Germain Bourré, De la terre à l’assiette

Germain Bourré, De la terre à l’assiette

Germain Bourré nous accueille dans son atelier-maison à Montreuil, dans le Grand Paris. Sur une table en Formica jaune, avec derrière lui la Taccia de Castiglioni (Flos) et sous une Tolomeo Mega de Michele de Lucchi (Artémide), il nous explique les objectifs du bureau Germ-Studio : cultiver une expertise d’accompagnement par le design pour apporter une pluralité de réponses sur mesure au service de l’alimentation de demain.


Portrait Germain Bourré © Orian Tournafol

Formé à l’ESAD de Reims, de 1995 à 2000, Germain Bourré n’hésite pas à citer ses mentors : Marc Brétillot, Mathilde Brétillot, Stéphane Bureau, Matt Sindall, Vincent Beaurin… avec Gervais Jassaud aux commandes, tous présents à l’école dans un bouillonnement créatif sans limite. Créée trois ans en amont, la section design avait tout à prouver. Chacun arrivait avec son background. Marc Brétillot, « garçon boucher » formée à Boulle, Mathilde, « dame de porcelaine » enseignante à Camondo… avec des pratiques du design complémentaires et des croisements de fers où chaque élève pouvait trouver son territoire d’épanouissement.

La pêche à la mouche et le design

« Mon mémoire a porté sur « La pêche à la mouche et le design » et il est toujours valable. Tout était là dans le rapport au dessin, le rapport à l’outil et avec cette volonté d’être à l’écoute. Je pratique la pêche à la mouche depuis toujours. Ma famille habite Blois. J’y ai fait un bac S, avec option dessin pour pouvoir faire tous les concours d’écoles d’architecture. Quand j’ai eu le concours de l’École Supérieure d’Art et de Design de Reims et que j’ai réalisé tout ce que pouvait faire le designer, à toutes les échelles, de l’architecture à l’objet, j’ai tout de suite adhéré. »

Pendant ses années d’études, il se retrouve seul à Reims et se met à cuisiner. Il était pour lui hors de question de « mal manger ». Il se met à cuisiner avec sa mémoire, la mémoire de la cuisine de sa mère et de ses grand-mères et des plats traditionnels aux différentes étapes de leur cuisson.

« Je goûtais tout, tout le temps et je posais le même regard sur la cuisine que sur un bois ou un plastique.  Vous saisissez la viande, vous faites un roux… je demandais pourquoi et mes grands-mères me répondaient, c’est comme ça. Après, à la lecture d’Hervé This, le physico-chimiste, ça été le grand bouleversement. Avec Pierre Gagnaire, ils sont toujours fidèles au poste et n’en finissent pas d’expliquer l’alchimie de la cuisine dans des démonstrations sans faille comme L’œuf de 100 ans ».

Avec Marc Brétillot, il choisit de présenter son diplôme avec simplement des objets que l’on mange, présentés sur des plaques en verre pour s’abroger de la question du support et dire qu’on peut avoir une vraie démarche de plasticien et de designer, associée avec un chef. Il travaille avec Arnaud Lallemand, fils de chef pour ouvrir de nouveaux champs au design. Il présente donc cinq plats et obtient son diplôme avec Félicitations ce qui offre à Marc Brétillot, une porte ouverte pour créer cette formation design culinaire à Reims.

Kiosque mobile Giraudet, 2015 © GermStudio

Concept de bar à soupes et quenelles mobile, pouvant s’implanter de manière éphémère aussi bien en extérieur qu’en gare ou aéroport. Travail sur la transparence et l’évocation de l’ultra-fraîcheur et la saisonnalité des produits.

Le voyage à Tokyo

En 2000, il fait ses classes chez Jean-Marie Massaud. En 2005, il ouvre son studio et commence tout de suite à travailler à Tokyo sur des événements culinaires pendant la Tokyo Design Week. Quand il va à Tokyo, il reste une dizaine de jours pour mettre en place l’événement et travailler avec Mathieu Taussac, chef cuisinier, sur place.

