Bourse de Commerce – Une « ouverture » tant attendue 

Bourse de Commerce – Une « ouverture » tant attendue 

L’ouverture de la Bourse de Commerce est l’aboutissement d’un projet entamé dès 2001 lorsque François Pinault ambitionnait d’implanter sa collection dans l’ancienne usine Renault de l’île Seguin. De guerre lasse, il a finalement abandonné ce haut lieu de l’histoire industrielle pour Venise où, accompagné de Tadao Ando, il entame une toute autre partition avec le Palazzo Grassi (2006), la Punta della Dogana (2009) et le Teatrino (2013). En 2016, la Ville de Paris lui propose finalement la Bourse de Commerce, un édifice en rotonde couronné d’une vaste coupole métallique, conçu en 1889 puis progressivement tombé dans l’oubli. Située au cœur de Paris, à mi-chemin entre le Louvre et le Centre Georges Pompidou, desservie par Les Halles, la Bourse avait tout pour satisfaire le collectionneur prescripteur qu’est devenu François Pinault.


À l’extérieur, les drapeaux de Ronan et Erwan Bouroullec signalant la Bourse s’élèvent dans les airs et réverbèrent la lumière. À Rennes en 2015, leurs « Rêveries Urbaines » convoquaient déjà ce lien entre contemplation et usage, que des bancs en cupro-aluminium doré viennent d’ailleurs compléter.  

Drapeau, décembre 2020 © Studio Bouroullec - Courtesy Bourse de Commerce - Pinault Collection

À l’intérieur, le voile circulaire de Tadao Ando est cousu d’une trame de béton aux dimensions du tatami. Ce matériau à la fois universel et pauvre, privilégié par l’architecte japonais, permet de convoquer la perfection du cercle Platonicien et le souvenir du Panthéon romain, tout en se jouant de la perte de repères chère à Piranèse. À l’érudition de Tadao Ando, parfois dépourvu du souci de flexibilité nécessaire à tout lieu d’exposition, François Pinault a choisi d’adjoindre Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments Historiques et NeM/Niney & Marca Architectes. Ainsi, le cylindre de béton lisse d’Ando définit un espace d’exposition central au rez-de-chaussée, accueille l’auditorium au sous-sol, et permet, grâce à l’escalier qui s’enroule autour de lui, de desservir les espaces d’exposition des étages supérieurs, ainsi que le restaurant, tout en découvrant l’architecture du bâtiment de plus près. D’où que l’on soit,

Photo Patrick Tourneboeuf

Bourse de Commerce — Pinault Collection © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architectes, Agence Pierre-Antoine Gatier

L’aménagement a été entièrement conçu par les Bouroullec. On retrouve la chaise Rope (Artek) disséminée dans les espaces d’exposition ainsi que des tapis et banquettes spécifiquement créés pour les salons. De grandes grappes de verre en tubes se déploient en coulées organiques dans les cages d’escaliers, alliance du savoir-faire artisanal et de l’écriture technique déjà mise en œuvre pour l’escalier Gabriel du château de Versailles. Des rideaux dont la trame forme des drapés grillagés structurent l’espace du restaurant La Halle aux Grains de Michel et Sébastien Bras. On y découvre aussi des vases Alcova (Wonderglass), ainsi que des tables et chaises Officina (Magis) en fer forgé galvanisé dont le choix pourra néanmoins surprendre.

Bourse de Commerce, © Cléa Daridan
Bourse de Commerce, © Cléa Daridan

Bourse de Commerce, © Cléa Daridan
Bourse de Commerce, © Cléa Daridan

Nouvelle étape d’un réseau désormais bicéphale, l’exposition « Ouverture » énonce les valeurs qui sont attachées à la Pinault Collection avec François Pinault lui-même comme chef d’orchestre. Ce manifeste interroge par sa radicalité : Pas d’accrochage fleuve, ni de palmarès d’artistes bankable. Composé de différents corpus d’œuvres, « Ouverture » agit comme une ode à la remise en cause des canons, qu’ils soient politiques, sociaux, raciaux ou esthétiques. Preuve en est la confrontation magistrale de l’intervention de Tadao Ando aux toiles marouflées vantant la grandeur commerciale française et ses comptoirs coloniaux (IIIe République) face à L’enlèvement des Sabines (1579-1582) de Giambologna, répliqué par Urs Fischer, dont la vanité de cire est vouée à se consumer.

