Jean-Philippe Nuel : "il ne faut pas oublier l'hôtel comme espace de socialisation, il faut d’emblée dire que l’après- crise restera l’ambition de mieux partager"

Jean-Philippe Nuel : "il ne faut pas oublier l'hôtel comme espace de socialisation, il faut d’emblée dire que l’après- crise restera l’ambition de mieux partager"

Irons-nous à l’hôtel – ceux-ci sont en train de rouvrir progressivement – comme nous y allions avant ? Certainement pas, si on en croit l’architecte Jean-Philippe Nuel, très en vue pour ses nombreux projets d’aménagement dans le domaine hôtelier. Changements de court et de long terme, mesures de distanciation sociale, revalorisation de la chambre comme espace protecteur, matériaux et ambiances hygiénistes, essor du sans contact… invité du deuxième webinaire organisé le 30 avril dernier par l’Ameublement français et les magazines Intramuros et Courrier du Meuble, l’intéressé a livré ses réflexions tous azimuts sur les mutations du secteur.

À quoi ressemblera l’hôtel, selon l’expression consacrée « du monde d’après » le Covid-19 ? On sait que, confinement oblige, les établissements hôteliers sont aujourd’hui en grande majorité fermés, et que les clients ne reviendront que s’ils ont l’assurance qu’ils ne risquent pas de contracter le virus. Pour Jean-Philippe Nuel, invité du deuxième webinaire de l’Ameublement français organisé il y a quelques jours, les clients attendent aujourd’hui des changements, que toute la chaîne d’intervenants, du maître d’ouvrage aux entreprises de travaux, doivent entendre pour y apporter des réponses appropriées.

Un contexte de transition

En introduction à son intervention, Jean-Philippe Nuel a évoqué le contexte très particulier que nous traversons actuellement. En raison du confinement, les chantiers hôteliers sont à l’arrêt, tandis que les perspectives économiques incertaines ont conduit beaucoup de décideurs à interrompre les projets qui sont en phase d’études. Ce qui a provoqué pour l’architecte d’intérieur une réorganisation du travail : une partie des salariés de l’agence – qui emploie une quarantaine de collaborateurs en temps normal – a été mise en chômage partiel, tandis que les autres ont adopté un fonctionnement en télétravail. L’attitude des maîtres d’ouvrages se révèle néanmoins très différente par rapport à la crise : si certains jouent la prudence, et se mettent dans une position d’attente, d’autres au contraire sont très proactifs, et profitent de cette période d’arrêt de l’activité pour réinventer leur établissement, et proposer un regard neuf aux clients qui reviendront après la crise.

Studio Jean-Philippe Nuel, Sofitel, Rome © Gilles Trillar

Mesures immédiates et changements à long terme

Pour l ’architecte d’intérieur, il ne fait pas de doute que la crise sanitaire va profondément impacter l’univers hôtelier, mais il faut selon lui distinguer ce qui va changer à court terme et dans la durée. « Les hôtels vont devoir immédiatement réaliser des aménagements, pour garantir la sécurité des clients, et faire en sorte que l’hôtel ne soit pas un lieu de contamination au Covid-19. Les mesures barrières imposées par les pouvoirs publics seront donc mises en œuvre et adaptées au contexte hôtelier, à savoir le respect de la distanciation sociale, des écrans pour séparer les convives à table, peut-être des cheminements pour éviter que les gens ne se croisent, la suppression des buffets qui créent de la proximité, etc. C’est un vrai changement de cap car depuis des années, le mouvement était au contraire dans le sens de la convivialité, du partage des espaces, alors qu’il faut maintenant cloisonner. » Ces mesures étant de court terme, les hôteliers seront particulièrement intéressés par les aménagements à la fois simples à réaliser et économiques.

« D’autre part, cette crise crée un précédent, qui fait qu’il y aura un avant et un après Covid-19, ce qui va générer des nouvelles attentes de la part des clients. Il faudra donc dorénavant, dans une réflexion sur le long terme, intégrer la composante sanitaire dans les aménagements », ajoute l’architecte d’intérieur. Si les traductions concrètes seront précisées par la suite, on peut penser que les grandes salles de restaurant seront fragmentées en petits espaces plus protecteurs, qu’on pourra aménager de façon modulaire et flexible.On peut aussi envisager le développement de tout un paradigme« hygiéniste » – avec des ambiances plus claires, une attention portée à la qualité de l’air, jusqu’au contenu plus sain de l’assiette – qui favorise le bien-être, et s’adresse à l’inconscient de clients pour qui la santé est devenue une préoccupation majeure.