« J’ai commencé à dessiner des objets naturellement en lien avec le culinaire, avec le végétal, avec le vivant jusqu’à développer une maison d’édition, Miloma, qui produit en 2007 des étagères potagères aujourd’hui très à la mode. Leurs copies récoltent des Design Awards partout. »

Entre 2008 et 2012, il travaille pour Veuve Clicquot et crée des menus dégustations pour éclairer les particularités des gammes millésimées de Champagne. C’est le projet qui lui permet de reprendre la parole sur le design culinaire. Il fait un peu d’événementiel pour les 90 ans de la Vache qui rit ou la BNP. Avec Giraudet, soupes et quenelles, il assure un accompagnement beaucoup plus long où il prend le rôle fondamental du designer dans l’entreprise : il reprend leur histoire, leur savoir-faire, contextualise leur zone géographique, remet à plat, et propose une image, des boutiques (trois à Paris) et une cuisine mobile et autonome pour leurs évènements intérieurs et extérieurs. À Chaumont-sur-Loire, il propose une vision pour l’avenir de la rue qui devient un jardin partagé où le vivant et la biodiversité deviennent les éléments structurels.

Terrasse, Les Comptoirs du Médoc, 2015 © GermStudio

Cocon végétal au cœur des rues de Paris qui accueillent 35 couverts le temps d’un service. Comme une place ou un deck à la pointe du Médoc, les tables d’hôtes accueillent des instants de partage et de convivialité comme des banquets ou marchés improvisés en découvertes de produits. Un mobilier conçu sur mesure pour répondre aux enjeux d’une implantation urbaine. Dotés de volumes de terre conséquents pour un développement végétal fructueux et naturel. Le temps d’un service, les plateaux de table viennent s’y greffer pour une dégustation en immersion.

Le design au service du vivant

Aujourd’hui il coordonne et enseigne au sein du Master Design & Culinaire de L’ESAD de Reims. Un espace supplémentaire de recherche où il s’assoit autour d’une table pour partager sa passion de la matière vivante et questionner avec ses étudiants l’avenir du métier de designer face aux enjeux culturels et économiques de l’alimentation de demain. Il a fondé Germ-Studio, pour se doter d’un outil de travail plus ouvert encore à toutes les compétences invitées dans des projets de plus en plus ambitieux. « Germ, parce qu’à l’image du microbe nécessaire à tout équilibre de vie, le design c’est aussi le grain de sable dans l’engrenage qui permet de prendre du recul et d’ajuster méthodes et visions. Un nom qui a trouvé une résonnance toute particulière en cette période de pandémie où le vivant s’est imposé en venant bouleverser nos mécaniques de croissances sans vergogne. »

Cloche Tempérée fromage
Cloches Tempérées, 2012 © GermStudio

Germain Bourré cultive un regard indiscret sur les matériaux et savoir-faire qu’il aborde jusqu’à constituer un bestiaire formel et coloriel lui qu’il partage avec les plus grands chefs.

Selon lui, « demain nous aurons accès à des produits, d’un côté plus techniques et sophistiqués, de l’autre d’une qualité brute inégalée, pour lesquels il convient de concevoir des postes d’observation et de contemplation. »

C’est ainsi qu’il a imaginé de rendre visible ce que l’on range habituellement dans un réfrigérateur. Par le truchement de cloches tempérées, conçues pour optimiser la conservation et pour offrir des points de vue particuliers sur les produits, il créé des compositions qui, telles des natures-mortes contemporaines, se renouvellent au gré des marchés. Le garde-manger, reprend une place de premier choix dans l’espace de la cuisine, magnifiant le produit brut et naturel, avant sa transformation.

À l’échelle de la ville

Les commandes d’installations végétales à l’échelle de la ville, à l’échelle des façades où les champignons poussent en se nourrissant de carton, bois, marc de café, sont l’allégorie d’un réseau de communication ultime pour les sols. Son installation (Surfaces Comestibles) en 2017 à la Cité de la Mode et du Design en témoigne : La ville redevient fertile pour les terres avoisinantes.

« Avec le projet de Laboratoire SOLS intégré au studio, nous sommes en quête d’une intelligence économique pour mener de la recherche, notre sujet et mettre en lumière les énergies tangibles et sensibles, de la terre à l’assiette, pour choisir notre alimentation de demain ».

