Boconcept : 70 ans de savoir-faire danois
Bureau Asti, collection Live Ekstraordinær, design Morten Georgsen © Boconcept

Boconcept : 70 ans de savoir-faire danois

Claus Ditlev est directeur de collections chez Boconcept depuis 2000. Des collections aux inspirations scandinaves, imaginées dans la tradition danoise, où la fonctionnalité prime. À l’occasion des 70 ans de la marque, il décrypte la collection anniversaire.


Dans le secteur du mobilier, Boconcept fait aujourd’hui partie des marques les plus populaires et les plus répandues au niveau international. En effet, présente dans 66 pays, elle traduit avec justesse l’excellence du savoir-faire danois et plus largement scandinave, avec un fort accent apporté à la fonctionnalité de chacun de leurs produits. En septembre dernier, Boconcept fêtait ses 70 ans et présentait une nouvelle collection, inspirée des nouveaux modes de vie post crise sanitaire, tel qu’a pu en témoigner Claus Ditlev.

Qu’est-ce qui fait la particularité du design danois et particulièrement chez Boconcept ?

Pour répondre à cette question, je pense qu’il faut retourner 70 ans en arrière et reprendre l’histoire de la marque. Boconcept, c’est l’histoire de deux amis ébénistes qui voulaient faire du mobilier, mais qui ont eu quelques difficultés au départ, car malgré toute leur bonne volonté, il était très difficile de s’aligner aux concurrents de l’époque. Pour se démarquer et attirer les clients, ils se sont donc décidés à lancer une gamme de mobilier fabriqué dans la tradition danoise avec une dominante minimaliste, scandinave et centrée sur le savoir-faire artisanal. Ils se sont focalisés sur ce que l’on voit et sur la fonctionnalité propre du mobilier et moins sur ce qu’on ne voit pas et qui n’est donc pas pertinent. Aujourd’hui, les collections Boconcept s’inspirent à la fois du design scandinave lié à un bagage et à une culture, mais cela ne nous empêche pas de regarder ce que font les autres et de nous en inspirer d’une certaine manière.

Claus Ditlev, directeur des collections chez Boconcept depuis 2000
Chaise Princeton et table Madrid, collection Live Ekstraordinær, design Morten Georgsen © Boconcept

Justement, du fait de cette implantation mondiale, quelles sont les difficultés qui peuvent être rencontrées ? Quelles pourraient être par exemple les spécificités du marché français ?

Les Français sont une population très particulière. Il faut en effet prendre en considération l’aspect métropole, puisqu’il faut s’adapter à des intérieurs qui se trouvent en plein cœur de Paris, et dans d’autres grandes villes d’ailleurs. Chacun n’a pas le même espace, il faut donc répondre à une problématique qui est celle de réussir à adapter le mobilier à tous ces espaces sans qu’ils ne perdent leurs fonctionnalités. Se posent alors plusieurs questionnements tels comme celui de faire en sorte qu’une famille puisse co-habiter dans un même espace, même petit, tout en gardant son intimité. La France a été notre plus gros marché pendant des années, et les capacités que nous avons en termes de design d’intérieur est très apprécié par les clients français. Pour l’anecdote, c’est à Paris que nous avons ouvert le premier magasin Boconcept en 1993, ce qui n’est pas rien !

Table et chaise de repas Hauge, collection Live Ekstraordinær, design Henrik Petersen © Boconcept

Et finalement, de manière plus globale, le retour que l’on a de nos clients et partenaires est qu’ils apprécient que nos produits fonctionnent dans leurs intérieurs. Beaucoup prennent le temps de nous faire des retours, ce qui nous permet de construire une relation de confiance avec nos clients, qui reviennent dès qu’ils ont besoin de quelque chose de nouveau.

Comment fonctionne l’élaboration des collections ?

