Café-Débat EquipHotel : penser l’hôtellerie de demain
Du 6 au 9 novembre, durant EquipHotel, Intramuros a co-animé des cafés-débats avec l’Ameublement français, sur leur stand baptisé Interior Design Center. Ont été abordés des sujets liés à la conception d’espaces CHR, la mutation et le développement du marché. Retrouvez le résumé des échanges du 9 novembre sur la thématique : penser l’hôtellerie de demain.
Six intervenants ont partagé leurs points de vue :
- Emilie André, directrice de création, Studio Jean-Marc Gady
- Anthony Bezin, Directeur des opérations, Veluestate et directeur général de LifeHotels
- Donation Carratier, architecte d’intérieur CFAI, atelier Donatien Carratier
- Chafik Gasmi, architecte d’intérieur et designer, Chafik Studio
- Boris Gentine, directeur de création et associé, Saguez & Partners
- Alix Thomsen, archi d’intérieur et décoratrice, studio Alix Thomsen
Comment faire évoluer les usages et les services à l’hôtel ? C’est la question centrale qui a servi de fil conducteur aux échanges, pour mieux appréhender l’évolution de l’expérience client.
Quels sont les nouveaux concepts qui apparaissent dans le paysage du contract ?
LifeHotels est un nouveau concept d’hôtellerie imaginé par Anthony Bezin, et créé en mars 2020 « au moment où on avait tous le temps de penser ». Un concept déployé sur deux hôtels à Marseille et à Bordeaux : « LifeHotels propose une offre d’hôtellerie économique qui essaye de révolutionner l’équilibre entre l’emplacement, la taille des chambres, le cycle de vie des produits et le prix proposé au client. » Au service de base ont été ajoutés une salle de fitness et un espace de coworking, puisque le point le plus important du concept est de permettre une utilisation hybride des espaces : « On ne va pas se revendiquer comme lifestyle, on va justement être un peu plus neutre dans l’esprit que l’on dégage avant de laisser le client utiliser l’espace comme il le souhaite » ajoute Anthony Bezin. En parallèle, les équipes de LifeHotels ont intégré un engagement RSE à leur démarche (meilleur tri des déchets, choix dans les matériaux utilisés).
Dans quelle mesure l’hybridation ne serait pas l’avenir de l’hôtellerie de demain ?
L’architecte d’intérieur Donatien Carratier insiste sur la nécessité de réinventer les concepts et les possibilités d’expériences proposées au client : « L’hôtel ne devrait-il pas se questionner sur ce qu’il est vraiment, à savoir une agora, un lieu de connexion entre la rue, le quartier et la ville ? Et là, la notion d’hybridation prendrait tout son sens. » Une hybridation qui peut se faire sur plusieurs plans, selon Boris Gentine : « On a de plus en plus de marques qui jouent le jeu de l’hybridation comme Yves Rocher avec l’hôtel-spa de La Grée des Landes en Bretagne, Maison du Monde Hôtel & Suites à Nantes ou encore Muji hôtel. » Une manière pour ces marques d’exprimer un ADN « art de vivre » : « Les lieux doivent favoriser l’échange et les rencontres. Et que l’on soit un hôtel, un bureau ou un magasin, cette logique est la même pour tous. »
Hôtel de nuit vs hôtel de jour, deux expériences en une
Pour Donatien Carratier, c’est en jouant sur la gestion de temporalité jour/nuit, que l’hôtel peut se réinventer, et que l’hybridation peut prendre forme : « L’hôtel agora crée un lieu de convergence sur son entourage, avec un intérêt pour le client et pour l’opérateur. » Une convergence qui s’effectue par la prise en compte de l’environnement de l’établissement, rappelle Alix Thomsen : « La vie qu’il y a autour vient enrichir les expériences et faire en sorte que l’hôtel ne soit plus simplement un lieu où l’on vient dormir, mais un lieu où l’on vient vivre. »
L’hôtel : le futur du retail ?