Surfaces Comestibles, design prospectif 2017
Hauteur : 9 mètres // Matériaux : structure acier, peinture époxy

Avec « Surfaces Comestibles », les façades ombragées et intérieurs des bâtiments accueillent un vivant micellaire pour nos assiettes tout en transformant sans transport supplémentaire, nos rebuts de carton, papier, bois, café en un substrat ultra-fertile pour les terres avoisinantes.
La ville et sa densité participent à la dynamique des sols de demain.

Grand Prix de la création

« Être Lauréat du Grand Prix de la Création de la Ville de Paris 2018, m’a notamment conforté et encouragé à poursuivre la recherche en parallèle et avec mes clients. 95% de nos clients ont trait à l’alimentation. Je viens de développer une session sur l’identité culinaire à l’Institut Paul Bocuse de Lyon et j’accompagne les agriculteurs sur des questions nouvelles par rapport à l’agriculture, comment se diversifier et comment être acteur de l’alimentation de demain.
Le projet en décembre, c’est l’épanouissement des boutiques C’Juste, marque de fruits et légumes et que nous accompagnons à 360°, du positionnement aux boutiques en passant par l’identité visuelle et les prises de parole et l’écriture du positionnement culinaire du restaurant du MOBHOUSE dont l’ouverture est prévue en début d’année. »
Une belle collaboration avec Cyril Aouizerate, l’entrepreneur philosophe défenseur du bio et du local.

C’JUSTE, 2021 © GermStudio

L’expérience client

Au sein de La Réserve Paris, de Michel Reybier, il accompagne le chef deux étoiles Jérôme Banctel dans son positionnement, son identité culinaire et l’écriture de l’expérience client du restaurant Le Gabriel. En coordination avec l’équipe de salle et les équipes de cuisine, les réponses sont multiples : il a imaginé des « Voyages immobiles » pour un embarquement immédiat au gré des explorations culinaires du chef qui prennent racine en Bretagne.

La création d’un passeport, donné à l’entame du périple culinaire, permet de partager des anecdotes d’enfance, des histoires de plats et des découvertes de techniques de cuisson.

Les arts de la table sont dessinés ou sélectionnés avec précision pour évoquer, inviter, suggérer. La collaboration avec l’Atelier Lucile Viaud permet l’apparition d’alignements de pierres levées en verre marin Opale. Un chariot à mignardises vient clôturer l’expérience avec une apparition surprenante de « cartes postales » sucrées comme autant de souvenirs du voyage.

Chariot de Mignardises, Restaurant Le Gabriel, 2019
© GermStudio
Réalisation : Atelier Archétype

Rédigé par 
Bénédicte Duhalde

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L’exposition « Néophore » présente ainsi douze pièces, sur une base de trois dessins qui ont ensuite été déclinés en fonction du passage du néon dans le vase. « On a volontairement pensé à des formes simples et archétypales, car on savait que la complexité, on l’amènerait avec le tressage et le néon. » Une technique minutieuse, puisque chaque vase est entouré ou enroulé de 2 à 3 mètres de néon, tressés par le duo lui-même. Une exposition qui ne manquera pas de retenir l’attention, à l’heure où les journées se raccourcissent et la lumière naturelle se fait de plus en plus rare…

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Sur le stand D18 du salon, la marque française Meljac, spécialisée dans la conception d’interrupteurs haut de gamme présentera une large gamme d’interrupteurs, prises de courant, liseuses. En effet, les visiteurs pourront découvrir les diverses gammes standards mais également quelques exemples de réalisations sur-mesure, qui sont un des incontestables atout de la marque.

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Meljac c’est surtout des pièces qui mettent en avant la noblesse du laiton, proposé sous divers formats et combinaisons possibles de mécanismes. La marque présentera également à ses visiteurs tous les offres en termes d’habillages, qu’il s’agisse de thermostats, de systèmes domotiques, de commandes de climatisation, de stores, de son… Des pièces proposées avec 29 finitions, issues d’un traitement de surface effectué en interne, gage du savoir-faire minutieux de la marque, permettant de fait de pouvoir proposer des Nickels, des Chromes, des Canon de Fusil, des Bronzes ou encore de la dorure.