À l’état-major dont il s’est entouré au fil des années (Jean-Jacques Aillagon, Martin Béthenod, Caroline Bourgeois, Tadao Ando, Pierre-Antoine Gatier) François Pinault a su associer une plus jeune génération à laquelle il se montre fidèle (Ronan et Erwan Bouroullec, NeM/Niney & Marca Architectes et les Graphiquants), donnant naissance à une aventure collective dont le public est également amené à être témoin. Preuve que la débauche de moyens – 160 millions d’euros en cinq ans – n’enlève rien au mérite de l’audace.

Maurizio Cattelan, Others, 2018, Vue d'exposition ''Ouverture'', Bourse de Commerce - Pinault Collection, Paris, 2021, © Maurizio Cattelan, Courtesy de l'artiste et de Bourse de Commerce - Pinault Collection. Photo Marc Domage
© Cléa Daridan

Rédigé par 
Cléa Daridan

Vous aimerez aussi

Temps de lecture
30/1/2025
La simplicité Thonet

La marque allemande Thonet dévoile la chaise S 243 dessinée par le designer Franck Rettenbacher.

Universellement connue depuis l'invention de la chaise n°14 et son ingénieux système d'expédition, la marque allemande Thonet se réinvente depuis plus de deux siècles. Fidèle à un certain esprit du sens pratique, la marque à collaboré avec des grands noms du design parmi lesquels Mart Stam, Marcel Breuer ou encore Mies van des Rohe. Un héritage dans lequel s'inscrit aujourd'hui le designer autrichien Franck Rettenbacher, installé à Amsterdam, et sa chaise S 243. Présentée lors du salon Orgatec 2024, cette création aux lignes simples et relativement minimalistes reprend les codes historiques de la marque.« Le but était de développer un produit d’une pureté et d’une sobriété qui s’inscrivent dans l’intemporalité incarnée parla marque Thonet », explique le designer.

©Thonet

Un modèle discret et empilable

« Depuis tout petit, chez mes parents,j’étais assis à table sur des chaises Thonet, sans en avoir conscience. Ces chaises s’imposent avec une sorte d’évidence et s’intègrent comme d’elles-mêmes dans tous les espaces de vie »,souligne Frank Rettenbacher. Un sentiment qu'il a souhaité retranscrire dans les lignes de S 243, avec cependant une difficulté supplémentaire : concevoir une collection empilable. Appuyé sur l'acier tubulaire, matériau de prédilection des éditions contemporaines de Thonet, le designer à imaginé une pièce légère à l’œil grâce à l'utilisation de sections différentes. Les deux pieds à l'avant de l'assise ont ainsi une section de 18 mm contrairement à ceux situés à l'arrière mesurant 25 mm de diamètre. Deux sections plus larges et de fait plus solides sur lesquelles le dossier est riveté. Un assemblage simple et discret à l'image du modèle, permettant de rendre « toutes les composantes du modèle S 243 faciles à remplacer ou à échanger ». Coté couleur, à noter que le modèle est disponible dans huit coloris d'assise (possiblement capitonnée) et cinq styles de piétement. Un modèle  simple, accessible et pratique. Dans l'air du temps.

©Thonet
Temps de lecture
24/1/2025
Altas Concorde x Intramuros : La chaîne de valeur des matériaux dans les grands projets architecturaux

A l’occasion de l’ouverture de son nouveau showroom parisien, Atlas Concorde, leader italien de la céramique, a convié Intramuros pour une série d’entretiens avec de grands acteurs de l’architecture et de la promotion immobilière. Cette journée, qui nous a permis de rencontrer des talents créatifs et entrepreneuriaux, engagés et conscients, s’est achevée par une table ronde ayant pour thème « la chaîne de valeur des matériaux dans les grands projets architecturaux ».

