Découvrez les lauréats de la Design Parade 2023
Lou Cabanoun par Marisol Santana et Emily Chakhtakhtinsky, prix du Mobilier National / Chambre tapissée pour cigale en hiver, Clément Rosenberg, Grand Prix du jury Van Cleef & Arpels / Les heures chaudes, Théophile Chatelais et Hadrien Kriepalmarès, prix du public de la ville de Toulon

Découvrez les lauréats de la Design Parade 2023

La Design Parade vient de dévoiler son palmarès 2023 , en design à Hyères et en architecture d’intérieur à Toulon, pour sa 17e et 7e édition respectives. Un des concours les plus dotés du secteur, véritable promoteur de talents.

À Hyères, la Villa Noailles accueille la Design Parade depuis 2006. Fondé et dirigé par Jean-Pierre Blanc et présidé par Pascale Mussard, le festival est composé de deux parties depuis 2016, avec une partie design à Hyères et une partie architecture d’intérieur à Toulon. L’objectif reste le même depuis le début : offrir à 20 jeunes créateurs une vitrine et un accompagnement complet pour la réalisation de leur projet. Les lauréats sont annoncés dans les premiers jours de festival, mais les expositions sont ouvertes au public tout l’été jusqu’au 3 septembre pour celles de Hyères et jusqu’au 5 novembre pour celles organisées à Toulon.

Cette année, le jury  était présidé d’une part par Aline Asmar d’Amman pour les prix d’architecture d’intérieur à Toulon, accompagnée de Victoire de Taillac, Gay Gassmann, Pierre Hermé, Judith Housez Aubry, Oliver Jahn, Rabih Kayrouz, Agnès Liely, Harry Nuriev et Tyler Billinger, Lindsey Tramuta, Madeleine Oltra et Angelo de Taisne (cf Intramuros 214). Pour la section design à Hyères, c’est Noé Duchaufour-Lawrance qui a été choisi pour présider le jury composé de Guillaume Bardet, Clara Le Fort, Marion Mailaender, Jean-Marie Massaud, Luca Nichetto, Astrid Rovisco Suzano, Bas Smets et du duo Claire Pondard et Léa Pereyre. Chaque président a également sa propre exposition.

Lauréats en design

Le Grand Prix du jury et du public à Hyères décernés à Yassine Ben Abdallah

Le parcours de Yassine Ben Abdallah n’est pas des plus communs, et c’est ce qui forme la richesse de son approche du design. Formé à Science-Po puis à l’Académie d’Eindhoven, le designer est aujourd’hui basé entre la Réunion et les Pays-Bas. Pour la Design Parade, le designer présentait le projet « Mémoires de plantation », qui se penche sur la disparition des objets appartenant aux esclaves et aux engagés des plantations sucrières de La Réunion. En effet, l’identité culturelle de l’ancienne colonie française a été façonnée par la monoculture de la canne à sucre, mais peu d’objets subsistent à cette histoire, si ce n’est ceux des maîtres. De fait, le sucre, matière première de la plantation, devient ici narrateur de cette absence : Yassine Ben Abdallah subvertit la scénographie habituelle de la muséographie en installant des machettes éphémères en sucre, artefacts disparus des esclaves, face aux objets permanents du maître. Un projet qui touche aux frontières du design et de l’art contemporain, d’une justesse sensible dans la transcription du propos  : un dialogue qui convoque en silence le passé, pour mieux évoquer les interrogations du présent.

Projet Mémoires de plantation, Yassine Ben Abdallah, Grand Prix du jury et du public

Projet Mémoires de plantation, Yassine Ben Abdallah, Grand Prix du jury et du public © Luc Bertrand

En tant que lauréat du Prix du Jury, Yassine Ben Abdallah se voit récompenser d’une résidence de recherche d’un an à Sèvres – Manufacture et Musée nationaux ainsi que d’une résidence de recherche d’un an au Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques de Marseille (Cirva) pour la réalisation d’un vase en trois exemplaires. Il est également invité à participer concours en tant que membre du jury et bénéficiera d’une exposition personnelle à Hyères lors de la prochaine édition de la Design Parade, en 2024.