Un nouveau statut pour la chambre

Dans ce contexte, Jean-Philippe Nuel prévoit un retour au premier plan de la chambre : « Après avoir beaucoup investi dans les parties communes, on va s’intéresser à nouveau à la chambre en tant qu’espace privé, qui va devenir un cocon protecteur pour le voyageur, et un espace de vie multi-usages ». Autrement dit, on ne va pas seulement y dormir, mais aussi y concentrer un ensemble d’activités comme prendre ses repas, recevoir des visiteurs, organiser un dîner, voire une séance de home cinéma. La chambre va aussi devenir un lieu de travail ponctuel, où on pourra faire une micro-réunion, ou une séance de visioconférence avec le monde entier. En résumé, la chambre va offrir de plus en plus de possibilités, avec des fonctionnalités qui rejoignent celles d’un second domicile, pas seulement pour une personne seule, mais pour une famille.
« Ces dernières années, l’hôtel a été majoritairement orienté pour les déplacements de business, et pas pour les familles, ce qui explique en partie le succès des plateformes de location de type Airbnb, mais cela risque de changer ». Ces nouvelles attentes vont probablement se traduire par des chambres plus grandes, avec des aménagements polyvalents, comme par exemple une table multifonctions, au milieu de la pièce plutôt que contre un mur, pour aussi bien prendre son petit déjeuner que de travailler seul ou à plusieurs. On peut aussi imaginer des lits escamotables pour accueillir des familles, ou encore des cloisons amovibles pour séparer les espaces, créer un volume pour des enfants, ou une zone consacrée à la gymnastique du matin… «  une fois la crise passée, il ne faut pas oublier le hôtel comme espace de socialisation , il faut d’emblée dire que l’après- crise restera l’ambition de partager, de mieux partager en fait. »

Studio Jean-Philippe Nuel, Chai-Fonroque, Chambre

Des aménagements « hygiéniques » et durables

La crise du Covid-19 va certainement aussi orienter les maîtres d’œuvres vers des matériaux ayant une dimension hygiénique, autrement dit plus faciles à entretenir et à désinfecter. « Les choix iront plutôt vers des matériaux durs comme le verre ou le plexiglas pour les parois verticales, ou de type parquet pour les sols, que vers les moquettes ou revêtements textiles, ajoute Jean-Philippe Nuel. De même, toute l’accessoirisation avec des bibliothèques garnies de livres et d’objets de décoration, créés pour se rapprocher de l’habitat, évolueront vers des aménagements plus sobres, plus dépouillés pour un nettoyage plus facile. » Dans ce contexte, les technologies du « sans contact » ont un bel avenir : il est déjà possible aujourd’hui d’ouvrir sa chambre d’hôtel sans clé et sans contact, avec son smartphone, une technologie qui va répandre ; il sera de plus en plus courant d’ouvrir la porte des sanitaires sans contact, d’avoir de la lumière grâce à un détecteur de présence, d’utiliser des robinets à déclenchement automatique, etc. Ce champ de l’hygiène sera sujet à innovations, comme le montre par exemple une entreprise française qui a lancé un luminaire hybride : en plus d’éclairer, il peut émettre la nuit un rayonnement ultraviolet, dérivé de procédés utilisés dans les hôpitaux, qui désactive le caractère infectieux des virus. Attention, prévient l’architecte d’intérieur, ces évolutions ne doivent pas se faire au détriment du développement durable : « Les clients perçoivent que la crise sanitaire est liée aux dérives de la surproduction et à la dégradation de l’environnement. L’éco-conception et l’utilisation de matériaux bio-sourcés seront des arguments de plus en plus importants pour les hôteliers, pour montrer qu’ils ont compris les enjeux environnementaux, en même temps qu’ils peuvent être un moteur formidable pour toute l’économie. »

