Elise Fouin, la pensée en arborescence

Elise Fouin, la pensée en arborescence

Au cœur de la Bourse de Commerce-Pinault collection,  Michel et Sébastien Bras viennent d’inaugurer La Halle aux grains, leur premier restaurant parisien. Pour ce lieu extraordinaire, ils ont confié à Elise Fouin la signature des arts de la table. Dans une totale osmose avec la thématique de l’offre culinaire développée autour de la graine, la designeuse a développé la collection Sillon, des assiettes, bols, tasses qui relient la terre à la terre et font du moment du repas une expérience unique. Un projet qui voit son aboutissement au bout de trois ans, effets collatéraux de la crise sanitaire inclus.

Collection Sillon réalisée pour le restaurant la Halle aux Grains, design Elise Fouin.

Une question de curiosité

« Je dis souvent que je suis arrivée à ce métier par tâtonnements. Je n’ai pas tout de suite su que je deviendrai designeuse. C’est un cheminement progressif. J’avais des activités artistiques, je faisais du piano, de la peinture… C’est à mon arrivée à l’Ecole Boulle, après mon diplôme des métiers d’art, que je me suis intéressée à la création et au métier de designer. Je viens d’une famille paysanne puisque mon père est agriculteur, mes grands-parents paternels et maternels l’étaient aussi. Au moment de mon orientation, je savais que je voulais faire quelque chose dans le domaine des arts, au départ plus les Beaux-Arts que l’Ecole Boulle, mais lors des portes-ouvertes des écoles parisiennes, j’ai trouvé que cet aspect créatif était pour moi.

Ce qui m’a attiré dans le design, c’est son domaine pluridisciplinaire, qu’il puisse intervenir dans plein de champs. Je m’ennuie à faire toujours la même chose et le design, c’est ce qui m’a permis de satisfaire ma curiosité. »

Arbre à fables, réalisé par Elise Fouin et Sandra de Vivies, Fondation Jan Michalski, octobre 2019.

Il y a 20 ans…

« Il y a 20 ans quand j’étais à l’école, j’avais une démarche assez expérimentale, puisque je venais des métiers d’art. Je ne faisais pas que dessiner, je touchais beaucoup plus la matière et cette démarche était plus développée dans les pays nordiques et dans les écoles comme celle d’Eindhoven. Je suis d’une génération qui regardait Hella Jongerius, son rapport à la couleur, la façon dont elle gérait l’imperfection des objets qu’on essaie de gommer d’habitude. J’étais assez admirative de cette démarche très différente de celle de la France où on avait plus l’habitude d’un objet très lisse, très fini, très parfait. J’avais à cette époque, il y a 20 ans des références comme Droog design, des références scandinaves et Achille Castiglioni pour ce trait d’humour qu’il apportait toujours dans ses produits. »

Vases Bulles 7 couleurs, verre Borosilicate, 2013. © Elise Fouin Design

Un mentor ?

«J’ai fait mon stage de fin d’études chez Andrée Putman, et c’était une vraie rencontre. Quand on vient d’un village de 250 habitants, qu’on fait une école parisienne et son premier stage chez Andrée Putman, on se dit qu’on a fait un certain chemin. Je suis arrivée chez elle avec un regard assez naïf, c’est son directeur Elliott Barnes qui m’a recrutée. C’est un Américain et il est bien plus transversal que pourraient l’être les Français. Venant de l’Ecole Boulle et des métiers d’art, une école davantage perçue comme traditionnelle que dans l’innovation, j’avais devant moi quand je me confrontais aux agences de design, des gens qui voyaient en moi plutôt un artisan qu’un designer. La première fois qu’il m’a rencontrée, il a regardé mon book et il m’a dit : « ça va mettre du temps mais la démarche que tu as est hyper intéressante, on va revenir à tout ce qui est savoir-faire… ne perds pas de vue ce qui fait ta différence. » J’étais assez bluffée, c’était la première fois que quelqu’un me disait ça et c’est comme ça que ça a commencé, on ne s’est jamais perdu de vue et on se côtoie encore aujourd’hui. »

Edition Sericyne, Suspension Twill-Light.© Elise Fouin
Pour ce luminaire expérimental et poétique, Elise Fouin a confié aux chenilles du Bombyx Mori un cadre en métal sur lequel tisser directement la soie.

