Tribune
Après le succès de Paris Design Week, alors que France Design Week bat son plein sur tout l’Hexagone, que l’APCI s’apprête à fêter ses 40 ans… il est un acteur majeur du design confronté à de sérieuses difficultés. Dans Intramuros, nous avons toujours eu à cœur d’informer sur les actions de l’Alliance France Design, syndicat professionnel des designers. Aujourd’hui, nous relayons leur appel auprès des designers, dont le soutien est plus que jamais essentiel aujourd’hui.
L’Alliance France Design, le seul rempart professionnel apolitique du monde du design ouvert à toutes ses formes, persévère dans sa mission de représenter et d’appuyer les designers français dans leurs luttes auprès des autorités et des organismes patronaux. Nos membres se composent de designers indépendants, de dirigeants de studios ou d’agences de design, ainsi que de designers salariés.
Un soutien juridique indispensable et des valeurs intransigeantes
L’Alliance France Design a pour fonction primordiale de défendre ses membres en cas de litiges avec des clients ou des administrations. Chaque année, plus de cinquante conflits sont résolus à l’amiable, tandis qu’une dizaine bénéficie d’une assistance juridique.
Structurer la profession et anticiper pour éviter les conflits
Nous exhortons vivement les designers à ne pas attendre d’être confrontés à des litiges pour rejoindre nos rangs, mais à adhérer en prévision de ces défis ou pour mieux les affronter. Outre notre rôle de médiateur, nous mettons à disposition une panoplie de services et de ressources visant à renforcer les compétences et les pratiques professionnelles des designers. Cela inclut des conseils sur les contrats, la tarification, et l’assurance responsabilité civile professionnelle.
L’engagement bénévole des designers au cœur de notre action
Il est crucial de souligner que l’Alliance France Design est portée par des designers bénévoles qui consacrent leur temps et leurs compétences pour le bien des designers membres et de la profession dans son ensemble. Notre passion commune ? Faire avancer le design en France.
Nos valeurs, notre boussole
Nos valeurs sont ancrées dans la professionnalisation des designers et dans la reconnaissance de la valeur qu’ils apportent à leurs clients. Nous bataillons pour une meilleure protection sociale des designers indépendants et nous nous efforçons de faire valoir la puissance de l’innovation que le design offre.
Un acteur solitaire au service de tous
L’Alliance France Design est unique en tant que porte-parole de ces enjeux au sein des institutions. Les heures de travail bénévole dédiées à la gestion de la profession profitent à l’ensemble de la communauté des designers.
Besoin de soutien financier et solidarité de la profession
Nous célébrons 20 ans d’existence, durant lesquels nous avons initié de nombreuses avancées, consultables ici : https://urlz.fr/nEY4. Cependant, la crise liée à la Covid-19 a entraîné une chute significative du nombre de cotisations. Cette baisse impacte directement notre capacité à agir, à défendre les designers devant la justice, à soutenir nos bénévoles lors de leurs discussions avec les ministères, à intervenir dans les écoles et à financer la communication cruciale pour notre profession.
Depuis 2022, nous ne recevons plus le soutien financier du ministère de la Culture et de la Communication, qui était octroyé pendant deux décennies pour cofinancer des projets qualifiés de « bien collectif ». Ces projets étaient conçus pour profiter à l’ensemble de la profession, allant au-delà de nos membres. Ils comprenaient la surveillance juridique et sociale dans les instances, la création d’un annuaire gratuit pour tous les designers, le développement de l’outil d’aide à la tarification Calkulator.com, notre implication dans les écoles de design pour sensibiliser les étudiants à la réalité de la profession, ainsi que notre participation au Conseil national du design, entre autres.
Le désengagement de ce ministère pèse lourdement sur notre budget, désormais principalement alimenté par les cotisations de nos membres. Cela nous contraint à faire des choix budgétaires difficiles, en privilégiant les services aux membres au détriment d’actions bénéfiques pour l’ensemble de la profession.