Une carte à jouer pour les fabricants français

Dans un contexte de réassurance et de recherche des circuits courts, les fabricants et agenceurs français vont bénéficier de la prime au partenaire local. « Les maîtres d’ouvrage vont être soumis à des contraintes nouvelles, pour intégrer les changements tout en respectant les projets, les coûts et les délais d’ouverture, explique l’intervenant. Le maître d’œuvre et les fabricants doivent donc aujourd’hui leur donner la meilleure réponse possible à leur problématique, qui ne soit pas seulement basée sur le prix. On sait que les fabricants français ne sont pas les moins chers, en raison notamment des charges salariales élevées, mais ils auront une belle carte à jouer s’ils peuvent proposer une qualité de prestations et une qualité de service. » Fabricants et agenceurs doivent aujourd’hui revendiquer une position d’expert en matériaux et de spécialiste de la mise en œuvre, un ensemble de savoir-faire qui sont précieux pour les challenges qui sont à relever par les maîtres d’ouvrages et les maîtres d’œuvre. Fabricants et agenceurs français pourraient se réunir pour établir un cahier des charges à l’attention des donneurs d’ordres, qui pourrait aider ces derniers dans la conception et la sécurisation de leurs projets en termes de qualité et de délais.

Réinventer un imaginaire hôtelier

En conclusion, Jean-Philippe Nuel a estimé que la crise peut être une opportunité de corriger certains excès de ces dernières années : « Avec l’essor du tourisme, nous avons eu tendance à massifier la consommation hôtelière, en privilégiant peut-être trop la quantité au détriment de la qualité. La pandémie fait que nous voyagerons moins pendant les mois et années à venir, ce qui peut aussi être une occasion de voyager mieux, avec une offre hôtelière plus soucieuse du bien-être et de la santé de la clientèle. » Moins « instragramable », donc peut-être aussi moins superficiel, l’hôtel du monde d’après pourrait bien se recentrer sur l’être plus que sur le paraître, et offrir aux voyageurs de demain une expérience à la fois plus rare et plus riche.

Rédigé par 
Nathalie Degardin

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20/3/2025
Mynt : la mécanique du confort selon Erwan Bouroullec

Erwan Bouroullec et Vitra présentent Mynt. Une chaise ergonomique et polyvalente, inscrite dans la continuité du travail du designer, et rendue possible grâce au développement d'un nouveau mécanisme répondant aux besoins du corps.

C'est une assise dont l'apparente simplicité structurelle s'inscrit dans un parti-pris design basé sur l'innovation mécanique. Éditée et développée avec l'aide de Vitra, la dernière création d'Erwan Bouroullec, Mynt, est une chaise polyvalente aux lignes fines et discrètes. Pourtant, derrière cette allure passe-partout, se cache un objet particulièrement technique et innovant. Imaginée pour être « véritablement ergonomique » grâce à son mécanisme central dissimulé, Mynt réunie l'approche contemporaine du designer et l'histoire moderniste de cet incontournable : la chaise.

©Vitra

Une matérialisation de la vision Bouroullec

C'est une chaise dont la genèse est surtout celle d'une vision. « Lorsque Ronan et moi avons commencé à travailler avec Vitra il y a plus de 20 ans, nous nous sommes attaqué à la question du meuble qui, jusqu'alors, allait souvent de pair avec une personne et une fonction donnée. Ça donnait parfois des espaces un peu ratés parce que l'objet était machinique, la décoration forcée ou les matériaux mal choisis. Nous nous sommes dit qu'il ne fallait plus penser l'ergonomie du poste de travail, mais progressivement s'attaquer à l’endroit dans sa globalité, penser l'ergonomie de groupe. » raconte Erwan Bouroullec. Le duo de designer se lance alors - entre autres choses - dans la chaise de bureau, avec pour volonté de « despécifier » les objets. « Si vous installez des chaises de bureau dans une cafétéria, vous aurez tendance à figer les utilisateurs. L'idée a donc été de mettre des meubles polyvalents. Au lieu de faire des chaises de travail, on a fait des chaises. Au lieu de faire des tables de travail, on a fait des tables comme Joyn. » C'est selon cette ligne polyvalente et adaptable que Mynt a été pensée.