Femme designer

« Pour une femme, la problématique ce n’est pas d’exister, c’est d’avoir des projets qui ont du sens et qui ont le mérite d’exister ; après, la reconnaissance suit ou pas. Les contraintes sont sur des appels d’offres :  à capacité égale, un homme sera plus pris parce qu’il aura moins de contraintes d’enfants, comme dans beaucoup d’autres domaines. C’est une question de confiance en soi. Je suis plus dans le questionnement que dans la réponse. Est-ce que c’est lié au fait d’être une femme ou à des problématiques personnelles ? L’important, c’est l’équilibre d’un espace mental. Le design est quelque chose qui nous habite, et c’est difficile de dire “à 18 heures, j’arrête“. C’est cornélien. Pour débuter, il faut s’accrocher et avoir de l’endurance, être peut-être meilleure en endurance qu’en sprint. Et ne jamais travailler gratuitement. Faire respecter ses idées. »

Manufacture Jules Pansu, suspension Tumulys, design Elise Fouin
Meubles de cuisine Puissance 3, La Cornue. © Marina Chef

La Cornue a fait appel à Elise Fouin pour imaginer la collection Puissance 3 pour l’aménagement de la cuisine. La designeuse a travaillé les façades de telle façon que chaque trame capte la lumière et donne de la profondeur à l’ensemble des éléments.

Femme et entrepreneur

« Le design, c’est une combinaison entre l’esthétique, l’ergonomie et l’usage. Le design a une certaine économie de moyens, un équilibre entre l’esthétique de la matière et le sens qu’il véhicule. J’aime les objets qui nous font sourire, les objets clin d’œil. J’ai travaillé pour des entreprises qui font des arts de la table, du meuble, des luminaires, l’univers de la cuisine, la scénographie d’exposition… À chaque fois, ce sont des domaines différents, et c’est ce qui m’intéresse même si j’ai fait des luminaires et beaucoup travaillé la lumière. J’aime le travail de designers japonais comme Tokujin Yoshioka. Charlotte Perriand, avec toute sa démarche et son approche sociologique du design, avec la photographie des objets de paysans en Savoie… Cela résonne par rapport à mes origines. Parce que je suis dans cette recherche de moins de matière : comment ça peut être plus simple à fabriquer, puis expédier sans prendre trop d’espace… toute ces notions d’économie de moyen et de respect de l’environnement. »

Drugeot Manufacture, console murale Saturne.
Drugeot Manufacture, valet Satellite

Des projets dans le monde

« En ce moment, le monde est assez retourné, mais j’ai travaillé dernièrement pour un fabricant de couteau de cuisine japonais. Car si les Japonais mangent avec des baguettes, ils réservent le couteau à la cuisine et pour se développer sur le marché européen, ils avaient besoin d’un couteau de table. Donc j’ai travaillé pour un artisan qui est à Tokyo (Ubukeya). »

Ubukeya, set de couteaux, design Elise Fouin

Une designeuse lumineuse

« Pour mon diplôme, j’ai imaginé des bobines de papiers qui se déploient, et c’est grâce à ce travail que je me suis fait connaître auprès de Forestier, qui au moment de leur rachat et de leur relance dans le contemporain m’ont contacté avec une douzaine d’autres designers. J’ai eu la chance de créer un premier produit Circus qui a eu un succès d’estime plus que commercial. Mais ayant visité la fabrique d’abat-jour à côté de Bordeaux, j’ai fait la suspension Papillon qui a eu un succès d’estime et commercial. Cette dernière vient de rentrer dans les collections permanentes du musée des Arts Décoratifs, et ça fait le lien. C’est grâce à mon travail sur la lumière que j’ai pu partir au Japon travailler avec un maître de hyogu et travailler sur le papier washi contrecollé sur du tissu qui est une technique japonaise.»