Nous avons un groupe de designers industriels qui travaillent à la fois pour nous et pour d’autres marques et dans différents domaines comme la cuisine, l’architecture, les accessoires, les luminaires… Les choisir est assez difficile, car je trouve qu’il est compliqué pour un designer d’assimiler toutes les choses que l’on veut qu’il comprenne pour qu’il les reproduise ensuite dans ses créations. Pour ce qui est de la création pure, nous partons toujours du consommateur pour savoir quelles sont les tendances, ses besoins, les nouvelles fonctionnalités recherchées pour créer nos nouveaux designs et nouveaux mobiliers. À partir de là, on établit un brief que l’on transmet aux designers et qui contient toutes les données que l’on juge nécessaires : les cibles, les prix, les matériaux, les photos d’inspirations, où l’on veut qu’ils soient conçus, quels styles on veut adopter. De là, on choisit ceux qui peuvent répondre à ces demandes spécifiquement.

Cette collection anniversaire s’est inspirée des nouveaux modes de vie depuis la crise sanitaire, pouvez-vous en dire quelque mots ?

Nous nous focalisons sur la création de pièces de mobiliers qui permettent de créer des intérieurs dans lesquels les gens se sentent bien. Avec la crise sanitaire, on peut tous tomber d’accord sur le fait que les modes de vie ont changé, avec notamment le développement du télétravail, il a donc fallut réadapter les espaces de travail. Pour cette collection notamment, en plus des fauteuils, canapés, tables basses et autres pièces que nous avons proposées, nous avons imaginé Asti, un bureau de travail disponible en deux versions et deux couleurs. Un modèle qui se veut pratique et dont le design a été pensé de manière à ce qu’il puisse s’adapter à toutes les pièces (chambre, pièce de bureau, salon…).

Aussi, pour cette collection, et pour toutes les précédentes, nous tâchons de penser le mobilier afin qu’il puisse matcher et s’adapter à tous les autres modèles des collections sorties précédemment. Un moyen de faire durer le mobilier et de créer une cohérence et un rendu toujours plus qualitatif.

Bureau Kingdom, collection Live Ekstraordinær, design Morten Georgsen © Boconcept
Bureau Asti, collection Live Ekstraordinær, design Morten Georgsen © Boconcept

Rédigé par 
Maïa Pois

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24/12/2024
Alki : l’atelier du renouveau

Quatre ans après le lancement du projet, la nouvelle manufacture Alki située à Larressore au pays basque, a été inauguré à la fin de l’été 2024. L’occasion pour la marque de repenser son modèle de production et de confirmer son virage contemporain entreprit il y a maintenant 20 ans.

Nouvel atelier pour une nouvelle manière de produire ? C’était en quelque sorte le pari fait par les équipes d’Alki au moment du lancement du concours pour imaginer ses nouveaux espaces de production. Après avoir passé plus de 40 ans dans les mêmes ateliers, ces derniers commençaient à devenir un peu étroits pour les 47 employés. Porté par Eñaut Jolimon de Haranede, nouveau PDG arrivé en 2020 pour succéder à Peio Uhalde, ces nouveaux ateliers ont été pensés en collaboration avec l’agence Leibar & Seigneurin. Un projet d’envergure de 8 260 m2 dont la principale caractéristique est qu’il ambitionne d’être zéro énergie.

© Alki

Nouvelle organisation de production

Si l’espace offert est beaucoup plus important que la manufacture précédente, ce n’est pas la seule nouveauté de ces nouveaux espaces. En effet, en plus d’offrir plus de place et donc une meilleure qualité de travail, l’ambition de ce nouveau lieu de production est multiple. D’abord, la création de nouveaux emplois dans les années à venir, pour passer de 47 employés actuels à 80. Un projet d’architecture complexe, qui a demandé à l’agence de travailler sur plusieurs niveaux, en prenant notamment en compte le terrain en pente, allant jusqu’à 9m de dénivelé.