Un appel pressant à l’adhésion
Face à ces défis, nous faisons appel à vous, la communauté des designers, pour rejoindre nos rangs et soutenir notre syndicat. La cotisation annuelle est désormais annualisée et déductible des frais professionnels. En adhérant, vous soutenez nos bénévoles qui se battent chaque jour pour faire progresser notre profession et vous contribuez à renforcer notre poids dans les négociations.
Ne laissons pas tomber l’Alliance France Design. Si elle venait à manquer de moyens pour remplir ses missions, cela ouvrirait la voie à des associations moins influentes, moins représentatives des praticiens du design, voire à l’absence d’une voix unifiée pour les designers français.
Ensemble, construisons l’avenir du design en France
En devenant membre de l’Alliance, vous investissez dans votre propre profession et vous garantissez sa pérennité. Pour plus d’informations sur l’adhésion, consultez cette page dédiée : https://urlz.fr/nEXS
Ensemble, nous pouvons protéger l’avenir du design en France. Rejoignez l’Alliance France Design aujourd’hui pour défendre le design de demain.
- Le conseil d’administration de l’AFD
Ancien étudiant de l’ENSCI, le designer Bazil de Pourtalès exerce aujourd’hui en freelance, après avoir forgé ses armes en agence sur des missions de conseils et d’innovations pour les entreprises. Ce qui l’anime ? Formaliser des projets où le design est un vecteur stratégique. Il revient sur cette expérience littéralement extraordinaire du confinement lié à la crise sanitaire, l’occasion de réfléchir au sens de nos interactions, de notre consommation. Et plus largement, à notre façon d’habiter le monde.
« Tous confinés ! Qui l’eut cru ? C’est un choc, une stupéfaction, quelque chose que nous n’avions jusque là qu’imaginé. Mais qu’en est-il quand l’imaginaire devient réalité ?
Un virus passe d’un animal à un être humain sur un marché d’animaux sauvages en Chine et nous nous retrouvons très rapidement confinés en raison d’une pandémie mondiale. Peu de pays font exception, des milliards de personnes, dans les deux hémisphères, ont vu leurs vies transformées, en l’espace de quelques jours. Cette situation inattendue reflète la réalité complexe de notre monde, les liens qui existent entre chacun, chaque chose.
Pour la première fois depuis très longtemps, nous sommes conscients de tous partager le même monde. Ce qui est habituellement dilué dans le flot bouillonnant de nos modes d’existences est manifestement révélé et ce qui se produit de l’autre coté de la terre a un effet immédiat sur l’ensemble de ce qui s’y accomplit. Les volontés d’en expliquer l’origine mettent en évidence un rapport de cause à effet, qui constitue la règle et dont rien ne semble faire exception.
La crise est globale. Nous avons dû affronter ce nouveau virus en transformant nos façons de vivre et de travailler, en prenant des précautions inédites et souvent lourdes lorsque nous étions sur le terrain et en nous confinant chez nous le reste du temps. Nos vies, notre rapport au monde extérieur, aux autres, à ce qui était le plus anodin, a été métamorphosé. Depuis nos habitacles nous avons dû réinventer nos vies, en important de l’extérieur ce qui constituait notre quotidienneté. Le périmètre réduit de notre confinement est devenu la scène de nos façons de vivre.
Ce nouveau contexte a fait évoluer notre rapport à ce qui constitue notre environnement, en bouleversant les usages, révisant les priorités et en requalifiant ce qui est important pour chacun. Cette distanciation physique nous a imposé un recul, au propre comme au figuré, sur la nécessité, sur ce que nous produisons et sur la manière dont nous habitons.
La nécessité
On peut se poser la question de savoir à partir de quelle nécessité sont produit les objets dont nous nous entourons. De l’outil manuel à l’objet symbolique dans la réalisation d’un rite, ils sont la conséquence de notre rapport au monde, une alchimie complexe entre des besoins et une interprétation de notre réalité. S’il existe un point commun aux productions humaines, il réside dans le fait que l’Homme lui-même à la capacité d’y déposer ou d’y dévoiler un sens. C’est le propre de l’objet produit par l’homme de ne se révéler que par le don d’une conscience humaine. Comme un miroir il nous renvoie à ce qui fait notre humanité.