Lucien Dumas & Lou-Poko Savadogo, lauréats du prix Tectona et de la Dotation de la Fondation Carmignac

Le duo composé de Lucien Dumas & Lou-Poko Savadogo présentait la collection Au dixième. « En tant qu’architectes et artisans, nous considérons qu’il n’y a pas de frontière d’échelle, d’usage ou de forme entre un bâtiment et un mobilier. » Dans leur pratique, la fabrication n’est plus séparée de la conception et un détail constructif peut devenir le point de départ d’un projet plus global. Ils envisagent ainsi les pièces de mobilier comme des éléments d’architecture. La collection est le résultat d’une recherche sur l’assemblage du bois par le tissage : les meubles sont composés de petites pièces de bois maintenues entre elles grâce à une corde en papier, qui met en avant la jonction, pour souligner les fondamentaux d’une structure. Une écriture très personnelle, autour d’un « entre-deux » entre architecture et design, très prometteuse pour des résidences annoncées.

Fauteuil Materra-Mantang par Lucien Dumas & Lou-Poko Savadogo, prix Tectona © ArthurCrestani
Collection Au dixième, Lucien Dumas & Lou-Poko Savadogo, prix Dotation de la Fondation Carmignac

Respectivement lauréats de deux prix, Lucien Dumas & Lou-Poko Savadogo se voient donc doublement récompensés. Lauréats du prix Tectona, mis en place pour la première fois cette année, les dix finalistes devaient imaginer un fauteuil de repas empilable sur le thème « Une pause sous le soleil », avec une seule contrainte technique : utiliser le métal ou un matériau naturel imputrescible. Pour ce prix, le duo lauréat avec leur fauteuil Materra-Mantang recevra un prix de 5.000 euros. En parallèle, le prix de la dotation Carmignac leur permet d’être invités lors d’une résidence à créer un objet en lien avec la philosophie du lieu.

Lauréats en architecture d’intérieur

Le Grand Prix du jury Van Cleef & Arpels décerné à Clément Rosenberg

Designer textile, Clément Rosenberg s’est inspiré de la tradition médiévale de l’art héraldique pour son projet Chambre tapissée pour cigale en hiver, en créant des blasons pour signifier la Méditerranée, qui n’existaient pas jusqu’ici. Il propose ainsi différentes versions afin de rassembler sous un même emblème le littoral hétérogène qui s’étend de Nice à Perpignan. Influencé d’une part par les ressources du territoire, il y ajoute une figure majeure : la cigale qui unit par son chant la Provence à l’Occitanie. Clément Rosenberg choisit de lui rendre hommage en déployant les formes et les couleurs de son blason à l’échelle architecturale grâce à l’emploi de matériaux locaux et de matières nobles. À l’image du cocon sous la terre et des chambres médiévales remplies de tapisseries, il conçoit une pièce entièrement souple, faite de drapés et de tentures.

Chambre tapissée pour cigale en hiver, Clément Rosenberg, Grand Prix du jury Van Cleef & Arpels © Luc Bertrand
Chambre tapissée pour cigale en hiver, Clément Rosenberg, Grand Prix du jury Van Cleef & Arpels

La dotation Van Cleef & Arpels comprend une bourse de 5 000 euros, un projet de collaboration avec Delisle pour la création d’une pièce d’exception d’une valeur de 10.000 euros, le développement d’un projet créatif avec Codimat, d’un accompagnement en conseil en image et relations presse d’une durée d’un an de la part de l’agence Perrier / Giroire Communication, une résidence de deux semaines dans l’atelier parisien de L’Atelier Mériguet, la création d’une pièce d’une valeur de 10.000 euros avec l’Atelier François Pouenat, d’une résidence de recherche, développement et création d’un prototype au sein de l’atelier Relax Factory ainsi que la participation au concours en tant que membre du jury et d’une exposition personnelle à Toulon en 2024, dans le cadre du festival.