En présentant le projet d’hôtel qu’il a réalisé pour Baccarat, Chafik Gasmi revient sur les passerelles possibles entre le retail et l’hôtel : « Je pense que le futur de l’hôtel, c’est le retail. Le métier de l’hôtel fondé sur les fondamentaux, c’est l’ancienne époque. » Il évoque notamment un espace inspirant pour le client qui lui permette par exemple de pouvoir acheter facilement des produits présentés dans les établissements, aussi simplement que l’on commande sur Internet aujourd’hui.
Faire parler les équipes
Pour donner vie aux concepts, il faut intégrer au maximum l’ensemble de l’équipe qui va intervenir dans l’établissement. Dans un de ses projets en cours, Chafik Gasmi a fait appel à tous les intervenants de l’hôtel. Ainsi, ils ont défini ensemble les enjeux du projet : « Les équipes font également partie du succès d’un établissement. » Une façon d’associer les équipes aux projets, qu’il s’agisse du dessin qui reste une première approche « réaliste » ou une projection 3D. « Il faut être juste, honnête et ne pas faire une image pour vendre, mais qui soit le support d’un projet et d’une réalité » précise Donatien Carratier.
Comment définir l’expérience client ?
« Elle commence avant tout par une expérience humaine » selon Boris Gentine, et se fonde sur la conjugaison d’une expérience sensorielle liée à une part d’inattendu. Alors, comment improviser des moments de rencontres, des surprises ? Et comment transformer l’hôtel en une forme de théâtre ? Il explique : « On peut inventer ces usages et ces moments de vie en tant qu’architecte d’intérieur, mais on a surtout besoin des clients et de cette appétence pour ramener cette vie et cette sensorialité dans les espaces. »
Alix Thomsen, qui a dessiné le projet de l’hôtel Paradisio, précise que l’expérience client doit être scénarisée dès le brief, et doit donc inclure le mobilier. Dans ce concept, le cinéma s’invite dans la chambre. L’hôtel se compose de chambres « standards » qui reprennent les codes de la salle de cinéma, mais également d’autres espaces de partage de salle. Et pour ce type d’expérience, concevoir le mobilier sur mesure est indispensable : un bon accompagnement des fabricants est essentiel. Ce sur quoi Boris Gentine rebondit : « C’est important d’être accompagné, mais aussi d’être écouté. C’est donc bien d’avoir un agenceur qui soit créatif, qui ait des idées et ouvert aux propositions et à la discussion. »
Ce dialogue avec le fabricant est primordial pour Emilie André, directrice de création du studio Jean-Marc Gady : « Nous avons autant à apporter à nos fabricants qu’eux ont à nous apprendre. C’est cet échange qui nourrit la créativité et permet de dépasser nos acquis respectifs, puisque nous n’avons respectivement pas le savoir absolu. Notre rôle est celui d’être le catalyseur entre tous ces savoir-faire afin de créer un langage perceptible pour tous. » Le dialogue avec les fabricants en amont des projets est d’autant plus important car il permet de « créer une relation de confiance » au moment de la conception, pour reprendre les mots d’Alix Thomsen.
Des programmes d’accompagnement des fabricants
Cathy Dufour, déléguée générale de l’Ameublement Français, présente quelques initiatives mises en place en collaboration avec les fabricants : « Nous avons des fabricants qui font énormément de choses, mais qui ne savent pas le mesurer. » Elle mentionne notamment une estimation de décarbonation à l’horizon 2030 et 2050 pour la filière de l’ameublement : « Un meuble fabriqué en France est en moyenne 42 % moins polluant qu’un meuble importé. » Elle fait également remarquer que la France est un pays référence en termes de « production propre », et que la fabrication française est donc à privilégier au maximum pour des résultats concluants au niveau écologique, éthique mais également économique.
Prendre des risques à tous les niveaux
Pour que ces nouveaux codes de l’hôtellerie soient explorés, c’est aussi aux porteurs de projets d’être proactifs, comme en est convaincu Boris Gentine : « Il va falloir prendre des risques à tous les niveaux. Il faut que tout le monde s’y mette pour accompagner ces changements. L’avenir appartient aux audacieux, mais ça, on le savait déjà, alors allons-y. »