Gengoro Kyoto, Suspension Saika : collaboration entre la designer Élise Fouin et Yoshishige Tanaka, maître artisan du hyogu
Forestier, suspension Papillons

Le projet, du début à la fin

« J’ai une pensée en arborescence, donc j’ai besoin de comprendre le projet du début à la fin, pour savoir où je vais me situer pour le faire aboutir. J’ai besoin de visiter l’entreprise pour voir quelle est la personne derrière telle machine, pour que les gens de l’entreprise soient capables de porter le projet. Pour la Halle aux grains, les assiettes de la série Sillon portent le souvenir de la roue crantée qui sert à fendre la terre avant que les graines y soient déposées. L’empreinte du travail de la main comme savent la faire les artisans de Jars Céramiste était essentielle. Et Michel et Sébastien Bras s’y sont retrouvés.»

Restaurant la Halle aux Grains, collection Sillon, design Elise Fouin.

Rédigé par 
Bénédicte Duhalde

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15/10/2024
Flos expose ses Icons

Plus de dix ans après sa dernière exposition, Flos dévoile Icons, un nouveau récit visuel balayant douze créations célèbres.

De Snoopy – nouvellement disponible en bleu - à la collection IC en passant par les modèles Parentesi et Taraxacum 88, tous constituent Icons. Les luminaires de la maison d'édition italienne Flos sont nombreux à avoir marqué visuellement l'histoire du design. C'est en guise d'hommage, mais également comme témoignage de la pérennité de leur design que la maison d'édition a décidé, plus de dix ans après sa dernière exposition, de consacrer un nouveau travail photographique à 12 de ces objets. Coordonné par Barbara Corti, la directrice de création, ce projet artistique décliné en formats digital, print et vidéo, est né dans l'esprit d'Omar Sosa, co-fondateur d'Apartamento Studios.

Snoopy ©Daniel Riera

L'objet architecturé

Plus d'un demi-siècle de création au sein d'un même projet. Pour cet ensemble, le directeur artistique a souhaité conjuguer les styles et les époques en associant ce qui traduit le mieux l'évolution du temps à travers l'art de la lumière : la couleur et le monochrome. Conçu comme un dialogue visuel, cette lecture parallèle propose d'aborder les luminaires par une dualité entre l'éclat du matériau et sa forme sculptée par des clichés en noir et blanc léchés. Capturés au sein d'architectures milanaises datant des années 30 à 60, chaque cliché est une ode à l’Italie. Les grands noms de l'architecture tels que Renato Ferrari, Gio Ponti, Alberto Rosselli et Vito côtoient leurs cousins du design parmi lesquels Gino Sarfatti, Pier Giacomo Castiglioni ou Michael Anastassiades. Autant de maîtres modernes dont les conceptions géométriques ont été figées par Daniel Riera.

2097 ©Daniel Riera



Valeurs d'images et valeurs de marque

Choisi pour sa résonance avec l'objet, le cadre de la prise de vue fait converger au-delà de l'architecture et du design, trois autres facteurs chers à Flos, et en premier lieu une esthétique contemporaine. Pour Matteo Luoni, Directeur général adjoint de Flos, « Il n’y a pas la moindre pointe de nostalgie dans ce récit. Bien au contraire, Icons incarne notre volonté de continuer à puiser notre inspiration dans notre identité historique pour regarder toujours vers l’avant et proposer un design qui place au centre de ses préoccupations l’humain, la planète et la culture. » Trois éléments dissimulés autant que révélés par l'utilisation de la photographie monochrome au sein de laquelle se greffe un second plan fait d'ombres et de silhouettes humaines aux styles contemporains. Une manière d'inscrire chaque image dans nos années 20, celles du XXIe siècle, et de prouver que « certes, le design ne se porte pas, mais il demeure un puissant intermédiaire entre nous et les endroits que nous habitons » précise Barbara Corti.

Taccia ©Daniel Riera
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16/10/2024
Exposition Richard Peduzzi : scénographier la diversité

La galerie des Gobelins accueille jusqu'au 31 décembre l'exposition « Perspective » dédiée à  Richard Peduzzi. Un événement qui rassemble une grande variété de créations ayant pour constante la théâtralité et le goût des lignes architecturales.