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Le designer Edgar Jayet propose Unheimlichkeit, une nouvelle collection plus complète que ses précédentes et pensée comme un hommage au siècle des Lumières.

Voici une collection aux origines aussi diverses qu'à l'inspiration hors du temps. Hommage aux métiers d'art du XVIIIe siècle ainsi qu'au tissage vénitien, Unheimlichkeit est une collection contemporaine construite sur l'héritage du passé. Une dualité porteuse d'un concept et « d'un supplément d'âme » évoqué dans le nom même de la collection : Unheimlichkeit. Un mot concept inventé par Freud et traduit il y a plus de trois siècles par la reine Marie Bonaparte comme une « inquiétante étrangeté ». Une évocation aussi floue que intrigante réhabilitée par le designer, Edgar Jayet, dans cet ensemble de sept modules.

©Stéphane Ruchaud

Une association de techniques et de connaissances

Derrière son nom allemand, Unheimlichkeit est le fruit d'une rencontre transalpine. Inspiré par l'Hôtel Nissim de Camondo et sa vaste collection de pièces du XVIIIe siècle, Edgar Jayet avait depuis quelque temps l'idée de conjuguer son goût pour le mobilier d'antan et la création contemporaine. Une envie « de prolonger l'histoire » concrétisée en 2022 lorsqu'il rencontre à Venise où il séjourne fréquemment, la designer textile Chiarastella Cattana. Débute alors une collaboration faite de savoir-faire croisés où le travail de l'ébénisterie historique rencontre celui du tissage. Un projet nouveau pour le designer qui mêle ainsi « la structure d'un meuble typiquement français du XVIIIe siècle réalisée avec des pièces en fuseau (modules de forme pyramidale) reliées entre elles par des dès d'assemblages (petits cubes situés aux intersections du meuble), et un travail de passementerie issu d'un tissage italien originellement utilisé pour les lits de camp et nommé branda. » Une association esthétique mais également technique. « Avec la réutilisation de cette structure constituée de modules développés au XVIIIe siècle, nous pouvons facilement ajuster nos pièces en fonction des besoins de nos clients. » Un atout renforcé par l'absence de contrainte structurelle de l'assise, uniquement maintenue par deux cordons de passementerie. Une finesse grâce à laquelle « la toile semble flotter sur le cadre comme par magie, dégageant ainsi cette notion d'inquiétante étrangeté » résume le créateur.

©Stéphane Ruchaud

Travailler le présent pour ne pas oublier le passé

« Concevoir des collections contemporaines en y incorporant les techniques du passé est presque un exercice de style auquel je m'astreins pour faire perdurer ces savoir-faire, explique Edgar Jayet. C'est la raison pour laquelle on retrouve la passementerie dans plusieurs de mes créations. » Convaincu par l'importance de rassembler les époques, le designer précise avant tout travailler l'épure de chaque projet. « Unheimlichkeit montre qu'il est possible de faire du contemporain avec les techniques anciennes. Mais cela passe par la nécessaire obligation de faire fit de l'ornementation car c'est elle qui vieillit dans un projet, pas la structure. Ce décor servait autrefois à transmettre des messages ou des idées. Au XIXe siècle son utilisation surabondante et en toute direction menant à l'éclectisme signe véritablement sa fin et conduit progressivement vers le XXe siècle et sa maxime : form follows function. » Une lignée dans laquelle le designer s'inscrit. « A l'agence, nous essayons de récupérer l'essence même du mobilier en le dégageant au maximum de l'ornementation contextuelle et souvent anachronique. De cette façon, nous pouvons restituer des pièces de notre temps, mais semblant malgré tout flotter entre les époques. » Une démarche engagée dans les dernières collections d'Edgar Jayet où se retrouvent des typologies de meubles aujourd'hui disparues. On note par exemple le paravent d'un mètre de haut présenté à la galerie Sofia Zevi à Milan en 2023, mais également le siège d'angle. « Finalement, je crois que la permanence du style passe par le travail de la main. C'est elle qui apporte le supplément d'âme, le Unheimlichkeit théorisé par Freud, mais c'est également par son biais que les techniques refont vivre les époques passées » conclut-il.

©Stéphane Ruchaud
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