Kann Design : l'artisanat au service d'intérieurs d'exception
30/6/2020
Kann Design : l'artisanat au service d'intérieurs d'exception
Les artisans de l’atelier Kann Design réunissent leurs savoir-faire afin de produire des meubles et modules sur mesure. Des réalisations dont les matériaux nobles ont pour mission d’embellir ou de redonner vie aux intérieurs.
Une partie de l’activité du collectif Kann Design consiste à produire des meubles sur-mesure, depuis le Liban, pour des projets d’aménagement d’intérieur. Fondé en 1958 à Beit Chabab au nord de Beyrouth, par le père de Houssam Kanaan (fondateur de Kann Design), l’atelier rassemble des artisans indépendants : ébénistes, soudeurs, tapissiers, peintres et canneurs travaillent de concert avec les architectes d’intérieur pour mener à bien des projets comme le restaurant Clover Gordes ou le Chess Hotel.
Le Clover Gordes
Pour réaliser ce restaurant du chef étoilé Jean-François Piège, Kann Design s’associe à l’agence Notoire et offre un mariage entre inspiration parisienne et maison de campagne du Luberon.
À la demande du chef drômois, le restaurant reprend l’essence simple et authentique du Clover, situé dans le 7e arrondissement de Paris : Kann Design reprend les banquettes en cuir, les tables en marbre, les chaises bistrot et y ajoute un vaisselier, pièce unique et centrale du restaurant.
Ces pièces se lient aux murs teintés d’un vert tendre et rappellent les champs d’oliviers, le romarin ou encore la sarriette, apportant une note de douceur à la pièce. À l’ombre de la pergola, au coeur de la Bastide de Gordes, des fauteuils en rotin sont rehaussés de motifs dépareillés, entre les pots d’oliviers et de lavande, comme si l’on venait tout juste de dresser une table dans le jardin. Les couverts et la vaisselle ont été chinés pièce par pièce pour renforcer l’authenticité du lieu.
Clover Gordes Rue de la Combe, 84220 Gordes
The Chess Hotel
L’hôtel 4 étoiles The Chess prend vie grâce à la collaboration de Kann Design avec l’architecte Pauline D’Hoop. L’atelier libanais réalise un ensemble de meubles et de modules sur-mesure qui amènent chaleur et personnalité à l’hôtel du quartier de l’Opéra, à Paris.
La cannage domine encore ces réalisations : on le retrouve sur les têtes de lits des 50 chambres, les banquettes, certains murs et les miroirs du lobby.
Les tables de marbre viennent compléter le bar dominé par le cuir et le laiton, tandis que le rotin et le velours côtelé apportent élégance et originalité.
Implanté dans le quartier de la gare de Nice, le centre ICONIC réalisé par l'architecte allemand Daniel Libeskin incarne la vision portée par la Compagnie de Phalsbourg. Une réalisation architecturale au parti-pris très fort mais correctement inscrite dans son environnement grâce aux questionnements esthétiques et à la philosophie sociologique.
S'il est une architecture impossible à louper à Nice, c'est désormais celle du centre ICONIC. Surnommé « le diamant » par les Niçois en raison de son architecture en verre toute en angles et tension, bâtiment de 20 000m² tient autant du manifeste architectural que de l’œuvre in-situ. Coincé entre la voie rapide et les voies de chemin de fer d'un côté, et les vieux édifices du quartier de Thiers de l’autre, la construction est un véritable espace de vie multidisciplinaire. Abritant une dizaine de magasins, un hôtel Hilton quatre étoiles de 105 chambres, des restaurants, la plus grande salle de sport du centre-ville de Nice, une salle de concert ou encore deux écoles, ICONIC insuffle une nouvelle dynamique servicielle, culturelle et commerciale à un quartier en retrait du centre-ville. Imaginé comme un trait d'union entre deux univers, la création à 120 millions d'euros de Daniel Libeskin – sa première réalisée en France – incarne la vision de la Compagnie de Phalsbourg, une foncière spécialisée dans l'immobilier commercial. Une architecture en lien avec son environnement, et fruit d'une stratégie de réhabilitation des centres périurbains passant par une approche design de la construction.
