Design

À l’occasion de Maison & Objet du 19 au 23 janvier prochains, les Rising Talents donnent un coup de projecteur au design espagnol, avec sept jeunes talents à découvrir.
Pour choisir ces sept nouveaux talents exposés lors du salon, c’est un jury composé de six professionnels du design qui s’était réuni : le designer Jaime Hayon, le directeur du Madrid Design Festival Álvaro Matías, de la designeuse Imma Bermúdez, du galeriste Xavier Franquesa, de l’architecte Belén Moneo et de la créatrice textile Aude Tahon pour la catégorie Craft.
Alvaro Aramburu
Après avoir étudié le design industriel à l’école technique de Madrid, puis les arts appliqués à la HDK Steneby, Alvaro Aramburu a quitté la vie madrilène pour un village niché dans la forêt suédoise, pays où il réside actuellement. Passionné par le bois sur lequel il travaille essentiellement, Alvaro Aramburu se focalise sur le mobilier et les objets uniques faits main. « En quête de contraste, j’embrasse le bois comme médium et je me distancie des produits industriels pour réinventer mon processus créatif. Les produits que je conçois sont des objets à la fois fonctionnels et artistiques, le mobilier étant la pierre angulaire de mon artisanat et le bois la matière première. » Il fait également partie d’un collectif mettant en avant le design en Suède et est membre du studio Växt, un coworking œuvrant pour une élaboration interdisciplinaire du design.


Marta Armengol
Originaire de Majorque, Marta Armangol étudie l’architecture à l’École technique supérieure d’architecture de Barcelone (ETSAB). Multidisciplinaire, sa pratique touche à la fois le design, l’architecture, la sculpture ou encore les installations et scénographies. Les espaces qu’elle imagine font passer un message de savoir-faire radical, mélangeant le verre à de nombreux matériaux différents. Elle a été exposée au Palais de Tokyo, lors de la Barcelona Design Week, au Dutch Design Festival ainsi qu’à la Biennale Mayrit. Plus largement, la chanteuse espagnole Rosalía a fait appel à ses créations pour sa scénographie.


Marta Ayala Herrera
Marta Ayala Herrera est spécialisée dans le design industriel qu’elle a étudié à l’université Nebrija de Madrid. Elle fait ses premières pas professionnels au studio Ciszak Dalmas, à Doiy Barcelona, au Madrid Design Festival et à La Casa Encendida. En 2013, elle reçoit le Injuve Award. Dans son travail, elle se focalise sur la relation de l’individu avec son environnement à travers les objets et aime expérimenter les matériaux industriels et les processus artisanaux pour créer ses pièces.


Max Mila Serra
Max Mila Serra a étudié le design industriel à l’École de design Elisava de Barcelone, avant de travailler pendant quelques années au studio d’Antoni Arola. Il a notamment participé à divers festivals, tels que LLum, Fad Fest, Madrid Design Festival et la London Design Week. En tant que designer, il s’est concentré sur l’éclairage expérimental et créatif. Il puise sa pratique dans la vie quotidienne et dans ses propres expériences, qu’il transforme ensuite par la lumière et le mouvement dans le but de les comprendre en profondeur.


Tornasol Studio
Tornasol Studio a été fondé en 2017 par la designeuse industrielle Inés Llasera et l’architecte et cartographe Guillermo Trapiello. Basé à Madrid, leur travail allie architecture et arts visuels pour analyser les espaces et les éléments qui les composent sous des approches très différentes. Désireux de découvrir de nouvelles manières de représenter la réalité et la multifonctionnalité dans leur travail, ils sont à la recherche de durabilité dans chaque processus et dans chaque détail du design des objets qu’ils créent.


Miguel Leiro
Il a fait ses études à l’Institut Pratt de New York avant de multiplier les collaborations avec divers studios tels que Moneo-Brock, Juan Uslé, Victoria Civera ou Jaime Hayon. Miguel Leiro crée des pièces qui allient fonctionnalité et créativité, avec une flexibilité dans les matériaux utilisés et la façon dont ils sont maniés. Il a participé à de nombreuses expositions, dont le Madrid Design Festival, l’Experimento Design, la Biennale ibéro-américaine de design BID, le Collège Officiel des Architectes de Madrid COAM ou encore le salon Zona MACO de Mexico. Il est également le fondateur, curateur et directeur de la biennale MAYRIT, un festival qui réunit des créateurs alternatifs qui se focalisent sur l’expérimentation.


Josep Safont, Rising Craft Talent Award
Cette année, pour la catégorie Craft, c’est l’artiste textile Josep Safont qui a été récompensé, nommé par les Ateliers d’Art de France et La Generalitat de Catalunya, qui mène une politique de soutien en faveur de l’artisanat d’art. Tourné vers l’artisanat d’art et le texte, il a étudié à l’École Massana de Barcelone où il travaille actuellement au sein du studio qu’il a fondé en 2020. À l’aide de métiers à tisser, il crée des pièces avec des matériaux qu’il veut les plus responsables possible et qui agissent pour sculpter sa vision à travers des volumes, des dessins et les finitions expérimentales.



Raphaël Navot semble être le « nouveau » designer que tout le monde s’arrache. Avant le monde, peut-être le Tout-Paris. Il livre début février l’Hôtel Dame des Arts, rue Danton dans le 6e arrondissement et sera le Designer de l’Année pour l’édition de janvier 2023 du salon Maison & Objet.
Il est né à Jérusalem en 1977. Diplômé de la Design Academy Eindhoven en design conceptuel, il s’installe à Paris dans le Marais et accorde architecture d’intérieur et design au moment où les matières premières nobles et les techniques de fabrication par l’homme sont au plus haut. Il travaille avec les meilleurs ateliers d’Europe et ses réalisations courent du night-club le Silencio, rue Montmartre à Paris, aux revêtements de sol End Grain pour Oscar Ono ou des tapis artisanaux pour la Galerie Diurne, rue Jacob, de l’Hôtel National des Arts et Métiers à Paris à la bibliothèque et la galerie d’Art du Domaine des Etangs à Massignac en Charentes.
Le Silencio
La première fois qu’Intramuros a écrit le nom de ce jeune quadra, Raphaël Navot, ce devait certainement être en 2011, lors de la rédaction du Paris Design Guide où une place non négligeable était accordée au Silencio, réalisé par David Lynch à la demande d’Arnaud Frisch et Antoine Caton, club culturel d’un nouveau genre, « une histoire de casting regroupant l’agence d’architecture Enia, le concepteur de lumière Thierry Dreyfus et le designer Raphaël Navot. »
Trois séries de mobilier originales étaient alors créées par David Lynch et réalisées sur mesure par la maison Domeau & Pérès. Le design, mais aussi le cinéma, l’art, les spectacles vivants, la littérature, la musique comme la gastronomie ont toujours leur place au sein de la programmation dédiée aux membres du Silencio de 18h à minuit. Au delà, le Silencio devient un night-club ouvert à tous et tous les trois mois, un artiste est invité à y réaliser un projet. Rue Montmartre, il faut descendre dans la cave, pour se retrouver chaleureusement enveloppé d’or, sur les murs, les plafonds, les meubles et les bars à cocktails derrière lesquels s’activent quelques barmen insensibles à la faune nocturne du lieu… de Pharell Williams à Jean-Charles de Castelbajac, Virgil Abloh ou Agnès Varda. Tous se retrouvent là, dans des salles privatisées ou devant la scène où se joue, quart de queue et guitares vintage à l’appui, l’avenir de la musique. Comme un hommage au cabaret de Mullohand Drive, la scène ressemble à un ancien cinéma, encadrée avec des rideaux qui coulissent. À ses pieds, une piste de danse accueille les pas les plus sages comme les plus débridés. Un lieu où vivre des expériences originales.
Jouer Paris
L’Hôtel Dame des Arts qui ouvre le 1er février 2023, propose ce même type d’expériences mais à une échelle plus large. Les 109 chambres de l’hôtel, écrin 4 étoiles, portent en elles, l’esprit de la rive gauche et de la Nouvelle Vague. Inspiré par les philosophes, les artistes et les intellectuels du quartier, il déploie tout l’esprit de Saint-Germain-des-Prés. Dans ce bâtiment des années 50, l’hôtel conjugue chambres avec vue, rooftop à ciel ouvert, charmantes terrasses, jardin verdoyant, studio de fitness avec sauna, salles de réunion pas comme les autres. Un point de départ parfait pour explorer la capitale et l’art de vivre parisien. Avec son décor Nouvelle Vague, ses œuvres d’art et sa signature olfactive signée Arthur Dupuy, l’hôtel joue les jeunes premiers.


