UN MAESTRO DE LA LUMIERE S'EST ETEINT

UN MAESTRO DE LA LUMIERE S'EST ETEINT

Fondateur du groupe Artemide, Ernesto Gismondi est décédé le 31 décembre dernier, à 89 ans. S’il a su s’entourer de designers majeurs – à commencer par sa femme Carlotta de Belavicqua– tels Gio Ponti, Gae Aulenti, Ettore Sottsass, Michele de Lucchi, il restera le symbole d’une tête chercheuse qui a parfaitement conjugué entrepreneuriat avec innovation, depuis les prémices de l’éclairage à variateur jusqu’à la récente solution de lumière  assainissante.


Avant de se lancer dans le design, Ernesto Gismmoni a démarré par une double formation d’ingénieur :  il sort diplômé en 1957 en aéronautique à l’école polytechnique de Milan puis obtient deux ans plus tard à Rome  un diplôme d’ingénieur en missile. Cependant, dès le début des années 60, il se consacre à la planification et à la production d’équipements d’éclairage, en fondant avec le designer Sergio Mazza le Studio Artemide, à partir duquel le groupe va se développer. Très impliqué dans le mouvement avant-gardiste  « Memphis », Ernesto Gismondi s’est imposé aussi à l’international.

Au fil des années, sous sa direction, le groupe Artemide voit s’accroître son rayonnement mondial et devient l’un des principaux acteurs du secteur de l’éclairage design. ).

Un entrepreneur à la pointe

De 1964 à 1984, Ernesto Gismondi a été professeur associé en moteurs de fusée pour missiles à l’école polytechnique de Milan. Il a été vice-président de l’ADI – Association du design industriel – et a occupé plusieurs postes au sein de l’Association industrielle de Lombardie, de Federmeccanica, de Confindustria, de l’Agence autonome des foires de Milan et au ministère des Universités et de la recherche. Il est également membre du Comité pédagogique et scientifique de l’ISIA. (Institut supérieur des industries artistiques/design industriel) de Florence, du Conseil d’arbitrage du COSMIT (Comité d’organisation du Salon du meuble de Milan), et du CNEL. Il a présidé et participé à plusieurs ateliers, en Italie et à l’étranger, sur le design et ses développements et sur les économies d’énergie appliquées à l’éclairage.

Ernesto Gismondi

Parmi les dernières innovations du groupe, la solution Integralis est une typologie d’éclairage innovante, interactive, qui désinfecte les espaces (contre les virus, bactéries, champignons, moisissures et autres agents pathogènes mortels), grâce notamment à une méthode de stérilisation qui utilise le rayonnement ultraviolet (l’irradiation germicide ultraviolette (UVGI), tout en respectant des longueurs d'ondes en adéquation avec la préservation de la santé des individus.

Une carrière honorée

Le parcours d’Ernesto Gismondi est jalonné de nombreuses récompenses,   notamment le prix européen du design (1997).
En 2008, il a reçu le prix Ernst & Young « Entrepreneur de l’année » dans la catégorie Innovation, et Giorgio Napolitano, le Président de la République italienne, l’a nommé « Cavaliere del Lavoro ». En 2009, il a reçu le prix Ernst & Young « Entrepreneur de l’année » pour la catégorie Communication.
En 2018, il a remporté le Compasso D’Oro pour l’ensemble de sa carrière avec la mention suivante du jury : « Ingénieur aérospatial, professeur d’université et entrepreneur, en bref : un homme aux multiples talents. Fondateur d’Artemide, il utilise immédiatement les processus de conception comme un facteur distinctif et, dans ce long processus, il encourage et renforce les collaborations avec le monde de la conception nationale et internationale. Exemple cohérent de la manière dont le design peut être un levier stratégique concret pour la croissance culturelle et économique, il a toujours travaillé pour que le design italien puisse être un exemple vertueux au niveau international. »

Récompensée par le Compasso d’oro 2018, la collection Discovery d’Artemide (design Ernesto Gismondi) décline aujourd’hui des versions circulaires horizontales et verticales, mais aussi , plus récentes, rectangulaires et carrées. le principe de la construction reste le même que dans les versions précédentes. Un profilé ultra léger en aluminium sert de support à un ruban LED qui projette la lumière sur une surface de PMMA transparent avec un dessin de micro-découpes réparties pour obtenir une efficacité et une uniformité maximales. Discovery peut être réglé avec l’appli Artemide, et compatible avec la technologie d’éclairage assainissant Integralis.