Une architecture en lien avec les éléments
« C'était un projet très contesté lors de son lancement en 2016. C'est aujourd'hui une architecture source de changement au sein du quartier, et vectrice d'une nouvelle qualité de vie selon les habitants » relate Karine Journo, directrice du studio créatif de la Compagnie de Phalsbourg. Il faut admettre qu'avec ses 35 mètres de hauteur, l'édifice tout en verre dénote quelque peu de l'architecture environnante. Situé en plein cœur d'un quartier délaissé, le bâtiment prend place dans un écosystème architectural et social diversifié. Accolé à la gare de style Louis XIII, construction emblématique de ce quartier plutôt populaire, le lieu a été dessiné pour « s'intégrer harmonieusement dans son environnement tout en y ajoutant une touche de modernité » selon Daniel Libeskin. Car ICONIC est surtout porteur, au-delà de sa forme, « des codes de la ville » analyse Karine Journo, arrivée sur le projet il y a deux ans pour prendre en charge les aménagements intérieurs. « Nous ne voulions pas être complètement déconnectés de l'univers dans lequel le bâtiment s'implante. Pour cette raison, l'ensemble de la construction s'inspire de la ville et de son atmosphère, mais de manière différente entre l'intérieur et l'extérieur. » Ainsi, les parois aux reflets bleutés, visibles de l'extérieur, ont été mises au point selon les teintes des fonds marins de la ville, cartographiés pour l'occasion. Légèrement irisés en journée, ces grands murs vitrés évoluent quotidiennement au gré de l'ensoleillement de sorte à animer le bâtiment dans lequel se reflète le ciel et la mer. Une conception très visuelle au rendu quasi-futuriste.
À l'inverse, « l'intérieur a été traité avec beaucoup de rondeur et des couleurs douces et claires dans les espaces communs ». Conjugués aux nombreuses essences méditerranéennes choisies par le fondateur de la Compagnie de Phalsbourg, Philippe Journo, les espaces de déambulation « proposent une approche différente de la ville, portée sur la douceur de vivre ». Une atmosphère que l'on retrouve également au sein du Hilton DoubleTree – une nouvelle gamme - dont les chambres ont été conçues avec Cécile Bleux, directrice de projet au sein du studio créatif de la Compagnie de Phalsbourg. « Nous avons souhaité penser cet hôtel non pas comme un hôtel de gare, mais sous forme d'un boutique-hôtel. Nous voulions créer un sentiment de confort de sorte à ce qu'ICONIC ne soit pas un simple lieu de passage, mais une vraie destination. Et c'est réussi puisque les touristes réservent cet hôtel pour plusieurs nuits » assure Karine Journo.
Un projet illustrateur d'une stratégie globale
Pensé par Daniel Libeskin comme un espace ayant pour vocation de devenir « naturellement un pôle d'attraction vibrant et dynamique » répondant « aux besoins des résidents, des travailleurs et des visiteurs », ICONIC est intrinsèquement lié à l'approche de la compagnie. « Lorsqu'elle a été créée en 1989, c'était avec une vision nouvelle : réinstaurer du beau dans les zones périurbaines. Comme de nombreuses banlieues notamment industrielles, souvent maltraitées avec des constructions semblables à des boîtes à chaussures, des quartiers ferroviaires comme celui de Nice, ont parfois été oubliés. Or, il s'agit du premier visage de la ville aux yeux des visiteurs. Nous avions donc besoin de rapporter de l'esthétisme et une forme de beauté au quartier. » Une mantra pour la compagnie, mais également une réponse architecturale à un besoin éminemment sociologique de la Cité des anges azuréenne. En témoigne la création d'une promenade privée reliant le centre ICONIC à la gare et permettant à la compagnie comme à la ville de dessiner par le biais de cet espace sécurisé et très arboré, les contours d'un nouveau visage pour le quartier. Une démarche appliquée par le prisme d'une architecture ultra-contemporaine « à vocation indirectement sociale » grâce au brassage de population nouvellement généré par la multitude de services regroupés. « Nous pensons que la beauté doit être accessible à tout le monde et en ce sens, l'architecture doit en être un vecteur notamment dans les zones périurbaines en réduisant les fractures comme ici à Nice, entre le nord et le sud » conclut Karine Journo.
Wendy Andreu lance son studio en 2016. Reconnue pour avoir imaginé le procédé Regen qui lui a permis de créer tout un artisanat, elle développe depuis des pièces éclectiques autour de ce dernier, entre autres projets de mobilier, joaillerie ou aménagements d’intérieur. En septembre 2024, elle était lauréate des Grands Prix de la création pour récompenser l’ensemble de son travail.