Lignes simples, formes graphiques, matières minérales et naturelles, il a sollicité les meilleurs artisans pour atteindre un résultat cosy et chaleureux. Loro Piana Interiors, Veronese, Cappellini, Oscar Ono ou Roche Bobois fabriquent pour lui. Le restaurant 39V, avenue George V et l’Hôtel des Arts et Métiers à Paris, l’Hôtel Belle Plage à Cannes ou la Bibliothèque du Domaine des Etangs en Charente, lui ont déjà livré leurs espaces. Tout a été fait ici sur mesure (à l’exception de deux chaises Roche Bobois, DOT et Identities). Le demi-cylindre cannelé en chêne massif qui recouvre certains murs des espaces publics et des chambres fait écho au sol en chêne noir carbonisé à la flamme et recouvert d’une résine protectrice. Un design chaleureux et bienveillant dans des chambres de 15 m2 pour les plus petites, avec lit Queen Size et chaque soir, cinéma privé à tous les étages à 21h et 23h.

Des rencontres
Le POH (Patchwork Oval Hemisphere), édité par Cappellini en 2014, est une pièce composée, mariant le fait-main, le fait par ordinateur et le fait à la machine. L’assemblage d’un volume chaotique, sculpté par une machine selon un modèle généré par un ordinateur, pour à chaque fois obtenir un objet unique qui ne peut être répété, un peu à la Gaetano Pesce. Conçu pour l’exposition « Post Fossile » dans le musée Holon, par Lidewij Edelkoort au printemps 2011, il a intégré la collection permanente de Cappellini. Chaque pièce est unique et découle de l’inversion du principe de conception. « La forme suit la fonction » devient « la fonction suit la forme ». Une révélation au Holon Museum, le célèbre musée complété en 2004 par Ron Arad d’une extension tout en acier Corten, un musée fondé par Moti Masson, maire d’Holon, (à l’initiative de la médiathèque, du centre culturel, du centre multimédia, du musée du design et du musée israëlien de la bande dessinée) et Hana Hertsman, directrice générale de la municipalité qui depuis 1993 cherchent à positionner Holon comme « La ville des enfants ».

Pour Pas de Calais, jeune marque japonaise créée en 2015 par Ykari Suda en hommage à la dentelle de Calais, qui développe ses propres textiles avec coton, lin et soie et une combinaison de teintures traditionnelles ou techniques de pointe, il signe une boutique parisienne rue de Poitou. Habitée par l’Arte Povera ou arte povera pour faire plus modeste, la simplicité des matériaux – bois fissuré, métal corrodé ou calcaire poudreux – sont une véritable ode à la nature. En 2014, il signe la suspension TOH pour Véronese. En 2019, Roche Bobois lui demande de refaire la boutique du boulevard Saint-Germain où l’on trouve ses collections au détour des escaliers. Pour la galerie Friedman Benda, il signe des canapés voluptueux et soyeux.


Au fil du temps, Raphaël Navot a su se démarquer avec des projets d’architecture d’intérieur remarqués. Parmi ses derniers projets de rénovation, on note un hôtel 4 étoiles, le Belle Plage à Cannes, livré cet été, et qui vient de mettre en service un grand espace spa également aménagé par Raphaël Navot. On peut également citer la rénovation du restaurant 39 V, qui a par ailleurs été récompensé en octobre dernier par le prix Paris Shop Design dans la catégorie « Hôtels, Cafés, Restaurants ».

Un hall circulaire sur Maison & Objet
L’Apothem Lounge à l’entrée du hall 7 sur Maison & Objet à Paris Villepinte, doit offrir une émotion, un concentré d’hospitalité, ou « Le monde fantastique de Raphaël Navot ». Son grand hall circulaire sera comme une installation immersive de lumière et de textures procurant une émotion visuelle où les visiteurs seront invités à découvrir les intérieurs indépendamment de leur fonctionnalité ou contexte comme dans un théâtre où les visiteurs sont les comédiens.
Le design est pour lui une forme de scénographie qui vise à créer une ambiance, soutenue ici par les luminaires et l’expertise Flos. Sans client, sans contexte, sans fonctionnalité, l’espace lui permet de faire accéder le visiteur à un royaume plus imaginatif et de créer un intérieur… inattendu. Le hall circulaire, protégé par deux rangées de murs courbés et qui permet aux visiteurs d’entrer et de sortir par ses 12 portails, s’offre comme un labyrinthe simplifié avec liberté et simplicité. À tester obligatoirement.

En septembre, Adèle Fremolle a pris la tête de la Villa Kuyojama à Kyoto. L’incroyable bâtisse construite par l’architecte Kunio Kato à flanc de montagne fête cette année ses trente ans, et qui a accueilli depuis sa création une vingtaine de designers. Comme le souligne Christian Merlhiot, ex-résident puis co-directeur entre 2014 et 2017, nombre de créateurs passés dans ses murs attestent que « cette étape a transformé [leur] vie »
Inaugurée en 1992 à Kyoto, la Villa Kujoyama s’inspire du modèle de la Villa Médicis à Rome, créée elle en 1803. Elle fête donc ses trente ans, en tenant compte d’une interruption pour rénovation de 1992 à 1994, qui a donné aussi un second souffle à ses programmes. Placée sous la tutelle de l’Institut français et de l’Institut français du Japon, elle est l’unique résidence en Asie pour les artistes français. Elle bénéficie du soutien financier de la fondation Bettencourt-Schueller, qui vient de confirmer le renouvellement de son partenariat. Dans l’attente de l’arrivée de la future directrice, et sous la coordination de Samson Sylvain, directeur par intérim et attaché culturel à l’Institut français du Japon, une équipe de 4 personnes gère le lieu : un responsable de la communication, de production, un intendant et un responsable des lauréats (qui assure pour l’accompagnement sur place, la traduction…).
Une quinzaine de créateurs y séjournent chaque année, toutes disciplines confondues. En moyenne, les durées oscillent entre deux et six mois pour des projets individuels, et autour de 4 mois, pour les projets en duo.
Une scène design à Kujoyama
Si les premières années ont surtout été marquées par des créateurs issus du design produit, ces dernières suivent l’évolution du secteur en s’élargissant aux textiles, au graphisme, aux arts culinaires… et reflète aussi cette approche volontairement interdisciplinaire de la résidence. L’apport de la fondation Bettencourt-Schueller a permis aussi l’extension vers les métiers d’art, et l’intensification d’un travail de dialogue dans les projets. Sur les trois décennies, on constate des profils vraiment divers et des parcours variés, pour les résidents en design qui forment une vraie scène design. Patrick Nadeau, Benjamin Graindorge, François Azambourg, José Lévy, Goliath Dyevre, Pierre Charpin… ; tous ont été profondément marqués par ce passage. Co-directrice de la Villa Kujoyama de 2014 à 2017, Sumiko Oé-Gottini est depuis consultante et travaille pour différents programmes internationaux, dont celui de la Villa Kujoyoma. Pour elle, « il y a toujours un point de non-retour, dans le bon sens du terme. Les pratiques de design ont aussi beaucoup changé pendant ces trois décennies et les champs d’exploration aussi. C’est intéressant car les créateurs français ont par exemple une longueur d’avance autour de la question de la nourriture. »

Si José Lévy, résident en 2011, est imprégné de culture nippone depuis son enfance grâce à un grand-père collectionneur, son passage a laissé une empreinte sur place. Formé sur place au nébuta – technique traditionnelle qui met en œuvre le papier et le bambou – il a conçu la sculpture du samouraï Veilleur, devenue un emblème du site, après avoir été exposée au Musée de la Chasse et de la nature lors des DDays en 2016. Et pour Christian Merlhiot, « s’il peut aujourd’hui montrer de Kokeshis au PAD de Paris, c’est parce qu’il s’est nourri du Japon ». Le designer lui-même a développé des collections de mobilier à partir de tatamis chez Daiken.
L’expérience de la résidence
Comme l’exprime Sumiko Oé-Gottini, « la rencontre avec l’altérité culturelle, ou une nouvelle pratique artistique questionne. Pour autant ce n’est pas « l’autre » qui donne la réponse clé en main, mais c’est précisément l’expérience de la rencontre traversée par le créateur qui va lui révéler sa propre identité créatrice (…). Il ne s’agit pas de s’emparer des éléments attachés à une culture pour les transposer ailleurs. La plupart des créateurs redécouvrent la valeur de leur propre pratique à l’issue de ces collaborations. » (cf « identité et altérité, transmission des savoir-faire comme levier du dialogue international in Entretiens Albert-Kahn, cahier n° 49 (2021) in Entretiens Albert-Kahn, cahier n° 49 (2021))
Certains ont ainsi complètement changé leur regard, et réinterrogé la notion de temps dans le process de design. Selon elle, son rôle est « d’aider les créateurs à transformer le changement de « paradigme » engendré par ces nouvelles rencontres et collaborations en un levier de création dynamique. C’est l’expérience de la traversée du Japon par les créateurs qui révèle aussi une période de leur historie oubliée dans l’ombre de la standardisation. » À titre d’exemple, François Azambourg (résident en 2015) a créé un fauteuil en s’appuyant sur une technique qui avec un geste précis redonne une étanchéité au bois observée au Japon : Sur place, il sublime aussi les copeaux de bois : « en visitant une charpenterie, j’ai découvert des copeaux de bois d’une épaisseur de papier à cigarette, d’une longueur incroyable, générés par l’utilisation d’un rabot sur la totalité de la poutre. On est à la limite de la matérialié. » Il testera différentes utilisations, dont des impressions. L’ensemble de ses travaux et « esquisses d’objets et embryons de produits » seront exposés au Musée des arts décoratifs.

