Expos
De la résidence au MusVerre est née l’exposition « Lettres de verre, une éclipse de l’objet », issue des recherches entre l’artiste Jean-Baptiste Sibertin-Blanc (JBSB) et quatre artisans verriers. Une découverte réjouissante au sein de ce beau musée, trop méconnu, sculpté dans la pierre bleue au cœur de l’Avesnois.
Magique, douce et envoûtante… Tels sont les maître mots de la scénographie de Franck Lecorne et Nell Doutreligne, pour l’exposition « Lettres de verre, une éclipse de l’objet » au MusVerre à Sars-Poteries. Dans un fondu imaginaire, l’écrin de papier japonais blanc immaculé illumine les œuvres en verre, conçues pendant la résidence de l’artiste et designer Jean-Baptiste Sibertin-Blanc. Le propos ? La création d’un alphabet pas comme les autres, entre la typographie Mineral et le jeu de la matière, tantôt étirée, fondue ou compressée, selon la technique utilisée.
La main de l’artisan est activement présente, et « le syndrome de la casse », une réalité prégnante bien connue des maîtres du feu. Grâce la collaboration étroite des quatre verriers qui ont évolué pas à pas avec l’artiste, le langage de la matière, de la couleur de la transparence, a atteint son apogée dans l’exposition « Lettres de verre, une éclipse de l’objet ». Un dialogue fertile s’est engagé entre JBSB et les verriers qui ont apporté leur savoir-faire unique : Hugues Desserme, le bombage du verre, Stéphane Rivoal, le verre à la flamme, Simon Muller, le soufflage à la canne et Didier Richard, la pâte de verre.
Dans l’atelier de 2000 m2 intégré au MusVerre, on passe du chaud au froid, selon les approches du travail qui forment et déforment l’objet, tissant un lien fort entre la main de l’artisan et le dessin. « Dans ce projet, je souhaitais me libérer de la contrainte des objets de commande pour une marque, si prestigieuse soit-elle, » raconte Jean-Baptiste Sibertin-Blanc. La liste de mots à la Pérec, le choix de la typo et le non message ont eu raison de cet alphabet dont les formats et les teintes opaques ou translucides, suivent les hasards des savoir-faire. « Il n’y a pas de sens de lecture de la lettre qui peut se brouiller rapidement et tendre vers l’abstraction ». Matière à réflexion, le verre exerce une puissance de captation de la lumière, mais aussi un ensemble de procédés qui a la capacité d’agir sur notre imaginaire. Et si les œuvres posent la question de la technicité comme une évidence, le verre n’en exerce pas moins son pouvoir de séduction et de fascination.
Exposition « Lettres de verre, une éclipse de l’objet », au MusVerre jusqu’au 9 janvier 2022.
Plus d’informations sur musverre.lenord.fr
Durant trois jours, au Palais de Tokyo, trois jeunes créateurs « Talents Audi » émancipent le design avec Undomestic, une exposition questionnant le corps en mouvement.
Extrêmement différentes les trois installations embarquent le visiteur dans des univers bien particuliers. Self Esteem Shapers de Camille Menard convoque le monde du fitness à la maison et éveille les consciences sur notre degré de narcissisme amplifié par les réseaux sociaux. Avec Envahisseurs, Teddy Sanches s’intéresse au design comme vecteur de stimulation entre danseurs. Ses pièces textiles sont portées par des danseurs de hip-hop lors d’incroyables « battles » où les corps s’affranchissent. Enfin, Roman Weil revisite la technologie des boîtes de nuit avec E.P.U, installation immersive, sonore et plastique, constituée de machines cinétiques et lumineuses. Libérant le design de ses enjeux habituels, ces pièces sont à expérimenter absolument !
Undomestic, Palais de Tokyo, 13 avenue du Président Wilson – 75116 Paris les 11, 12 et 13 juin 2021.