Notre rapport au monde passe à la fois par l’esprit et par le cœur, par la raison et par l’émotion. Nous expérimentons notre réalité par nos sens et interprétons nos perceptions à l’aune de notre vécu, de notre mémoire. Cette dimension expérientielle rend l’objet présent à notre corps, à notre intelligence et à nos émotions. L’expérience du monde culmine dans le sentiment sans pouvoir se passer de la cognition, elle se situe à l’interférence des deux.
La création se trouve à cette interférence.
Plus largement, elle se trouve à la croisée des disciplines, en révélant des complémentarités dans ce qui ne semble sans adhérence. Elle est l’art de faire fonctionner ensemble des choses qui ne semblent de prime abord pas destinées à l’être. Depuis nos confinements la question de la nécessité, à l’origine de la création, s’est imposée à nous.
L’évolution soudaine du contexte nous a obligés à nous réinventer un monde en le rendant en adéquation avec nos besoins. La transformation brutale et quasi universelle, a mis en évidence l’adaptation continue dont nous devons nous accommoder.
C’est ce que nous avons fait, en soutenant les soignants, en réhabilitant nos foyers pour les usages du confinement, en inventant et fabriquant des masques, en nous recréant un semblant de nature, en réaménageant un espace de jeu pour nos enfants ou un bureau pour nous permettre de continuer de travailler, en nous entourant ce qui nous a été vital pour vivre confinés…
Face à la situation, nous avons utilisé nos ressources pour tisser des liens, entre les choses, entre les êtres, entre l’intérieur et l’extérieur.
La question du lien apparaît essentielle, car elle est à la fois processus et finalité. Fugace dans un monde qui change et évolue, qui pour être maintenu demandera d’être tissé une nouvelle fois, à chaque fois qu’il ne sera plus évident. Maintenir le lien c’est le garder présent à notre conscience en lui donnant une réalité dans nos actions quotidiennes. Or n’est-ce pas ce que traduit l’action de « faire » ? La nécessité, n’est-elle pas un besoin permanent de tisser des liens entre les choses pour nous rappeler ce qui possible dans notre quête d’exploration et d’explication de notre réalité ?
Ce que nous produisons
À l’instar d’un tissu dont la chaîne et de la trame ne sauraient se passer l’un de l’autre, le fond et la forme sont liés inextricablement. En assumant cette conception, nous pouvons nous demander dans quelle mesure il existe une symétrie au au sein de l’ouvrage que constituent fond et forme. En fonction du point de vue il y a soit le cheminement du créateur qui d’après une intention fait jaillir la forme, soit le cheminement inverse de celui qui s’en empare et qui par la forme accède au fond qui l’établit. La forme existe dans la totalité parce ce quelle existe à la fois par l’action du créateur et dans les yeux de celui qui l’emploie.
Éprouver la portée de ce que nous produisons revient à contempler une étendue d’eau. En se penchant sur elle, notre oeil peut au choix se poser à sa surface ou bien passer au travers et voir ce qu’elle contient. C’est dans ce sens que le pouvoir d’évocation des formes parait crucial. Car la forme à la fois polarise et ordonne le fond et est la clef pour y accéder.
C’est ainsi que la forme peut soit induire en erreur soit éclairer.
Elle a le pouvoir d’exprimer des liens, des forces en présence. En fonction de la clarté de ces liens entre fond et forme, elle peut être un révélateur en donnant aux personnes les moyens de choisir et d’agir, à la manière de la musique d’un film dont les notes traduisent l’état d’esprit d’un personnage en le faisant ressentir au spectateur.
Il existe par conséquent un rapport réflexif entre nos produits et nous même. Les objets que nous produisons agissent envers nous au même titre que nous agissons envers ceux-ci. Les formes se muent en expériences transformatrices qui nous permettent d’accéder à des dénominateurs communs. Elles s’emparent d’une dimension matricielle qui nous permet de revenir à la source de ce qui fait notre humanité.