Car la Villa Kujoyama est avant tout une résidence de recherche, pas de création. Sumiko Oé-Gottini observe étonnamment que 50 % des résidents ont un profil ENSCI : « il y a une envie aujourd’hui de revisiter par rapport à l’industrie de revisiter la création industrielle, de réfléchir à la cohabitation des choix (savoir-faire, écologique), l’artisanat est vu comme le vestibule de l’industrie de demain au cœur de la plupart des projets. »

Lors de la fermeture pour travaux en 1992, une association d’anciens résidents se crée pour être vigilants à la réouverture. La rénovation est l’occasion de repenser les programmes. À partir de 2014, les résidences s’ouvrent davantage aux des métiers d’art et le design : une évidence pour la direction de l’époque tant Kyoto est un creuset de savoir-faire. Et la catégorie Design devient nécessaire pour créer ce pont entre l’artisanat ancestral et l’inscription des métiers d’art dans un univers contemporain. À ce titre, le projet de la doreuse Manuela Paule-Cavallier a été explicite. En lien avec des artisans qui travaille l’étain de manière séculaire, elle a proposé à Goliath Dyèvre de se joindre à elle pour élaborer une forme de médiation en création, soit allier l’or et le métal pour donner une expression à la matière conçue comme rigide. Le projet a donné lieu au « petit théâtre de lumière » exposé aux DDays en 2015. Selon Sumiko Oé-Gottini « peut-être que le Japon traverse avec une certaine légèreté cette question de la contemporénaïté des métiers d’art ».

Pour optimiser les séjours, l’accent est mis sur l’accompagnement, en amont, pendant, et après. Samson Syvain précise aussi que la période de résidence est finalement très courte, compte tenu du temps d’adaptation. « Un travail en amont est mis en place avec les lauréats systématiquement pour pouvoir identifier dans leurs projets de recherche les personnes à identifier et de prendre les rendez-vous à temps. » L’Institut français assure aussi un travail de diffusion dans les différents lieux de programmation des instituts au Japon : expositions, performances, rencontres… Sans noyer les résidents dans les commandes, la direction est attentive que ça reste bien une résidence de recherche. Sumiko Oé-Gottini intervient pour la préparation des résidents en amont de leur départ : « Avec l’Institut français on les encadre logistiquement et artistiquement. J’essaie de les driver dans leur projet pour favoriser une appropriation culturelle, une compréhension générale du paysage japonais, préparer les rencontres avec des contacts d’excellence (maître d’art, etc.) »


Après la résidence
Avec Christian Merlhiot, Sumiko Oé-Gottini a insisté sur la préparation du retour. Un brin provocatrice, elle précise que pour elle « les projets les plus intéressants sont ceux qui se développent après l’expérience de résidence ». Dès le départ, la sélection des dossiers prend en compte cette intention de continuité « ce n’est pas un one-shot, mais cela s’inscrit dans la pratique du créateur et un échange de culture. » Alors, elle les « les prépare à l’atterrissage. Ceux qui reviennent ne retrouvent pas tout à fait leur place, de nouvelles pratiques s’ouvrent. » Certains poursuivent très fortement les liens tissés : Pierre Charpin a collaboré avec Arita, et Aurore Thibou designeuse textile, présentée à Première Vision à la suite de sa résidence, continue de travailler comme consultante auprès des artisans de Pangu.

En trente ans, la Villa Kujoyama a construit un réseau de partenaires solides sur lesquels elle s’appuie pour aider à la diffusion des œuvres créées en son sein. Elle participe notamment au festival Viva Villa 5 ! avec les deux autres résidences (Médicis et Casa Velasquez), ce qui donne une belle visibilité à tous les résidents-pensionnaires, quelle que soit leur discipline.

72 saisons à la Villa Kujoyama
Pour fêter ses 30 ans, la Villa Kujoyama a sorti en octobre dernier un ouvrage anniversaire intitulé « 72 saisons à la Villa Kujoyama ».
Editions Gallimard, 49 €.

Le nouveau numéro d’Intramuros consacre sa rubrique inspirante « Design à 360 ° », à des produits tout juste sortis en 2022. Mobilier, accessoires, mode, véhicules… découvrez les 40 coups de cœur de la rédaction dans le magazine !

Table d'appoint Neumann, Objekte Unsere Tage
Entre table d’appoint et tabouret, Neumann est fabriqué à partir d’une seule tôle d’acier pliée et revêtue de poudre. Imaginée par David Spinner pour OUT Objekte Unsere Tage, la table d’appoint Neuman joue avec les perspectives puisque sa silhouette déstructurée est confectionnée de façon à ce que l’on puisse observer une forme différente selon le point de vue.

Set Cala Blue, XLBloom
Le Set Cala, designé par Ambroise Maggiar pour XLBloom est un ensemble qui joue sur les variations d’épaisseurs du verre soufflé à la bouche et effets de transparence inspirés par la fluidité de l’eau.

One-Tree Project, SCP
Au London Design Festival, SCP a fait appel à dix designers britanniques pour le « One-Tree Project » qui avait pour objectif de créer des meubles et des objets à partir d’un frêne abattu.

Table Fibonacci, Theoreme Editions
La table Fibonacci éditée par Théorème Editions et imaginée par Adrien Messié est conçue pour rassembler 8 personnes, mais permet aussi à des groupes plus restreints de se réunir étroitement grâce à sa forme. Une table faite en bois laquée et céramique, fabriquée à la main par des artisans en France.

Montre G-Shock Série 2100 GA-2100HUF-5A, Casio
Le skateboarder Keith Hufnagel s’est associé à G-SHOCK pour célébrer le 20e anniversaire de la marque HUF et propose une collaboration inédite avec le modèle Série 2100 GA-2100HUF-5A.

Mixeur Cordless, Bamix
Petit robot de cuisine tout-en-un sans fil, le Cordless de Bamix est un modèle à la batterie très puissante (pour mixer, hacher, émulsifier, râper et pulvériser).
Retrouvez la sélection complète de la rédaction dans le numéro 214 d’Intramuros, disponible en kiosque, dans les librairies et concept stores partenaires et sur notre boutique en ligne.

Véritable mise en lumière des grands décorateurs et artisans d’art français qui ont officié entre 1930 et 1969, l’exposition « Le Chic, Arts décoratifs de 1930 à 1969 » rassemble 200 œuvres issues des collections du Mobilier national. Sélectionnées par les commissaires du Mobilier national, Emmanuelle Federspiel, Gérard Remy et Jérémie Tortil, les différentes pièces ont été scénographiées par le décorateur Vincent Darré sur les deux niveaux de la galerie.
Ici, les savoir-faire des gainiers, liciers, passementiers, ébénistes, tapissiers et des menuisiers en siège sont à l’honneur, tant au moment de la création des meubles et luminaires qu’à celui de leur restauration. Au cours du premier confinement, le Mobilier national a alors encouragé l’activité des professionnels de ces métiers, pour certains tombés dans l’oubli, en lançant un programme de restauration de 129 œuvres de ses collections. Une cinquantaine d’artisans ont ainsi contribué à la réhabilitation de ces pièces entre 2021 et 2022.


Vincent Darré, invité par le Mobilier national, a reconstitué pour l’occasion les grands ensembles décoratifs qui nous font faire un bond en arrière le temps de l’exposition. Grâce à ses fresques démesurées, Vincent Darré nous plonge dans des scènes de vie qui font écho aux décors théâtraux de Jean Cocteau. De Marc du Plantier à Raphaël Raffel dit Raphaël, en passant par Jeannet Laverrière, André Arbus, Dominique et Paul Cressent ou encore Colette Guéden, on redécouvre avec excitation les grands noms qui continuent d’inspirer le design d’aujourd’hui.


