Lyon
Marie-Lise Féry, fondatrice de Magic Circus Editions, a souhaité étendre son domaine de création en proposant une première ligne de mobilier directement intégrée à son studio, récemment inauguré à Lyon.
C’est dans un immeuble du 19e siècle, dans un appartement situé au premier étage qui offre une vue plongeante sur la Saône que Marie-Lise Féry, fondatrice de Magic Circus Editions, a décidé de poser ses bagages. Depuis 2016, cette ancienne négociatrice d’art raconte des histoires à travers les luminaires qu’elle imagine. Après six ans d’existence, l’heure était au renouvellement. La crise sanitaire aura en effet été une période charnière, qui lui aura permis d’imaginer sa première gamme de mobilier.
Un lieu sensible et intimiste
Après avoir fait ses preuves dans le domaine du luminaire, Marie-Lise Féry voulait aller plus loin en ayant un espace dédié à la rencontre et à la réflexion, qui dévoile sans retenue son univers créatif. Elle s’est donc lancée dans la rénovation de cet appartement de 100 m2 situé dans le 2e arrondissement lyonnais.
Une période qui a été le facteur clé de son envie de créer une ligne de mobilier : « le mobilier est né à la suite de ce projet, avec cet appartement. Ces deux dernières années ont été très créatives pour moi, et au fond, je pense que j’avais besoin de ça », explique-t-elle. En créant cet espace, Marie-Lise Féry voulait ainsi proposer à ses clients un espace spécifique à la rencontre, dans un cadre intimiste et rassurant. « Je veux garder ce côté confidentiel, sans être élitiste pour autant. Ma volonté, c’est de mettre en scène mes créations à travers mon univers sensible. »
Ce lieu de réflexion, la créatrice l’a aménagé et pensé comme un appartement à part entière, puisque celui-ci dispose d’un grand espace salon avec cuisine ouverte, de deux chambres et d’une salle de bains. Et si les pièces principales sont évidemment habillées des luminaires de Magic Circus et meublées par son mobilier tel que la table de repas, l’applique Candy Eyes, la table de nuit ou encore le lampadaire Giorgio, d’autres œuvres artistiques animent l’espace, comme un rappel à l’attachement de Marie-Lise Féry à l’art, en témoignent les créations de Djamel Tata, Yvelyne Tropéa et Erwin Olaf, pour ne citer qu’eux.
Reportée en 2022 pour cause de pandémie, la 16ème édition de la Biennale de Lyon intitulée « Manifesto of Fragility » analyse l’état de fragilité face aux soubresauts du monde. Comment ? En faisant dialoguer l’histoire avec le présent, dans un axe local et international, à travers une kyrielle d’expositions dans des lieux emblématiques lyonnais, pour certains inédits.
Répartis sur quatre parcours et douze sites – dont les Usines Fagor, le macLYON, le musée Guimet ou encore le musée d’Histoire de Lyon-Gadagne -, 202 artistes de 40 pays proposent de nombreuses pièces, dont 66 ont été spécialement été réalisées pour l’occasion. « Nous souhaitions ancrer le projet dans la ville, expliquent les commissaires Sam Bardaouil et Till Fellrath, directeurs de la Hamburger Bahnhof de Berlin, à travers des histoires reliant les artistes sur le thème de la fragilité. » Deux ans et demi de recherches, effectuées avant et durant la pandémie, leur ont permis de souligner cette thématique dans ce qu’elle a de plus universel, en ces temps incertains. Avec l’exposition générale « Un monde d’une promesse infinie », ce duo primé à la dernière Biennale de Venise souhaitait revendiquer la vulnérabilité comme outil de résistance contre les exclusions, les précarités, induisant les notions de migration, de résilience et d’écologie. Parmi toutes les œuvres couvrant une multitude de supports – tapisseries, peintures, installations, vidéos, sculptures, architectures, céramiques – en voici quelques-unes marquantes.
À Fagor, la fragilité dans tous ses états
Pedro Gómez-Egaña revisite l’espace de notre quotidien
Virgo, œuvre du Colombien Pedro Gómez-Egaña intrigue. Animé par plusieurs performers, cet habitat qui semble découpé en tranches par un dispositif mobile de structures métalliques blanches, crée d’étonnantes illusions d’optique. Une œuvre, entre architecture et design, interrogeant la typologie des espaces domestiques et leur évolution, tout en en soulignant l’état de fragilité permanente.