Mention spéciale du Jury de Toulon : Mathieu Tran Nguyen

Le projet l’Oseraie de Mathieu Tran Nguyen met en avant une tradition immémoriale qu’est la vannerie, l’art de tresser les fibres végétales. Rencontre entre esprit méditerranéen et esprit japonais, L’Oseraie rend hommage à ces innombrables objets, utilisés par une large population paysanne, pour ranger, transporter, nettoyer, cuisiner, s’asseoir et dormir. Un art de l’ordinaire, typique d’une Provence rêvée. Cette collection se compose des assises d’osier taillé Botte, d’une marqueterie murale d’osier Écailles, du tapis Canisse, ou encore des luminaires Barigoule en osier tressé. Une mise en espace extrêmement originale, qui par une composition extrêmement structurée, propose un discours très contemporain, évitant habilement les écueils des clichés « d’authenticité » trop souvent liés à la notion de « tradition ».

L'Oseraie, Mathieu Tran Nguyen, Mention spéciale du Jury de Toulon

Prix Visual Merchandinsing décerné par Chanel pour Arthur Ristor et Anaïs Hervé

Le projet Le palais de Sable d’Arthur Ristor et Anaïs Hervé est un paysage, une carte postale d’un bord de mer, où les souvenirs d’un après-midi à la plage se fondent dans l’architecture fragile d’un décor fantasmé. Des coussins en forme de coquillages viennent se loger dans des architectures rocheuses incrustées d’éclats de mosaïque. Sur de petits guéridons de verre, des perles s’amassent en tas comme des algues rescapées de la marée. Un petit salon en vitrail illumine la pièce de mille couleurs. Les deux univers de la plage et du château ne font qu’un, comme un palais imaginaire sculpté dans le sable.

Le palais de Sable, Arthur Ristor et Anaïs Hervé, Prix Visual Merchandinsing décerné par Chanel © Luc Bertrand
Le palais de Sable, Arthur Ristor et Anaïs Hervé, Prix Visual Merchandinsing décerné par Chanel

Pour ce prix, Chanel offre la possibilité de réaliser un projet de création à hauteur de 20 000 euros, en collaboration avec une ou plusieurs Maisons d’art, qui sera exposé lors de l’édition 2024.

Marisol Santana et Emily Chakhtakhtinsky récompensées par le prix du Mobilier National

Le projet Lou Cabanoun de Marisol Santana et Emily Chakhtakhtinsky réunit abeilles et humains dans un espace refuge. Le duo a dessiné une pièce éco-système qui questionne la façon dont le territoire méditerranéen est vivable en étant confronté à l’épreuve climatique actuelle. Lou Cabanoun est inspirée formellement des apiés provençaux et rend hommage à l’abeille noire provençale en empruntant des éléments au monde apicole. Un sanctuaire qui, par sa matérialité, est une interprétation des cabanes de pierres sèches, constructions vernaculaires provençales. Au sein de Lou Cabanoun, les éléments de l’écosystème méditerranéen sont sublimés et sacralisés.

Lou Cabanoun, Marisol Santana et Emily Chakhtakhtinsky, prix du Mobilier National
Lou Cabanoun, Marisol Santana et Emily Chakhtakhtinsky, prix du Mobilier National

La récompense offre au duo l’occasionde développer un projet créatif avec l’ARC (Atelier de Recherche et de Création) de l’institution. Le prototype sera présenté l’année suivante au sein d’une exposition scénographiée par les lauréats avec l’aide et le soutien du Mobilier national.

Le prix du public de la ville de Toulon décerné à Théophile Chatelais et Hadrien Kriepalmarès

Le projet de Théophile Chatelais et Hadrien Kriepalmarès est une réflexion sur la chaleur et sa gestion par les humains. De fait, pendant les heures chaudes, le soleil est haut dans le ciel et la mer silencieuse. L’air paraît plus épais, les ombres plus courtes et le temps plus long, ce qui impose de rentrer se protéger à l’intérieur de la maison. Le duo a ainsi créer une salle rectangulaire, accolée à la cour, où coule une fontaine intérieure qui permet de rafraîchir l’espace. Le temps d’un été, celle-ci devient le théâtre de nouveaux désirs, de nouvelles manières d’habiter et d’être ensemble. Une question se pose : Comment vivrons-nous lorsque les températures seront trop élevées ? Peut-être faudra-t-il renouer avec d’anciens rituels, en inventer de nouveaux ?

