Covid-19 : designers et makers se mobilisent et partagent leurs infos

Covid-19 : designers et makers se mobilisent et partagent leurs infos

Face à la pénurie de matériels pour les soignants, les designers et communautés de makers se mobilisent pour partager leurs fichiers, organiser des productions locales d’appoint, voire déclencher des reconversions de production.  Et de jour en jour, l’organisation s’améliore, et les initiatives  pour centraliser ces données, faire le lien entre l’offre et la demande se multiplient.

Parmi les pénuries auxquelles font face les hôpitaux et dans son ensemble le secteur de la santé, les besoins recensés portent notamment sur les gants jetables, masques, combinaisons jetables, sur-chaussures jetables, visières de protection. Que ce soit par des proches, des connaissances ou des besoins locaux, les designers et makers ont tout de suite été sollicités par les soignants pour des productions locales.

Partage de fichiers impression 3D

Dès le 2e jour du confinement, le Tchèque Joseph Prusa publiait tout de suite sur les réseaux sociaux un fichier pour une impression de visière en 3D : améliorée au fil des reprises, aujourd’hui circule la version 17 de ce modèle. Très vite les  communautés de design   s’impliquent de tous côtés pour que,  partout en France, ceux qui possèdent des imprimantes 3D, produisent et livrent des lots aux établissements de santé,  et aux personnels soignants en libéral, aux Ephad. Et les réseaux sociaux accélèrent le mouvement : les makers 3D s’organisent au sein des groupes Facebook Visières Solidaires.

4000 makers 3D ont aussi rejoint le site de mise en relation de la YouTubeuse Heliox . Des plateformes sont créées pour mettre en contact les appels à matériels et les concepteurs. Le site www.covid3d.fr met ainsi en relation des professionnels au contact du public et des bénévoles ( “j’ai besoin de matériel de protection”/ “je veux fabriquer du matériel de protection”/ “je veux offrir des matières premières”).

De son côté,  une plateforme de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (APHP) transmet aux professionnels via la plateforme Covid3D.org les besoins urgents , informe sur les groupes de travail, les études pour les solutions standards, les validations…  Ainsi, la salle capitulaire de l’Abbaye de Port-Royal vient d’accueillir 60 imprimantes Stratasys, installée avec Bone3D, CADVision et les équipes de l’hôpital Cochin.  Ce parc de machines 3D professionnelles va pouvoir répondre à une production gros volume à la demande.

L’objectif est de mettre en place des chaînes de production organisées grâce aux moyens recensés, tout en procédant éventuellement à des adaptations pointées par un “bureau d’études d’urgence” mis en place. Comme ils le précisent, “nous avons à disposition des installations de 3500m² en Île-de-France et nous avons également la chance d’avoir des bénévoles sur place pouvant assurer la réception des pièces, l’assemblage et la distribution des produits. »

On notera aussi l’initiative d’étudiants ingénieurs et jeunes diplômés de dernières promotions de Supméca qui ont monté la plateforme Iniative 3D. Ils se présentent comme “un réseau inédit de moyens de fabrication additive mobilisant des particuliers, des fablabs, des universités, des professionnels, des grands groupes industriels.”

Production industrielle

Parallèlement à ces productions de matériels, des recherches aussi sont en cours pour la fabrication de dispositif de respiration artificielle. Antoine Berr a ainsi travaillé avec des ingénieurs et des médecins pour concevoir le MUR ( Minimal Universal Respirator), et partage le fruit de ce travail sur un site régulièrement mis à jour. Autre exemple,  Makers for life (un collectif nantais) travaille actuellement à la conception d’un appareil respiratoire open source industrialisable.

De toute part, les initiatives fleurissent, en appui à ces réseaux, il faut tenir compte des usines, des entreprises, qui reconvertissent leur activité : ici, ce sont des ouvrières du textile qui viennent en appui à la production de masques ou des groupes de cosmétiques qui produisent du gel hydroalcoolique ; là, c’est une entreprise qui va suivre les initiatives d’un designer de son équipe, et reconvertir sa production pour fabriquer des visières de protection pour les soignants en impression 3D, en injection ou par découpe laser sur la base de fichiers partagés. Ainsi, le vivier de créateurs, de fabricants est là, pour le passage en production, les demandes de matériaux sont importantes, par exemple pour des visières depuis les feuilles plastiques d’intercalaires aux feuilles de PVC pour les productions industrielles.