« Perspective ». Derrière le nom de cette exposition dédiée à Richard Peduzzi, une sorte d'évidence. Depuis plus d'un demi-siècle, le créateur pluridisciplinaire a touché à tout, de la scénographie théâtrale à la mise en scène muséale en passant par la conception design. Une diversité liée d'un fil rouge, ou devrait-on dire d'un trait rouge, par le dessin. Retracée par une multitude de projets et de médiums, la carrière du créateur s'étale sur les deux niveaux de la galerie des Gobelins. Jonglant entre onirisme et radicalité, l'exposition propose une approche plurielle et scénique du monde Peduzzi.

Mettre en scène une vie de scénographe

Scénographiée par Richard Peduzzi lui-même et sa fille Antonine - et mise en lumière par Simon Broggini -, l'exposition trouve certainement sa force et son caractère dans ce lien direct entre le sujet et les concepteurs. En résulte un ensemble qui, outre son contenu, permet de cerner un esprit pour mieux en comprendre l'univers. Car ce que propose « Perspective », ce n'est pas simplement exposer, mais établir un dialogue entre les projets d'hier et ceux d'aujourd'hui. Un défi rendu possible par la pluralité des éléments présentés dans une mise en scène délicate très chorégraphiée. Au rez-de-chaussée, sous les luminaires en laiton brossé d'inspiration religieuse, les chaises volent, les salons s'animent au rythme des praticables géométriques bleu nuit inclinés tandis que les cimaises disproportionnellement grandes tracent en reflets et en surface, les limites d'un monde onirique. « J'avais besoin que l'exposition soit en mouvement. Rien n'est jamais terminé. Il reste encore plein de choses à faire et à dire » explique Richard Peduzzi. Une volonté maintenue à l'étage dans un décor inspiré des couleurs douces de Giorgio Morandi et tapissé de photographies, de créations et de croquis furtivement accrochés sur le mur et les tables.

Au rez-de-chaussée, des pièces des années 80 côtoient celles plus contemporaines réalisées pour un projet d'appartement à Vienne ©Simon d'Exéa

Le dessin, porte d'entrée dans l'univers architectural de Peduzzi

Véritable ode à la pluridisciplinarité des Arts décoratifs - dont il fut directeur de l'école de 1990 à 2002 avant de prendre les rênes de la Villa Médicis pendant six ans -, le parcours laisse percevoir la sensibilité du créateur par le biais d'une centaine de dessins. Gouache, huile, aquarelle, mais également mine de plomb se succèdent tantôt avec une forme de naïveté formelle rappelant Matisse, tantôt avec la précision d'une gravure romantique. Une complémentarité stylistique qui fait du crayon, la colonne vertébrale de son œuvre. Mais si le papier a toujours été la préface de toute matérialisation design ou scénique, il n'a pour autant jamais été dénué d'une forme d'architecture. « Parfois, dans les lignes, dans les perspectives et les formes d’un meuble, apparaissent de nouvelles architectures. Inversement, dans certaines architectures, je trouve le dessin d’une table, d’un secrétaire ou d’une vitrine » décrit Richard Peduzzi qui parle alors de « construire sa peinture. » Une qualification, traductrice d'une certaine vision de la conception, et qui se concrétise en 1967 lors de sa rencontre avec le metteur en scène Patrice Chéreau. Une collaboration dont naîtront plusieurs décors souvent métaphoriques. Visibles dans une salle confidentielle de l'exposition, les maquettes évoquent dans l'intimité d'un abat-jour central, les inspirations urbaines relatives à l'enfermement ou l'industrie parfois construites sous les traits d'une cité perdue. Des thématiques issues de l'enfance du créateur passée loin de ses parents, au Havre, ville portuaire d'après-guerre, et misent en exergue dès 1972 dans Massacre à Paris.

Réunies dans un petit espace, les maquettes de scénographies théâtrales proposent un rapide aperçu de l'univers de Richard Peduzzi ©Simon d'Exéa