Le monde dans lequel nous vivons n’est il pas ainsi à notre image ?Fait de dualités entre ce qu’il est, ce que nous voudrions qu’il soit, entre ce que nous pensons savoir et ce que nous ignorons. Les projets donnent une direction pour le futur en utilisant le passé comme recul et le présent comme poussée. En définitive l’incertitude demeure maîtresse. Le sentiment d’incertitude se trouve renforcé face à la complexité du monde, la sensation de ne pouvoir embrasser son ensemble et d’accéder à une vérité qui l’emporterait.
Limité par notre perception le rapport de cause à effet de nos actes est de plus en plus dilué. Exhumer et nous rappeler ce qui nous lie semble plus que jamais nécessaire. La crise actuelle nous rappelle les liens qui nous rassemblent, mais qu’en est-il le reste du temps avec ce que nous fabriquons. Qu’en est-il lorsque que nous changeons de smartphone pour le dernier modèle et que nous nous prenons en selfie avec, alors que plus loin sur la planète des personnes brûlent les composants en plastiques de nos téléphones dans des décharges en plein air. Nous vivons bien sur la même planète, presque au sein du même organisme… et pourtant. La proximité n’est plus une affaire de distance physique, mais d’avantage d’effets induits. Là où il se fabrique des choses c’est aussi le lieu de la fabrique de l’humanité. Et c’est pourquoi qualité et conscience doivent être les mots d’ordre.
Comment nous habitons
Habiter implique une interaction avec l’environnement que l’on nous avons désigné comme lieu de vie. Nous faisons des choix et mettons en oeuvre des actions pour le transformer et le rendre en adéquation avec nos besoins. L’idée de transformation est fondamentale, car elle est à la fois la raison d’être de l’habitat et son mode de fonctionnement, une évolution constante qui en théorie lui garantit de demeurer en accord avec les besoins de ceux qui y vivent. Il semble que parler de design c’est parler de ce processus de transformation. Le confinement nous a confrontés à nos besoins fondamentaux en nous mettant face à ce qui nous a fait défaut.
Ces besoins se sont souvent révélés être banals du point de vue du « monde d’avant », car considérés comme acquis ou accessibles. Nous avons redécouvert leur importance, que notre vie en dépend et que leur manque ne saurait être comblé par un aucun artifice. Ils ont pour nom : liberté, sécurité, liens humains, silence, espace, accès à la nature…
Des idéaux que nous avons tendance à détourner et à dilapider en actes de consommation plutôt que les apprécier pour ce qu’ils ont de vital et d’accéder à leur grandeur. Il paraît crucial de dépasser la conception de l’individu comme simple client, consommateur ou usager, mais d’introduire l’idée de citoyenneté à ce que nous produisons, sur l’ensemble de sa chaine de valeur. En faisant beaucoup avec peu, nous nous sommes prouvés que savions nous réinventer.
Plutôt que d’assouvir des désirs artificiellement inculqués il nous faut créer pour les besoins réels et éprouvés.Dans ce nouveau contexte l’adage de Mies van der Rohe, « less is more » retentit avec force et nous rappelle de privilégier la qualité à la quantité.
Nous avons vécu la même catastrophe mais les besoins exprimés se sont révélés singuliers, en raison de la singularité des contextes des individus. C’est en proposant des projets qui portent en eux le cheminement de pensée qui leur a donné lieu qui permettront à tout un chacun de s’emparer de leur portée. En renforçant la capacité de jugement, ils seraient ainsi des projets honnêtes. En se changeant en expériences les productions de design mettent à profit la capacité réflexive des formes pour faciliter une contribution active et sortir d’un posture passive. Les productions de design seraient plus en accord avec une logique de transformation au sein de laquelle nous pouvons « tisser du lien » plutôt que d’être des «objets à emporter ». En instaurant une disposition active, le design s’accomplit dans un processus dans lequel le résultat de ce qui est produit appartient un peu plus à ceux qui sont touchés par le projet, car le projet porte en lui une part de nous même, une compréhension nouvelle, un soin particulier.