Centraliser les informations pour mieux les partager

Pionnière parmi les makers, Mathilde Berchon a récemment créé son agence FuturFab, autour  de l’exploration de la fabrication numérique, de l’économie circulaire et du mouvement maker. Sur les réseaux sociaux,  elle constate très rapidement le foisonnement d’initiatives,  mais aussi le manque de centralisation de l’information pour faire le lien entre des entreprises d’impression 3D, les acteurs de la santé, les designers et les makers. Elle met ainsi en place une liste ouverte, qui recense les entreprises, les initiatives en cours, les particuliers. Ouverte à tous, cette liste , complétée en permanence, est un outil précieux pour le partage d’informations, d’expériences (voir la liste ici).  Elle vient habilement compléter toutes les démarches d’entraide actuelles.

Des exemples de fichiers mis en partage

L’agence de design Millimètres met à disposition une monture de visière particulièrement économe en plastique : cela réduit fortement le temps d’impression. Par ailleurs, ce modèle s’imprime par empilement, cela veut dire que sur la surface du plateau d’impression il est possible d’imprimer plusieurs dizaine d’exemplaire en une seule fois et de ce fait de lancer des impression en petites séries (retrouvez les éléments et une vidéo ici).

Rédigé par 
Nathalie Degardin

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3/2/2025
Moustache présente l’extra BOLD sofa, toujours designé par BIG-GAME

15 ans après la sortie de la chaise Bold, l’éditeur français Moustache a dévoilé début janvier l’extra Bold sofa, le canapé de son modèle iconique. Une pièce modulable selon les envies, toujours imaginée par le studio suisse BIG-GAME.

Pour cette version canapé du Bold, le studio BIG-GAME et Moustache proposent un modèle modulaire, qui offre une multitude de possibilités. En effet, ce dernier peut prendre plusieurs formes et directions - droit, rentré vers l’intérieur ou vers l’extérieur - pour des compositions à l’infini. « La chaise BOLD jouait avec un principe d’entrelacement de lignes, qui a ensuite été repris sur le tabouret, le banc et le fauteuil. L’extra BOLD sofa a une nouvelle logique constructive, puisqu’il s’agit d’un système modulaire qui s’appuie sur des éléments répétitifs. Conçu à la demande grâce au configurateur numérique de Moustache, il peut être réalisé en lignes droites ou en courbes dans n’importe quelle forme en utilisant un seul module d’assise et un seul module d’accoudoir » racontent les designers de BIG-GAME. Un modèle d’autant plus modulable qu’il existe en 15 coloris différents, ici encore totalement personnalisables selon les envies. Que ce soit en version monochrome ou multicolore, les combinaisons possibles se comptent par centaine !

Extra Bold Sofa, design : BIG-GAME © Moustache

Un modèle pensé comme une suite logique

Dans la continuité de la chaise sortie en 2009 qui sera ensuite suivie du tabouret et du fauteuil, la version canapé de la collection BOLD semblait être une évidence. Pour autant, les 15 années qui séparent la chaise et le canapé ont permis à la marque et aux designers de développer de nouvelles techniques pour s'affranchir de certaines contraintes. « Nous avons longtemps été limités par le diamètre de la chaussette qui sert de housse par exemple. Aujourd’hui, grâce à une collaboration fructueuse avec Kvadrat, la housse sans couture en 100 % laine a été développée exclusivement pour Moustache et permet de recouvrir des tubes beaucoup plus larges. En termes de confort, il s’est amélioré grâce à la structure de l’assise fabriquée en France avec une technique de production zéro déchet de mousse haute densité spécialement formulée pour Moustache » confient les designers. À l’heure où les intérieurs ne cessent de changer et que l’heure est à la modularité, ce canapé ne devrait pas avoir de difficulté à se faire une place dans les intérieurs.

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29/1/2025
« Speed dating... Love stories » au FRENCH DESIGN by VIA

Le FRENCH DESIGN by VIA présente « SPEED DATING... Love stories » jusqu'au 25 avril. Une exposition rétrospective sur 15 années de rencontres entre designers et éditeurs, initiée par l'institution.