Les heures chaudes, Théophile Chatelais et Hadrien Kriepalmarès, Prix du public de la ville de Toulon
Les heures chaudes, Théophile Chatelais et Hadrien Kriepalmarès, Prix du public de la ville de Toulon

Rédigé par 
Nathalie Degardin

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20/12/2024
Olga de Amaral : renouer avec la spiritualité

La fondation Cartier propose jusqu'au 16 mars 2025 une large rétrospective du travail d'Olga de Amaral, ambassadrice du Fiber art. Une mise en lumière sensible et particulièrement réussie où s’entremêlent les techniques et les inspirations, avec, au bout du fil, de véritables architectures.

Pour la première fois en Europe, une exposition d'ampleur propose de plonger dans l'univers de l'une des figures les plus emblématiques du Fiber Art : Olga de Amaral. À travers près de 80 ouvrages réunis aux quatre coins du monde, la Fondation Cartier rassemble six décennies de création. Véritable rétrospective du travail de l'artiste, l'exposition offre une déambulation libre et onirique dans son univers coloré et rigoureusement sensible. Servi par une conception spatiale subtile, aussi immersive que discrète signée par l'architecte Lina Ghotmeh, le parcours questionne l'évolution formelle et colorimétrique des réalisations aux inspirations géographiques et architecturales diverses. Autant d'horizons convoqués dans ces œuvres vibrantes aux émanations spirituelles.

La série des « Muros » joue subtilement sur les camaïeux rappelant des paysages d'automne ©Marc Domage



Une vision architecturale

Nouées, tressées, tissées, cousues, entremêlées... De la diversité des œuvres d'Olga de Amaral, se dégage une certitude. Le fil n'est pas l'aboutissement d'une technique mais le médium au cœur d'une démarche prospective. De ses premières créations dans les années 60 aux « Brumas » réalisées il y a une petite dizaine d'années en passant par les productions monumentales réalisées 30 ans plus tôt, l'artiste a construit son travail en résonance avec son parcours d'abord dans le dessin d'architecture à l'université de Bogota, puis plus artistique à l'université américaine de Cranbrook – l'équivalent américain du Bauhaus allemand – où elle découvre le tissage aux côtés de la designer textile finlandaise Marianne Strengell. Un parcours tourné vers la construction, dont elle gardera tout au long de ses 60 années d'activité, une vision très spatiale : ne pas concevoir comme des tableaux, mais comme de véritables architectures, vivantes sur leurs deux faces. Un parti-pris respecté sur l'ensemble de sa carrière à de rares exceptions près parmi lesquelles les créations monumentales de la série Muros réalisées entre la fin des années 70 et le milieu des années 90. Une période de création faste au cours de laquelle les œuvres témoignent également d'une évolution formelle. D'abord construites selon des jeux de trames très rectilignes avec par exemple « Elementos rojo en fuego », les créations se sont progressivement assouplies par la déformation des lignes jusqu'à devenir un nouveau langage stylistique à l'image de « Strata XV » en 2009. Une diversification visuelle menée parallèlement à un grand nombre d'expérimentation sur les volumes dans les années 70 et 80 - « Naturaleza Mora » - puis sur les jeux de lumières à la fin des années 80 et courant 90 - « Entorno quieto 2 » -. Un moment de transition progressif entre la fin du siècle et le début du suivant où seront créées « Las Brumas » (les brumes) en 2013 et 2020. Une ultime série en rupture absolue avec ses créations précédentes. Interrogeant le médium sous un angle nouveau, Olga de Amaral propose une collection emplie de légèreté où les fils ne sont plus entremêlés mais indépendants. Simplement enduits de gesso - sorte de plâtre – peint astucieusement de manière à dessiner, à la manière d'anamorphoses, des formes géométriques. Une approche innovante dont le nom et la conception sont d’évidents clins d’œil aux brumes omniprésentes de la cordillère des Andes natale de l'artiste.