Wendy Andreu a été formée à l’école Boule en métal avant d’intégrer l’Académie d’Eidhoven en design pendant 5 ans jusqu’en 2016. À peine sortie d’école, elle lance son « one Women business » afin d’être indépendante et commencer les projets et les collaborations, notamment avec Faye Toogood à l’époque. Depuis, elle a installé son atelier à Paris dans le 19e arrondissement au sein de Métropole 19 pour élaborer ses projets, mais également de continuer à mener des recherches sur son procédé Regen, qu’elle développe depuis maintenant 10 ans.
Un artisanat unique
L’aventure Regen commence en 2014, lorsque, dans le cadre d’un projet d’école elle décide d'élaborer une collection textile d’accessoires de pluie - qui donnera le nom à son procédé qui n’est autre que la traduction littérale de pluie en néerlandais - et qui s’avère être un réel saut dans le vide pour la designeuse qui n’a aucune expérience dans le domaine. « J’avais une formation en métal suite à mon passage à l’école Boule, c'est le métier que j'ai appris et donc se lancer dans le textile en faisant des moules en métal n’a pas été le plus simple au départ. J’ai commencé alors que je ne savais pas faire, et pour contourner le problème j’ai dû trouver des solutions alternatives. » Sans formation pour manier les machines à tisser, elle décide de coller les matières, du latex et de la corde de coton à l’époque, pour parvenir au résultat estompé. Une technique réalisée comme un test au départ sur un simple échantillon expérimental qui lui permet finalement de développer tout un artisanat qui aujourd’hui lui est propre. « Il y a toujours une innovation qui s’ajoute au fur et à mesure des années et comme je n’ai aucune référence pour m’aider j’invente des choses, ce qui me permets d’acquérir de nouveaux savoir-faire au fil du temps. »
Des objets très techniques, qui nécessitent des heures de travail pour créer la « peau textile » parfaite, confectionnée à partir d’un moule en métal, pour ne pas oublier ses origines et sa formation initiale. Wendy Andreu confectionne tous ses moules et utilise toutes sortes d’outils, parfois inattendus, comme un couteau de jardinier ou encore un peigne pour chien, l’objectif étant de pouvoir arriver au résultat attendu. Des pièces toutes uniques, confectionnées à la main avec l’aide d’une tapissière pour toutes les finitions. Parmi ses réalisations, on peut citer l’imposante Dragon chair, l’assise Soft Stools ou plus récemment la Ghost Chair réalisée dans le cadre de l’exposition « Les Aliénés du Mobilier national. »
L’importance du process
Et si son procédé de départ se développe à partir de ficelle collée avec du silicone, elle aime continuer de jouer avec les matières et les contraintes pour étendre sa technique. « Je suis assez curieuse de tous les matériaux, mais particulièrement des techniques et des process, et la manière de les modifier pour arriver à de la nouveauté. » Avec la marque française Polène, elle a travaillé à partir de rébus de cuir pour une édition limitée de 200 miroirs. Pour MontBlanc, elle a travaillé sur un comptoir de 9 mètres de long avec la contrainte d’adapter sa technique aux normes coupe-feu, puisque le bâtiment est situé dans un espace public. Enfin, avec l’entreprise coréenne Hyosung, qui fabrique des fibres en lyocelle - matière notamment utilisée pour renforcer les pneus - elle a confectionné le fauteuil Tyre.
Des innovations techniques qui demandent des temps de recherche importants et surtout nécessaires pour continuer de faire évoluer la pratique, mais auxquelles la designeuse ne souhaite pas accorder 100 % de son temps. « J’aime me dire que j’ai une partie prospective dans mon travail avec ces temps de recherche pour développer ma technique et de l’autre côté l’aspect commission et commandes de pièces. Les deux vont ensemble, la prospective permet d’inspirer la commission et la commission permet de financer la recherche. » Une idée qui rejoint son envie de faire du design avant tout, sans avoir d’étiquette précise ou de chemin tout tracé. « Il n’y a pas d’esthétique particulière qui prédomine dans mon travail, je dirais plus que ce sont plutôt les process qui m’interpellent. Mon univers n’est pas formel mais très rationnel, je cherche surtout à comprendre comment les choses sont faites. »
Autres projets inspirés
En parallèle de sa pratique autour de Regen, Wendy Andreu travaille sur des projets qui allient différents matériaux, notamment le métal et plus récemment le verre, dans le cadre de sa résidence au CIRVA durant laquelle elle a élaboré la collection de vases Jardin Mécanique. Pour Théorème Éditions, elle collabore sur la seconde collection de l’éditeur avec le miroir Maze et pour Rimowa, elle imagine la table basse Aircraft.