Avec le besoin de contextualiser leur travail pour qu’il soit le plus juste possible, les lauréats du prix du Mobilier national au Festival Design Parade 2021 déroulent des scénarios en amont de leurs projets.
Clémence Plumelet et Geoffrey Pascal se sont rencontrés à la Design Academy d’Eindhoven, après un cursus à l’École supérieure des arts appliqués Duperré pour elle, et à la Parsons School pour lui. Tous deux en agence, ils viennent de monter en parallèle leur studio de design, Marcel Poulain. La création de cette structure fait suite à la sélection du couple au Festival international Design Parade en 2021, section architecture d’intérieur. Avec pour contrainte de « créer une pièce à vivre dans une maison méditerranéenne », les deux designers y présentaient une installation rafraîchissante, un salon-bar au mobilier moelleux reprenant les codes piscine de la Riviera.
Grâce à l’obtention du prix du Mobilier national, le tandem a bénéficié d’une année de résidence avec l’ARC (Atelier de recherche et de création) pour créer un meuble qui intégrerait ensuite les collections de l’institution et ferait partie du mobilier d’État disponible aux expositions et à l’aménagement d’espaces en France et à l’étranger. Une pièce de design amenée à être souvent déplacée.

À partir de ce contexte, le duo a imaginé Terence, un canapé voyageur à la structure coque en bois à même de se plier façon malle, ce qui facilite et protège son transport. Une création astucieuse, présentée lors du Festival Design Parade de 2022 dans une scénographie montrant l’aptitude des designers à associer, dans un lieu donné, dimensions narrative et fonctionnelle. « Ce qui définit notre pratique, c’est le dessin d’objets, mais nous aimons les projets d’ensemble, avec un fil conducteur. Réfléchir à tout, aller vraiment dans le détail et dessiner des éléments de mobilier qui soient en dialogue avec l’espace. »


S’ils travaillent déjà sur des propositions d’éditeurs et un projet d’appartement dans le Sud, Clémence Plumelet et Geoffrey Pascal aimeraient renouveler l’expérience de la résidence, et ne pas entrer d’emblée dans une logique de production rapide. « Nous préférons prendre notre temps pour que le message soit le bon auprès des personnes qui pourraient faire appel à nous. »

Le nouveau numéro d’Intramuros consacre sa rubrique inspirante « Design à 360 ° », à des produits tout juste sortis en 2022. Mobilier, accessoires, mode, véhicules… découvrez les 40 coups de cœur de la rédaction dans le magazine ! Découvrez un second extrait.

Collection Picnic, +Halle
La collection Picnic se compose de bancs circulaires avec un système à deux hauteurs, dotés d’un coussin moelleux. Une collection colorée, éditée par +Halle, et designée par le studio Form Us With Love.

Lampe Off-cut, Pierre Castignola
Présentée à l’Objective Gallery à New York, la lampe Off-cut de Pierre Castignola est née d’une initiative visant à trouver une utilité aux pièces de rebut de sa propre activité.

XP Race, Hugo Eccles
Ce nouveau modèle de moto pensé par Hugo Eccles est conçu avec « le programme XP qui propose un nouveau langage de conception pour les motos électriques, basé sur de nouvelles opportunités plutôt que de simplement imiter un vocabulaire visuel créé par une technologie bientôt obsolète » pour reprendre ses termes. Chaque XP est construit selon les spécifications individuelles de chaque client, chacun d’entre eux est donc unique. À découvrir en vidéo ici.

Robot mixeur Re:mix, Open Funk
La société allemande Open Funk a mis au point Re-mix, un robot mixeur plus « durable » compatible avec toutes sortes de bocaux en verre. La structure du boitier est faite à 100% en matériaux recyclés et recyclables, avec des panneaux mouchetés en déchets plastiques.

Tabouret Rug n'Roll, Johannes Budde
Le tabouret Rug’n Roll de Johannes Budde introduit avec audace le matériau industriel Concrete Canvas dans la conception de meubles. Habituellement utilisé dans la construction civile, Concrete Canvas est un tissu flexible imprégné d’une fine couche de béton.

Le salon professionnel Première Classe, rendez-vous incontournable dédié à l’accessoire de mode, accueillait pour la troisième année consécutive les directeurs artistiques Romain Costa et Evane Haziza-Bonnamour, du 30 septembre au 3 octobre derniers. Sous les tentes installées au jardin des Tuileries, le binôme avait pris le parti de mêler art et design dans une scénographie inspirée par le voyage suspendu.
Pour cette édition au nom ensoleillé de « Sunny Corner », les deux architectes Romain Costa et Evane Haziza-Bonnamour avaient imaginé une page blanche, « Turn around », à interpréter à son gré. Page qui se tourne, horizons nouveaux ou renaissance, « Turn Round » mettait en scène la création sous différentes formes, bien entendu celle de la mode, qui allait de pair ici avec le design, associé à des pièces artistiques.


Pour cette édition, ils avaient notamment retenu la jeune galerie de design 13 Desserts avec un mobilier haut en couleur, le duo French Cliché, dénicheur de talents contemporains utilisant des savoir-faire ancestraux, et Harold Mollet, expert en mobilier et design du XXe siècle. Installées à la façon d’un musée, les différentes pièces se répondaient dans les formes, matériaux et gammes colorielles.

Cerise sur le gâteau, les architectes avaient fait appel à la talentueuse sculpteuse Emmanuelle Roule qui travaille sur « la géographie de la forme ». Une exposition lui avait été dédiée, mettant en avant des céramiques modelées, fruit d’une recherche autour de la lumière, la texture et la matière. Tout en courbes et en mouvements, nuances et transparence étaient au rendez-vous !
À noter dans les agendas, la prochaine édition de Première Classe aux Tuileries se tiendra du 3 au 6 mars 2023.

La 3e édition de France Design Week, qui s’est déroulée du 7 au 29 septembre, a consacré ce rendez-vous comme un incontournable de promotion du design à travers toute la France, et en Europe. L’heure est maintenant au bilan.
Pari réussi ? Avec un nouveau record de 264 580 visiteurs (contre 206 400 en 2021), le label France Design Week a su à nouveau susciter la curiosité des professionnels et amateurs. Au total, on dénombrait 1805 contributeurs engagés et 410 événements organisés partout en France et à l’étranger, pour donner à voir les différentes formes de design. Des manifestations qui pouvaient par ailleurs prendre différentes formes : conférences, expositions, visites d’ateliers, discussions, afterworks…
Un même objectif : fédérer et faire valoir le design
Lancé en 2020 à la suite des Assises du design de décembre 2019, le label France Design Week est une manifestation d’envergure nationale, avec pour but de donner de la visibilité à la diversité et la vitalité des pratiques du design français. Ainsi, les participants à l’événement s’engageaient par leur initiative à valoriser une pratique du design, à travers un vecteur de développement économique, social, culturel et environnemental, et à faire connaître leur démarche au plus grand nombre.
De nouveaux cap franchis
Et pour cette 3e édition, la réussite n’a pas seulement concerné le nombre de visiteurs et de participations, mais également de nouvelles initiatives et prises de conscience en matière de design. On peut notamment citer la prise de parole du Président Emmanuel Macron le 14 septembre 2022, qui a rassemblé les acteurs du design l’Elysée, et la jeune création, lors de l’inauguration la nouvelle table du Conseil des Ministres conçue par 4 lauréats d’un concours étudiants en partenariat avec le Mobilier national. En compagnie de 150 invités, il avait évoqué cette 3e édition de FDW et rappelé la place à prendre pour le design dans le plan France 2030.
Autre nouveauté pour cette édition, l’engagement de la Fondation d’entreprise Martell en tant que mécène de l’évènement. Très impliquée dans les questions d’usage et de transmission, la Fondation Martell souhaitait, à travers ce rapprochement, s’associer de manière forte à ce grand rendez-vous du design.
Mais aussi, cette 3e édition a été l’occasion d’organiser une vente aux enchères pour le moins exceptionnelle en partenariat avec Catawiki, plateforme majeure de vente et achat d’objets spéciaux. Avec ses 10 millions de visiteurs mensuels, la visibilité offerte était plus qu’intéressante pour les designers. La vente s’est déroulée du 9 au 18 septembre, et proposait des créations de designers sélectionnés par France Design Week, qui mettaient en lumière les tendances actuelles en terme de design français.
France Design Week 2022 : retour en chiffres
Pour résumer en quelques chiffres clés, la 3e édition de France Design Week c’est :
- 13 régions participantes : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Centre Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Île-de-France, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Pays de Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse, dont 2 pays étrangers : Allemagne et Belgique
- 264 580 visiteurs sur trois semaines (en physique et en ligne)
- 410 événements labellisés au niveau national et international
- 1805 contributeurs, avec un engagement régional et plus local
Rendez-vous l’année prochaine !

