Claude Montana a redessiné les contours de silhouette féminine
Manteau en satin de soie par Claude Montana, 1985. ©Les Arts Décoratifs / photos : Jean Tholance

Claude Montana a redessiné les contours de silhouette féminine

Le créateur star des années 80 est décédé à la fin du mois de février 2024, à l’âge de 76 ans.

Avec ses looks de femmes puissantes bien avant l’heure, roulant des épaules et des mécaniques, Claude Montana a marqué la mode. Figure des années 80 et inventeur de la panoplie incontournable de cette décennie flamboyante, le créateur star de ces années fric et frime a tiré sa révérence. Après plus de vingt ans à modeler les contours des guerrières de night-club, mais aussi des working girls augmentées de paillettes, de couleurs flashy et de fulguropoings, il s’était retiré de la scène et des podiums pour laisser la place à d’autres jeunes amoureux des femmes fortes et sensuelles, sexy en diable. Numéro Un de la Cote des créateurs du Journal du Textile, l’hebdomadaire des professionnels de la mode, qui l’ont élu, chaque saison, durant toute cette période, couturier le plus inventif du moment, il a précédé un autre architecte de la silhouette powerful des femmes, Jean-Paul Gaultier.  Souvent comparé à Thierry Mugler, qui a été d’ailleurs son colocataire avant de devenir son rival, Claude Montana a imposé des canons de beauté à rebours des codes bourgeois et sophistiqués de l’époque. Pour eux deux, les courbures du corps de la femme épousent une ligne de sablier, taille très fine, hanches arrondies et surtout épaules XXL et sublimées de décors, d’ornements et de maxi épaulettes, sur une gorge généreuse et déployée à l’envi.

Veste en cuir par Claude Montana pour la collection automne-hiver 1988. ©LesArts Décoratifs / photos : Jean Tholance

Apparat et costumes

Né à Paris le 29 juin 1947, Claude Montana s’est découvert très tôt une passion pour l’apparat et les costumes. Le Dictionnaire de la Mode au xxe siècle - dont l’auteur n’est autre que Didier Grumbach, fondateur de « Créateurs et Industriels » et cheville ouvrière du déploiement du concept de « créateurs de mode » (avant on parlait de stylistes ou de couturiers) presque inventé pour Claude Montana - , le rappelle très bien. « Ses parents, bourgeois parisiens, ne voulaient pas entendre parler des aspirations de leur enfant. Alors, avec sa petite sœur, Jacqueline, il s’échappe en douce de l’appartement familial pour aller fureter à l’Opéra Garnier, humer l’odeur des costumes, découvrir l’art des drapés et des étoffes. A 16 ans, il devient ainsi figurant dans Don Carlos, de Verdi, sur les planches de l’Opéra de Paris, à l’insu de ses parents. » 

Robe du soir signée Claude Montana et réalisée en cuir et brodée de raphia pour la collection printemps-été 1986. ©LesArts Décoratifs / photos : Jean Tholance

Son idée de la mode et de la femme sera néanmoins influencé par un tout autre milieu. C’est après un séjour du côté du Swinging London que commence à se dessiner dans sa tête les contours de sa femme idéale : son Amazone sera enveloppée de cuir. Claude Montana a en effet commencé dans la mode auprès de Mac Douglas, une enseigne spécialisée dans cette matière. Elle restera donc sa préférée tout au long de sa carrière. Mais Claude Montana l’a traitée comme de la soie ou n’importe quelle étoffe noble, moulée directement sur des corps nus pour des fourreaux étirés à l’extrême, miroitant et vernis, juste élargies aux épaules. Le cuir sera surtout la matière de ses tailleurs. Mais pas les tailleurs des dactylo ! Claude Montana va proposer aux femmes de pouvoir leur uniforme fétiche, doublement paddé aux épaules, croisé sur le plexus et bouclé à double tour sur une taille exagérément fine.