C’est ainsi que l’idée de qualité peut trouver un sens en chacun d’entre nous et nous permettre d’habiter plus unis dans un monde tel que nous l’aurons fait. »
Stéphane Lafarge, Directeur Europe chez Herman Miller, alerte sur le danger de créer une “ségrégation socio-spatiale” au travail dans une application stricte et sans réflexion des mesures de protection. Il appelle à préserver la dimension collaborative du travail en présentiel.
« À l’échelle mondiale, la pandémie de Covid-19 bouleverse nos vies, révèle nos failles et fait voler en éclat nos certitudes. Cette tempête sanitaire résonne comme un détonateur mais réussira-t-elle à impulser des transformations positives et durables dans le monde des espaces de travail? Pour les maîtres d’oeuvre, architectes d’intérieur, designers, aménageurs et fabricants de mobilier de bureau, le défi est de taille. Alors réfléchissons et agissons à horizon lointain car l’homme est un animal social !
La sécurité sanitaire des salariés – avec la mise en place de protocoles stricts – demeure la priorité. Mais arrêtons de réagir à court terme, au travers de l’émergence de mesures barrières prenant la forme d’écrans ou de cloisons dans les espaces tertiaires ! Pensons flexibilité et liberté avec à la clé, le choix de se déplacer au bureau ou de télétravailler.
Esprit de liberté
Imaginer que des salariés heureux d’avoir goûté au télétravail rétropédalent est totalement illusoire. Tout comme il est impensable de revenir aux méthodes de management classiques engendrant des méthodes de travail obsolètes. La colonne vertébrale de nos entreprises étant l’humain, son confort et son épanouissement demeurent la clé de voûte de la réussite. Peu importe le lieu où le salarié exerce son métier, l’essentiel reste l’expression de son engagement.
Ces semaines de confinement ont fait émerger ce que certains, en termes d’évolution de la relation au travail, tentaient de nous inculquer depuis des années en France. Ces précurseurs ont observé – médusés et satisfaits – la démocratisation du télétravail, portée par les technologies de communication. À l’abri de syndicats et managers frileux, voyant leurs prérogatives leur échapper ou leurs ouailles s’éloigner, nécessité a fait loi ! Et ce, sans aucune procrastination quant à l’apprentissage et la maîtrise des multiples plateformes interactives. Les contraintes assurancielles et rigueurs juridiques se sont volatilisées. Le citoyen/salarié a mené un combat simple : celui d’être responsabilisé et donc naturellement investi.
Dessinons notre futur
Qu’attendons-nous pour alléger nos procédures et systèmes décisionnels ? Le télétravail doit être l’expression d’une adhésion et l’espace de bureau devenir le lieu des activités non transposables ainsi que de l’intelligence collective. L’espace tertiaire doit s’imposer comme le lieu du travail dynamique et collaboratif, de la sérendipité et de l’agilité mais certainement pas comme celui de la distanciation !
Instaurer des écrans barrières à tout-va, cela ne peut être une réponse sociologique à moyen/long terme. C’est de l’opportunisme qui enivre les cerveaux prônant l’isolement. N’inventons pas l’ère de la ségrégation socio-spaciale dans les espaces de bureau ! Prônons la liberté de choix car nous reviendrons au bureau pour une unique bonne raison : la socialisation.
L’avenir doit s’écrire au travers d’espaces partagés et collaboratifs. Le bureau individuel dans les espaces tertiaires, qu’ils soient ouverts ou fermés, s’effacera certainement au profit de la multiplicité des espaces de convivialité. Parallèlement à cette soif de travail collaboratif, les entreprises devront investir dans des équipements de qualité afin d’accompagner, de façon optimale, les salariés en télétravail.
Stupeur et tremblement
En tant que fabricant de mobilier de bureau, nous pourrions trembler par la révolution annoncée et les changements comportementaux qu’elle devrait engendrer. Mais arrêtons-nous sur la prise de parole récente de Mark Zuckerberg expliquant sa volonté de mettre la moitié de ses salariés en télétravail, d’ici 5 à 10 ans. Outre son argument sur la réalité virtuelle pouvant booster la collaboration à distance, attachons-nous à l’étude menée en interne. Celle-ci indique que 50% des salariés s’estiment plus productifs en télétravail, 20 à 40% se disent intéressés par le travail à distance de façon permanente mais notons aussi que la moitié des salariés aimerait retourner au bureau dans les meilleurs délais !