Reflétées dans les vitres du bâtiment, les œuvres de la série « Brumas » semblent flotter dans la végétation extérieure ©Marc Domage



La couleur, une matière au cœur de l'œuvre

« Je vis de la couleur. Je sais que c'est un langage inconscient et je le comprends. La couleur est comme une amie, elle m'accompagne » raconte Olga de Amaral. En effet, si la technique confère indéniablement aux œuvres, leur essence, leurs couleurs, elles, en dégagent souvent le sens. Tantôt automnales, tantôt prégnantes, elles habillent les créations de l'artiste et les animent. Témoignant d'une inspiration tout autant culturelle que symbolique, elles fragmentent sa production dans le temps. Très inspirée par l'histoire précolombienne, Olga de Amaral offre par le prisme de la couleur un regard à la fois historique et spirituel. Ainsi, comment ne pas voir dans les couleurs organiques des fibres, autant de portraits de sa région, rehaussés çà et là de bleu et de rouge rappelant la faune sauvage à l'image de « Naturaleza mora ». Une approche très personnelle dans l’œuvre de l'artiste, mais progressivement éclipsée à la fin dans les années 70 par l'arrivée de l'or dans son travail. Un matériau introduit dans sa démarche par la rencontre de Lucie Rie qui lui enseigne la technique du kintsugi – art japonais de la réparation des pots cassés avec de la poudre d'or -. Dès lors, l'activité d'Olga de Amaral entame une métamorphose technique, passant d'une matière principalement tissée brute, à des assemblages cousus de petits morceaux de coton rigidifiés par du gesso et recouverts d'acrylique et de feuilles d'or. Une évolution qui ouvre les portes d'un nouvel univers très visuel, évoquant des écailles colorées aux reflets dorés multiples. Se dégage alors de cette approche un nouveau monde, plus spirituel, plus précieux, aux intonations liturgiques en écho aux églises colombiennes fréquentées par Olga de Amaral dans sa jeunesse. De ces cartographies mémorielles et oniriques se dégagent également de nouveaux horizons. L'eau bien sûr avec « Umbra verde », mais également la terre ou encore le ciel avec « Estelas » - qui signifie les stèles, mais que l'on pourrait traduire par les étoiles -. Une double lecture qui conjugue le symbolique à l'artistique.

Des dessins abstraits sur les « Estrelas » rappellent les inspirations précolombiennes de l'artiste ©Marc Domage



Un lieu repensé pour l'occasion

Architectures en elles-mêmes, les créations d'Olga de Amaral trouvent à la Fondation Cartier un écrin taillé sur mesure. Ces tapisseries modernes et suspensions contemporaines par définition statiques auraient pu figer l'exposition dans une atmosphère répétitive, or, il n'en est rien. Construit par l'architecte Lina Ghotmeh, le parcours propose une approche vivante des créations où la monumentalité de certaines n'écrase pas la finesse des autres, mais participe à la construction d'un univers. Par le biais d'apports comme des pierres rappelant celles sur lesquelles Olga de Amaral photographiait son travail en Colombie, ou la mise en place d'un film sur les vitres du bâtiment afin de refléter « Las brumas » dans le jardin de la Fondation, l'architecte convoque une dimension poétique à la rétrospective. Également à l'origine d'une restructuration complète du niveau inférieur, Lina Ghotmeh invite le visiteur à une découverte intimiste des œuvres. Mise en scène de manière simple mais très habile, chacune renvoie la lumière et évoque au gré d'un parcours en spirale, un voyage entre inspirations précolombiennes et japonisantes, marines et cosmiques.

Une exposition très réussie qui, après 40 ans passées au 261 boulevard Raspail, sera la dernière de la Fondation Cartier avant son déménagement Place du Palais-Royal prévu pour octobre 2025.

Au niveau inférieur, la déambulation guidée par la lumière invite le spectateur à une découverte onirique et chronologique ©Marc Domage
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20/12/2024
Prix Amour Vivant : 4 lauréats pour la 1ere édition

Soutenu par l’Association Un Design Soutenable, le prix Amour Vivant célébrait sa première édition, dont les quatre lauréats ont été annoncés le 10 décembre à la Fondation Akuo.