Artemide, Collection Discovery
Rédigé par 
Nathalie Degardin

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26/12/2024
Studio Drift, la célébration festive par nature

Fondé en 2007 par les artistes néerlandais Lonneke Gordijn et Ralph Nauta, le Studio Drift réunit nature et technologie dans des dispositifs souvent spectaculaires – en particulier avec l’usage de drones – et enclins à un esprit de célébration parfois très symbolique et festif, à l’image des différentes installations présentées au cœur du célèbre festival américain Burning Man.

"Franchise Freedom", Burning Man, 2018 © Rahi Rezvani
"Ego", théâtre royal Carré, Amsterdam, Pays-Bas © Ossip van Duivenbode
"Franchise Freedom", Art Basel, Miami © Jon Ollwerther
"Franchise Freedom", Central Park, New York, Etats-Unis © Keenan Hock
"Social Sacrifice", Drone Stories x SKYMAGIC, Biennale de Venise, Italie, 2022 © Ossip van Duivenbode
"Tree of Ténéré", Burning Man 2017, Etats-Unis © Arjen Van Eijk
"Shy Society", palais Strozzi, Florence, Italie © Ela Bialkowska, OKNOstudio
"Franchise Freedom", Burning Man 2022, Etats-Unis © Arjen Van Eijk
"Fragile Future", Trapholt, Kolding, Danemark © Stjernegaard
"Franchise Freedom", Burning Man 2022, Etats-Unis © Arjen Van Eijk
"Shy Society", palais Strozzi, Florence, Italie © Ela Bialkowska, OKNOstudio

Retrouvez l'article complet dans le numéro 223 d'Intramuros, disponible en kiosques et sur notre boutique en ligne.

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6/1/2025
Faye Toogood, artistique éclectisme

Faye Toogood aime croiser les disciplines dans tout ce qu’elle propose. Rédactrice en chef du magazine anglais « The World of Interiors » pendant huit ans, elle décide de monter son studio en 2008. Depuis, elle enchaîne les projets et les collaborations, des intérieurs au mobilier en passant par le textile.

Journaliste, designer, architecte d’intérieur, créatrice de mode… La liste des expériences de Faye Toogood est longue, et nous donne l’impression qu’elle a vécu plusieurs vies en une. Née en 1977, la designer britannique, qui a étudié l’histoire de l’art à l’université de Bristol, s’est d’abord essayée au poste de rédactrice en chef de « World of Interiors » avant de se lancer à son compte. Aujourd’hui, nombre de ses créations font partie des collections permanentes de plusieurs musées internationaux, à l’instar du musée du Verre de Corning à New York, du Fabergé Museum à Saint-Pétersbourg ou encore du Musée national du Victoria à Melbourne. Elle est fascinée par les matériaux, les formes et l’artisanat depuis toujours, et la création de son studio en 2008 n’était finalement pas une grande surprise. Au sein de ce dernier, elle propose des projets toujours plus éclectiques, mêlant le design à la mode ou encore l’architecture d’intérieur à la nourriture. « Je me décris souvent comme un outsider dont le travail défie toute catégorisation. Ma pratique englobe le design d’intérieur, le mobilier et les accessoires pour la maison, les beaux-arts et la mode. Je refuse d’être contrainte par une seule discipline ou une méthode de travail définie. »

Canapé Cosmic, design : Faye Toogood pour Tacchini © Andrea Ferrari

Une pratique focalisée sur la forme

Influencée par l’art, l’architecture, le design ou encore la nature, Faye Toogood utilise un processus de création qui se tourne plutôt vers les formes que vers la fonction. « Je suis une designer axée sur la forme et j’aime remettre en question la fonction. Pourquoi une chaise doit-elle avoir cette forme, cette hauteur, cette proportion ? Pourquoi les poches de votre manteau doivent-elles se trouver dans ces positions ? Dans mon travail, je fais confiance aux gens avec qui je travaille pour trouver la fonction, je considère que c’est un processus engageant et passionnant. »

Collection Cosmic, design : Faye Toogood pour Tacchini © Andrea Ferrari

Son objectif au sein de ses projets est avant tout de proposer des pièces ludiques et inattendues, créées grâce à un savoir-faire particulier. Et c’est justement cet équilibre qui fait partie intégrante de tout ce qui est imaginé et conçu au sein de son studio. « En tant que cabinet pluridisciplinaire, nous nous influençons toujours les uns les autres – qu’il s’agisse d’un meuble qui s’inspire d’un tissu de vêtement ou de la silhouette d’une robe qui prend forme à partir d’une sculpture. Nous commençons souvent par des mini-maquettes en argile, en papier d’aluminium ou en carton, pour trouver des formes organiques que nous développons ensuite. »