Robe en cuir d'agneau plongé et brodé lurex par Montex et dessinée par Claude Montana pour la collection printemps-été 1979. ©LesArts Décoratifs / photos : Jean Tholance

Bombe

C’est avec cette signature stylistique qu’il impressionne, dès son premier défilé en 1975. Un peu après, en 1979, il lance sa propre marque et ses bombes pétaradantes de couleurs et de brillances jaune, mauve, rouge éclatent dans le ciel de la mode parisienne alors plutôt Jolie Madame. Montana est vraiment un Ovni dans le paysage bourgeois de la mode française portée par l’élégance d’un Yves Saint Laurent, ou les inspirations multiculturelles de Kenzo Takada ou d’Issey Miyake.

Son autre signature, ce sont les défilés spectacle. Véritables productions hollywoodiennes, ses shows étaient les rendez-vous les plus courus de la fashion sphere. Il fallait y être vu, naturellement revêtu de la cuirasse sexy Montana, et il fallait ne pas rater une miette des propositions de styles, parfaitement dans l’air du temps … et parfaitement adaptées pour le cœur du marché. 

Même après son retrait et la faillite, en 1997, de son entreprise, ses créations ont continué à marquer l’imaginaire collectif. Le style Montana est et restera une source d’inspiration pour de nombreux créateurs des années 1990 et 2000. Et dès que les soubresauts de la tendance remettent l’accent sur les épaules, sur la ligne en sablier ou sur les tailleurs powerful, l’allure Montana ressuscite.

Rédigé par 
Isabelle Manzoni

Vous aimerez aussi

Temps de lecture
3/2/2025
Moustache présente l’extra BOLD sofa, toujours designé par BIG-GAME

15 ans après la sortie de la chaise Bold, l’éditeur français Moustache a dévoilé début janvier l’extra Bold sofa, le canapé de son modèle iconique. Une pièce modulable selon les envies, toujours imaginée par le studio suisse BIG-GAME.

Pour cette version canapé du Bold, le studio BIG-GAME et Moustache proposent un modèle modulaire, qui offre une multitude de possibilités. En effet, ce dernier peut prendre plusieurs formes et directions - droit, rentré vers l’intérieur ou vers l’extérieur - pour des compositions à l’infini. « La chaise BOLD jouait avec un principe d’entrelacement de lignes, qui a ensuite été repris sur le tabouret, le banc et le fauteuil. L’extra BOLD sofa a une nouvelle logique constructive, puisqu’il s’agit d’un système modulaire qui s’appuie sur des éléments répétitifs. Conçu à la demande grâce au configurateur numérique de Moustache, il peut être réalisé en lignes droites ou en courbes dans n’importe quelle forme en utilisant un seul module d’assise et un seul module d’accoudoir » racontent les designers de BIG-GAME. Un modèle d’autant plus modulable qu’il existe en 15 coloris différents, ici encore totalement personnalisables selon les envies. Que ce soit en version monochrome ou multicolore, les combinaisons possibles se comptent par centaine !

Extra Bold Sofa, design : BIG-GAME © Moustache

Un modèle pensé comme une suite logique

Dans la continuité de la chaise sortie en 2009 qui sera ensuite suivie du tabouret et du fauteuil, la version canapé de la collection BOLD semblait être une évidence. Pour autant, les 15 années qui séparent la chaise et le canapé ont permis à la marque et aux designers de développer de nouvelles techniques pour s'affranchir de certaines contraintes. « Nous avons longtemps été limités par le diamètre de la chaussette qui sert de housse par exemple. Aujourd’hui, grâce à une collaboration fructueuse avec Kvadrat, la housse sans couture en 100 % laine a été développée exclusivement pour Moustache et permet de recouvrir des tubes beaucoup plus larges. En termes de confort, il s’est amélioré grâce à la structure de l’assise fabriquée en France avec une technique de production zéro déchet de mousse haute densité spécialement formulée pour Moustache » confient les designers. À l’heure où les intérieurs ne cessent de changer et que l’heure est à la modularité, ce canapé ne devrait pas avoir de difficulté à se faire une place dans les intérieurs.

Temps de lecture
29/1/2025
« Speed dating... Love stories » au FRENCH DESIGN by VIA

Le FRENCH DESIGN by VIA présente « SPEED DATING... Love stories » jusqu'au 25 avril. Une exposition rétrospective sur 15 années de rencontres entre designers et éditeurs, initiée par l'institution.