Nous ressentons avant de penser
Au carrefour des transitions, cela nous oriente sur la nécessité d’écouter et de nous adapter à la volonté des salariés car, de toute évidence, le désir de travailler en présentiel reste important. Le contact physique et la relation en face à face – sans écran interposé – génèrent écoute, attention, discernement et compréhension incomparables, voire irremplaçables. Le langage corporel – avec ses interactions sensorielles – est capital à la cohésion de groupe.
Pourquoi une telle nécessité ?
Tout un chacun, en arrivant sur un lieu ou pénétrant dans un espace, perçoit immédiatement un bien-être ou, inversement, une charge négative. L’importance du design prend alors tout son sens car bien pensé et conçu, un espace apporte une charge émotionnelle positive. Il en est de même dans les espaces de bureau dont l’aménagement en dit long sur la culture de l’entreprise. La crise sanitaire passée, les salariés privilégierons une chose : la quête d’expériences émotionnelles. D’où l’importance de réaménager des espaces de bureau ouverts, intelligents, désirables, esthétiques et ergonomiques. La demande de mobilier innovant et performant ne disparaîtra pas, elle se déplacera.
Réinventer les espaces de travail s’apparente à un exercice de haute voltige, tant les Français restent colbertistes et les pouvoirs centralisés. Le chemin risque d’être long et chaotique mais c’est au prix de l’audace, de la confiance et d’un changement de paradigme que la relation au travail évoluera… pour le bien-être des salariés et la survie des entreprises.”
À propos de Herman Miller
Présente dans plus de 100 pays, née en 1905 dans le Michigan (États-Unis), Herman Miller est – aujourd’hui – intégrée à Herman Miller Group, entité qui chapeaute une famille de 9 marques – dont Colebrook Bosson Saunders, HAY, Maars Living Walls, Maharam, Naugthone – centrée sur une approche stratégique du design, prônant l’ingénierie et les technologies de pointe.
Dédiée à l’origine au mobilier d’habitation, Herman Miller a élargi son champ de création dans les années 60 à l’aménagement des espaces de bureau et bâtiments tertiaires. 1960 voit aussi la création de Herman Miller Research entité qui initie les premières études dédiées aux environnements de travail. En 2015, Herman Miller renoue – en Europe – avec le design dans l’habitat en rééditant les classiques de Ward Bennett.
Au début du mois d’avril 2020, les entreprises françaises de la Mode & du Luxe se sont engagées à fabriquer les masques et les surblouses nécessaires aux personnels soignants dans leur lutte contre le Covid-19. Le Comité Stratégique de la filière annonçait récemment la création du groupement “Savoir Faire Ensemble” afin de confirmer et coordonner son engagement.
Tribune. “Depuis quatre semaines, à travers la France, nous sommes plus de 830 entreprises de toutes tailles, mobilisées pour un objectif commun : mettre à profit nos outils industriels pour fabriquer ce dont les Français ont cruellement besoin, masques et surblouses.
Pour la majorité d’entre nous, nous n’avions jamais fabriqué ces produits. Pourtant, dès l’annonce du confinement, nous avons eu la volonté de nous investir totalement afin de contribuer à cet effort collectif et spontané. Ce choix, nous l’avons fait en conscience et avec la fierté de rendre service, nous tous, femmes et hommes qui œuvrons au sein de nos entreprises. Sans rien perdre de nos acquis, ni oublier nos clients, nous avons pris le risque de mettre de côté nos habitudes, nos commandes en attente, pour plonger dans l’inconnu en relevant le défi de ces processus de fabrication nouveaux.
Ce mouvement de fond s’est renforcé jour après jour, nos productions se consolident avec déjà plus de 8,7 millions de masques fabriqués. Au-delà d’un indispensable coup de main solidaire, c’est un véritable engagement auquel nous nous tenons : fabriquer des millions de produits pour protéger la population française.