Portée par Hélène Aguilar, Marie-Cassandre Bultheel et Armelle Lalo, l’Association Un Design Soutenable est la première association d’intérêt général à mettre en lumière une problématique majeure en écologie : le plastique invisible. En effet, nous qui passons une grande partie de notre temps à l’extérieur, nous respirons cependant un air pollué par des particules invisibles de plastiques, ajoutées à celles respirées dans nos intérieurs contenues dans les peintures, meubles, tapis et colles... Pour offrir une nouvelle alternative à ces problématiques, l’association a lancé le prix Amour Vivant, dont l’objectif est d’accélérer la transition vers des intérieurs libérés de cette empreinte toxique, soucieux de l’impact hydrique et ancrée dans les cycles naturels. Un prix qui a récompensé deux lauréats et deux coups de cœur, destiné à célébrer des créations dépourvues de plastique aux pratiques vertueuses. Une première édition, dont le jury était composé de Philippe Brocart, Matali Crasset, Laurent Denize d'Estrées, Nathalie Gontard et Godefroy de Virieu qui a sélectionné fin novembre 6 finalistes : Alea, Thomas Guillard, Hors Studio, Sacha Parent, Aurore Piette et Lucie Ponard. Le 10 décembre, ils ont été 4 à être récompensés.

Deux lauréates ex-æquo : Sacha Parent et Aurore Piette

Pour ce premier prix Amour Vivant, le jury a distingué deux lauréates dont les projets étaient en adéquation avec une démarche respectueuse et ancrée dans les territoires qu’elles côtoient. D’abord Sacha Parent, récompensée pour son projet Paille de Seigle +++, dans lequel la designeuse réinvente le mobilier paillé avec des matériaux bruts ou peu transformés, tels que la paille de seigle et le frêne teint par des réactions tanniques naturelles. Des créations assemblées par auto-blocage, qui mettent en avant les propriétés intrinsèques des matériaux, tout en facilitant leur entretien. Pour toutes ses pièces, la colle utilisée est faite à base de farine végétale, renforçant ainsi son approche écologique. Dans ses futurs projets, elle envisage le développement de panneaux alvéolaires en paille de seigle.

Paille de Seigle +++ © Sacha Parent

Aurore Piette quant à elle, a été remarquée pour son projet Desserte Rocaille, un mobilier conçu à partir de matériaux locaux comme le bois flotté, les fibres de cultures locales et les sédiments argileux d’un estuaire. Les sédiments d’argile sont ici la clé de voûte du projet puisque que chaque année, près de 5 millions de tonnes de sédiments d’argile issus de la précipitation chimique sont collectés et relâchés au large, avant de revenir dans les marais côtiers, inutilisés. Avec ce projet, Aurore Piette leur trouve un usage et pose ainsi un regard neuf sur une ressource abondante mais négligée. Une démarche qui invite à repenser des matières perçues comme des « déchets », mais qui méritent d’être considérées comme une richesse à exploiter.

Desserte Rocaille-BoisFlotté & Torchis © Aurore Piette Studio

Deux prix coup de cœur : Thomas Guillard et Lucie Ponard

Bien que le prix ne devait récompenser qu’un seul lauréat, face à la richesse et à la qualité des projets proposés, le jury a spontanément créé une nouvelle catégorie « coups de cœur » pour célébrer deux projets dont la force d’innovation et la portée écologique méritaient d’être reconnues. Parmi eux, Thomas Guillard, qui, avec Fournitures agricoles végétales, réinvente les outils agricoles dans un univers dominé par le plastique. N’utilisant que des ressources végétales locales, il développe ainsi des gaines de protection en noisetier tressé pour les jeunes arbres, des goupilles en bambou fumé, des attaches rapides en papier de chanvre entièrement biodégradables, et des textiles de paillage en paille de seigle.

Lin, noisetier, seigle, bambou et chanvre © Thomas Guillard

Lucie Ponard s’est de son côté distinguée pour son projet de Terres émaillées, qui valorisent les terres de chantier et les déchets de démolition pour créer des céramiques uniques. Elle exploite les textures et couleurs spécifiques des sites d’origine pour ses créations et réduit donc l’empreinte écologique des matières premières tout en ouvrant de nouvelles perspectives pour le mobilier, les crédences ou les revêtements. Une initiation de projet rendue possible par Faire Paris (Pavillon de l’Arsenal) et le Fonds de production Enowe-Artagon.