Avec Erin M. Riley, la tapisserie casse les codes
En scénographiant sa condition de jeune femme, qu’elle conjugue à des coupures de presse, des selfies ou images glanées sur internet, la créatrice américaine trentenaire réalise des tapisseries contemporaines, respectant à la lettre cet art traditionnel. Abordant les contraintes de la condition féminine, Cramson Lanslide présente un gros plan sur une culotte rougie par les menstruations, tandis que Why Now ? montre la créatrice brûlant sa propre photographie. Des pièces textiles qui questionnent par leur radicalité, leur message et leur esthétique photographique.
Nicolas Daubanes appelle à résister
En reproduisant l’intérieur d’une salle d’audience du tribunal des forces armées de Lyon, où des portraits de condamnés réalisés à la limaille de fer sont exposés, le plasticien français évoque la fragilité dans son aspect le plus pugnace. Je ne reconnais pas la compétence de votre tribunal ! monumentale installation spécialement créée pour l’occasion, invite le public à réfléchir sur la réelle compétence de cette juridiction, sous le prisme d’une enquête policière.
Jose Dàvila, le meuble borderline
Le Mexicain déjoue les notions habituelles de stabilité en mettant des meubles chinés à Lyon, en situation d’équilibre précaire. La science comme réalité reste platonicienne est une commande en béton, bois, rocher et sangle à cliquet. Arrimé à une pierre par une sangle, le meuble tenant en équilibre sur une pièce en béton, peut vaciller à tout moment et se fracasser sur le sol. Une œuvre très visuelle, sondant la faiblesse d’un état, métaphore de la vulnérabilité de notre existence.
Le camping fantôme d’Hans Op de Beeck
Dans le Hall 4 des usines Fagor, We were the last to stay de l’artiste belge Hans Op de Beeck expose un espace public, comme après une déflagration nucléaire. Un espace urbain recouvert de cendres, silencieux et sans vie, qui alarme sur les conséquences environnementales.
Au musée d’Histoire de Lyon-Gadagne, la poésie sensible du thème dans les mains de Sara Brahim
Le cyanotype sur coton Who we are out of the Dark de la jeune Saoudienne Sara Brahim présente une élégante chorégraphie de ses propres mains sur un tissu d’un bleu profond. Délicate évocation de la vie éphémère…
Au macLYON, Louise Brunet, figure multiple de la rébellion
À travers la narration de la vie de Louise Brunet, jeune tisserande lyonnaise ayant participé à la révolte des canuts, le troisième étage du macLyon analyse la notion d’insoumission, de résilience et de lutte contre les discriminations. La bouleversante vidéo Prélude d’une mort annoncée, de Rafael França évoque les ravages du sida, dans un ballet résistant de corps s’entrelaçant, où apparaissent les noms de personnes décédées de ce fléau. Plus loin, une installation vidéo du fantastique duo libanais Joana Hadjithomas & Khalil Joreige, composée de douze films vidéo issus de caméras de surveillance du Musée Sursock à Beyrouth, transporte avec effroi le spectateur au cœur de l’explosion libanaise du 4 août 2020.
À Guimet, la nature reprend ses droits avec Ugo Schiavi
Dans la plus grande salle de cet ancien musée d’histoire naturelle, créé au XIXème siècle et tombé en désuétude depuis 2007, Grafted memory System du plasticien français Ugo Schiavi souligne la vulnérabilité de nos vies, face à la supériorité de la nature. Cet étonnant écosystème de fossiles, ossements, déchets, imbriqué d’images 3D, de fragments d’architecture du musée, constitue une vanité d’un monde nouveau, renaissant après une catastrophe.
Virginie Chuimer-Layen
16ème Biennale d’art contemporain de Lyon, « Manifesto of Fragility », Usines Fagor, macLYON, musée Guimet, musée d’histoire de Lyon-Gadagne, autres lieux à voir sur : www.biennaledelyon.com. Jusqu’au 31 décembre 2022.