A l'entrée, un espace d'accueil aide à guider les visiteurs extérieurs. La marque mets également en place un espace seconde main et mets en avant des artisans locaux avec lesquels la marque a initié un partenariat pour faire valoir le savoir-faire basque © Alki

Finalement, le bâtiment se développe sur 3 niveaux : le parking et l’espace showroom dans la partie la plus en pente, l’espace bureau au rez-de-chaussée et l’espace atelier au premier. Une configuration pour le moins particulière, mais qui permets une meilleure fluidité, notamment dans l’organisation de l’atelier, mais également dans la prise en charge des livraisons. Contrairement à une manufacture « classique », l’atelier n’est pas organisé de manière circulaire, mais « en étoile », permettant à chaque espace d’être directement relié à l’endroit des livraisons et de réception des commandes. Une manière d’organiser plus efficace et plus logique, selon les architectes. Avec ses 4 700 m2 d’ateliers et 3 000 m2 de stock, les équipes d’Alki espèrent augmenter leur rendement, qui atteint d’ores et déjà 10 000 assises et 3 000 tables produites par an.

Près de 10 000 assises sont produites par an par les ateliers © Alki

Un atelier ouvert à tous

Cette nouvelle manufacture n’est pas seulement le moyen de produire différemment, c’est aussi l’occasion pour Alki de proposer une nouvelle manière de montrer ses produits. En effet, un espace showroom a été aménagé afin de présenter les collections et les nouveautés et ainsi de permettre aux professionnels - architectes d’intérieur et designers - mais également aux particuliers de découvrir les produits. Le showroom est de ce fait ouvert du mardi au samedi, et des visites d’atelier seront également possibles pour découvrir les savoir-faire d'Alki, particulièrement sur le bois qui est le fer de lance de la marque, et lui permet de pouvoir compter plus de 300 produits répartis sur 20 collections. Des produits pensés en collaboration avec des designers de renom, à l’instar de Julie Richoz, Samuel Accocebery, Form Us With Love ou encore Patrick Jouin, pour la chaise Orria qui a meublé la salle ovale de la BNF.

L'espace Showroom qui présente les dernières collections et dispose égalemrnt d'une matériauthèque © Alki

Mais c’est en particulier à Jean-Louis Iratzoki qu’Alki doit son virage contemporain. En effet, en 2004, le PDG de l’époque, Peio Uhalde souhaite repenser l’image de la marque en imaginant des collections plus contemporaines. Il fait appel au studio de Jean-Louis Iratzoki pour imaginer la collection Emea, qui est aujourd'hui un best-seller. Depuis maintenant 20 ans, Alki et le studio du designer continuent de collaborer sur diverses collections, mais pas seulement, puisque le studio du designer a également participé à l'aménagement intérieur des nouveaux ateliers, et particulièrement l'espace bureaux et showroom. « On a voulu proposer un intérieur qui soit représentatif de la transversalité d'offres proposées par Alki qui s’adapte à la maison, mais également aux espaces de bureaux » racontait notamment le designer. Une nouvelle manière de produire qui devrait continuer d’aller dans le sens du changement de façon positive !

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23/12/2024
4 RUE DES CRAYÈRES, la nouvelle bulle japonisante de Ruinart

La maison Ruinart dévoile le 4 RUE DES CRAYÈRES, à Reims. Un lieu historique que la marque a réinvesti en faisant appel à l'architecte Sou Fujimoto pour la réalisation d'un nouveau pavillon. Un vaste projet auquel le paysagiste Christophe Gautrand et l'architecte d'intérieur Gwenaël Nicolas ont participé.

C'est un projet architectural imaginé comme une liaison entre l'histoire ancienne et le présent. Inscrit dans le paysage viticole de Reims, ce site historique de la maison Ruinart fondée il y a 300 ans a été entièrement repensé pour accueillir les visiteurs. Un projet d'ampleur mené par l'architecte Sou Fujimoto, le paysagiste Christophe Gautrand et l'architecte d'intérieur Gwenaël Nicolas. Fruit d'une réflexion sur l'image de la marque et l'évocation du champagne, la construction s'ancre dans un jardin très scénographié, entièrement repensé pour l'occasion. Un site « empreint d’histoire et métamorphosé dans lequel savoir-faire et innovation s’expriment harmonieusement; où la nature coexiste avec la culture et le patrimoine » relate Frédéric Dufour, président de la Maison Ruinart.