©Vitra

Faire corps avec l'objet

« Ma vision du design est assez darwiniste. Je vois les choses à travers leur évolution. Comme le premier canapé résulte d'une déformation progressive du banc, la chaise de travail vient de la machine à écrire, puis du clavier, puis de l'écran. Bref, une nouvelle manière de travailler qui a progressivement rendu le corps statique. » Un constat sur lequel le designer a construit sa réflexion combinant l'impératif contemporain de produire en étant assis, et le besoin instinctif de bouger. Autrement dit, favoriser la concentration grâce au maintien du corps dans un état d'équilibre actif (comme sur un vélo par exemple). Pour cela, Erwan Bouroullec s'est notamment intéressé à l'évolution mécanique des assises. « Au XIXe siècle, les premiers mouvements du dos ont été permis grâce à l'invention de la chaise tournante. Un siècle après, le tilt (inclinaison simultanée de l'assise et du dossier) a fait son apparition permettant la création du mouvement synchronisé dans les années 70 et 80. » Ce dernier permet selon un rapport de proportionnalité représenté sous forme d'une courbe, d'incliner le dossier de 5 ou 10 degrés lorsque l'assise est penchée de 10 ou 20 par exemple. « Mynt c'est donc ça, désynchroniser encore plus le mouvement synchronisé de sorte à libérer davantage le corps et ses mouvements inconscients. »

©Vitra

Mécaniser efficacement le mouvement

Fruit d'une collaboration de longue date entre la maison d'édition spécialisée dans la création de mécanismes et le designer, Mynt a nécessité de longs échanges. « Le principe même n'était pas très complexe, mais j'avais besoin d'un système novateur et précis adapté à des sièges grand public. On ne fait pas un vélo avec un moteur de Ferrari ! Je ne voulais pas faire une chaise toujours plus qui se rapproche de l'univers du gaming ou tout est réglable, mais au contraire, un travail d’ingénierie qui permette de faire le minimum, mais efficacement » résume le designer. Car si le siège du gameur à l'avantage du tout réglable, il n'est « ni plaisant esthétiquement (trop de boutons et de rampes) ni polyvalent dans la vie quotidienne car il est si personnalisable que chacun finit par avoir besoin du sien ».

Pour Mynt, Ronan Bouroullec a de fait évacué tout le superflu. Le cinquième pied – traditionnel sur les chaises de bureau - a disparu après de nombreuses études techniques visant à amincir au maximum les quatre autres, et l'axe central à lui été diminué de quelques centimètres, supprimant ainsi les positions les plus hautes ainsi que les plus basses, peu utilisées. Deux démarches visant à simplifier et à alléger formellement et environnementalement la chaise. « Une branche d'arbre est élégante et naturelle parce que les embranchements eux-mêmes sont utiles. Il y a donc un lien entre l'élégance et l'efficience structurelle. » Une inspiration visible au niveau du rattachement fluide des accoudoirs à la partie basse. Réalisé par encastrement, il permet de relier le dossier flottant à l'assise de manière visible. Un parti-pris tout aussi technique qu'esthétique voulu par le designer pour qui « l'élégance permet au corps de se sentir bien ».

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14/3/2025
BYD et DJI présentent un drone pour automobile

Les marques chinoises BYD et DJI s'associent et présentent un système de drone adapté à l'automobile, permettant aux utilisateurs de transporter et utiliser leur appareil partout et tout le temps.

L'invention a de quoi surprendre. Sorte d'héliport miniature ultra technologique et mobile, le système Lingyuan est un concentré de technologies, encastré ou suspendu sur le toit du véhicule. Développé par la marque automobile BYD et celle spécialisée dans les drones, DJI, ce système, accessible au grand public, se destine notamment à la surveillance et à la création de contenu. Hébergé dans un sorte de « coffre de toit » miniature, Lingyuan a été développé en à peine quatre ans sur l'excentrique Yang Wang u8 (véritable monstre tout-terrain de quelques 3,5 tonnes), avant d'être étendu moins d'un an plus tard à l'ensemble des véhicules de la marque. Disponible uniquement en Chine pour des raisons législatives, le drone est disponible en deux versions : l'édition LingYuan Battery Swap, conçue principalement pour les modèles YANGWANG et équipée d'un drone DJI Mavic 3 ; et l'édition Lingyuan Fast Charging, qui utilise un drone DJI AIR 3S personnalisé et équipe les véhicules DENZA et certains modèles BYD.