Le prochain numéro d’Intramuros consacre sa rubrique inspirante « Design à 360 ° », à des produits tout juste sortis en 2022. Mobilier, accessoires, mode, véhicules… découvrez les 40 coups de cœur de la rédaction dans le magazine ! Petit avant-goût avec ce premier extrait.

Banc Worm, Missana
Worm est le premier banc avec un système modulaire de Missana. Un banc composé de 3 modules dont un courbe qui peut évoluer et changer en fonction des besoins de chaque espace.

Bureau Home Office O7 True Pink, USM
Après sa joyeuse installation à la Milan Design Week, USM a sorti avec succès une série limitée de son Bureau Home Office 07 en True Pink qui a reboosté le home office. Un modèle avec une conception modulaire, composé d’une structure en tubes d’acier chromé assemblés par des boules de connexion, habillée de panneaux d’acier thermolaqué et montée sur patins réglables en hauteur.

Sac Buoy, Botter Paris
Rushemy Botter et Lisi Herrebrugh, qui ont créé le Label Botter, a été en 2022 l’un des duos tendance dans le secteur de la mode parisienne. Les Buoy, étanche et peint au pistolet, est devenu l’une de leurs pièces iconiques. Un modèle inspiré de l’univers de la plongée, très présent dans les collections de Botter Paris. Label à suivre.

Suspension Luce Orizzontale S1, FLOS
La suspension Luce Orizzontale S1 designée par Erwan et Ronan Bouroullec est composée de modules en verre interconnectés, créés selon un procédé artisanal consistant à verser le verre dans un moule rotatif pour obtenir une finition exclusive qui rend chaque pièce unique. Concernant la structure interne, elle est faite en aluminium extrudé poli équipée de deux modules leds linéaires pour un éclairage direct et indirect dirigé vers le bas.

Miroir Steam, Heim+Viladrich
Designé par le duo hollandais Heim+Viladrich, composé de Lauriane Heim et Johan Viladrich, le miroir Steam fait partie de l’ensemble d’objets Aire 75, en référence aux objets trouvé sur des aires d’autoroutes, avait été présenté lors de Collectible 2022 à Bruxelles.

Au Portugal, sous l’impulsion de designers et directeurs artistiques, les éditeurs s’appuient sur les nouvelles technologies pour faire évoluer une fabrication très inscrite dans des savoir-faire traditionnels. Une façon de promouvoir un nouveau positionnement sur le marché entre création industrielle, artisanat, voire pièces « collectible ».
Après deux événements majeurs en juin à la Portugal Home Week à Porto et à la Paris Design Week, le design portugais se fraie un chemin qui met en lumière toutes les facettes de son talent et de ses savoir-faire artisanaux. Forts de cet ancrage territorial, les créations de mobilier, de textile ou de céramique, liées à une fabrication traditionnelle, se rattachent aux ateliers centenaires et fabricants d’ameublement (plus de 200). Souvent fondés par une même famille, ils ont évolué avec les nouvelles technologies, cherchant à promouvoir une nouvelle notoriété.
Artisanat, art design ou ameublement ?
L’exposition « Métamorphose » à la Paris Design Week, dans le cadre de Made in Portugal naturally, soutenue par l’AICEP, a souligné l’unicité du design portugais, au-delà du cliché connoté d’un pays fabriquant pour des distributeurs d’ameublement en Europe. Mettre en évidence le croisement et la diversité des techniques artisanales, tel a été le synopsis de ce parcours, au cœur du quartier du Marais, mis en scène par le designer franco-portugais Christophe de Sousa. L’approche particulière du procédé de fabrication d’un objet au Portugal (du prototype à la série), confirme l’identité d’un pays qui chercher à sauvegarder ses valeurs traditionnelles tout en ayant la volonté d’intégrer une dimension internationale.


Au Portugal, des entreprises qui s’ouvrent au design
Sous l’impulsion de designers et directeurs artistiques, certains fabricants ajoutent à leur activité des pièces plus haut de gamme, très abouties dans les finitions. Ils mettent leurs expériences des savoir-faire en matière d’ébénisterie, vannerie, céramique, au service des créatifs, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans. Au cœur des richesses du territoire, en puisant dans les ressources naturelles, (marbre, bois, liège, osier, kaolin) les entreprises font émerger leur identité, leur image de marque singulière, le Made in Portugal à la conquête d’un marché plus pointu, de décorateurs, d’architectes et de collectionneurs et d’une évolution culturelle. En voici quelques exemples.
WEEWOOD. En 1964, deux frères travaillent ensemble dans un petit atelier de menuiserie au nord du Portugal, devenu au fil des ans, l’entreprise Móveis Carlos Alfredo spécialisée dans la fabrication et l’exportation de meubles en bois massif. En 2012, la marque Wewood – Portuguese Joinery est née. Les fondements de l’entreprise reposent sur la qualité des matériaux, le façonnage du bois poli, et le design intemporel, avec des pièces produites en petites séries, dans une entreprise à taille humaine. Son ambition ? Créer du mobilier haut de gamme qui dure, valoriser l’esthétique du bois et ses finitions dans chaque projet, comme Contador, un buffet avec des tiroirs, créé en hommage aux comptoirs portugais, édité en 10 exemplaires à l’occasion des 10 ans de la marque. Les bases du design portugais sont amorcées grâce à la collaboration active de designers espagnols, portugais ou allemands, tels que Bambustudio, Edeestudio, Christophe de Sousa, Christian Haas, JC Berlin.

VICARA Studio est une agence créative qui associe designers, artisans et industriels, dans une approche commune, pour développer un écosystème durable, avec des matériaux tels que la céramique, le verre, le bois. Si la poterie traditionnelle (gamme Tasco poterie typique en argile rouge) est toujours au catalogue, des designers portugais se sont emparés de ces belles techniques artisanales de la céramique et influencés par sa gastronomique traditionnelle. Celle combinant vannerie, en aiguilles de pin et céramique, à Caruma, est particulièrement remarquable, et a donné naissance à des vases mêlant deux techniques, dans un ensemble hybride.

Fondée en 1951 dans la région de Guimarães, BELO INOX exporte plus de 70 % de ses produits, dans plus de 30 pays ! Présents dans l’univers des arts de la table, sur les salons européens, Maison & Objet et Equiphotel, à Paris, Ambiente à Francfort ou encore Host, à Milan, Belo Inox se dirige vers une stratégie à l’international (Corée du Sud, les États-Unis, le Japon, la France, le Mexique, l’Espagne et l’Égypte). Chaque produit en acier est fabriqué dans la recherche de l’excellence avec de récentes technologies de pointe. La finesse des couverts, les aspects de surface mat satiné font évoluer l’art de la coutellerie vers la modernité et la sobriété. Avec des partenariats tels que tels que Vista Alegre et Grestel, la marque s’oriente notamment vers la fabrication de produits exclusifs pour les restaurants gastronomiques.


Originaire des montagnes de Serra da Estrela, BUREL FACTORY est une marque durable qui valorise le textile 100 % laine, ainsi que d’autres tissus. Sous la houlette du directeur artistique et designer Rui Tomás, la marque promeut le patrimoine, et le design avant tout, en créant des dessins spécifiques pour l’architecture intérieure et des revêtements et solutions acoustiques. Suite à la reprise d’une ancienne usine et de ses métiers à tisser artisanaux, les propositions s’étendent aux accessoires de mode et de décoration et dont certains sont fabriqués à base de chutes non utilisées de tissus, poursuivant ainsi sa mission zéro déchet.

Spécialisée dans la transformation du liège, 100% naturel et durable, SOFALCA est divisée en trois activités et donc trois marques distinctes. Isocor fabrique avec les déchets du liège des panneaux d’isolation phonique, thermique et anti-vibration, essentiellement pour le bâtiment et l’industrie. Gencork explore la symbiose entre ce matériau écologique et les processus de fabrication de haute technologie. Le liège expansé est transformé grâce à des algorithmes basés sur le design génératif, fortement inspirés par le monde scientifique. En découlent des panneaux qui optimisent les propriétés de ce matériau, mais aussi ajoutent une valeur esthétique. Blackcork s’est spécialisé dans la création et production de mobilier contemporain, née en 2013 avec Toni Grilo directeur artistique. Ce fabricant qui produit du liège noir expansé depuis 1966, parie l’avenir, avec un design original et innovant.