Le pavillon de Sou Fujimoto s'intègre dans un espace historique ©Raul Cabrera



Une architecture japonaise inspirée du lieu

C'est un édifice dont la forme très épurée et contemporaine pourrait surprendre au sein d'un site historique tel que celui-ci. Pourtant, « notre projet n'est pas en rupture avec le lieu, au contraire » affirme Marie de France, architecte en charge de l'agence française de Sou Fujimoto. En effet, outre l'inspiration formelle de la construction issue de l'évanescence des bulles de champagne, la construction rappelle par l'utilisation de la pierre de Soissons et sa charpente en bois, les constructions environnantes avec lesquelles « la hauteur du pavillon vient flirter de sorte s'inscrire en harmonie » avec les façades 19e. Néanmoins, et dans une optique de renouvellement du domaine, l'édifice s'ouvre sur la cour d'honneur par une façade entièrement vitrée. Un apport visuel renforcé par le traitement apporté au verre. « Également inspiré de bulles de champagne remontant à la surface du verre, le dégradé créé sur la façade protège l'intérieur du soleil de l'ouest, mais permet avant tout de cadrer la vue. Le regard des visiteurs se trouvant à l'intérieur se porte ainsi sur la maison historique du domaine plutôt que le ciel. Pour autant, l'effacement du traitement en dessous de deux mètres permet de conserver une dimension humaine malgré la hauteur sous plafond haute de 10 mètres à certains endroits. »

Imaginé pour accueillir, des œuvres d'art, le jardin a également pour but d'abriter une biodiversité ©Ruinart

Premier projet de Sou Fujimoto à s'inscrire dans un vignoble, le 4 RUE DES CRAYÈRES est également représentatif du travail de l'agence, souligne Marie de France. « Nous n'avons pas souhaité entrer en concurrence avec l'existant, mais trouver une manière de le sublimer tout en proposant quelque chose de très nouveau. Le bâtiment s'inscrit ainsi dans l'axe du jardin avec légère asymétrie typique de l'architecture japonaise. Par ailleurs, nous retrouvons dans ce projet les principes récurrents de notre architecture à savoir la simplicité et la sobriété visuelle. » Pensée en premier, l'architecture du pavillon a par la suite été mise en valeur grâce au travail mené à l'intérieur pour la mise en scène de la marque, et à l'extérieur pour la mise en avant du bâti et de l'histoire.

L'intérieur, lumineux et ouvert sur l'extérieur, propose une découverte des différents crus de la marque ©Chloé le Reste



Une expérience sensorielle

Véritable faire-valoir de l'architecture, le jardin se déploie au sein d'un parc arboré de 7 000m². Destiné originellement à accueillir des œuvres d'art in-situ, il a été pensé par l'artiste paysagiste Christophe Gautrand comme une expérience à part entière. Prenant le parti-pris de faire revivre les crayères inscrites depuis 2015 au patrimoine mondial de l'UNESCO, il propose une approche très scénographique jusqu'au pavillon de Sou Fujimoto. Les visiteurs empruntent ainsi un itinéraire tracé entre deux murs de calcaire blancs, porteurs de la trace des outils. Des stigmates volontairement mis en valeur comme un marqueur du temps. Ponctué d'angles, ce couloir offre une déambulation immersive, rythmée par des jeux de vues et de lumière passant d'un monde presque souterrain à la lumière du domaine, et notamment le pavillon de Sou Fujimoto face auquel le visiteur se retrouve. Le passage aux perspectives très rectilignes tranche alors radicalement avec la courbe du pavillon et marque de fait une rupture visuelle. Le jardin devient la source d'un dialogue cette fois-ci architectural entre le bâti ancien et le contemporain. « L’histoire de Ruinart et de ce terroir champenois se retrouve ainsi dans les moindres détails du projet paysager : un jardin à parcourir et à expérimenter, où se révèle l’esprit de la Maison » conclut Christophe Gautrand.

Les chemins taillés à même les crayères en calcaire blanc ©Chloé le Reste
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20/12/2024
Olga de Amaral : renouer avec la spiritualité

La fondation Cartier propose jusqu'au 16 mars 2025 une large rétrospective du travail d'Olga de Amaral, ambassadrice du Fiber art. Une mise en lumière sensible et particulièrement réussie où s’entremêlent les techniques et les inspirations, avec, au bout du fil, de véritables architectures.