Des collaborations remarquées et remarquables

Durant l’année 2024, Faye Toogood a su surprendre le public avec ses installations, à Milan et à Copenhague notamment. Pour la Milan Design Week, en avril dernier, elle présentait sa collection de tapis Rude, imaginée avec cc-tapis – la troisième collaboration du studio avec la marque –, ainsi que la collection de mobilier Cosmic avec Tacchini. « Le fait de pouvoir combiner le savoir-faire inégalé de cc-tapis et de Tacchini avec mon propre langage de conception a été ressenti comme une renaissance créative. » Plus récemment, en juin, à l’occasion des 3daysofdesign, à Copenhague, Faye Toogood s’est associée au studio Frama pour proposer « Collage », une installation qui mêlait plusieurs univers en un.

Installation "Collage" en collaboration avec Frama pendant les 3daysofdesign à Copenhague © John William

« Nous voulions explorer l’intersection de l’art, du design, de la nourriture et des gens, en nous réunissant pour une exposition collaborative au sein du showroom de Frama à Copenhague. Une première collaboration durant laquelle nous avons voulu présenter une vue amplifiée de l’une de nos expériences les plus humaines : le partage d’un repas. » Une installation présentée dans le prolongement du restaurant voisin du showroom, l’Apotek 57, dans laquelle les visiteurs ont été invités à manger dans tout l’espace sur des sculptures tactiles, dont les choix des couleurs ont été apportés par l’expertise de Toogood.

Installation "Collage" en collaboration avec Frama pendant les 3daysofdesign à Copenhague © John William

Des collections conviviales

En plus des collaborations avec les marques et les éditeurs, le studio de Faye Toogood élabore également ses propres collections. En avril, toujours pour la Design Week de Milan, elle dévoilait son projet « Assemblage 8: Back and Forth », composé des collections Gummy et Palette. La première est une chaise rembourrée qui a été pensée de manière durable et dont les matériaux utilisés sont tous naturels, puisque aucune mousse ignifuge cancérigène ou synthétique n’est utilisée, ce qui constitue une réelle prouesse technique et environnementale. « Je voulais créer une chaise avec beaucoup de personnalité, qui puisse s’intégrer dans n’importe quel intérieur, qu’il soit historique, grandiose, moderne ou familial. » Quant à Palette, il s’agit d’un ensemble de tables en bois – une table basse, une table d’appoint et une console –, dont les formes courbes se croisent et semblent s’emboîter. Le nom fait référence au contour organique de chaque plateau qui rappelle la palette de peinture d’un artiste. Un projet que la designer dit être une « célébration de la nature et de l’éducation. »

Fauteuils Gummy et Table basse Palette © Angus Mill


Désignée comme « designer de l’année » pour la prochaine édition du salon Maison & Objet du 16 au 20 janvier 2025, Faye Toogood présentera « Womanifesto », une installation inspirée du thème de l’année : « Sur/Reality.» Une mise en scène surréaliste, dans laquelle elle invitera les visiteurs dans son propre cerveau, pour comprendre et décortiquer son processus créatif.

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20/12/2024
Olga de Amaral : renouer avec la spiritualité

La fondation Cartier propose jusqu'au 16 mars 2025 une large rétrospective du travail d'Olga de Amaral, ambassadrice du Fiber art. Une mise en lumière sensible et particulièrement réussie où s’entremêlent les techniques et les inspirations, avec, au bout du fil, de véritables architectures.

Pour la première fois en Europe, une exposition d'ampleur propose de plonger dans l'univers de l'une des figures les plus emblématiques du Fiber Art : Olga de Amaral. À travers près de 80 ouvrages réunis aux quatre coins du monde, la Fondation Cartier rassemble six décennies de création. Véritable rétrospective du travail de l'artiste, l'exposition offre une déambulation libre et onirique dans son univers coloré et rigoureusement sensible. Servi par une conception spatiale subtile, aussi immersive que discrète signée par l'architecte Lina Ghotmeh, le parcours questionne l'évolution formelle et colorimétrique des réalisations aux inspirations géographiques et architecturales diverses. Autant d'horizons convoqués dans ces œuvres vibrantes aux émanations spirituelles.