Le design au cœur

Reconnu très tôt pour son apport au théâtre, il faut attendre 1988 pour que Richard Peduzzi mette un premier pied dans le monde du design. Et c'est par les planches qu'il le fait en dessinant Chaise longue pour Le conte d'hiver de Shakespeare. Une relation transversale entre ces deux arts, éminemment présente dans l'exposition où se répondent esquisses scénographiques et éléments de mobilier. Parmi eux, le célèbre rocking-chair et la table Pyramide réalisés en 1992 par l'Atelier de Recherche et de la Création (ARC) du Mobilier national. Une institution pour laquelle le créateur réalise une trentaine d'œuvres entre 1989 et 2013. Une activité prolifique mais également diversifiée comme en témoignent les lampes en métal, les tapisseries ou encore les tableaux en marqueterie de paille présentés ici. Une richesse technique et esthétique où les lignes courbes esquivent astucieusement les lignes tendues de leurs voisines alors même que les pleins et les vides se confrontent. Sorte de conte moderne, cette exposition – et « ne parlez pas de rétrospective », car du haut de ses 81 ans, l'artiste « est encore trop jeune pour entendre ça ! » - propose une déambulation entre les variations créatives de celui qui considère le décor comme un acteur à part entière.

À l'étage, la conception donne à l'espace des airs d'atelier ©Simon d'Exéa
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22/10/2024
Axel Chay : « En design, tout n'a pas été beau, mais tout est inspirant. »

À l'occasion de sa nouvelle collection pour Monoprix en vente ce 23 octobre, Axel Chay nous parle de son lien au design par le prisme de sa collaboration.

Seconde collaboration avec Monoprix, cette collection dessinée par Axel Chay arrive chez le distributeur ce mardi 22 octobre. D'abord éditée dans une version colorée et pop en février, cette réédition automnale entièrement chromée livre un nouvel aperçu du designer marseillais. Rencontré en juillet dans son appartement atelier où se répondent prototypes en courbe et mobilier Memphis, il nous avait parlé de ses inspirations et de son rapport au « beau ». Entretien avec ce créateur jovial tombé dans le design, quand il n'était pas si jeune.

Les trois bougeoirs de la nouvelle collection ©Axel Chay & Monoprix

Après Folies, vous présentez une nouvelle collection qui est la deuxième réalisée avec l'enseigne Monoprix. Pourquoi avoir accepté de renouveler l'opération ?

La première fois, j'avais accepté car c'est Monoprix et donc il y a toute une histoire avec Prisunic et une légitimé à faire du meuble et de la décoration. Ce n'était pas n'importe quelle marque de grande distribution. Il se trouve que la collection avait très bien fonctionné et renouveler l'opération était donc une belle opportunité et un super défi. C'était l'occasion de pousser de nouvelles portes que ce soit avec de nouveaux matériaux ou de nouvelles formes que l'on ne travaille pas en temps normal, car le coût de développement est énorme pour nous.



Mais justement, comment conjugue-t-on son design personnel qui a un coût relativement élevé et une fabrication artisanale, avec l'esprit de Monoprix, c'est-à- dire l'idée du design pour tous ?

Pour Monoprix, il a fallu penser l'objet en contrainte de coût, c'est-à-dire faire une pièce qui ne coûte pas cher à produire. Il y a donc de nouveaux paramètres qui se sont imposés comme le pays de fabrication, le nombre de pièces, ou encore la complexité. Mais le design pour tous, ça se traduit aussi visuellement. Donc l'esprit Monoprix, qu'il soit financier ou esthétique, m'a amené vers quelque chose de simple et d'intemporel.

Le lampadaire ©Axel Chay & Monoprix

Cette collection conjugue des courbes très contemporaines à la mode et une allure rétro presque 60-70's. C'est ça l'intemporalité, la navigation entre les époques ?

La collection d'octobre n'est pas inspirée d'une époque particulière, mais elle provient de ma culture design assez tardive. Mes parents n'avaient que du contemporain en décoration et je n'ai pas fait d'école d'art mais une école de commerce. C'est en sortant de mon master que je me suis intéressé au design moderne grâce à ma femme Mélissa qui chinait et mon frère qui est un artiste touche-à-tout avec qui je travaille aujourd'hui. Et j'ai découvert des choses géniales dans chaque décennie. Que ce soient les années 60 avec le développement de la courbe dans le design, l'esthétique 70's avec ce côté vieux James Bond ou encore les années 80 pour les créations notamment vestimentaires très affirmées. Ajoutez à cela l'Art cinétique ou Tom Wesselmann que j'adore... Bref, tout n'a pas été beau, mais tout est inspirant ! Donc mes créations sont surtout une digestion de ce qui a été fait avant. J'aime bien qu'une collection n'ait pas une allure trop ancrée dans son temps, mais qu'il y ait de petites ambiguïtés.