Avec le designer Bram Vanderbeke, rencontré sur les bancs d’Eidhoven, elle collabore sur différents projets, notamment sur les pièces Triple Pyramid & Upside Down Pyramid, réalisées avec la galerie Nilufar dans le cadre de l'exposition FAR lors de la Design Week de Milan en 2019, ou encore sur l’aménagement intérieur de la boutique du musée du design de Gand, en Belgique. Un travail qu'elle réalise seule ou en collaboration, mais qui répond toujours à une commande spécifique, qu'elle aime voir aboutir. « Ça me rend heureuse de faire quelque chose pour quelqu’un, c’est d’ailleurs pour ça que je suis designer et pas artiste. J’aime l’aspect de commande pour faire plaisir aux autres.»
Pour les mois à venir, les projets devraient continuer d’osciller entre réponses aux commandes, temps de recherche et élaboration de nouvelles collaborations. En parallèle, la designeuse confie avoir un rêve, celui de créer un jour, un best-seller, une pièce anonymisée qui ferait partie du quotidien. Bien qu’elle conçoit que son design soit pour le moment plutôt Collectible, on sait bien qu’il ne faut jamais dire jamais…
La maison danoise Fritz Hansen élargit sa gamme de produits Poul Kjærholm en éditant désormais le PK23, l'une des premières créations du designer.
Connu pour ses assises et reconnu pour leurs piètements en acier devenu au fil du temps l'une de ses signatures, Poul Kjærholm est aujourd'hui mis à l'honneur pour une autre de ses créations : le fauteuil PK23. Imaginé en 1954 par le designer tout juste diplômé de l’École des arts et métiers de Copenhague et alors âgé de seulement 25 ans, cette assise méconnue renaît sous ses traits originaux. Édité par la maison Fritz Hansen, ce modèle est une nouvelle approche, du travail de son créateur. Un objet empreint de l'esprit scandinave, mais également ancré dans les époques ; celle moderne de sa création, et celle contemporaine de sa distribution.
Une naissance précoce et une reconnaissance tardive
Regarder l'étendue des produits de Poul Kjærholm édités par Fritz Hansen et y transposer le PK23, c'est, au-delà d'ouvrir un nouveau spectre design, admettre une brèche dans l'unité stylistique de l'artiste. Remplacer les sections rectangulaires des pieds par des cylindres et déconstruire l’orthogonalité des assises, au profit des courbes. Bref, se réinventer. Pourtant, il ne s'agit pas d'un revirement esthétique, mais plutôt d'une préface au succès du créateur. Et de fait, malgré une publication du PK23 - avec trois autres projets – dans la célèbre revue danoise Mobilia en 1955, son fauteuil ne rencontre pas le succès espéré. Une période difficile pour Poul Kjærholm dont très peu de projets sont alors réalisés. Ce n'est que dans la seconde moitié des années 50 et suite à sa collaboration avec le marchand de meubles Ejvind Kold Christensen, que le designer s'intéresse au mobilier fabriqué à partir d'acier calibré. Un nouveau départ grâce auquel il rencontre son public. Il faut alors attendre 2006 et la grande rétrospective dédiée au designer au Louisiana Museum of Modern Art au Danemark, pour voir réapparaître le PK23, entre temps oublié.