La série des « Muros » joue subtilement sur les camaïeux rappelant des paysages d'automne ©Marc Domage



Une vision architecturale

Nouées, tressées, tissées, cousues, entremêlées... De la diversité des œuvres d'Olga de Amaral, se dégage une certitude. Le fil n'est pas l'aboutissement d'une technique mais le médium au cœur d'une démarche prospective. De ses premières créations dans les années 60 aux « Brumas » réalisées il y a une petite dizaine d'années en passant par les productions monumentales réalisées 30 ans plus tôt, l'artiste a construit son travail en résonance avec son parcours d'abord dans le dessin d'architecture à l'université de Bogota, puis plus artistique à l'université américaine de Cranbrook – l'équivalent américain du Bauhaus allemand – où elle découvre le tissage aux côtés de la designer textile finlandaise Marianne Strengell. Un parcours tourné vers la construction, dont elle gardera tout au long de ses 60 années d'activité, une vision très spatiale : ne pas concevoir comme des tableaux, mais comme de véritables architectures, vivantes sur leurs deux faces. Un parti-pris respecté sur l'ensemble de sa carrière à de rares exceptions près, parmi lesquelles les créations monumentales de la série « Muros » réalisées entre la fin des années 70 et le milieu des années 90. Une période de création faste au cours de laquelle les œuvres témoignent également d'une évolution formelle. D'abord construites selon des jeux de trames très rectilignes avec « Elementos rojo en fuego », les créations se sont progressivement assouplies par la déformation des lignes jusqu'à devenir un nouveau langage stylistique à l'image de « Strata XV » en 2009. Une diversification visuelle menée parallèlement à un grand nombre d'expérimentation sur les volumes dans les années 70 et 80 - « Naturaleza Mora » - puis sur les jeux de lumières à la fin des années 80 et courant 90 - « Entorno quieto 2 » -. Un moment de transition progressif entre la fin du siècle et le début du suivant où seront créées « Las Brumas » en 2013 et 2020. Une ultime série en rupture absolue avec ses créations précédentes. Interrogeant le médium sous un angle nouveau, Olga de Amaral propose une collection emplie de légèreté où les fils ne sont plus entremêlés mais indépendants. Simplement enduits de gesso - sorte de plâtre – peint astucieusement de manière à dessiner des formes, à la manière d'anamorphoses. Une approche innovante dont le nom et la conception sont d’évidents clins d’œil aux brumes omniprésentes de la cordillère des Andes natale de l'artiste.

Reflétées dans les vitres du bâtiment, les œuvres de la série « Brumas », les brumes, semblent flotter dans la végétation extérieure ©Marc Domage



La couleur, une matière au cœur de l'œuvre

« Je vis de la couleur. Je sais que c'est un langage inconscient et je le comprends. La couleur est comme une amie, elle m'accompagne » raconte Olga de Amaral. En effet, si la technique confère indéniablement aux œuvres, leur essence, la couleur en dégage souvent un sens. Tantôt automnales, tantôt prégnantes, elles habillent les créations de l'artiste et les animent. Témoignant d'une inspiration tout autant culturelle que symbolique, elles fragmentent sa production dans le temps. Très inspirée par l'histoire précolombienne, Olga de Amaral offre par le prisme de la couleur un regard à la fois historique et spirituel. Ainsi, comment ne pas voir dans les couleurs organiques des fibres, autant de portraits de sa région, rehaussés çà et là de bleu et de rouge rappelant la faune sauvage à l'image de « Naturaleza mora ». Une approche très personnelle dans l’œuvre de l'artiste, mais progressivement éclipsée à la fin dans les années 70 par l'arrivée de l'or dans son travail. Un matériau introduit dans sa démarche par la rencontre de Lucie Rie qui lui enseigne la technique du kintsugi – art japonais de la réparation des pots cassés avec de la poudre d'or -. Dès lors, l'activité d'Olga de Amaral entame une métamorphose technique, passant d'une matière principalement tissée brute, à des assemblages cousus de petits morceaux de coton rigidifiés par du gesso et recouverts d'acrylique et de feuilles d'or. Une évolution qui ouvre les portes d'un nouvel univers très visuel, évoquant des écailles colorées aux reflets dorés multiples. Se dégage de cette approche un nouveau monde, plus spirituel, plus précieux, aux intonations liturgiques en écho aux églises colombiennes fréquentées par Olga de Amaral dans sa jeunesse. De ces cartographies mémorielles et oniriques se dégagent également de nouveaux horizons. L'eau bien sûr avec « Umbra verde », mais également la terre ou encore le ciel avec « Estelas » - qui signifie les stèles, mais que l'on pourrait traduire par les étoiles -. Une double lecture qui conjugue le symbolique à l'artistique.