L’Ecole nationale supérieure de création industrielle (ENSCi) vient de fêter ses 40 ans. Un événement structuré en plusieurs temps forts, et qui a donné lieu à la parution d’un magazine collector, en partenariat avec Intramuros.
Depuis quatre décennies, cette école française de design, publique, a formé plus de 1500 designers. Certains sont devenus des références à l’international, d’autres ont créé des design labs au sein des entreprises qu’ils ont intégrées. D’aucuns, encore, ont ouvert le design sur de nouveaux terrains d’investigation, de l’étude d’écosystèmes vivants jusqu’aux politiques publiques.
Des temps forts pour un anniversaire
L’ENSCi a choisi de fêter en plusieurs temps forts l’événement. En septembre, elle a inauguré le Bis, vers la place de la Bastille et un lieu d’exposition, rue de Lyon, en écho aux travaux faits au sein de l’école : jusqu’au 11 décembre, on y découvre « PlasticoBis », qui explore les enjeux du plastique dans la production industrielle, en abordant les alternatives au plastique, son utilisation responsable et la question du recyclage.
Les 21 et 22 novembre, l’école a aussi initié des « voix croisées » en clôture d’une semaine de workshops d’étudiants et dans le cadre de rencontres et de débats autour des « Paroles et gestuelles industrielles », abordant aussi bien les questions de l’environnement, du design et de l’innovation sociale, la question des imaginaires dans l’industrie… dans un panel d’intervenants associants étudiants, jeunes diplômés, industriels, designers, fabricants… Retrouvez ici les vidéos des échanges.
Un hors-série anniversaire
Pour marquer cet anniversaire, l’ENSCi a décidé de confier à Intramuros la rédaction d’un ouvrage en acceptant ce parti pris : mettre en valeur la pédagogie de l’école, si intrinsèquement liée à son ADN, et mettre l’accent sur les nouveaux territoires d’exploration du design que l’école aide justement à faire émerger. C’est la logique des deux premières parties (« L’école dans l’école » et « Faire : laboratoire de l’industrie de demain ») puis des parties suivantes (« prise en compte du vivant », « territoires en mouvement », « être humain/Care »). Dans une volonté de transmettre la parole des acteurs de l’ENSCi, les témoignages rassemblés proviennent d’enseignants, d’anciens élèves, ainsi que des partenaires. Pilier de l’école, mentor pour nombre de designers, Marc Berthier a été l’un des premiers à répondre à nos questions. Il nous a quittés début novembre : cet ouvrage lui est dédié.


Faire simple, il n’y a pas plus compliqué. Adrien Messié en sait quelque chose. Toute sa carrière de designer, depuis la direction des licences et des partenariats au Studio Andrée Putman à la création de mobilier, en passant par la DA de Le Gramme, qu’il a cofondé, sans oublier les événements qu’il éditorialise via l’agence H A ï K U, a été jusqu’ici vouée à la recherche de cette nue perfection.
L’univers d’Adrien Messié peut tour à tour être délicat et sensible, rigoureux et précis ou alors très électrisant. Dans un dédale de courbes, de lignes, de séquences, de fractales et de tangentes qu’il manie à l’échelle nano, pour ses bijoux masculins ou en format XXL, pour son projet Villers (une table de plusieurs centaines de kilos en pierre de lave et terre cuite imprimée en 3D destinée à accueillir jusqu’à 14 convives), son monde intérieur recèle plein de surprises. On ne le voit pas forcément, mais ce que l’on devine à travers le fruit de ses recherches, c’est qu’Adrien Messié est très sensible à la magie des chiffres. Qu’il vibre face aux forces de la nature qui dans un parfait ordre cosmique donnent un sens au beau, une cohérence. « Une évidence » préfère-t-il dire.

Proximité créative
Formé aux industries créatives et à l’univers du luxe, Adrien Messié commence son parcours créatif auprès d’un très grand nom du design, Andrée Putman. Il intègre son agence en 2004. Il aime à dire qu’il y a « infusé »… autant qu’il s’y est enrichi en bénéficiant de la proximité de (futurs) créatifs de renom « tant l’agence était un véritable incubateur » tient-il à souligner. Élise Fouin, Rodolphe Parente, Antoine Simonin, Bertrand Thibouville Nicolas Dorval Bory ou encore Maximilien Jencquel ont été ses collègues. De stagiaire, il termine directeur des Éditions et Licences. Il y développe des collaborations avec les plus grandes marques et éditeurs internationaux avec en autres des collections avec Christofle, Emeco, Nespresso, La Forge de Laguiole ou encore Fermob.
Émotion
Son tropisme naturel vers les mathématiques n’est pas encore révélé quand il imagine le concept Le Gramme en 2012. Et pourtant. Ce projet, dont la raison est la création d’objets portés ou fonctionnels déclinés des formes élémentaires en métaux précieux – or 750 ou argent 925 – et nommés par leur poids en grammes, semble sortir d’un cerveau de scientifique.

Quand il raconte sa genèse, on entre dans le registre de l’émotion. « Ma sœur m’avait ramené de voyage un petit ruban en argent ultra simple, pur et sans fioritures. Je lui ai cherché en vain des « frères » afin de le porter « en fratrie » à mon poignet, comme une sorte de monade. Je me suis résolu à le faire faire en France chez un petit artisan dont le discours s’apparentait à celui d’un alchimiste… Au moment de payer les trois prototypes, le faiseur m’explique qu’il y a deux coûts à additionner : le temps de façon d’un côté et de l’autre le poids de la matière “utile” pour la confection de chaque pièce » se souvient-il. Pour plus de facilité, chaque prototype est nommé en fonction de son poids en gramme. 7, 15 et 21, puis 33 et 41 sont les petits noms des 5 premiers bijoux et Grammes leur nom de famille. Bientôt ce sera Le Gramme.

Fondamentaux utiles
Les prototypes au poignet, le nom en tête, Adrien Messié est rejoint par Erwan Le Louër. Celui qui avait créé la marque de joaillerie éthique Jem (et est devenu le directeur artistique de Le Gramme depuis le retrait des opérations d’Adrien Messié en 2019), lui permet de « synthétiser les fondamentaux utiles » et « cofonder une marque aboutie en 4 mois ». Pendant 7 ans, Adrien Messié dirige l’ensemble de la création, du produit jusqu’à l’univers de présentation. De Dover Street Market à Londres à Colette, le temple de la fashion hype à Paris jusqu’à sa fermeture en 2017, tous les points de vente les plus prestigieux, en mal de marques de bijoux modernes, contemporains et design référencent les collections Le Gramme.


Événementiel
Parallèlement, il cofonde en 2013 avec son ami et associé Nadir Sayah, l’agence H A ï K U. Elle intervient en Direction Artistique globale pour des clubs. Comme toujours avec Adrien Messié, même quand il s’agit de moments et d’endroits pour lâcher prise, tout est carré, rigoureux… mathématique. Inauguré en septembre dernier, leur dernier gros chantier en date concerne le club techno underground Carbone.


L’agence produit mensuellement des soirées éponymes de musique électronique H A ï K U, en invitant des artistes et DJ, au rayonnement international tels que Dixon, Jennifer Cardini, Bedouin, Âme, Adriatique, &Me, Adam Port, Rampa… « Nous collaborons régulièrement avec les labels référents du secteur musical comme Keinmusik en produisant leurs propres évènements. Le dernier en date, « Lost In A Moment » (concept du label allemand Innervisions) a eu lieu le 10 juillet dernier, en journée, sur le Domaine national de Saint-Germain-en-Laye avec 4000 personnes et vue sur tout Paris ».
Nombre d’or
Enfin, dans sa dernière création pour Théorème Editions, depuis mars 2022, la poésie mathématique d’Adrien Messié saute aux yeux. Pour cette maison d’édition française créée par David Giroire et Jérôme Bazzocchi, il utilise la céramique émaillée craquelée et le bois laqué, et s’inspire de la courbe de Fibonacci, cette séquence de chiffres liée au nombre d’or, qu’il décline en deux premières fonctions : une table à manger sur 3 pieds ainsi qu’un petit meuble versatile ; un tabouret / petit bout de canapé. De nouvelles couleurs et finitions sortent régulièrement, d’autres déclinaisons sont prévues pour 2023 et le prix, inférieur à 800 euros, rend accessible une table en céramique made in France.