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L’ouverture de la Bourse de Commerce est l’aboutissement d’un projet entamé dès 2001 lorsque François Pinault ambitionnait d’implanter sa collection dans l’ancienne usine Renault de l’île Seguin. De guerre lasse, il a finalement abandonné ce haut lieu de l’histoire industrielle pour Venise où, accompagné de Tadao Ando, il entame une toute autre partition avec le Palazzo Grassi (2006), la Punta della Dogana (2009) et le Teatrino (2013). En 2016, la Ville de Paris lui propose finalement la Bourse de Commerce, un édifice en rotonde couronné d’une vaste coupole métallique, conçu en 1889 puis progressivement tombé dans l’oubli. Située au cœur de Paris, à mi-chemin entre le Louvre et le Centre Georges Pompidou, desservie par Les Halles, la Bourse avait tout pour satisfaire le collectionneur prescripteur qu’est devenu François Pinault.
À l’extérieur, les drapeaux de Ronan et Erwan Bouroullec signalant la Bourse s’élèvent dans les airs et réverbèrent la lumière. À Rennes en 2015, leurs « Rêveries Urbaines » convoquaient déjà ce lien entre contemplation et usage, que des bancs en cupro-aluminium doré viennent d’ailleurs compléter.
À l’intérieur, le voile circulaire de Tadao Ando est cousu d’une trame de béton aux dimensions du tatami. Ce matériau à la fois universel et pauvre, privilégié par l’architecte japonais, permet de convoquer la perfection du cercle Platonicien et le souvenir du Panthéon romain, tout en se jouant de la perte de repères chère à Piranèse. À l’érudition de Tadao Ando, parfois dépourvu du souci de flexibilité nécessaire à tout lieu d’exposition, François Pinault a choisi d’adjoindre Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments Historiques et NeM/Niney & Marca Architectes. Ainsi, le cylindre de béton lisse d’Ando définit un espace d’exposition central au rez-de-chaussée, accueille l’auditorium au sous-sol, et permet, grâce à l’escalier qui s’enroule autour de lui, de desservir les espaces d’exposition des étages supérieurs, ainsi que le restaurant, tout en découvrant l’architecture du bâtiment de plus près. D’où que l’on soit,
Bourse de Commerce — Pinault Collection © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architectes, Agence Pierre-Antoine Gatier
L’aménagement a été entièrement conçu par les Bouroullec. On retrouve la chaise Rope (Artek) disséminée dans les espaces d’exposition ainsi que des tapis et banquettes spécifiquement créés pour les salons. De grandes grappes de verre en tubes se déploient en coulées organiques dans les cages d’escaliers, alliance du savoir-faire artisanal et de l’écriture technique déjà mise en œuvre pour l’escalier Gabriel du château de Versailles. Des rideaux dont la trame forme des drapés grillagés structurent l’espace du restaurant La Halle aux Grains de Michel et Sébastien Bras. On y découvre aussi des vases Alcova (Wonderglass), ainsi que des tables et chaises Officina (Magis) en fer forgé galvanisé dont le choix pourra néanmoins surprendre.
Nouvelle étape d’un réseau désormais bicéphale, l’exposition « Ouverture » énonce les valeurs qui sont attachées à la Pinault Collection avec François Pinault lui-même comme chef d’orchestre. Ce manifeste interroge par sa radicalité : Pas d’accrochage fleuve, ni de palmarès d’artistes bankable. Composé de différents corpus d’œuvres, « Ouverture » agit comme une ode à la remise en cause des canons, qu’ils soient politiques, sociaux, raciaux ou esthétiques. Preuve en est la confrontation magistrale de l’intervention de Tadao Ando aux toiles marouflées vantant la grandeur commerciale française et ses comptoirs coloniaux (IIIe République) face à L’enlèvement des Sabines (1579-1582) de Giambologna, répliqué par Urs Fischer, dont la vanité de cire est vouée à se consumer.
À l’état-major dont il s’est entouré au fil des années (Jean-Jacques Aillagon, Martin Béthenod, Caroline Bourgeois, Tadao Ando, Pierre-Antoine Gatier) François Pinault a su associer une plus jeune génération à laquelle il se montre fidèle (Ronan et Erwan Bouroullec, NeM/Niney & Marca Architectes et les Graphiquants), donnant naissance à une aventure collective dont le public est également amené à être témoin. Preuve que la débauche de moyens – 160 millions d’euros en cinq ans – n’enlève rien au mérite de l’audace.