Des dessins abstraits sur les « Estrelas » rappellent les inspirations précolombiennes de l'artiste ©Marc Domage



Un lieu repensé pour l'occasion

Architectures en elles-mêmes, les créations d'Olga de Amaral trouvent à la Fondation Cartier un écrin taillé sur mesure. Ces tapisseries modernes et suspensions contemporaines par définition statiques auraient pu figer l'exposition dans une atmosphère répétitive. Il n'en est rien. Construit par l'architecte Lina Ghotmeh, le parcours propose une approche vivante des créations où la monumentalité de certaines n'écrase pas la finesse des autres, mais participe à la construction d'un univers. Par le biais d'apports comme des pierres rappelant celles sur lesquelles Olga de Amaral photographiait son travail en Colombie, ou la mise en place d'un film sur les vitres du bâtiment afin de refléter « Las brumas » dans le jardin de la Fondation, l'architecte convoque une dimension poétique à la rétrospective. Également à l'origine d'une restructuration complète du niveau inférieur, Lina Ghotmeh invite le visiteur à une découverte intimiste des œuvres. Mise en scène de manière simple mais très habile, chacune renvoie la lumière et évoque au gré d'un parcours en spirale, un voyage entre inspirations précolombiennes et japonisantes, marines et cosmiques.

Une exposition très réussie qui, après 40 ans passées au 261 boulevard Raspail, sera la dernière de la Fondation Cartier avant son déménagement Place du Palais-Royal prévu pour octobre 2025.

Au niveau inférieur, la déambulation guidée par la lumière invite le spectateur à une découverte onirique et chronologique ©Marc Domage
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10/12/2024
Wendy Andreu, tisseuse d'objets

Wendy Andreu lance son studio en 2016. Reconnue pour avoir imaginé le procédé Regen qui lui a permis de créer tout un artisanat, elle développe depuis des pièces éclectiques autour de ce dernier, entre autres projets de mobilier, joaillerie ou aménagements d’intérieur. En septembre 2024, elle était lauréate des Grands Prix de la création pour récompenser l’ensemble de son travail.

Wendy Andreu a été formée à l’école Boule en métal avant d’intégrer l’Académie d’Eidhoven en design pendant 5 ans jusqu’en 2016. À peine sortie d’école, elle lance son « one Women business » afin d’être indépendante et commencer les projets et les collaborations, notamment avec Faye Toogood à l’époque. Depuis, elle a installé son atelier à Paris dans le 19e arrondissement au sein de Métropole 19 pour élaborer ses projets, mais également de continuer à mener des recherches sur son procédé Regen, qu’elle développe depuis maintenant 10 ans.

Dragon Autumn Armchair, 2022

Un artisanat unique

L’aventure Regen commence en 2014, lorsque, dans le cadre d’un projet d’école elle décide d'élaborer une collection textile d’accessoires de pluie - qui donnera le nom à son procédé qui n’est autre que la traduction littérale de pluie en néerlandais - et qui s’avère être un réel saut dans le vide pour la designeuse qui n’a aucune expérience dans le domaine. « J’avais une formation en métal suite à mon passage à l’école Boule, c'est le métier que j'ai appris et donc se lancer dans le textile en faisant des moules en métal n’a pas été le plus simple au départ. J’ai commencé alors que je ne savais pas faire, et pour contourner le problème j’ai dû trouver des solutions alternatives. » Sans formation pour manier les machines à tisser, elle décide de coller les matières, du latex et de la corde de coton à l’époque, pour parvenir au résultat estompé. Une technique réalisée comme un test au départ sur un simple échantillon expérimental qui lui permet finalement de développer tout un artisanat qui aujourd’hui lui est propre. « Il y a toujours une innovation qui s’ajoute au fur et à mesure des années et comme je n’ai aucune référence pour m’aider j’invente des choses, ce qui me permets d’acquérir de nouveaux savoir-faire au fil du temps. »