Lancés en 2010 dans l'optique de favoriser l'émergence de nouvelles collaborations, les FRENCH DESIGN SPEED DATING OBJET comptent parmi les événements importants de la création. Favorisant l'échange d'idées novatrices entre les designers et les maisons d'édition porteuses d'un savoir-faire et d'un support industriel, ces rendez-vous annuels ont permis de donner naissance à une multitude d'objets. C'est avec l'idée de réunir sur le devant de la scène les créations les plus emblématiques de ces rencontres et celles passées malheureusement inaperçues que cette exposition a été pensée. À la fois célébration d'une décennie et demie de création contemporaine française, et mise en avant des deux principales familles du design que sont les designers et les éditeurs, “SPEED DATING... Love stories” expose la fécondité d'un concept.

©FRENCH DESIGN by VIA

De petits et de grands noms en face-à-face

Dispersées dans une scénographie signée Maison Sarah Lavoine et faite de drapeaux colorés, comme un clin d’œil aux Jeux olympiques de Paris, 20 pièces prennent place. Assises, luminaires, tapis ou encore bureaux se côtoient et avec eux, leurs designers. Parfois reconnus et déjà bien installés, parfois révélés comme Elise Fouin, Bina Baitel, et Julien Vidame dont on peut penser que les rencontres générées par le Speed Dating Objet ont significativement contribué à leur notoriété.

Sélectionnés pour leur diversité typologique, mais aussi esthétique, chaque objet a également été regardé sous l'angle de l'innovation. En accord avec la volonté de l'institution de favoriser une évolution plus verte de la discipline, quelques pièces s'affichent comme des pistes d'exploration à l'image de la lampe Scalaé de Martin Thuéry et la maison d’édition Boutures d'objets réalisées en 2020 à base de briques concassées. Une manière de démontrer, outre l'intérêt de ces rencontres, que l’addition d'une vision et d'une technique peut aussi être source de nouvelles perspectives.

Temps de lecture
31/1/2025
La maison L. Drucker signe une collaboration avec BrichetZiegler

Connue pour ses chaises en rotin, la Maison L. Drucker l'est aussi pour ses collaborations avec divers designers. Parmi eux, le studio BrichetZiegler qui vient de signer la chaise colorée Valmy.

C'est une collaboration née « au culot » résume Caroline Ziegler du studio BrichetZiegler. « Avec Pierre Brichet, mon associé, nous aimons et collectionnons les chaises, comme beaucoup de designers. Alors nous en dessinons, tous azimuts, et puis on affine. Il y a un moment où les planètes s'alignent avec cette méthode. » Tout est parti d'un croquis fait à l'atelier, et puis un autre et encore un autre, tous basés sur l'image d'une chaise de bistrot. D'abord imaginée en métal, le matériau le plus utilisé par le studio, l'assise a rapidement évoluée vers le rotin « pour plus de simplicité » explique la créatrice, convaincue que « la forme est toujours associée à un matériau qui permet de la réaliser. Jamais l'inverse. » Une réflexion qui amène le duo à proposer leurs esquisses à la Maison L. Drucker, spécialiste du mobilier en rotin, il y a un an. « Nous n'avions aucun lien avec eux à ce moment-là, mais ils se sont montrés à l'écoute et très intéressés par notre modèle qui sortait de leurs codes habituels. C'est ainsi qu'a débuté notre travail commun. »

©Maison L. Drucker & BrichetZiegler

Une rencontre entre le design contemporain et l'artisanat patrimonial

« Ce qui est intéressant dans ce projet, c'est ce pas de côté par rapport à la chaise de bistrot classique. On a gardé tous les codes qui lui donnent son identité, tout en l'amenant vers quelque chose d'autre. Si demain on la montre à un brésilien, il se dira certainement que c'est à Paris. Il y a quelque chose de la filiation. » Jusqu'alors inutilisé par les designers – hormis un balai présenté à la Biennale Émergences de 2020 -, le rotin s'est avéré être une source d'opportunité autant que de complexité pour le duo dont le croquis initial a vite dû évoluer, sur le plan structurel d'abord, mais également esthétique. « Nous avons été obligés de rajouter plusieurs renforts sur les intersections ce qui nous a amenés à repenser légèrement l'apparence. D'une certaine manière, ce décalage entre notre vision et celle de l'entreprise raconte cette discrétion structurelle propre aux chaises en rotin, et à côté de laquelle nous étions passés. C'est très intéressant ! » Par ailleurs, c'est aussi visuellement que l'idée initiale s'est enrichie. « Dans notre premier dessin, il y avait moins de textile car nous ne pensions pas qu'il était possible de tisser autour de l'armature. Nous avons été encouragés à le faire et c'est ainsi qu'est né ce dossier si prégnant. » Une pièce à l'allure bien particulière qui a donné lieu à de nombreux prototypes pour trouver le confort optimal, et à de nombreux essais colorimétriques.

