Dans les petits papiers de Lucie Touré
Designer papier et textile, Lucie Touré travaille le premier avec les techniques du second, dans une démarche artisanale qui a su séduire le secteur du luxe par sa singularité esthétique, et par la préciosité et la délicatesse qu’elle confère à ses matières, propice à la réalisation de présentoirs, éléments d’ornementation et autres panneaux décoratifs raffinés.
C’est en plaçant le travail artisanal au cœur de sa pratique artistique que la designer Lucie Touré a eu l’idée de travailler le papier en le rapprochant en tant que matière des techniques du textile, mais aussi de la bijouterie. En le sublimant par la découpe, le tissage ou la broderie, elle le transporte dans un univers inédit qu’elle destine en priorité au secteur du luxe. « J’ai découvert la technique de l’origami lorsque j’étais enfant et, par la suite, le papier est un médium qui est très souvent revenu dans mes travaux d’écoles, puis dans ma pratique personnelle », explique-t-elle. « J’ai fait des études de broderie à l’école Duperré et de Design textile aux Arts décoratifs de Paris. Et quand j’ai créé mon atelier en 2018 à la suite de mes premières expériences professionnelles, j’ai eu à cœur de conserver une pratique artisanale textile tout en essayant de proposer une offre nouvelle au secteur du luxe. L’idée d’associer travail du papier et savoir-faire textile a alors germé dans mon esprit et les premières pièces ont vu le jour. »
Parmi celles-ci, on trouve de nombreux set design, présentoirs et autres éléments d’ornementation pour flacons de parfums, bouteilles de champagne et autres bijoux. Les parures florales d’une grande délicatesse qu’elle a conçu pour les millésimes Cherry Blossom et Muguet 2021 de Guerlain s’avèrent particulièrement remarquables. Elles traduisent la constante forte des fleurs dans son esthétique, mais aussi certaines sensibilités comme cette attirance pour le Japon et la culture du « hanami » (qui se réfère au spectacle visuel très prisé au Japon de l’éclosion des cerisiers en fleurs). « La Maison Guerlain est la première à m’avoir fait confiance sur un projet d’une telle envergure », poursuit-elle. « J’ai eu carte blanche sur la réalisation de deux parures qui ornent Muguet et Cherry Blossom, deux parfums millésimes qui sont produits chaque année en édition limitée. Ces deux fragrances célèbrent le printemps et dans les deux cas je voulais créer une parure légère et fraîche en utilisant des savoir-faire différents. Cherry Blossom a été imaginée comme un bijou, alors que Muguet est réalisée à l’aide de techniques de broderie à l’aiguille. »
L’ensemble du secteur du luxe dans le viseur
Au sein de son atelier parisien, Lucie Touré travaille avec son équipe à la réalisation de ses projets, entièrement fait main. Et si elle est particulièrement fière de la prouesse technique qui a permis d’y créer les 4 500 parures produites pour Muguet et les 2 500 pour Cherry Blossom, elle y dévoile aussi d’autres supports de son expression créative, avec notamment ses panneaux décoratifs pour l’architecture d’intérieur, comme les modèles Triptyque et Odyssée. « En créant mon atelier, j’avais envie de collaborer avec l’ensemble des acteurs du secteur du Luxe : architecture d’intérieur, décor de vitrine, packaging, mode, en proposant une offre entièrement sur-mesure, qui réponde aux besoins spécifiques de chacun », se félicite-t-elle. « C’est très enrichissant. Chaque projet par sa singularité vient nourrir ma pratique personnelle et me permet d’explorer de nouveaux champs d’application. »
La singularité de son travail a permis à Lucie Touré de recevoir plusieurs récompenses comme le prix de « Talent émergent », qui lui a été récemment décerné par les Grands Prix de la Création de la ville de Paris. Une grande satisfaction pour une créatrice qui a été associée aux Ateliers de Paris dès la naissance de son atelier. « Ma résidence aux Ateliers de Paris de 2018 à 2020 a été un formidable tremplin dans le développement de mon entreprise », reconnaît-elle. « Je suis très heureuse et honorée d’avoir reçu ce prix de la part d’un jury si prestigieux, avec à sa tête Laura Gonzalez dont j’admire énormément le travail et le parcours. C’est un vrai encouragement, tant sur le plan financier que par la visibilité ».
En 2019, elle avait d’ailleurs remporté le prix design Tour Eiffel, avec son projet Fragments : la création d’un motif pour application sur objets (carnets, pochettes, sacs) à l’occasion des 130 ans du monument qui démontre que son savoir-faire laisse ouvert bien d’autres perspectives. « Ce projet n’était pas si éloigné de ma pratique puisque j’ai appris durant mes études à concevoir des motifs textiles », tempère-t-elle. « Bien que la dimension artisanale n’était pas présente, j’ai suivi les mêmes étapes de création et de conception qu’habituellement. Tous mes projets commencent par un travail de composition, d’association de couleurs et de matières. »