Biennale d’art contemporain de Venise : L’édition du réenchantement
La Biennale de Venise est à l’art contemporain ce que le festival de Cannes est au cinéma : un must-be, grand raout arty avec 80 pavillons dans les Giardini, de nombreux solo shows produits dans de superbes palais par de grandes galeries internationales, mais aussi une exposition générale donnant le pouls de l’état de la création contemporaine. Cette 59e édition est partie pour rester dans les annales comme l’une des plus belles de ces dernières décennies. Florilège de plusieurs artistes ou œuvres « coups de cœur », au pavillon central des Giardini et à l’Arsenal.
Féminine, engagée, muséale, l’exposition internationale de cette 59e Biennale réenchante le monde tout en mettant en exergue ses soubresauts et enjeux actuels. Imaginée par la commissaire Cecilia Alemani, cette dernière rassemble 1433 œuvres de 213 artistes – dont 83 % de femmes -, provenant de 58 pays, sur le thème de l’humanité et ses métamorphoses, inspiré par les postulats de la surréaliste Leonora Carrington.
Une Biennale avec des artistes historiques et confidentielles aux Giardini
Aux Giardini, un premier choc a lieu devant Elephant, œuvre monumentale de l’Allemande Katarina Fritsch, Lion d’or d’honneur. L’hyperréalisme de sa sculpture interroge les notions de captivité et respect de la vie animale, dans une atmosphère d’exposition coloniale d’un autre temps. Entre autres, le pavillon met en avant des artistes féminines surréalistes qui n’ont pas toujours été considérées à leur juste valeur. Citons la Française Claude Cahun et ses autoportraits des années 30 tordant le cou aux représentations binaires, mais aussi Leonora Carrington, Leonor Fini, Jane Graverol, Remedios Varo, dont les œuvres virtuoses, souvent sous vitrine, plongent le spectateur au pays des mythes et du fantasme. Et mettent en lumière l’aptitude de la figure féminine à la métamorphose, effaçant les frontières entre les genres et les espèces.
Un « Arsenal » engagé, coloré, du vivant
Grand coup de cœur pour l’Américaine Simone Leigh, – également au sein du pavillon américain –, récompensée du Lion d’or. Accueillant le public dans la première salle de l’Arsenal, Brick House, sa figure gigantesque en bronze représentant une femme noire, mi-déesse, mi-mère, dépourvue de regard se tient debout avec force et évoque la notion de race, de communauté. Autour de celle-ci, les collographies de la Cubaine Belkis Ayón parlent du mythe fondateur des Abakuà, personnages afro-cubains sans bouche et regards hypnotiques… Autres découvertes, la Brésilienne Rosana Paulino et ses troublantes aquarelles de femmes-plantes mais aussi l’Haïtienne Myrlande Constant et ses nappes de soie brodées de paillettes et perles de verre évoquant des êtres hybrides mythologiques… À travers deux installations aux chromatisme flamboyant et graphisme entre abstraction et figuration, la jeune Dominicaine Firelei Báez parle de la diaspora africaine, alors que le Sud-Africain Igshaan Adams présente une installation merveilleuse et politique, faite entre autres d’os, petites perles, coquillages et fils… Au sein de la capsule « la séduction du cyborg », les costumes futuristes, hybrides et fantastiques des artistes allemands Lavinia Schulz et Walter Holdt, ayant révolutionné la danse dans les années 1920, prennent toute leur dimension. Notons encore les installations textiles et poétiques de la Canadienne Kapwani Kiwanga aux couleurs du désert au coucher du soleil, comme les sculptures biomorphiques, surnaturelles, composées de déchets plastiques rejetés par l’océan de la jeune Française Marguerite Humeau. Enfin, dans la dernière salle, la jeune pousse anglaise Precious Okoyomon traite de la « révolution écologique », à travers un parcours immersif dans un champs de plantes sauvages, où des sculptures en matériaux vivants vont évoluer avec le temps.
Au-delà du voile levé sur de nombre d’artistes féminines silencieuses, le parcours composé d’allers-retours entre l’histoire et l’actualité est fluide et très cohérent. Et reflète combien l’art n’est qu’un éternel recommencement. Une biennale de la réconciliation avec le public et la presse, aux critiques unanimes.
Au-delà du voile levé sur de nombre d’artistes féminines silencieuses, le parcours composé d’allers-retours entre l’histoire et l’actualité est fluide et très cohérent. Et reflète combien l’art n’est qu’un éternel recommencement. Une biennale de la réconciliation avec le public et la presse, aux critiques unanimes.
Il latte dei Sogni, the Milk of Dreams, jusqu’au 27 novembre 2022.
www.labiennale.org