Un modèle de style et d'innovation
C'est une assise difficile à qualifier de simple tant sur le plan esthétique, que technique. Selon Christian Andresen directeur du design chez Fritz Hansen, « il s’agit d’un beau fauteuil lounge, élancé et contemporain, très en phase avec notre époque ». Difficile donc, de dater cet ovni scandinave aux courbes actuelles. Pourtant, cette souplesse visuelle tient de l'une des grandes révolutions design de l’époque moderne : la bois courbé. Un procédé nouveau à l'époque, qui inspira à n’en pas douter le créateur, jusqu’à devenir le principal parti-pris de son assise. En découle une pièce très sculpturale et légère dont l'impression renforcée par la finesse des pieds offre une structure presque flottante. « Une conception radicale, explique le fils de designer, Thomas Kjærholm, fait d'une coque coupée en deux puis courbée. Il s’agit également de tout montrer, de ne pas cacher la structure derrière un rembourrage, de faire voir la manière dont la coque est maintenue par le support métallique. »
Un produit qui ouvre le spectre créatif de Fritz Hansen
« Chez Fritz Hansen, nous avons été très protecteurs de l’héritage de Kjærholm, avec le désir de maintenir une certaine limite autour de la collection. Aujourd’hui, nous avons commencé à l’élargir et à mettre en lumière le fait qu’il était un designer aux multiples facettes » déclare Christian Andresen, dont la marque gère l'héritage du designer depuis 1982. « Poul Kjærholm a longtemps été reconnu pour ses meubles en acier immaculé, un ensemble d’œuvres qui étaient exclusives et presque raréfiées. Aujourd’hui, avec ses enfants, Thomas et Krestine, nous réalisons qu’il existe une partie de l’histoire de Kjærholm faite de produits plus faciles, qui auraient pu être tout aussi durables s’ils n’étaient pas tombés dans l’oubli. » Une époque sur le point de connaître elle aussi son heure de gloire grâce au PK23.
Pour cette quatorzième et dernière année de collaboration, Vitra a proposé de mettre la Prismatic table au cœur de la vente aux enchères caritative de ce lundi 9 décembre, organisée par l'association La Source Garouste à l'Hôtel de l’Industrie. Un objet au design familier réinterprété cette année par 52 créateurs.
Repenser des icônes du design au profit d'une association,voici l'idée qui aura guidé quatorze années durant le partenariat entre Vitra et l'association La Source Garouste. Une collaboration originale initiée en 2011, par laquelle la marque de design invitait chaque année nombre de créateurs reconnus pour réinterpréter un classique du design, de la Panton Chair de Verner Panton en 2011 au Nelson bench de George Nelson en 2019 en passant par la Wire Chair des frères Eames en 2015. Des pièces choisies pour « leurs histoires fortes et leurs allures intemporelles, mais également leurs matériaux permettant ensuite aux artistes de les retravailler pour en réinventer de nouvelles versions » explique Karin Gintz, directrice générale de la marque. Un enjeu au cœur de ce projet considéré « comme une source d'inspiration d'un point de vue artistique, mais également un biais par lequel le design devient un vecteur d'art et de solidarité tout en tissant de nouveaux liens avec des architectes, des artistes ou encore des industriels. »
Pour cette dernière année comme partenaires, Vitra et La Source Garouste ont décidé de célébrer la Prismatic table du designer americano-japonais Isamu Noguchi. « Nous avons choisi de clôturer cette belle collaboration avec cette création, car elle incarne parfaitement l’essence du design Vitra : l’équilibre entre fonctionnalité et sculpture, simplicité et sophistication » résume Karin Gintz. Une belle source d'inspiration pour les 54 créateurs de cette année, qui ont redessiné les perspectives de l'objet ou l'ont agrémenté de nouveaux éléments visuels comme structurels. Parmi les participants de cette 27e édition, nous avons demandé à Constance Guisset, Mathieu Delacroix, ainsi qu'aux studios BrichetZiegler et Passage, de nous parler de leur approche et de leurs liens avec l'objet. Explications.
Constance Guisset :
Noguchi est un designer essentiel pour moi et dans mon histoire avec le design. J'ai nombre de ses livres et je les regarde souvent. Il est toujours intéressant de travailler sur une pièce imaginée par un autre designer, mais travailler sur cette pièce en particulier a été une belle surprise. Cela nous confronte à d’autres façons de réfléchir, de dessiner, de conceptualiser et cela nous fait souvent explorer des directions nouvelles. Ici, je crois reconnaître des indices de mon univers : la propension à dessiner un objet qui a l’air en mouvement, comme prêt à s’envoler, la souplesse et la douceur des traits, l’aspect protecteur, organique, enveloppant d’un objet qui vient jusqu’à englober la Prismatic table. J’ai cherché à la prolonger, à la déployer, à la continuer, à adoucir ses lignes avec une forme douce comme un hommage au reste de son travail qui est très libre et très organique. Finalement, j'ai trouvé un certain plaisir aussi à la transformer pour qu'elle se rapproche d'une soucoupe volante ou d'un animal des abysses, loin des lignes géométriques de départ. Cependant, je n’ai pas nécessairement cherché à me démarquer de l’existant, ni à imaginer toutes les déclinaisons possibles. La Prismatic est simplement au cœur de l'objet, elle le structure.