©BYD


Un concentré de technologies

Autonome grâce à un système de localisation précis – qui permet notamment à l'appareil de venir se ranger dans son emplacement lorsque le véhicule roule jusqu'à 25km/h – le drone peut également être piloté depuis l'application smartphone. Un usage qui permet entre autres de réaliser 30 modèles de prise de vue prédéfinies, depuis le ciel, mais également depuis le véhicule grâce à une caméra présente au niveau de l'héliport. Doté d'une plate-forme de recharge à induction directement alimenté par la voiture, ce dernier permet une recharge rapide, faisant passer la batterie de 20 à 80% en 30 minutes. Un système sans doute un peu gadget, mais qui permet de prendre la route avec un peu de hauteur !

©BYD
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13/3/2025
TGV INOUI : une cinquième génération optimisée

Développé pendant près d'une décennie, le nouveau TGV INOUI dessiné par AREP et le studio japonais Nendo a été présenté ce mardi 11 mars. Au programme un intérieur entièrement repensé dans une logique d'optimisation spatiale et de confort pour tous.

« La conception de cette cinquième génération de TGV est le fruit d'une démarche itérative » rappelait Céline David, directrice du design d'AREP, qui a collaboré avec le studio japonais Nendo. Mise en application par le biais de nombreuses collaborations avec des professionnels du design, mais également du personnel de bord, des associations de handicap ou de cyclistes, ce train est avant tout une co-construction. Et cela d'autant plus qu'elle s'est concrétisée avec un double regard, d'une part de la SNCF dont les normes ont guidé le projet, et d'autre part de l'architecte designer japonais Oki Sato dont la culture de l'épure a questionné « l'objet ». En résulte un moyen de locomotion optimisé à tous les niveaux, qu'il s'agisse de l'accessibilité, du confort ou du design. En route !

©Yann Audic

Le confort au cœur de la machine

Dès le début de la conception, le train a été pensé pour répondre à deux enjeux : premièrement une fréquentation en hausse et deuxièmement un besoin d'innovation face à la concurrence. Dans cette double optique, AREP et Nendo ont fait du confort l’épicentre du projet. Un point à partir duquel les wagons ont été dessinés pour répondre à un paradoxe inhérent aux transports de masse : comment offrir une bulle de confort douce et personnelle à chaque voyageur, tout en optimisant la place de sorte à en faire rentrer davantage ? Ainsi est né le concept de « flow ». « L'idée est simple. Le train ne ressemble à aucun autre moyen de transport. Il se fraye un chemin rapide dans un paysage, un peu comme l'écoulement d'une rivière. Nous avons donc souhaité reprendre cette idée de fluidité de bout en bout du TGV » explique Céline David. Une direction matérialisée par plusieurs choses.

D'une part, la couleur qui occupe une place prépondérante dans ce nouveau train. « Qu'il s'agisse de la première classe en rouge, ou de la seconde classe en bleue, nous avons souhaité mettre en valeur la ligne d'horizon et tourner le regard vers l'extérieur. Nous avons ainsi traité l'intérieur avec une couleur sombre en partie basse et une autre plus claire et lumineuse en partie haute ».

D'autre part, un intérieur optimisé dit « sans couture » à vu le jour, notamment grâce à la disparition des portes à l’étage. Un gain de place et une impression de continuité accrue par la création de vastes espaces de rangements ouverts entre les voitures, à côté desquels viennent se greffer des petits espaces d’une ou deux places pour travailler ou téléphoner. Une manière de « rendre les plateformes accueillantes et de permettre leur réappropriation ».

©Yann Audic

Des sièges plus fins pour plus de place

20% d’assises supplémentaires et 20% de places en plus pour les bagages. Pour résoudre ce casse-tête, AREP et Nendo se sont particulièrement intéressés aux sièges. Étudiés dans une logique de confort, fil rouge du projet, ces derniers sont la clé de l'optimisation grâce à un tissu développé pour l’occasion. Constitué à 85% de laine, ce « tricot 3D » a été imaginé pour offrir un « effet hamac ». À la fois ferme et agréable grâce à une sorte de patch amortisseur positionné au niveau du dos, le siège épouse parfaitement la forme du corps malgré la faible épaisseur textile. Les dossiers ont ainsi été réduits de cinq centimètres permettant aux utilisateurs de gagner cette même distance au niveau des jambes en seconde classe, et en largeur d'assise en première classe. Une réelle différence sur le confort. À cela vient également s'ajouter une têtière réglable en hauteur. Côté pratique, la tablette intégrée au dos de l'assise offre une double ouverture permettant d’optimiser l’encombrement en fonction de ses besoins. Au-dessus, un fin bandeau led à été intégré offrant une lumière rasante (d'intensité réglable en première classe), plus agréable pour la lecture ou le travail.