Avec :

Ana Moussinet - Architecte d'intérieur (Ana Moussinet Interior)

Natacha Froger - Fondatrice Atome Associés

Léa Blanc - Architecte d'intérieur (Arte Charpentier)

Stéphane Quigna - Directeur associé (Arte Charpentier)

Alexandre Montbrun - Directeur des opérations (Oceanis)

Frédéric Marty - Rédacteur en chef (Intramuros Magazine)

Temps de lecture
24/1/2025
Charlotte Juillard et Tikamoon élaborent une collection pour les 150 ans de l’Opéra de Paris

À la croisée de l’art lyrique et du design, la collection anniversaire élaborée par la designeuse Charlotte Juillard avec Tikamoon est un hommage au savoir-faire unique de la marque lilloise alliée à l’histoire de l’Opéra national de Paris. Une collection disponible à partir du 5 février.

« L'idée était de créer une collection de mobilier qui vienne valoriser le travail d'ébénisterie tout en évoquant la beauté, la richesse et la singularité de l'Opéra de Paris. J’ai eu une totale liberté dans la conception et j’ai voulu raconter une histoire qui parlait de bois, d'ancrage, de durabilité, de mouvement, de matériaux et de ballet » raconte Charlotte Juillard. Une collection qui est d’abord l'histoire d’une rencontre hasardeuse entre Tikamoon et les équipes chargées des partenariats avec l’Opéra Garnier qui cherchait à élaborer une collection de mobilier. Déjà en contact depuis plusieurs années, lorsque les équipes de Tikamoon se sont rapprochés de l’Opéra pour la collaboration, le nom de la Charlotte Juillard a rapidement été évoqué. Un nouveau défi pour la marque de mobilier, qui n’avait jusqu’ici jamais collaboré avec un designer extérieur. Une collection qui s'avère avoir été réalisée en très peu de temps puisque moins d’un an s’est écoulé entre le début des échanges, les premiers prototypes et la présentation officielle au public lors de la Design Week en Janvier à Paris.

Collection Tikamoon x Opéra national de Paris, design : Charlotte Juillard © Tikamoon

Une collection pour raconter l’excellence

Pour imaginer cette collection, la designeuse a jugé intéressant d’évoquer les deux Opéras, Bastille et Garnier, qui malgré leurs différences marquées, font partie de la même maison. « L’Opéra Garnier, représente le faste et l’opulence de l’architecture néo-baroque du XIXe siècle, tandis que Bastille incarne la modernité et la fonctionnalité de l’architecture contemporaine. La collection s’inspire donc de ces deux univers et se divise ainsi en deux ensembles distincts » ajoute la créatrice.

Console et miroir, Collection Tikamoon x Opéra national de Paris, design : Charlotte Juillard © Tikamoon

Composée de six pièces, la collection s’inspire de l’élégance qui accompagne ces deux Opéras, tout en mettant en avant le savoir-faire d’ébénisterie propre à Tikamoon. Des pièces façonnées avec des matériaux en lien avec les deux Opéras et qui arborent des formes qui rappellent les mouvements des danseurs de ballet. « Le fauteuil, la console et le miroir puisent leur inspiration dans l’accumulation de matériaux propres à l’Opéra Garnier, avec des formes ondulées en hommage aux danseurs. Une dualité renforcée par la juxtaposition de deux bois aux teintes contrastées qui est un hommage aux superpositions de styles du grand Opéra et un clin d'œil aux célèbres pas de deux. La psyché, le tapis et le bout de canapé s'inspirent quant à eux de Bastille et de ses formes imposantes et généreuses. Les courbes rappellent la structure du bâtiment, mais évoquent également le mouvement » continue Charlotte Juillard. Un ensemble de deux collections en une, dont chaque détail rend hommage de manière subtile à l’histoire de ces deux lieux mythiques.