Et quoi de mieux que de changer le revêtement pour changer d'époque et de style. C'est finalement ce qui a été fait entre la collection de février et celle d'octobre ?

Oui effectivement. La première collection était très colorée ce qui a permis d'attirer l'œil et de la populariser en mettant les formes en valeur. Mais pour pouvoir rééditer les pièces, il fallait trouver quelque chose de différent. On est donc parti sur le chrome, car c'est à mes yeux quelque chose de « sexy » et c'est une valeur sûre.

Le siège pour enfant ©Axel Chay & Monoprix

Travailler le chrome, c'était aussi changer d'ambiance, passer d'une collection estivale à un ensemble plus hivernal, non ?

Je n'ai pas du tout pensé cette modification en termes de saisonnalité. Je n'intellectualise pas du tout la couleur, car ce n'est pas mon métier. Que ce soit pour Folies ou pour les nouveaux modèles, il s'agit surtout d'une question de goût et d'émotion. Pour la couleur, les formes sont très primaires, car la forme l'est. Il y a quelque chose qui tient presque du Memphis. Pour le chromé, il y a une forme de facilité encore plus grande, car le rendu est tout de suite très visuel et ça fonctionne avec tout, quel que soit l'objet. Quand j'étais jeune et que je n'avais pas encore de passion réelle pour le design, j'allais chez Emmaüs et je récupérais un buste sans valeur ou un vase inesthétique et avec une bombe de couleur ou chromé, je lui redonnais vie. J'avais ce besoin d'avoir un intérieur beau et scénographié qui sortait du lot. Aujourd'hui, ce n'est plus pareil car l'époque et mon travail ont changé, mais j'ai toujours ces besoins dans un coin de la tête.



Vous parlez de scénographie. Dans le cadre de vos collaborations avec Monoprix, le but était donc de concevoir un objet utile dans une scénographie faite pour recevoir ou bien penser l'objet pour qu'il soit scénique ?

Les deux. C'était important que l'objet soit assez fort pour créer son petit univers, qu'il existe par lui-même, mais il devait aussi créer une ambiance. C'est ce qui me plaît. J'aime aller au-delà de l’aspect décoratif pour essayer de faire quelque chose de beau qui fait plaisir. C'est ça le but de mon design et de cette collection finalement : faire plaisir.

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7/10/2024
La Cité du design fait sa rentrée avec deux expositions

Depuis le 20 septembre, deux nouvelles expositions ont pris place au sein de la Cité du design. D’abord « simé grenn », troisième exposition du cycle Présent >< Futur consacrée cette fois au duo dach&zephir. La seconde, « LE DESIGN EN VOYAGE, Ceramic & Food Route » présente le fruit du travail du programme International Design Expeditions (IDE), sous le commissariat de Mathilde Bretillot, Pierangelo Caramia et Miska Miller-Lovegrove.

À quelques mois de l’inauguration de la Cité du design 2025, tous les regards sont tournés vers la cité stéphanoise qui pour sa rentrée 2024, présentait deux nouvelles expositions. « À travers ces manifestations, on veut retrouver une vision basique de ce qu’est le design. On parle beaucoup d’innovation, mais ce n’est pas uniquement par le biais de la technologique, c’est aussi par la recherche de formes et de matières » expliquait notamment le directeur de la cité du design, Eric Jourdan.

« simé grenn », une exposition sur le design créole

Après Laureline Galliot et Guillaume Bolet, le cycle Présent >< Futur lancé en septembre 2023 présente jusqu’au 5 janvier 2023 l’exposition « simé grenn » centrée sur le duo dach&zéphir composé de Florian Dach et Dimitri Zephir. Cette dernière donne à voir les réflexions et questionnements qui animent le duo depuis leur recherche Élòj kréyòl initiée en 2015 autour des histoires des Antilles. « Quand nous avons débuté nos recherches il y a bientôt 10 ans, le design créole n’était pas du tout évoqué. Nous avons donc voulu montrer ce qu’il était et prouver sa force, bien que situé à 8000 km de l’Hexagone » explique le duo. Au sein de leur processus de création, ils acceptent les idées de l’Autre, et les projets qu’ils mènent donnent forme aux paroles et histoires des communautés créoles. La scénographie de l’exposition reprend ainsi l’imaginaire d’une maison créole et alterne des points de vue intérieurs et extérieurs, où les différents objets, pièces de mobilier, textes, images-collages et vidéos exposées donnent à voir des manières d’être et de vivre inspirées des Antilles. « On avait envie de défendre le design, ses histoires et ses pratiques parfois oubliées » confient-ils.