Pour la première fois en Europe, une exposition d'ampleur propose de plonger dans l'univers de l'une des figures les plus emblématiques du Fiber Art : Olga de Amaral. À travers près de 80 ouvrages réunis aux quatre coins du monde, la Fondation Cartier rassemble six décennies de création. Véritable rétrospective du travail de l'artiste, l'exposition offre une déambulation libre et onirique dans son univers coloré et rigoureusement sensible. Servi par une conception spatiale subtile, aussi immersive que discrète signée par l'architecte Lina Ghotmeh, le parcours questionne l'évolution formelle et colorimétrique des réalisations aux inspirations géographiques et architecturales diverses. Autant d'horizons convoqués dans ces œuvres vibrantes aux émanations spirituelles.

La série des « Muros » joue subtilement sur les camaïeux rappelant des paysages d'automne ©Marc Domage



Une vision architecturale

Nouées, tressées, tissées, cousues, entremêlées... De la diversité des œuvres d'Olga de Amaral, se dégage une certitude. Le fil n'est pas l'aboutissement d'une technique mais le médium au cœur d'une démarche prospective. De ses premières créations dans les années 60 aux « Brumas » réalisées il y a une petite dizaine d'années en passant par les productions monumentales réalisées 30 ans plus tôt, l'artiste a construit son travail en résonance avec son parcours d'abord dans le dessin d'architecture à l'université de Bogota, puis plus artistique à l'université américaine de Cranbrook – l'équivalent américain du Bauhaus allemand – où elle découvre le tissage aux côtés de la designer textile finlandaise Marianne Strengell. Un parcours tourné vers la construction, dont elle gardera tout au long de ses 60 années d'activité, une vision très spatiale : ne pas concevoir comme des tableaux, mais comme de véritables architectures, vivantes sur leurs deux faces. Un parti-pris respecté sur l'ensemble de sa carrière à de rares exceptions près, parmi lesquelles les créations monumentales de la série « Muros » réalisées entre la fin des années 70 et le milieu des années 90. Une période de création faste au cours de laquelle les œuvres témoignent également d'une évolution formelle. D'abord construites selon des jeux de trames très rectilignes avec « Elementos rojo en fuego », les créations se sont progressivement assouplies par la déformation des lignes jusqu'à devenir un nouveau langage stylistique à l'image de « Strata XV » en 2009. Une diversification visuelle menée parallèlement à un grand nombre d'expérimentation sur les volumes dans les années 70 et 80 - « Naturaleza Mora » - puis sur les jeux de lumières à la fin des années 80 et courant 90 - « Entorno quieto 2 » -. Un moment de transition progressif entre la fin du siècle et le début du suivant où seront créées « Las Brumas » en 2013 et 2020. Une ultime série en rupture absolue avec ses créations précédentes. Interrogeant le médium sous un angle nouveau, Olga de Amaral propose une collection emplie de légèreté où les fils ne sont plus entremêlés mais indépendants. Simplement enduits de gesso - sorte de plâtre – peint astucieusement de manière à dessiner des formes, à la manière d'anamorphoses. Une approche innovante dont le nom et la conception sont d’évidents clins d’œil aux brumes omniprésentes de la cordillère des Andes natale de l'artiste.

Reflétées dans les vitres du bâtiment, les œuvres de la série « Brumas », les brumes, semblent flotter dans la végétation extérieure ©Marc Domage