Cet engagement, nous le prenons aussi en pensant à l’avenir.
L’industrie du textile et de l’habillement a perdu un grand nombre d’emplois lors des dernières décennies à la suite de vagues successives de délocalisation. Ancrée dans nos territoires, elle a su conforter son haut niveau de savoir-faire, d’agilité et de créativité. Elle est prête à affronter tous les défis. Aujourd’hui, au-delà du sentiment de se rendre utile face à la crise du COVID-19, c’est la conviction partagée par tous ceux qui oeuvrent courageusement dans les ateliers, dans les entreprises, dans les sites industriels de notre pays.
La mode toujours se réinvente. C’est en s’attachant à ce qu’elle soit durable, innovante et transparente que nous pourrons renforcer notre compétitivité, participer à la relocalisation industrielle et créer des emplois.
C’est pour aujourd’hui et pour demain l’ambitieuse mission que nous nous fixons : SAVOIR FAIRE ENSEMBLE.”
« En 2020, le designer industriel mène encore et toujours un combat quotidien pour que son domaine d’expertise soit reconnu et valorisé au même titre que celui d’un ingénieur ou d’un architecte… (…) À l’aube d’une nouvelle crise mondiale, peut-être plus importante que celle de 2008, de nouvelles opportunités vont s’offrir à nous pour réinventer ensemble notre société. Les personnes qui refusaient hier encore de rebattre les cartes, ne pourrons plus nous ignorer ». Tribune de Quentin Lepetit
“Engagez-vous, qu’ils disaient !”
« En 2009, j’intégrais, sur fond de crise économique, la renommée école de design industriel, l’ENSCI – les ateliers. Le discours de rentrée du directeur de l’époque, Alain Cadix, était alors : « Notre société doit se réinventer ! C’est à vous, futurs designers d’élites, qu’il appartient de changer les choses, de transformer et d’accompagner l’industrie vers ce changement. ». Jeunes légionnaires du design, fraîchement engagés et légèrement candides, nous étions alors galvanisés, remontés à bloc pour devenir les porte-drapeaux d’un monde à réinventer.
Au fur et à mesure de mes expériences professionnelles et en glanant ici et là les ressentis de mes confrères et amis, je me suis finalement rendu compte que les grands groupes industriels français n’accordent que trop peu de pouvoir aux designers. En dehors de quelques exceptions, notre marge de manœuvre reste plutôt réduite et notre métier souvent mal compris. Même si notre profession a cru démontrer au fil des années à quel point son apport était précieux, il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, le design industriel reste une discipline méconnue et incomprise par la grande majorité des gens. En 2020, le designer industriel mène encore et toujours un combat quotidien pour que son domaine d’expertise soit reconnu et valorisé au même titre que celui d’un ingénieur ou d’un architecte…
La France n’est pourtant pas avare de grands noms en la matière. Je pourrais citer par exemple certains pionniers du design industriel comme : Jacques Viénot, Roger Tallon, Raymond Loewy, JeanProuvé, Charlotte Perriand, Henry Massonnet… Mais aussi les plus contemporains: Marc Berthier, Philippe Starck, Jean-Marie Massaud, Patrick Jouin, Jean-François Dingjian, Jean-Louis Frechin, etc., qui ont permis et permettent encore aujourd’hui, à un certain design français de rayonner à travers le monde.
Mais qui sont les jeunes designers industriels d’aujourd’hui ? Comment exercent-ils leur métier ? Sont-ils réellement devenus des acteurs du changement de la société, comme le souhaitaitAlain Cadix dans son discours de 2009 ou sont-ils devenus de simples pions sur l’échiquier d’une industrie qui peine à se réinventer ?