Vue de l'exposition "simé grenn" de dach&zephir à la Cité du design © Pierre Grasset
Vue de l'exposition "simé grenn" de dach&zephir à la Cité du design © Pierre Grasset

Au sein de l’exposition, ils présentent 68 objets, dont 10 inédits. Parmi eux, le premier prototype des vases de la collection Péyi, produite dans le cadre de la commande publique du Centre national des arts plastiques (Cnap) intitulé « Créer un vase », sera  présenté en avant-première. dach&zéphir présente également un objet issu d’un partenariat créatif de trois à six mois invité avec une entreprise de la région. Pour « simé grenn », le duo s’est rapproché de l’entreprise stéphanoise Neyret, spécialisée dans la fabrication de rubans et d’accessoires textiles qui a été sélectionnée. Ensemble, ils ont mené un travail de recherche autour de tableaux tissés, textiles-images et objets-textiles qui conjuguent le savoir-faire de l’entreprise avec l’approche plastique et historique du duo.

Vue de l'exposition "simé grenn" de dach&zephir à la Cité du design © Pierre Grasset

« LE DESIGN EN VOYAGE, Ceramic & Food Route », l'exposition qui allie voyage et création

Jusqu’au 16 mars 2025, la plateforme « International Design Expeditions (IDE) » fait un arrêt de quelques mois à Saint-Etienne pour y présenter le fruit de ses recherches et expéditions menées aux quatre coins du monde depuis 2019. Une exposition rétrospective, qui présente l’histoire de différentes expéditions menées en Italie, en Pologne, au Cambodge, en Suède et en France. 150 objets en céramique nés de ces rencontres entre designers internationaux, cultures culinaires et artisanats locaux y sont présentés. « L’idée de ce programme, c’est de partir à la rencontre de lieux par le biais de la nourriture qui est un tremplin culturel qui permet de comprendre un territoire. On a parié sur la capacité des designers à être perméable à l’environnement autour d’eux pour laisser place à l’intuition » raconte Mathilde Bretillot. Un processus qui a donné naissance au terme de « Geo Design », défendu par Pierangelo Caramia. « L’idée est de représenter le monde dans lequel on vit et le territoire dans lequel on se trouve. Le design doit pouvoir devenir du Geo Design, en passant par l’écoute de l’autre, en détectant un lieu précis pour se rencontrer. »

Céramiques issues de collaborations entre designers internationaux, traditions culinaires et savoir-faire artisanaux locaux,présentées dans l'exposition "LE DESIGN EN VOYAGE : Ceramic & Food Route" © Pierre Grasset

Un programme de recherche et de création qui implique pour chaque voyage la participation de plusieurs artistes et designers, qui partent entre 3 et 6 semaines. On peut citer parmi eux Marta Bakowski, Goliath Dyevre ou encore Emmanuelle Roule. Pour chaque voyage, les designers invités sont accompagnés de Mathilde Bretillot, Pierangelo Caramia, mais également du designer culinaire Marc Bretillot. De ces voyages et rencontres sont nés des objets avec une symbolique et une histoire forte, dont certains sont ensuite édités et mis en vente à travers IDE Everyday d’une part, pour un développement à plus grande échelle et IDE Haute collaboration, destination à l’édition de pièces numérotées, en série limitée.

Céramiques issues de collaborations entre designers internationaux, traditions culinaires et savoir-faire artisanaux locaux,présentées dans l'exposition "LE DESIGN EN VOYAGE : Ceramic & Food Route" © Pierre Grasset

Une exposition riche de sens, étalée sur 600m2 et répartis en 5 pavillons - Italie, Cambodge, Pologne, France, Suède - présentés autour de la « Grande Table » qui expose les différents objets crées lors de ces expéditions. De quoi donner envie de passer à table, littéralement.

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