Lancés en 2010 dans l'optique de favoriser l'émergence de nouvelles collaborations, les FRENCH DESIGN SPEED DATING OBJET comptent parmi les événements importants de la création. Favorisant l'échange d'idées novatrices entre les designers et les maisons d'édition porteuses d'un savoir-faire et d'un support industriel, ces rendez-vous annuels ont permis de donner naissance à une multitude d'objets. C'est avec l'idée de réunir sur le devant de la scène les créations les plus emblématiques de ces rencontres et celles passées malheureusement inaperçues que cette exposition a été pensée. À la fois célébration d'une décennie et demie de création contemporaine française, et mise en avant des deux principales familles du design que sont les designers et les éditeurs, “SPEED DATING... Love stories” expose la fécondité d'un concept.

©FRENCH DESIGN by VIA

De petits et de grands noms en face-à-face

Dispersées dans une scénographie signée Maison Sarah Lavoine et faite de drapeaux colorés, comme un clin d’œil aux Jeux olympiques de Paris, 20 pièces prennent place. Assises, luminaires, tapis ou encore bureaux se côtoient et avec eux, leurs designers. Parfois reconnus et déjà bien installés, parfois révélés comme Elise Fouin, Bina Baitel, et Julien Vidame dont on peut penser que les rencontres générées par le Speed Dating Objet ont significativement contribué à leur notoriété.

Sélectionnés pour leur diversité typologique, mais aussi esthétique, chaque objet a également été regardé sous l'angle de l'innovation. En accord avec la volonté de l'institution de favoriser une évolution plus verte de la discipline, quelques pièces s'affichent comme des pistes d'exploration à l'image de la lampe Scalaé de Martin Thuéry et la maison d’édition Boutures d'objets réalisées en 2020 à base de briques concassées. Une manière de démontrer, outre l'intérêt de ces rencontres, que l’addition d'une vision et d'une technique peut aussi être source de nouvelles perspectives.

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31/1/2025
La maison L. Drucker signe une collaboration avec BrichetZiegler

Connue pour ses chaises en rotin, la Maison L. Drucker l'est aussi pour ses collaborations avec divers designers. Parmi eux, le studio BrichetZiegler qui vient de signer la chaise colorée Valmy.

C'est une collaboration née « au culot » résume Caroline Ziegler du studio BrichetZiegler. « Avec Pierre Brichet, mon associé, nous aimons et collectionnons les chaises, comme beaucoup de designers. Alors nous en dessinons, tous azimuts, et puis on affine. Il y a un moment où les planètes s'alignent avec cette méthode. » Tout est parti d'un croquis fait à l'atelier, et puis un autre et encore un autre, tous basés sur l'image d'une chaise de bistrot. D'abord imaginée en métal, le matériau le plus utilisé par le studio, l'assise a rapidement évoluée vers le rotin « pour plus de simplicité » explique la créatrice, convaincue que « la forme est toujours associée à un matériau qui permet de la réaliser. Jamais l'inverse. » Une réflexion qui amène le duo à proposer leurs esquisses à la Maison L. Drucker, spécialiste du mobilier en rotin, il y a un an. « Nous n'avions aucun lien avec eux à ce moment-là, mais ils se sont montrés à l'écoute et très intéressés par notre modèle qui sortait de leurs codes habituels. C'est ainsi qu'a débuté notre travail commun. »

©Maison L. Drucker & BrichetZiegler

Une rencontre entre le design contemporain et l'artisanat patrimonial

« Ce qui est intéressant dans ce projet, c'est ce pas de côté par rapport à la chaise de bistrot classique. On a gardé tous les codes qui lui donnent son identité, tout en l'amenant vers quelque chose d'autre. Si demain on la montre à un brésilien, il se dira certainement que c'est à Paris. Il y a quelque chose de la filiation. » Jusqu'alors inutilisé par les designers – hormis un balai présenté à la Biennale Émergences de 2020 -, le rotin s'est avéré être une source d'opportunité autant que de complexité pour le duo dont le croquis initial a vite dû évoluer, sur le plan structurel d'abord, mais également esthétique. « Nous avons été obligés de rajouter plusieurs renforts sur les intersections ce qui nous a amenés à repenser légèrement l'apparence. D'une certaine manière, ce décalage entre notre vision et celle de l'entreprise raconte cette discrétion structurelle propre aux chaises en rotin, et à côté de laquelle nous étions passés. C'est très intéressant ! » Par ailleurs, c'est aussi visuellement que l'idée initiale s'est enrichie. « Dans notre premier dessin, il y avait moins de textile car nous ne pensions pas qu'il était possible de tisser autour de l'armature. Nous avons été encouragés à le faire et c'est ainsi qu'est né ce dossier si prégnant. » Une pièce à l'allure bien particulière qui a donné lieu à de nombreux prototypes pour trouver le confort optimal, et à de nombreux essais colorimétriques.

