une réflexion sur la manière dont rigidifier la structure en carbone, un matériau relativement flexible ©Cécile Perrinet Lhermitte

Une initiation

Véritable découverte pour le designer, le matériau est rapidement soumis à toutes sortes d'expérimentations. « Contrairement au tube en aluminium ou en acier auxquels elle peut s'apparenter, la fibre de carbone, à la fois légère et très résistante, est beaucoup moins rigide que le métal. Il a donc fallu bien maîtriser l’élasticité des tubes et des plats, puis chercher comment rigidifier les structures, avant de continuer. » Une étape de développement étalée sur plusieurs mois en amont desquels plusieurs typologies d'objets avaient été identifiées. « À ce moment-là, nous avions aussi la contrainte de réaliser des choses simples, car Bellul n'avait pas encore d'espaces de fabrication. Il a donc fallu s'organiser avec des ateliers extérieurs » raconte Emmanuel Gallina.

La table bijoux en quartz bleu joue sur le contraste de ses diamètres et la dualité des surfaces renforcées par les couleurs ©Cécile Perrinet Lhermitte

La fibre de carbone, mais pas seulement

« L'une des particularités du tube de carbone, c'est le tressage de la fibre, assez lisible en surface. » Un rendu « froid et technique » que le designer a associé à d'autres matériaux nobles comme le bois (chêne naturel et noyer) ou le marbre de Carrare. « Nous aurions pu le laisser brut, mais j'ai souhaité éviter l'approche monomatière car cela ne correspondait pas au marché de l'habitat. Il fallait donc amener de la chaleur avec un contraste qui ne soit ni froid ni agressif, mais qui puisse s'intégrer naturellement et de manière fluide avec le carbone. » Une manière de créer par ailleurs une dualité entre la zone structurelle, c'est-à-dire le piètement, et la partie décorative qu'est le plateau. Une jolie collaboration qui rime avec valorisation.

La console Kumo - qui signifie nuage en japonais - est un homme au pays du soleil levant avec lequel Epsilon Composite collabore sur de nombreux projets ©Cécile Perrinet Lhermitte
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13/2/2025
Au MAD, l'intimité s'expose

Le Musée des Arts Décoratifs propose jusqu'au 30 mars de pousser la porte de la chambre, espace d'intimité par excellence, dont l'évolution des usages traduit près de 400 ans d'histoire de la société. Une exposition tout autant indiscrète qu'intéressante.

Regarder par la serrure. Voici l'indiscrétion à laquelle la Musée des Arts Décoratifs de Paris invite ses visiteurs jusqu'à la fin du mois de mars. Dans une sorte de rétrospective dédiée à l'un des espaces les plus impénétrables de nos intérieurs, le MAD propose de porter un regard chronologique du XVIIIe siècle à nos jours. Condition sine qua non à l'indépendance et à l'émancipation pour Virginia Wolf, la chambre, à soi ou partagée, est le témoin privilégié de l'évolution sociétale de nos us et coutumes. Tout à la fois théâtre de la vie intime et décor de mises en scène à vocations sociales, elle illustre depuis toujours la porosité entre sphère publique et privée. Une fluctuation de la frontière évoquée au travers de douze thématiques.

In-situ de l'exposition "L'intime, de la chambre aux réseaux sociaux", MAD Paris © Luc Boegly

L'objet engendré par l'époque

Tantôt espace de restriction des libertés dont la femme fut la première touchée, tantôt espace d'expression avec l'arrivée progressive de la technologie, la chambre est avant tout un microcosme dont l'évolution progressive demeure très liée à la société, entraînant la création de nouveaux objets. Matérialisations de courants de pensée, tous témoignent d'une époque. L'hygiénisme du XIXe siècle voit ainsi se développer une multitude de pièces. Les baignoires intègrent la chambre à mesure que de nouveaux ustensiles de coquetterie débarquent, devenant des supports aux designs les plus en vogue. En témoignent les bourdaloues - pot de chambre féminin – dont l'usage se démocratise, et les exemplaires se déclinent plus ou moins richement. Le XXe siècle est également celui des mutations sociales rapides. La révolution sexuelle offre une nouvelle perception du désir et du plaisir intimement liés à la chambre. Un sujet que des artistes comme David Hockney ou Zanele Muholi immortalisent sur différents médiums, et sur lequel nombre de designers travailleront plus tard, notamment avec la démocratisation des sex-toys.

In-situ de l'exposition "L'intime, de la chambre aux réseaux sociaux", MAD Paris © Luc Boegly

Mais les bouleversements modernes sont également sources d'inspiration pour de jeunes esprits novateurs, futures références du design. Parmi eux, Verner Panton dont la Living tower incarne la volonté d'un repli protecteur, très vite remplacé par le besoin de communier dans les 70's. Une époque où entrent alors en scène des studios stars comme Archizoom, Memphis ou bien plus récemment, les frères Bouroullec.

In-situ de l'exposition "L'intime, de la chambre aux réseaux sociaux", MAD Paris © Luc Boegly

La technologie au pied du lit

Le poste radio, le walkman, le minitel rose, les téléphones portables ou encore la téléréalité. Depuis près d'un demi-siècle, l'intimité de la chambre à coucher se trouve bousculée par l'arrivée de supports médiatiques extérieurs. Plus petits, moins bruyants (parfois), plus complets, tous ont su convaincre leur public. Un fait auquel l'exposition dédie la fin de son parcours. Affichés en grand, les réseaux sociaux et leurs personnalités lifestyle les plus influentes comme Léna Mahfouf ou Sophie Fontanel, font désormais partie intégrante de notre intimité partagée. Un constat sur lequel s'ouvre un espace dédié à la surveillance. Un lieu d'interrogation utile après ce balayage historique rapide depuis les toiles d'Antoine Watteau et Edouard Vuillard situées à quelques mètres de là, si proches et si lointaines. Donnant la possibilité au visiteur de coucher sur le papier ses pensées, la dernière salle de l'exposition propose de renouer avec l'intimité ultime, celle que l'on entretient avec sa propre personne.

In-situ de l'exposition "L'intime, de la chambre aux réseaux sociaux", MAD Paris © Luc Boegly
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