Bien sûr, on peut encore observer quelques rares concepteurs qui font perdurer le mythe du designer star, avec des séries d’objets destinés aux publics les plus aisés, où seul l’esthétique prime. C’est d’ailleurs encore et toujours ce même “design” dont on parle la plupart du temps dans les médias mainstream (à ce titre, la rubrique « Design » du journal Le Monde m’a toujours doucement fait sourire). Pas étonnant qu’en 2020, il y ait toujours une méconnaissance totale de la part des individus, des entreprises, des institutions, sur ce que peut être la profession de designer industriel (l’expression bien française « c’est design ! » qui, dans le langage familier, permet de qualifier quelque chose d’esthétiquement beau, participe elle aussi à la confusion générale).
Je constate avec étonnement que la plupart des jeunes aspirants designers que j’ai côtoyé durant mes études, ont tout simplement changé de route. La majorité d’entre eux ont choisi d’exercer un métier sans rapport direct avec la création industrielle. Est-ce dû au manque d’offre d’emploi sur le marché ou est-ce que le combat en tant que designer était trop dur à mener par manque de considération des employeurs ?
« Engagez-vous, qu’ils disaient ! ».
Ce qui est certain, c’est que la réalité du marché de l’emploi en sortie d’école en a amoché plus d’un ! Les autres anciens étudiants avec qui je suis resté en contact, exercent en général en tant que designer Ui/Ux, designer de service, designer produit, directeur artistique ou encore consultant en « design thinking » pour des entreprises en quête“d’innovation”…
C’est à tous ces designers là que je souhaite m’adresser. À ces rescapés de la profession, qui, s’accrochant aux branches qu’on leur tend, tentent de vivre, tant bien que mal, de ce métier passionnant. Peut-être continuent-ils de croire qu’ils ont toujours pour mission de changer la société en l’accompagnant vers un modèle plus vertueux ?
Chers confrères, j’ai envie de vous dire que cela est encore possible ! À l’aube d’une nouvelle crise mondiale, peut-être plus importante que celle de 2008, de nouvelles opportunités vont s’offrir à nous pour réinventer ensemble notre société. Les personnes qui refusaient hier encore de rebattre les cartes, ne pourrons plus nous ignorer. Ainsi, malgré nos déceptions passées, malgré notre lassitude à devoir sans cesse expliquer notre métier, malgré les beignes, nous pourrons prouver notre légitimité. Même si le combat est loin d’être gagné d’avance, nous devons garder cet objectif en tête. Chaque petite victoire, liée à la précédente, peut produire les changements dont notre société à besoin. Dans ce monde complexe, à nous de réinventer nos manières de produire, de créer, de concevoir, afin de préserver notre écosystème ! À nous de contester une proposition, un projet, qui irait à l’encontre des enjeux sociétaux de notre époque ! À nous de remettre en question les produits et services que l’on donne à consommer ! À nous de choisir quelles sont les technologies les plus respectueuses de l’environnement (Low-tech Vs High-tech) ! À nous de réfléchir aux pratiques de conception équitable (« design équitable ») qui mettent en symbiose le contexte, les fondamentaux physiques, les ressources et les usages ! À nous de participer, aujourd’hui et maintenant, à la prise de responsabilités sociétale du secteur industriel ! Enfin, à nous de concevoir avec intelligence, éthique, responsabilité et solidarité…
À l’heure où un organisme nanoscopique (Coronavirus) nous montre à quel point nos modes de production, nos modes de consommation et notre système économique tout entier s’avèrent faillibles, plus que jamais, nous devons nous impliquer pour produire ces changements sans concession dont l’humanité a besoin. Nous devons nous remémorer nos engagements de départ, nous rappeler notre engouement de jeune recrue, lorsque tout était possible et que nous n’avions peur de rien. »
Quentin Lepetit, cofondateur de Retreeb
Ancien étudiant de l’ENSCI, Quentin Lepetit a travaillé comme designer produit, designer graphique et web designer. Aujourd’hui, il se consacre pleinement au projet Retreeb, dont il est cofondateur : l’objectif est de créer une nouvelle plateforme de paiement, qui propose des commissions interbancaires minimales, et dont un tiers des bénéfices générés soit placés dans des projets RSE. Retreeb est soutenu par France Innovation, et incubé à la Station F et au sein de The Garage.