Fauteuil, Collection Tikamoon x Opéra national de Paris, design : Charlotte Juillard © Tikamoon

La collection sera mise en vente en exclusivité sur le site de Tikamoon ainsi qu'au sein de la boutique parisienne Place des Victoires à partir du 5 février. En parallèle, celle-ci sera exposée à l’Opéra Garnier pendant un mois.

Temps de lecture
22/1/2025
Entrechoquer les univers à la galerie Philippe Valentin, « Et pourquoi pas... » ?

La galerie Philippe Valentin consacre jusqu'au 22 février une exposition sur les travaux des designers Patrick de Glo de Besses et Jean-Baptiste Durand. Un savant mélange d'univers que tout oppose, et pourtant habilement réunis sous les regards bienveillants des silhouettes de la peintre Camille Cottier.

Il fallait un brin de folie et surtout une vision affûtée pour oser présenter ce trio de créateurs. Un défi autant qu'une prise de position affichée dès le nom de l'exposition : « Et pourquoi pas... ». Loin de chercher à mettre en avant « un corpus d’œuvres autour d'un thème ou d'un propos spécifique », Philippe Valentin, a souhaité confronter deux designers, Jean-Baptiste Durand et Patrick de Glo de Besses, exposé à l'Intramuros Galerie lors de la PDW en septembre 2024.

Deux artistes dont les travaux jusqu'alors distincts, sont pour la première fois réunis. Une idée « à première vue presque absurde, tant elle est binaire, qui me permet néanmoins d’affirmer ma vision de l’art : un art qui prend en compte la diversité des pratiques et ne s’enferme pas dans un dogmatisme, au service d’un non-goût ou d’une étroitesse d’esprit » explique le galeriste.

©Gregory Copitet

Contraster pour mieux exister

Rarement une exposition de design contemporain n'avait eu pour parti-pris de réunir deux univers si éloignés. Ultra-techno, le monde de Jean-Baptiste Durand s'affiche de manière très prégnante dans la galerie en un ensemble de câbles, de vérins et matières polymères aux assemblages industriels. Un design particulièrement novateur et unique face auquel Patrick de Glo de Besses répond par une sélection de 19 chaises aux allures artisanales mais non moins contemporaines et techniques. Une confrontation dans laquelle les compositions aux matériaux industriels évoquent un univers organique, presque vivant, alors même que les assises en bois semblent figées avec grande précision par la rigidité des coupes sculpturales. Un paradoxe mis en exergue par la proximité entre les pièces. « Lorsque j'ai découvert le travail de Patrick sur Instagram il y a deux ans, j’avais en tête de lui proposer un projet, mais je ne trouvais pas la bonne idée. C'est en voyant celui de Jean-Baptiste que j'ai eu l'idée d'une confrontation » observe Philippe Valentin. Saisi d'un côté par « l'idée tenace et radicale de la déclinaison », et de l'autre par « l'exubérance et la liberté formelle », il voit dans cette rencontre une possible diversité de réponses aux besoins du monde dans lequel nous évoluons.

©Gregory Copitet

Des chaises en bois en passant par le lustre et le lampadaire en doudoune fabriquées par Jean-Baptiste Durand et son équipe peu de temps avant l'ouverture de l'exposition, chaque création a ici sa place. Complétée par un ensemble d’œuvres picturales plus sensibles et aux figures humaines signées Camille Cottier, la sélection de mobilier trouve aussi un écho chromatique sur les pièces murales. Une résonance discrète, mais grâce à laquelle le triptyque trouve indiscutablement son équilibre.

L'exposition est visible jusqu'au 22 février à la Galerie Philippe Valentin, 9 rue Saint Gilles, 75 003 Paris. Retrouvez également les portraits de Jean-Baptiste Durand et Patrick de Glo de Besses et dans les numéros 221 et 222 d'Intramuros !

©Gregory Copitet
Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir chaque semaine l’actualité du design.