"Être un bon architecte d’intérieur designer est une affaire de contexte"
Cette année, Intramuros s’est associé à l’École Camondo pour une collaboration inédite : donner l’occasion à des étudiants sélectionnés de travailler sur des projets qui auront vocation à être édités. Pour cette phase 3, les jeunes diplômés choisis par Sunbrella, Lafuma Mobilier et Moore Design ont reçu le brief de leurs parrains et sont dans la phase de réalisation. Point d’étape avec René-Jacques Mayer directeur de l’École Camondo, en attendant de retrouver l’article complet dans le prochain numéro d’Intramuros (sortie 22 décembre).
Comment s’est passée cette fin de diplômes dans les conditions très particulières que nous vivons ?
René-Jacques Mayer : Être un bon architecte d’intérieur designer est une affaire de contexte. Celui de la conception, de la production et de l’invention des diplômes de cette promotion 2020 a été profondément bouleversé. Faire sans aurait été si contraire au principe tant énoncé pendant leur cinq années d’études de faire avec l’existant pour mieux le transformer que nous avons choisi, collectivement, d’aller au bout de cette logique de la distance. Conduite du projet, soutenance et exposition des diplômes ont collectivement basculé dans l’espace virtuel.
Au-delà de la contrainte imposée à tous, ce fut un choix pédagogique audacieux, particulièrement dans une école de création, où la matérialité, l’échange collectif, l’émergence d’une idée au travers d’un simple regard ou d’un geste, constituent la palette des possibles expressions de ce qu’ils sont. Accompagnés par leurs directrices et directeurs de diplômes, nos étudiants furent cependant souvent seuls face à des horizons imaginaires qui ont produit de belles échappées libres. La force conceptuelle et l’approfondissement d’une narration engagée marquent profondément le travail de ces jeunes diplômés qui forment collectivement une promotion d’exception.
Pour eux, nous avons créé une plateforme digitale d’exposition de leur travail : Diploma.ecolecamondo.fr. Pensée comme un véritable réseau d’alumni, cette plateforme permet de découvrir en trois temps (un sujet imposé, un mémoire, un sujet libre) et de manière pérenne l’identité singulière de chacun des 60 étudiants qui composent cette promotion 2020, promotion Cynthia Fleury. C’est un jalon formidable pour leur parcours qui révèle la grande diversité des approches qu’ils peuvent avoir de leur futur métier et des enjeux sociétaux qui les animent.
Comment se sont organisées les auditions avec les équipes de Lafuma Mobilier, Moore Design et Sunbrella ?
R.-J. M. : Toujours dans le contexte du confinement, les rencontres se sont opérées à distance sous forme de visioconférences. Dès l’été, quand ils y ont été invités et parce que c’était possible, les lauréats se sont rendus sur les sites de production des marques pour découvrir leur savoir-faire et leurs outils de production. Depuis la rentrée, les échanges continuent et de beaux projets se dessinent. Nous avons tous hâte d’en savoir plus.
Un trait marquant pour chacun des trois projets de diplômes retenus ?
R.-J. M. : Je dirais qu’à l’instar des valeurs portées par l’École Camondo, ils répondent à des enjeux importants comme le développement durable, les valeurs sociales et de partage, une démarche de recherche créative et originale.
Le projet de Thomas Carlier, Duo, est un ensemble d’expérimentations autour de la biofabrication mettant en avant la collaboration entre le designer et l’organisme vivant. Les résultats de ces expériences lui permettent de développer une gamme de mobilier en sel et en mycélium. Travailler sur des biomatières pour un designer, c’est proposer une alternative aux ressources non renouvelables. Et c’est plutôt une bonne nouvelle puisqu’elles visent à laisser une empreinte écologique minimale et bénéficient parfois de propriétés pour le moins étonnantes.
Le projet de Zeina Sleiman propose d’intégrer de la sensorialité dans nos mobiliers du quotidien. L’intention du projet consiste à concevoir une gamme qui combine les deux aspects : formel et sensoriel. Enfin, celui de Juliette Droulez, dans un mouvement de décélération de la production matérielle, livre une collection d’objets mentaux, qui n’existeront jamais et qui ne sont pas faits pour exister. Ils sont seulement là pour ouvrir nos imaginaires, pour nous questionner, et pour que la frustration de ne pas pouvoir les acquérir soit remplacée par la beauté de les posséder dans un coin de sa mémoire.
Qu’est-ce que signifie pour l’École Camondo d’être partenaire de ce concours avec Intramuros ?
R.-J. M. : Après le temps de l’apprentissage libre et créatif, pouvoir directement travailler avec des entreprises partenaires est une formidable chance pour de jeunes diplômés. Valoriser et accompagner par un grand média spécialiste du design le travail de jeunes architectes d’intérieur est un signal fort de la porosité et de la complémentarité de ces deux disciplines. Le faire comme s’ils constituaient un collectif envoie aussi une adresse forte à la vaste communauté des étudiants en arts appliqués pour qu’ils travaillent ensemble, au-delà de la valorisation individuelle des parcours de chacun. Un partenariat et trois signaux forts, donc.