La couleur, une matière au cœur de l'œuvre

« Je vis de la couleur. Je sais que c'est un langage inconscient et je le comprends. La couleur est comme une amie, elle m'accompagne » raconte Olga de Amaral. En effet, si la technique confère indéniablement aux œuvres, leur essence, la couleur en dégage souvent un sens. Tantôt automnales, tantôt prégnantes, elles habillent les créations de l'artiste et les animent. Témoignant d'une inspiration tout autant culturelle que symbolique, elles fragmentent sa production dans le temps. Très inspirée par l'histoire précolombienne, Olga de Amaral offre par le prisme de la couleur un regard à la fois historique et spirituel. Ainsi, comment ne pas voir dans les couleurs organiques des fibres, autant de portraits de sa région, rehaussés çà et là de bleu et de rouge rappelant la faune sauvage à l'image de « Naturaleza mora ». Une approche très personnelle dans l’œuvre de l'artiste, mais progressivement éclipsée à la fin dans les années 70 par l'arrivée de l'or dans son travail. Un matériau introduit dans sa démarche par la rencontre de Lucie Rie qui lui enseigne la technique du kintsugi – art japonais de la réparation des pots cassés avec de la poudre d'or -. Dès lors, l'activité d'Olga de Amaral entame une métamorphose technique, passant d'une matière principalement tissée brute, à des assemblages cousus de petits morceaux de coton rigidifiés par du gesso et recouverts d'acrylique et de feuilles d'or. Une évolution qui ouvre les portes d'un nouvel univers très visuel, évoquant des écailles colorées aux reflets dorés multiples. Se dégage de cette approche un nouveau monde, plus spirituel, plus précieux, aux intonations liturgiques en écho aux églises colombiennes fréquentées par Olga de Amaral dans sa jeunesse. De ces cartographies mémorielles et oniriques se dégagent également de nouveaux horizons. L'eau bien sûr avec « Umbra verde », mais également la terre ou encore le ciel avec « Estelas » - qui signifie les stèles, mais que l'on pourrait traduire par les étoiles -. Une double lecture qui conjugue le symbolique à l'artistique.

Des dessins abstraits sur les « Estrelas » rappellent les inspirations précolombiennes de l'artiste ©Marc Domage



Un lieu repensé pour l'occasion

Architectures en elles-mêmes, les créations d'Olga de Amaral trouvent à la Fondation Cartier un écrin taillé sur mesure. Ces tapisseries modernes et suspensions contemporaines par définition statiques auraient pu figer l'exposition dans une atmosphère répétitive. Il n'en est rien. Construit par l'architecte Lina Ghotmeh, le parcours propose une approche vivante des créations où la monumentalité de certaines n'écrase pas la finesse des autres, mais participe à la construction d'un univers. Par le biais d'apports comme des pierres rappelant celles sur lesquelles Olga de Amaral photographiait son travail en Colombie, ou la mise en place d'un film sur les vitres du bâtiment afin de refléter « Las brumas » dans le jardin de la Fondation, l'architecte convoque une dimension poétique à la rétrospective. Également à l'origine d'une restructuration complète du niveau inférieur, Lina Ghotmeh invite le visiteur à une découverte intimiste des œuvres. Mise en scène de manière simple mais très habile, chacune renvoie la lumière et évoque au gré d'un parcours en spirale, un voyage entre inspirations précolombiennes et japonisantes, marines et cosmiques.

Une exposition très réussie qui, après 40 ans passées au 261 boulevard Raspail, sera la dernière de la Fondation Cartier avant son déménagement Place du Palais-Royal prévu pour octobre 2025.

Au niveau inférieur, la déambulation guidée par la lumière invite le spectateur à une découverte onirique et chronologique ©Marc Domage
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20/12/2024
Prix Amour Vivant : 4 lauréats pour la 1ere édition

Soutenu par l’Association Un Design Soutenable, le prix Amour Vivant célébrait sa première édition, dont les quatre lauréats ont été annoncés le 10 décembre à la Fondation Akuo.