Terre brune © Lucie Ponard

Des projets ambitieux et engagés, qui incarnent à eux quatre l’ambition forte du prix Amour Vivant qui est de contribuer au développement de nouvelles techniques et manières de penser le designer soutenable et respectueux de l’environnement.

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18/12/2024
À Nice, Daniel Libeskin et la Compagnie de Phalsbourg signent ICONIC

Implanté dans le quartier de la gare de Nice, le centre ICONIC réalisé par l'architecte allemand Daniel Libeskin incarne la vision portée par la Compagnie de Phalsbourg. Une réalisation architecturale au parti-pris très fort mais correctement inscrite dans son environnement grâce aux questionnements esthétiques et à la philosophie sociologique.

S'il est une architecture impossible à louper à Nice, c'est désormais celle du centre ICONIC. Surnommé « le diamant » par les Niçois en raison de son architecture en verre toute en angles et tension, bâtiment de 20 000m² tient autant du manifeste architectural que de l’œuvre in-situ. Coincé entre la voie rapide et les voies de chemin de fer d'un côté, et les vieux édifices du quartier de Thiers de l’autre, la construction est un véritable espace de vie multidisciplinaire. Abritant une dizaine de magasins, un hôtel Hilton quatre étoiles de 105 chambres, des restaurants, la plus grande salle de sport du centre-ville de Nice, une salle de concert ou encore deux écoles, ICONIC insuffle une nouvelle dynamique servicielle, culturelle et commerciale à un quartier en retrait du centre-ville. Imaginé comme un trait d'union entre deux univers, la création à 120 millions d'euros de Daniel Libeskin – sa première réalisée en France – incarne la vision de la Compagnie de Phalsbourg, une foncière spécialisée dans l'immobilier commercial. Une architecture en lien avec son environnement, et fruit d'une stratégie de réhabilitation des centres périurbains passant par une approche design de la construction.

Avec ses façades en dévers, le bâtiment est également une prouesse structurelle ©Hilton / Compagnie de Phalsbourg

Une architecture en lien avec les éléments

« C'était un projet très contesté lors de son lancement en 2016. C'est aujourd'hui une architecture source de changement au sein du quartier, et vectrice d'une nouvelle qualité de vie selon les habitants » relate Karine Journo, directrice du studio créatif de la Compagnie de Phalsbourg. Il faut admettre qu'avec ses 35 mètres de hauteur, l'édifice tout en verre dénote quelque peu de l'architecture environnante. Situé en plein cœur d'un quartier délaissé, le bâtiment prend place dans un écosystème architectural et social diversifié. Accolé à la gare de style Louis XIII, construction emblématique de ce quartier plutôt populaire, le lieu a été dessiné pour « s'intégrer harmonieusement dans son environnement tout en y ajoutant une touche de modernité » selon Daniel Libeskin. Car ICONIC est surtout porteur, au-delà de sa forme, « des codes de la ville » analyse Karine Journo, arrivée sur le projet il y a deux ans pour prendre en charge les aménagements intérieurs. « Nous ne voulions pas être complètement déconnectés de l'univers dans lequel le bâtiment s'implante. Pour cette raison, l'ensemble de la construction s'inspire de la ville et de son atmosphère, mais de manière différente entre l'intérieur et l'extérieur. » Ainsi, les parois aux reflets bleutés, visibles de l'extérieur, ont été mises au point selon les teintes des fonds marins de la ville, cartographiés pour l'occasion. Légèrement irisés en journée, ces grands murs vitrés évoluent quotidiennement au gré de l'ensoleillement de sorte à animer le bâtiment dans lequel se reflète le ciel et la mer. Une conception très visuelle au rendu quasi-futuriste.