©Maison L. Drucker & BrichetZiegler

Tresser la couleur

Rouge, verte, jaune ou bleue, la Valmy tire son identité graphique de sa couleur plus que de sa structure qu'elle « vient habiller ». Pourtant, ce « véritable parti-pris » n'a fait son apparition que dans un second temps, « lorsque Monsieur Dubois, le directeur de la Maison L. Drucker nous a annoncé l'ensemble des possibilités de mise en œuvre du tissage. C'est lui qui nous a recommandé d'y aller franchement sur le design. Assez logiquement, nous nous sommes pris au jeu et nous avons décidé d'accompagner le dessin par la couleur. » Les trois arceaux se sont alors épaissis pour accueillir chacun une nuance différente de façon à créer un dégradé. Trois teintes que l'on retrouve également dans le tressage ajouré de l'assise en plus d'une couleur complémentaire, visible au niveau des jonctions du dossier, et de deux fils, noir et blanc. « La couleur est un exercice que nous aimons travailler, mais qui demeure occasionnel. Elle n'a d'intérêt que si elle amène quelque chose en plus, en venant renforcer un élément graphique par exemple. C'est le cas pour Valmy. » Heureux de cette collection, le studio « amateur d'une certaine abondance formelle et d'une richesse visuelle », se pose d'ores et déjà la question de poursuivre les explorations créatives de ce matériau, source de projets en tous sens.

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30/1/2025
La simplicité Thonet

La marque allemande Thonet dévoile la chaise S 243 dessinée par le designer Franck Rettenbacher.

Universellement connue depuis l'invention de la chaise n°14 et son ingénieux système d'expédition, la marque allemande Thonet se réinvente depuis plus de deux siècles. Fidèle à un certain esprit du sens pratique, la marque à collaboré avec des grands noms du design parmi lesquels Mart Stam, Marcel Breuer ou encore Mies van des Rohe. Un héritage dans lequel s'inscrit aujourd'hui le designer autrichien Franck Rettenbacher, installé à Amsterdam, et sa chaise S 243. Présentée lors du salon Orgatec 2024, cette création aux lignes simples et relativement minimalistes reprend les codes historiques de la marque.« Le but était de développer un produit d’une pureté et d’une sobriété qui s’inscrivent dans l’intemporalité incarnée parla marque Thonet », explique le designer.

©Thonet

Un modèle discret et empilable

« Depuis tout petit, chez mes parents,j’étais assis à table sur des chaises Thonet, sans en avoir conscience. Ces chaises s’imposent avec une sorte d’évidence et s’intègrent comme d’elles-mêmes dans tous les espaces de vie »,souligne Frank Rettenbacher. Un sentiment qu'il a souhaité retranscrire dans les lignes de S 243, avec cependant une difficulté supplémentaire : concevoir une collection empilable. Appuyé sur l'acier tubulaire, matériau de prédilection des éditions contemporaines de Thonet, le designer à imaginé une pièce légère à l’œil grâce à l'utilisation de sections différentes. Les deux pieds à l'avant de l'assise ont ainsi une section de 18 mm contrairement à ceux situés à l'arrière mesurant 25 mm de diamètre. Deux sections plus larges et de fait plus solides sur lesquelles le dossier est riveté. Un assemblage simple et discret à l'image du modèle, permettant de rendre « toutes les composantes du modèle S 243 faciles à remplacer ou à échanger ». Coté couleur, à noter que le modèle est disponible dans huit coloris d'assise (possiblement capitonnée) et cinq styles de piétement. Un modèle  simple, accessible et pratique. Dans l'air du temps.

©Thonet
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