Cette gamme Fibonacci est une dérivée du projet Villers. Réalisée en commande spéciale et sur mesure pour un couple de particuliers en Normandie en 2021, la table conviviale (260 x 160 cm) devait avoir une forme qui permette d’accueillir de grandes tablées « mais aussi des tête-à-tête sans être éloignés ». En forme de médiator pour les profanes mais selon la courbe de Fibonacci pour les esthètes, le plateau est en pierre de lave de Volvic (caractérisée par ses pores très serrés). Les ondes visibles en surface montre le « temps » qu’il a fallu à la nature pour créer cette matière agréable au toucher. Maxence De Bagneux, artiste pluridisciplinaire et artisan céramiste, a réalisé le piètement. Ces 2 pieds XXL en grès rouge chamotté (qui font écho à la structure en brique rouge de la maison – ancien lavoir) imprimé en 3D, reprennent cette même courbe mais « extrudée », divisés puis éloignés pour obtenir la stabilité nécessaire. L’ensemble a été imprimé et cuit au Pôle Céramique Normandie. « Ce fut une vraie aventure au regard du temps de séchage des pièces avant cuisson, de la nécessité de trouver un four d’une grande capacité, et des nombreuses manipulations », indique Adrien Messié, pas peu fier d’avoir participer à une grande première.
La suite de Fibonacci ? Des marques de bijoux pourraient-elles réveiller l’envie d’Adrien de se plonger dans la création d’objets à porter tout contre soi ? Des marques de mobilier auraient-elles besoin d’un œil neuf et mathématique pour repenser le confort moderne ? En tout cas, une maison d’édition portugaise est sur le point de se lancer, début 2023, avec un objet art déco désigné par Adrien Messié.

S’appuyer sur les NFT pour protéger les designers, c’est l’idée que souhaite développer et démocratiser Claire Germouty, créatrice de Maison Papier. Fondée début 2022, cette maison d’édition 3.0 travaille main dans la main avec le fabricant Procédés Chénel et l’agence Minting.fr, pour proposer des objets papier responsables, et déclinés dans le métavers.
L’aventure Maison Papier commence par la découverte de Circea, une lampe nid d’abeille designée par Luc de Banville. Fascinée par ses formes souples modulables à l’envi, Claire Germouty décide d’accompagner ce prototype dans un projet d’édition. Très vite, elle rencontre son fabricant, Procédés Chénel, leader des architectures de papier en Europe, qui va jouer un rôle-clé dans la naissance du projet. « Sans Sophie Chénel, il n’y a pas de Maison Papier » souligne l’éditrice avec humilité. À noter que la lampe Circea est aujourd’hui réalisée à partir de chutes de Drop Paper Honeycomb, un papier non-feu et luminescent, recyclé dans le respect des engagements de Procédés Chénel.
Un projet en faveur de la protection des designers
En lançant Maison Papier, Claire Germouty veut faire bouger les lignes. Dans la logique de son parcours – juriste, puis éditrice de livres – elle se focalise sur la protection des designers, tant au niveau des dépôts de modèles que des droits d’auteur. « J’imaginais que les revenus des designers s’alignaient sur ceux des romanciers. On en est loin ! Côté livres, les redevances tournent autour de 10 %, alors que les droits d’auteur dans le design plafonnent à 5 % en moyenne. Le plus étonnant ? Quand les ventes des objets s’envolent, les redevances s’enfoncent. Maison Papier est une « société à mission » au sens de la loi PACTE, et nous avons pris le parti d’aligner tous les droits d’auteur à 10% minimum, grâce aux revenus des NFT. » Ces aspects juridique et social sont au cœur de sa stratégie d’entreprise, à part égale avec la responsabilité environnementale.


Et c’est cet engagement autour de la protection des designers qui a convaincu Sophie Chénel, qui veille depuis toujours à accompagner et soutenir les créateurs, en leur offrant des événements crées sur mesure, de la visibilité et un lieu de résidence unique dans ses ateliers de Vanves, en périphérie de Paris. « Lancer une maison d’édition est un projet fou, mais quand les étoiles s’alignent, il faut foncer en évitant de se poser trop de questions » confie Claire Germouty.
Un NFT pour mieux protéger ?
Pour accompagner les créations des designers au sein de sa maison d’édition, Claire Germouty s’appuie sur une utilisation particulière des NFT : « Au-delà du beau, on sait que le design est d’abord là pour donner du sens à un objet, et faire rayonner le bon. Or, le NFT est un outil très efficace pour protéger les designers et projeter leurs créations vers demain. » Dans cette optique, Maison Papier a choisi de travailler avec Minting.fr, la première agence française du Web 3, qui défend un modèle français pérenne, une blockchain frugale et un achat intuitif des NFT. « Moi qui redoutais les complications techniques, je suis fière de pouvoir proposer un NFT, jumeau 3D de Circea, édité sous la forme d’un document imprimé, et vendu avec la lampe papier de Luc de Banville. »


Qui plus est, le certificat numérique lié au NFT constitue une potentielle source de revenus à long terme. « Même si le métavers est encore embryonnaire, il est acquis que les NFT garantissent l’authenticité, l’origine et la propriété d’un objet dématérialisé. Mais l’avancée majeure va résider dans le droit de suite : à chaque fois que l’un de ses NFT sera revendu, le designer pourra percevoir de nouveaux droits d’auteur. Une particularité qui pourrait changer tout le modèle économique du design et donner des ailes aux créateurs ! » souligne l’éditrice. Claire Germouty a donc proposé aux designers d’associer un NFT à chaque objet édité par sa maison. C’est ainsi que pour la première fois, un luminaire sera vendu en euros et en boutique avec son jumeau numérique, prêt à basculer dans le métavers. « La lampe Circea+NFT entre dans l’Histoire du design par une petite porte, dont on sait déjàqu’elle s’ouvre en grand vers le monde de demain ! » explique-t-elle.
Paris Design Week 2022 : un premier tremplin
Si la commercialisation de la lampe Circea + NFT de Luc de Banville est prévue pour fin 2022, Maison Papier édite également d’autres créations, parmi lesquelles Allegria. Ce dispositif lumineux, signé Sandra Biaggi et distingué par la Factory lors de la dernière édition de la Paris Design Week en septembre, reprend le principe de l’éventail. Avec ses trois mètres d’envergure, ses cellules de papier luminescent assemblées à la main et son éclairage puissant et modulable, Allegria est en passe de séduire les galeries et les professionnels en quête de dispositifs scénographiques sobres, pérennes, spectaculaires et légers.

Autre co-édition Maison Papier/Procédés Chénel présentée à la Factory : les chaises Vanves de Grégoire Borach, pensées pour mettre en valeur les qualités du Drop Cake. Ce matériau innovant et upcyclé lancé par Sophie Chénel, est fabriqué à partir de chutes de Drop Paper, déchiquetées, et compressées avec du polyéthylène. L’enjeu ? Inventer une matière dernière qualitative à partir de chutes difficilement recyclables.

Concernant la suite de ses projets, Maison Papier participera au salon Maison & Objet en janvier 2023 pour présenter la série de lampes ARA, toutes en origami de papiers fluos et de verre soufflé, signées par le designer new-yorkais Rodolfo Agrella. Le rendez-vous est donné !

Jusqu’au 26 novembre, c’est dans une galerie d’Andreas Murkudis dans le sud ouest de Berlin, que valerie_objects prends place pour exposer ses pièces iconiques et dernières nouveautés, dont la collection Silent du studio BIG-GAME.
Fondée en 2015 à Anvers en Belgique par Axel Van Den Bossche et Veerle Wenes, valerie_objects propose aux designers avec qui elle collabore de donner vie à leurs idée et leurs envies. À Berlin, la marque expose pendant un mois plusieurs pièces de ses collections iconiques. Parmi celles présentées : Tramonti de Maria Scapurlla, Inner Circles de Maarten Baas, les chaises Alu et Rocking Chair ainsi que les luminaires Lamps de Muller Van Severen et la toute récente collection Silent de BIG-GAME.


Un panel de collections qui se dévoile comme la vitrine d’un travail qui s’enrichit et se renforce depuis sept ans. Et pour l’occasion, les designers du studio suisse BIG-GAME étaient présents pour raconter l’histoire de la collection en bois Silent, qui se compose d’une chaise, d’une table, d’un tabouret et d’un banc. Une nouvelle collection toute en couleurs, avec des pièces qui rappelleraient « un peu celles que l’on pourrait retrouver dans l’atelier d’un peintre », pour reprendre les mots employés par BIG-GAME.

Au fond a gauche : Silent de Big Game
Au fond à droite : Alu Chair de Muller Van Severen
© Intramuros

Silent, authentique et fonctionnelle
Au commencement de cette collaboration, le défi lancé était de proposer une collection de mobilier en bois. Un challenge relevé par le trio BIG-GAME, déjà familier du travail de valerie_objects. « On aime beaucoup la frontière qu’il peut y avoir entre l’art et le design dans les pièces de la marque. On ne sait pas trop si ce sont des œuvres d’art ou des objets réellement fonctionnels.« Pour cette collection, le studio confie avoir effectué un travail important au niveau des couleurs : « Nous avons essayé de sortir des palettes que l’on peut voir partout. On a imaginé des couleurs qui n’avaient pas de référentiel. « De la même manière, le travail de la matière et du toucher du bois a beaucoup importé les designers. En effet, ils confient avoir voulu créer un contraste entre l’aspect lisse et synthétique qui peut s’opérer à première vue, mais qui fait se dévoiler ensuite, si l’on s’attarde à observer les pièces de plus près, les veines marquées du bois, laissé ainsi volontairement.