Portée par Hélène Aguilar, Marie-Cassandre Bultheel et Armelle Lalo, l’Association Un Design Soutenable est la première association d’intérêt général à mettre en lumière une problématique majeure en écologie : le plastique invisible. En effet, nous qui passons une grande partie de notre temps à l’extérieur, nous respirons cependant un air pollué par des particules invisibles de plastiques, ajoutées à celles respirées dans nos intérieurs contenues dans les peintures, meubles, tapis et colles... Pour offrir une nouvelle alternative à ces problématiques, l’association a lancé le prix Amour Vivant, dont l’objectif est d’accélérer la transition vers des intérieurs libérés de cette empreinte toxique, soucieux de l’impact hydrique et ancrée dans les cycles naturels. Un prix qui a récompensé deux lauréats et deux coups de cœur, destiné à célébrer des créations dépourvues de plastique aux pratiques vertueuses. Une première édition, dont le jury était composé de Philippe Brocart, Matali Crasset, Laurent Denize d'Estrées, Nathalie Gontard et Godefroy de Virieu qui a sélectionné fin novembre 6 finalistes : Alea, Thomas Guillard, Hors Studio, Sacha Parent, Aurore Piette et Lucie Ponard. Le 10 décembre, ils ont été 4 à être récompensés.

Deux lauréates ex-æquo : Sacha Parent et Aurore Piette

Pour ce premier prix Amour Vivant, le jury a distingué deux lauréates dont les projets étaient en adéquation avec une démarche respectueuse et ancrée dans les territoires qu’elles côtoient. D’abord Sacha Parent, récompensée pour son projet Paille de Seigle +++, dans lequel la designeuse réinvente le mobilier paillé avec des matériaux bruts ou peu transformés, tels que la paille de seigle et le frêne teint par des réactions tanniques naturelles. Des créations assemblées par auto-blocage, qui mettent en avant les propriétés intrinsèques des matériaux, tout en facilitant leur entretien. Pour toutes ses pièces, la colle utilisée est faite à base de farine végétale, renforçant ainsi son approche écologique. Dans ses futurs projets, elle envisage le développement de panneaux alvéolaires en paille de seigle.

Paille de Seigle +++ © Sacha Parent

Aurore Piette quant à elle, a été remarquée pour son projet Desserte Rocaille, un mobilier conçu à partir de matériaux locaux comme le bois flotté, les fibres de cultures locales et les sédiments argileux d’un estuaire. Les sédiments d’argile sont ici la clé de voûte du projet puisque que chaque année, près de 5 millions de tonnes de sédiments d’argile issus de la précipitation chimique sont collectés et relâchés au large, avant de revenir dans les marais côtiers, inutilisés. Avec ce projet, Aurore Piette leur trouve un usage et pose ainsi un regard neuf sur une ressource abondante mais négligée. Une démarche qui invite à repenser des matières perçues comme des « déchets », mais qui méritent d’être considérées comme une richesse à exploiter.

Desserte Rocaille-BoisFlotté & Torchis © Aurore Piette Studio

Deux prix coup de cœur : Thomas Guillard et Lucie Ponard

Bien que le prix ne devait récompenser qu’un seul lauréat, face à la richesse et à la qualité des projets proposés, le jury a spontanément créé une nouvelle catégorie « coups de cœur » pour célébrer deux projets dont la force d’innovation et la portée écologique méritaient d’être reconnues. Parmi eux, Thomas Guillard, qui, avec Fournitures agricoles végétales, réinvente les outils agricoles dans un univers dominé par le plastique. N’utilisant que des ressources végétales locales, il développe ainsi des gaines de protection en noisetier tressé pour les jeunes arbres, des goupilles en bambou fumé, des attaches rapides en papier de chanvre entièrement biodégradables, et des textiles de paillage en paille de seigle.

Lin, noisetier, seigle, bambou et chanvre © Thomas Guillard

Lucie Ponard s’est de son côté distinguée pour son projet de Terres émaillées, qui valorisent les terres de chantier et les déchets de démolition pour créer des céramiques uniques. Elle exploite les textures et couleurs spécifiques des sites d’origine pour ses créations et réduit donc l’empreinte écologique des matières premières tout en ouvrant de nouvelles perspectives pour le mobilier, les crédences ou les revêtements. Une initiation de projet rendue possible par Faire Paris (Pavillon de l’Arsenal) et le Fonds de production Enowe-Artagon.

Terre brune © Lucie Ponard

Des projets ambitieux et engagés, qui incarnent à eux quatre l’ambition forte du prix Amour Vivant qui est de contribuer au développement de nouvelles techniques et manières de penser le designer soutenable et respectueux de l’environnement.

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