©Maison L. Drucker & BrichetZiegler

Tresser la couleur

Rouge, verte, jaune ou bleue, la Valmy tire son identité graphique de sa couleur plus que de sa structure qu'elle « vient habiller ». Pourtant, ce « véritable parti-pris » n'a fait son apparition que dans un second temps, « lorsque Monsieur Dubois, le directeur de la Maison L. Drucker nous a annoncé l'ensemble des possibilités de mise en œuvre du tissage. C'est lui qui nous a recommandé d'y aller franchement sur le design. Assez logiquement, nous nous sommes pris au jeu et nous avons décidé d'accompagner le dessin par la couleur. » Les trois arceaux se sont alors épaissis pour accueillir chacun une nuance différente de façon à créer un dégradé. Trois teintes que l'on retrouve également dans le tressage ajouré de l'assise en plus d'une couleur complémentaire, visible au niveau des jonctions du dossier, et de deux fils, noir et blanc. « La couleur est un exercice que nous aimons travailler, mais qui demeure occasionnel. Elle n'a d'intérêt que si elle amène quelque chose en plus, en venant renforcer un élément graphique par exemple. C'est le cas pour Valmy. » Heureux de cette collection, le studio « amateur d'une certaine abondance formelle et d'une richesse visuelle », se pose d'ores et déjà la question de poursuivre les explorations créatives de ce matériau, source de projets en tous sens.

Temps de lecture
30/1/2025
La simplicité Thonet

La marque allemande Thonet dévoile la chaise S 243 dessinée par le designer Franck Rettenbacher.

Universellement connue depuis l'invention de la chaise n°14 et son ingénieux système d'expédition, la marque allemande Thonet se réinvente depuis plus de deux siècles. Fidèle à un certain esprit du sens pratique, la marque à collaboré avec des grands noms du design parmi lesquels Mart Stam, Marcel Breuer ou encore Mies van des Rohe. Un héritage dans lequel s'inscrit aujourd'hui le designer autrichien Franck Rettenbacher, installé à Amsterdam, et sa chaise S 243. Présentée lors du salon Orgatec 2024, cette création aux lignes simples et relativement minimalistes reprend les codes historiques de la marque.« Le but était de développer un produit d’une pureté et d’une sobriété qui s’inscrivent dans l’intemporalité incarnée parla marque Thonet », explique le designer.

©Thonet

Un modèle discret et empilable

« Depuis tout petit, chez mes parents,j’étais assis à table sur des chaises Thonet, sans en avoir conscience. Ces chaises s’imposent avec une sorte d’évidence et s’intègrent comme d’elles-mêmes dans tous les espaces de vie »,souligne Frank Rettenbacher. Un sentiment qu'il a souhaité retranscrire dans les lignes de S 243, avec cependant une difficulté supplémentaire : concevoir une collection empilable. Appuyé sur l'acier tubulaire, matériau de prédilection des éditions contemporaines de Thonet, le designer à imaginé une pièce légère à l’œil grâce à l'utilisation de sections différentes. Les deux pieds à l'avant de l'assise ont ainsi une section de 18 mm contrairement à ceux situés à l'arrière mesurant 25 mm de diamètre. Deux sections plus larges et de fait plus solides sur lesquelles le dossier est riveté. Un assemblage simple et discret à l'image du modèle, permettant de rendre « toutes les composantes du modèle S 243 faciles à remplacer ou à échanger ». Coté couleur, à noter que le modèle est disponible dans huit coloris d'assise (possiblement capitonnée) et cinq styles de piétement. Un modèle  simple, accessible et pratique. Dans l'air du temps.

©Thonet
Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir chaque semaine l’actualité du design.