Pour imaginer Silent, les designers se sont largement inspirés de l’art, en mixant un peu le modernisme de Mondrian avec le mouvement de Stein. Le résultat final donne des pièces colorées et géométriques, qu’on pourrait croire qu’elles sont tout droit sorties d’un pot de peinture. « On a voulu proposé un contraste entre le coté assez rigide et géométrique de la forme des pièces avec une palette de couleur assez tranchée. Cela créait un décalage qui vibre finalement assez fort.«

Les questions de recyclage et d’économie circulaire font partie intégrante des réflexions les plus actuelles des designers. Une tendance largement constatée en septembre dernier lors de la Stockholm Design Week, tant du côté des projets en cours de studios aussi emblématiques que Form Us WIth Love, que dans les présentations de plusieurs nouveaux produits sortant des ateliers et showrooms des créateurs locaux.
Pour le studio/collectif de designers Form Us With Love, désormais implanté dans son tout nouvel espace de création à Stockholm, la grande question est désormais de savoir comment le design peut aider les entreprises à réfléchir à de meilleures façons de gérer les déchets et de penser le recyclage.
Le recyclage au cœur du design
Depuis quelques temps, le studio de Stockholm Form Us With Love collabore avec de grandes marques suédoises comme par exemple le fabricant de produits d’aménagements intérieurs Baux, avec lequel il a notamment conçu et développé un matériau d’isolation acoustique totalement écologique, Acoustic Pulp, qui associe les qualités fondamentales exigées par cette industrie (résistance au feu et à l’humidité en particulier) à une biodégradabilité totale.

Dans le sillage de cette collaboration, Form Us With Love s’est aperçu que l’un des principaux défis aujourd’hui consistait à savoir comment traiter les énormes quantités de déchets existants pour les transformer en une nouvelle source de matière première. Avec Baux, le studio a donc travaillé sur des chutes de matières textiles pour imaginer une matière en feutre acoustique réutilisable afin de créer des panneaux isolants pour des environnements professionnels. Dans le même ordre d’idée, Form With Us Love travaille d’ailleurs également en ce moment avec l’entreprise Ludwig Svensson, spécialisée dans les matières technologiques pour l’agriculture sous serres, sur un projet de création de feutre traçable à partir d’écrans climatiques recyclés. Form Us With Love a également récemment collaboré avec IKEA pour créer la chaise Odger à partir de plastiques recyclés et de déchets de copeaux de bois récupérés.
Form Us With Love et le Royaume du Verre
Le principal souci dans le recyclage des énormes quantités de déchets industriels est que ceux-ci sont parfois impurs, car issus du mélange de différents matériaux ou contenant des matières toxiques, ce qui rend les processus de recyclage très complexes. C’est par exemple le cas du verre, dans lequel on peut trouver de l’arsenic ou du cadmium, rendant la réutilisation de ce matériau particulièrement sensible. Form Us With Love s’est donc associé sur un projet de recherche avec Rise, un laboratoire spécialisé dans le verre, et le groupe industriel suédois Ragn-Sells, spécialiste du recyclage, quant à la façon dont on pouvait recycler les nombreux déchets de l’industrie du verre encore stockés sur les sites industriels historiques du Småland, une région du sud du pays, historiquement connue sous le terme de « Royaume du Verre ». Le but de ce consortium est ainsi de trouver des moyens techniques de séparer les toxines du verre, mais pour Form Us With Love, l’objectif est avant tout d’identifier et de donner un aperçu pratique sur la façon dont ce verre décontaminé pourrait être recyclé dans des objets fonctionnels et produits à grande échelle. Comme l’indique Jonas Pettersson, directeur de Form Us With Love, « la diversité d’expertise de ce groupe offre une approche globale du problème qui est bénéficiaire pour tous. Nous apprenons ensemble, nous apprenons les uns des autres et tentons de mettre ce nouveau savoir partagé au service de nouvelles applications. »


Projets et prototypages en cours : Unit System
Structure collaborative par excellence, associée à différentes entreprises comme nous l’avons vu, mais regroupant aussi différents designers en son sein, Form Us With Love a d’ailleurs profité de l’occasion de la Stockholm Design Week pour présenter dans son atelier flambant neuf quelques projets de design en cours de prototypage ou de conception. Parmi eux, on peut citer le projet Unit System qui questionne la longévité d’objets conditionnés pour contenir des liquides ou des produits impropres à la consommation humaine (par exemple des lessives). Souvent, ces contenants sont jetés après usage. Form Us With Love réfléchit à la façon dont leur durée de vie peut être prolongée par le biais du réemploi (un peu comme des recharges que l’on pourrait reremplir et réutiliser). Des matériaux métalliques, comme l’aluminium ou l’acier, sont particulièrement étudiés pour leur capacité à être « reconfigurés » à multiples reprises et constituent en ce sens le cœur du système.

Zoom sur quatre mobiliers design et recyclés
Retour sur quatre collections et mobiliers présentés à la Stockholm Design Week qui mettent particulièrement en avant la notion de recyclage et d’économie circulaire, tant dans leur composition que dans leurs principes de réutilisation.
Lancée par la marque Flokk, la nouvelle série de chaises HÅG Tion se caractérise par sa fabrication réalisée avec 75% de matériaux recyclés (94 % pour les matières plastiques du siège et du dossier, et 98% en ce qui concerne les parties en aluminium) et un bois produit de manière durable. Sa création relève d’une collaboration entre l’équipe de design interne de Flokk (dirigée par Christian Lodgaard) et trois autres studios de design, dont le studio Hunting & Narud. Sa conception avec un minimum de composants – ce qui permet de limiter son temps de production et la consommation énergétique attenante – et sans colle en facilite à la fois la réparation et le recyclage. Par ailleurs, les peintures ayant servi au vaste choix de couleurs de ces chaises pratiques et élégantes se révèlent elles aussi à 100% recyclés et ne contiennent aucun additif chimique.


Le modèle de chaises hautes Nomole, créé par la designer Ronja Reuber pour Offect Sweden, se caractérise visuellement par son aspect minimaliste, épuré et presque ludique avec sa barre d’appui pour les pieds et son dossier court légèrement décroché, dessinant une silhouette très graphique et linéaire. Son nom même procède de cette tentation du « No More, No Less » (ni plus, ni moins) qui s’applique d’ailleurs à sa fabrication elle-même. Celle-ci est en effet basée sur l’utilisation de matériaux durables et recyclables, et vise comme le précise Ronja Reuber à « aller à l’essentiel, en utilisant le moins de matériel possible sans sacrifier l’expressivité ou l’usage ». La chaise Nomole peut ainsi être adaptée à différentes environnements, professionnels ou domestiques, et peut être facilement modifiée, réparée ou même réutilisée dans de nouveaux usages.

Issu des Ekbacken Studios de la designer Kristina Tjäder, la chaise lounge Eel (et les modèles annexes de table basse Eel Side et Octopus Side) se caractérise par son amusant aspect torsadé, évoquant les formes fluides et recourbées de l’anguille (ou de la pieuvre) donnant ainsi son nom au produit. Pour autant ce modèle et l’activité même des Ekbacken Studios s’inscrivent dans un principe généralisé d’économie circulaire ne se référant pas seulement à la mer pour de simples soucis esthétiques. Dans le sillage de l’initiative Peniche Ocean Watch et des recherches en nouveaux matériaux menés par Ocean Techno Hub (deux structures initiatrices à l’arrivée des Ekbacken Studios), l’idée conductrice est de permettre à travers cette conception de mobiliers le recyclage de vieux filets de pêche collectés directement auprès des pêcheurs locaux au Portugal. À partir de ceux-ci, un nouveau matériau, le PENYLON© a même été créé.

Le nouveau modèle de chaises Gemla Open Chair, imaginé par la marque Gemla, l’une des plus anciennes marques de mobilier suédoise, se caractérise par sa réalisation, entièrement faite à la main, via la technique du bois courbé. Cette technique, associée à l’utilisation d’essences de bois bien spécifiques (hêtre, frêne), est particulièrement économe tant dans son impact carbone que dans son usage de matériaux bruts. Elle entraîne de ce fait très peu de pertes de bois, et donc de déchets. Elle permet de créer des produits très légers, mais aussi particulièrement structurés dans leur forme, et s’inscrit pleinement dans un cercle vertueux de durabilité associant résistance et solidité du produit. Sa fabrication est également optimisée pour la gestion des stocks, puisque chacune des chaises Gemla Open est faite uniquement sur commande.