Mathieu Delacroix :
Pour revisiter la Prismatic Table de Vitra, mon intention était de dialoguer avec l’héritage d’Isamu Noguchi, dont le travail est une exploration des tensions entre nature et artifice, organique et géométrie. Je souhaitais ne pas perdre l'essence même de la table, sa forme hexagonale et son élégance architecturale. En revanche, l'idée était d'y ajouter une technique de recouvrement et un motif particulier afin de générer un dialogue visuel entre forme et volume, surface et texture, familier et inattendu. Cette approche m’a inspiré à imaginer une histoire pour l’objet : celle d’un rocher aux facettes symétriques qui, au fil du temps, s’est paré d’une étrange mousse verte. J’ai travaillé à transposer cette narration en recouvrant les différentes surfaces de la table avec un flocage électrostatique vert afin de créer un nouveau motif aléatoire et irrégulier en opposition avec la géométrie et la symétrie originelle de la table. À travers ce procédé, j’ai cherché à conférer à cette table une dimension plus onirique, tout en m’assurant que son identité de Prismatic Table reste immédiatement reconnaissable. C'était aussi une approche entre la régularité et l'aléatoire qui reflète peut-être d'une certaine manière mon univers. Ma pratique oscille toujours entre une fascination pour les formes nettes, précises, minimales et la volonté d’y insuffler des aspérités, du contraste et du sens. Finalement, j'aime cette idée d’une nature qui s’impose sur une géométrie et vice-versa.
Caroline Ziegler et Pierre Brichet du Studio BrichetZiegler :
L’exercice du détournement sur une pièce iconique est un peu acrobatique, car nous ne voulons pas dénaturer ou trahir l’intention originale du designer. Nous prenons toujours le parti de retravailler l’objet en faisant le lien avec la pièce originale et l’esprit de son créateur. Pour la Prismatic table, nous avons eu envie de rendre hommage au travail de sculpture de Noguchi qui assouplit les matières les plus dures. Pour cela, nous avons cherché à casser l’aspect très géométrique de la table originale en lui apportant une touche plus organique, voire un peu désordonnée. Nous avons cherché à nous raconter une histoire : les 3 éléments en tôle pliée évoquent des blocs de glace à la dérive dont l’unité a été lentement rompue par l’érosion, semblant s’éloigner les uns des autres dans un certain chaos géologique. Nous avons mis en valeur ses composants en créant un contraste mat/brillant. Nous voulions la penser comme un nouvel objet en allant au-delà d’une réinterprétation de sa surface. Cette pièce nous ressemble car c’est un objet évocateur et poétique, qui fait référence à l’histoire (du design). Sa forme assez sculpturale et très travaillée offre différents points de vue lorsque l’on tourne autour.
Arthur Fosse et Samuel Perhirin du studio Passage :
Transformer cette table, c’était révéler ce qu’elle portait déjà en elle. Sa construction modulaire en trois parties et sa géométrie triangulaire ont naturellement inspiré le motif en losanges, comme une évidence graphique. Nous l’avons alors imaginée vêtue d’un costume d’Arlequin, un hommage à l’univers pictural de Gérard Garouste. Nous souhaitions donc réaffirmer notre vision : faire dialoguer la mode et le design. Le costume, ludique et chargé de symboles, devient le médium d’une narration où l’objet cesse d’être fonctionnel pour devenir porteur d’histoire. Pour cela, nous avons opté pour une intervention subtile et réversible, respectueuse de l’objet et de son créateur que nous admirons. Le costume d’Arlequin, rehaussé de trois sphères en laiton, agit comme une "seconde peau" soulignant la géométrie de la table. Les attaches textiles, discrètement placées derrière les pieds, laissent le système de fixation des 3 éléments et la signature Vitra pleinement visibles. Notre réinterprétation est donc une invitation poétique à renouer avec l’enfance, en écho aux initiatives de la fondation La Source Garouste.
La vente se tiendra ce lundi 9 décembre à l’Hôtel de l'Industrie, 4 place Saint-Germain-des-Près, 75006 Paris, et en ligne surPiasa Live etDrouot.com .
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