©Yann Audic

L'accessibilité au cœur du projet

Si les assises classiques offrent une belle plus-value sur le plan du confort, il est également à noter que l'accessibilité du train a été repensée dans sa globalité notamment à l'égard des personnes porteuses de handicap. Ainsi, ce TGV INOUI est le premier train grande vitesse à compter une voiture destinée à l'accueil de personnes à mobilité réduite avec trois places emplacement dédiés – hauteur de tablette et largeur de giron optimale – et deux autres sur des sièges de transferts. Des équipements également renforcés par la présence d'une nouvelle numérotation de places en relief, un Système d’Information Voyageurs Embarqué (SIVE) à base d’écrans et des doubles mains courantes dans l'intégralité du train. À souligner également le réaménagement des sanitaires sur toute la largeur des wagons permettant un accès et un usage simplifiés.

©Yann Audic

Le BistrO, synthèse design de l'esprit TGV INOUI

Évoqué comme la pièce maîtresse de cette cinquième génération de TGV, le wagon-restaurant rebaptisé pour l'occasion le BistrO, est un résumé de l'esprit de ce nouveau train : optimisation, personnalisation et efficacité. Réparti sur deux niveaux, avec en bas la zone de service et en haut celle dédiée à la dégustation, cette voiture regroupe une épicerie et des frigos en libre-service, sans oublier le traditionnel barista encore présent. Une volonté qui s'inscrit dans un questionnement plus global : comment répondre rapidement à la demande ?

À l'étage, l'espace beaucoup plus ouvert et très lumineux propose un petit condensé de 28 assises dans des configurations allant de une à quatre personnes. Alliant rondeur et couleurs - en écho avec la lampe dessinée par Oki Sato dans les wagons - AREP et Nendo livrent un projet ludique, contemporain, mais surtout pratique, ancré de ce fait au cœur des enjeux sociétaux de notre temps.

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11/3/2025
Jasper Morrison signe la dernière collection de Puiforcat

La maison Puiforcat spécialisée dans l'argenterie sort Jersey, une nouvelle collection de couverts dessinés par Jasper Morrison.

C'est un petit pas de côté dans l'univers de la marque française traditionnellement connue pour son travail de l'argent massif. Pour cette nouvelle collection appelée Jersey, Puiforcat a collaboré avec Jasper Morrison. Connu pour son esthétique sobre et minimaliste, le designer britannique aux créations hétéroclites signe de nouveaux couverts de table après KnifeForkSpoon dessinés pour Alessi en 2004. Une personnalité qui s'inscrit dans le sillage des précédentes éditions de la maison, basées sur un équilibre constant entre le fonctionnalisme et l'élégance contemporaine.

©Puiforcat

Et l'argent devint du bois

Il aurait pu s'agir d'une nouvelle alchimie qui aurait mal tourné. Pourtant, il n'en est rien. Adepte de la philosophie du design « Super normal » - pensée selon laquelle un dessin sobre et discret permet à un objet d'être plus utilisable et durable - dont il revendique son travail, Jasper Morrison livre un ensemble en bois de cerisier (sakura) dessiné sans la moindre touche d'argent. Inspiré par la culture japonaise, le créateur offre un ensemble aux lignés épurées, constitué d'un set de couverts de table (fourchette, couteau et cuillère) et un autre de service, agrémentés d'une paire de baguettes (et son repose baguette en métal argenté). Recouvert d'une fine couche de laque japonaise appliquée au chiffon grâce à la technique du fuki-urushi, le veinage du bois est sobrement mis en valeur. Une sinuosité naturelle renforcée par l'aspect satiné de la finition. Une collection qui s'associe avec élégance au « Dinner service » en argent réalisé en 2023 par l'artiste Donald Judd.

©Puiforcat
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