Soft Stools, 2022 © Vanni Bassetti


Des objets très techniques, qui nécessitent des heures de travail pour créer la « peau textile » parfaite, confectionnée à partir d’un moule en métal, pour ne pas oublier ses origines et sa formation initiale. Wendy Andreu confectionne tous ses moules et utilise toutes sortes d’outils, parfois inattendus, comme un couteau de jardinier ou encore un peigne pour chien, l’objectif étant de pouvoir arriver au résultat attendu. Des pièces toutes uniques, confectionnées à la main avec l’aide d’une tapissière pour toutes les finitions. Parmi ses réalisations, on peut citer l’imposante Dragon chair, l’assise Soft Stools ou plus récemment la Ghost Chair réalisée dans le cadre de l’exposition « Les Aliénés du Mobilier national. »

Ghost Chair, utilisée dans le cadre de l'exposition "Les aliénés du Mobilier national" © Isabelle Bideau

L’importance du process

Et si son procédé de départ se développe à partir de ficelle collée avec du silicone, elle aime continuer de jouer avec les matières et les contraintes pour étendre sa technique. « Je suis assez curieuse de tous les matériaux, mais particulièrement des techniques et des process, et la manière de les modifier pour arriver à de la nouveauté. » Avec la marque française Polène, elle a travaillé à partir de rébus de cuir pour une édition limitée de 200 miroirs. Pour MontBlanc, elle a travaillé sur un comptoir de 9 mètres de long avec la contrainte d’adapter sa technique aux normes coupe-feu, puisque le bâtiment est situé dans un espace public. Enfin, avec l’entreprise coréenne Hyosung, qui fabrique des fibres en lyocelle - matière notamment utilisée pour renforcer les pneus - elle a confectionné le fauteuil Tyre.

Fauteuil Tyre, 2023 © Neige Thébault

Des innovations techniques qui demandent des temps de recherche importants et surtout nécessaires pour continuer de faire évoluer la pratique, mais auxquelles la designeuse ne souhaite pas accorder 100 % de son temps. « J’aime me dire que j’ai une partie prospective dans mon travail avec ces temps de recherche pour développer ma technique et de l’autre côté l’aspect commission et commandes de pièces. Les deux vont ensemble, la prospective permet d’inspirer la commission et la commission permet de financer la recherche. » Une idée qui rejoint son envie de faire du design avant tout, sans avoir d’étiquette précise ou de chemin tout tracé. « Il n’y a pas d’esthétique particulière qui prédomine dans mon travail, je dirais plus que ce sont plutôt les process qui m’interpellent. Mon univers n’est pas formel mais très rationnel, je cherche surtout à comprendre comment les choses sont faites. »

Autres projets inspirés

En parallèle de sa pratique autour de Regen, Wendy Andreu travaille sur des projets qui allient différents matériaux, notamment le métal et plus récemment le verre, dans le cadre de sa résidence au CIRVA durant laquelle elle a élaboré la collection de vases Jardin Mécanique. Pour Théorème Éditions, elle collabore sur la seconde collection de l’éditeur avec le miroir Maze et pour Rimowa, elle imagine la table basse Aircraft.

Table basse Aircraft pour Rimowa, 2022 © Gregor Kaluza
Collection de vases Jardin Mécanique, en collaboration avec le CIRVA © Thierry Depagne

Avec le designer Bram Vanderbeke, rencontré sur les bancs d’Eidhoven, elle collabore sur différents projets, notamment sur les pièces Triple Pyramid & Upside Down Pyramid, réalisées avec la galerie Nilufar dans le cadre de l'exposition FAR lors de la Design Week de Milan en 2019, ou encore sur l’aménagement intérieur de la boutique du musée du design de Gand, en Belgique. Un travail qu'elle réalise seule ou en collaboration, mais qui répond toujours à une commande spécifique, qu'elle aime voir aboutir. « Ça me rend heureuse de faire quelque chose pour quelqu’un, c’est d’ailleurs pour ça que je suis designer et pas artiste. J’aime l’aspect de commande pour faire plaisir aux autres.»

Miroir Maze pour Théorème Editions, 2022 © Valentin Fougeray

Pour les mois à venir, les projets devraient continuer d’osciller entre réponses aux commandes, temps de recherche et élaboration de nouvelles collaborations. En parallèle, la designeuse confie avoir un rêve, celui de créer un jour, un best-seller, une pièce anonymisée qui ferait partie du quotidien. Bien qu’elle conçoit que son design soit pour le moment plutôt Collectible, on sait bien qu’il ne faut jamais dire jamais…

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