Sur le toit, la terrasse du Hilton permet d'observer Nice à 360° ©Hilton / Compagnie de Phalsbourg

À l'inverse, « l'intérieur a été traité avec beaucoup de rondeur et des couleurs douces et claires dans les espaces communs ». Conjugués aux nombreuses essences méditerranéennes choisies par le fondateur de la Compagnie de Phalsbourg, Philippe Journo, les espaces de déambulation « proposent une approche différente de la ville, portée sur la douceur de vivre ». Une atmosphère que l'on retrouve également au sein du Hilton DoubleTree – une nouvelle gamme - dont les chambres ont été conçues avec Cécile Bleux, directrice de projet au sein du studio créatif de la Compagnie de Phalsbourg. « Nous avons souhaité penser cet hôtel non pas comme un hôtel de gare, mais sous forme d'un boutique-hôtel. Nous voulions créer un sentiment de confort de sorte à ce qu'ICONIC ne soit pas un simple lieu de passage, mais une vraie destination. Et c'est réussi puisque les touristes réservent cet hôtel pour plusieurs nuits » assure Karine Journo.

Un projet illustrateur d'une stratégie globale

Pensé par Daniel Libeskin comme un espace ayant pour vocation de devenir « naturellement un pôle d'attraction vibrant et dynamique » répondant « aux besoins des résidents, des travailleurs et des visiteurs », ICONIC est intrinsèquement lié à l'approche de la compagnie. « Lorsqu'elle a été créée en 1989, c'était avec une vision nouvelle : réinstaurer du beau dans les zones périurbaines. Comme de nombreuses banlieues notamment industrielles, souvent maltraitées avec des constructions semblables à des boîtes à chaussures, des quartiers ferroviaires comme celui de Nice, ont parfois été oubliés. Or, il s'agit du premier visage de la ville aux yeux des visiteurs. Nous avions donc besoin de rapporter de l'esthétisme et une forme de beauté au quartier. » Une mantra pour la compagnie, mais également une réponse architecturale à un besoin éminemment sociologique de la Cité des anges azuréenne. En témoigne la création d'une promenade privée reliant le centre ICONIC à la gare et permettant à la compagnie comme à la ville de dessiner par le biais de cet espace sécurisé et très arboré, les contours d'un nouveau visage pour le quartier. Une démarche appliquée par le prisme d'une architecture ultra-contemporaine « à vocation indirectement sociale » grâce au brassage de population nouvellement généré par la multitude de services regroupés. « Nous pensons que la beauté doit être accessible à tout le monde et en ce sens, l'architecture doit en être un vecteur notamment dans les zones périurbaines en réduisant les fractures comme ici à Nice, entre le nord et le sud » conclut Karine Journo.

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20/12/2024
Intramuros #222 : Celebrate

Soyons libres, célébrons !

Normes indigestes, restrictions à venir, frustrations éternelles, les sociétés constipées ne font pas la trêve des confiseurs.

Alors, comme contre-pied à une génération faisant de nouveau du plaisir une source de remords, célébrons ! Célébrons le goût, le beau, la fête, le liquide comme le solide, le spirituel comme le matériel, érigeons en totem de joie les plaisirs simples d’un quotidien ne pouvant être celui nous promettant de devenir centenaire.

Et si « Carpe diem » est devenu un mauvais tatouage, inventons ensemble un adage qui nous permettra de nous envoler loin des préoccupations terrestres et des ennuis mortels. Célébrons !

Sommaire

Design 360

Design Story

Simon Geringer, échafaudeur de projets

Victoria Wilmotte, en abscisse et en ordonnée

Patrick de Glo de Besses, formats libres

Marianna Ladreyt, Waterproof

Astronauts, Ovnis contemporains

Julie Richoz, Design tangible

Perriand et Barsac, retour vers le futur


Ponti Design Studio, le design urbain en douceur

Junya Watanabe, du labo au podium

BMW Neue Klasse, reset all

Celebrate

Studio Drift, la célébration festive par nature

Nightlife, Design et creative


Kevin Germanier, Surcyclage flamboyant

Mixologist in the Soul, esthétique du liquide

Frédéric Anton, précis et audacieux

In-situ

Patrick Roger, Histoire de boîtes

Not A Hotel, Élégantes fusions

L’univers immersif de Thom Browne


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