5.5 Design Studio
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En réponse au scandale sanitaire des PFAS, le designer Jean-Sébastien Blanc dévoile une poêle conçue pour Tefal, sans polluants éternels. Un objet simple imaginé comme une alternative réaliste à cette problématique contemporaine.
« Dans un mois, l'assemblée se prononcera sur l'interdiction ou non des PFAS » expose Jean-Sébastien Blanc, co-fondateur du studio 5.5. Également appelé polluant éternel, ce composé chimique a fait son apparition dans le débat public l'an dernier, accusé d'être cancérigène et un perturbateur endocrinien. « On le retrouve partout, que ce soit dans des substances automobiles, des cosmétiques, mais surtout les revêtements antiadhésifs de nos poêles. » Un sujet dont le designer s'est emparé en indépendant pour proposer une alternative.
La poêle d'hier à la sauce de demain
Pour créer une poêle utilisable avec la principale contrainte de ne pas adhérer, le designer a remplacé les PFAS par un revêtement en cire d'abeille. « Ce n'est pas quelque chose de nouveau. Certains grands chefs l'utilisent depuis longtemps. J'ai donc repris cette technique pour remplacer le téflon -composé en partie de PFAS -. C'est de la rétrotech » résume Jean-Sébastien Blanc, à l'origine de cette allure « généreuse, gourmande, si peu ergonomique. » Mais l'enjeu n'est pas là. Avec son assemblage « brutaliste » composé d'un poêlon en acier blanc soudé à une poignée géométrique issue d'un tasseau de bois, le designer sait que son design n'est pas passe-partout. « Il n'y a pas de dénominateur commun avec une poêle classique qui pourrait faire consensus. » Au contraire, « il y avait dans mon dessin, la volonté de dénoter, sortir des canons de beauté pour interroger : comment le design est capable d'avoir une vision centrée sur l'individu, et pas techno-centrée ? » Une démarche qui passe ici par l'absence de tout superflu, si ce n'est un léger sablage pour faire apparaître sobrement PFAS FREE. De quoi « éviter l'objet ennuyant » sans le rendre « désagréablement bavard. »
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Un retour à la vision 5.5 des débuts
« Un bon designer aujourd'hui fait consommer davantage en déclenchant l'acte d'achat par exemple. Je pense au contraire que son rôle est de ralentir la consommation. » Mené parallèlement à son activité avec le studio 5.5 dont il est toujours l'un des membres actifs, Jean-Sébastien Blanc a développé ce projet dans la lignée de la lampe iJobs, le diffuseur AIRWICK ou le Kinder sans surprise. Des initiatives engagées sur lesquelles il travaille depuis plus d'un an. « Lorsque nous sommes entrés sur la scène design il y a une vingtaine d'années avec le studio 5.5, nous étions précurseurs sur pas mal de sujets notamment le réemploi ou le détournement. Par la suite, nous avons travaillé avec plein de marques et pas uniquement sur des bons projets. Aujourd'hui, je cherche avec mes travaux personnels à me rapprocher de notre design assez froid et aseptisé des débuts. Celui que nous avons utilisé dans certains projets assez virulents, mené le poing en l'air. Aujourd’hui nous nous en sommes un petit peu détourné, mais je ne veux pas m'endormir là ! » Avec ce projet pensé comme une réponse « au cynisme des entreprises dont la responsabilité sociale tourne souvent autour des termes « recyclage » et « recyclé » mais sans réelle réponse », le designer lie son approche à la vision de Charlotte Perriand : « Le sujet n'est pas l'objet, mais l'homme. » Une philosophie qu'il semble temps de remettre au goût du jour.
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Si la pandémie aura été une véritable prise de conscience pour de nombreux acteurs de la production face à l’environnement, Jean-Sébastien Blanc et Nicolas Sommereux ont poussé le curseur un peu plus loin encore. Le binôme a tout simplement pris en compte un facteur de base : le bon sens pour créer leur marque Demain Jardin.
Engagée, Demain Jardin est une nouvelle marque de mobilier d’extérieur réfléchi et durable. À sa tête, Nicolas Sommereux, entrepreneur responsable d’une entreprise de mobilier de jardin, et Jean-Sébastien Blanc, designer et co-fondateur du Studio 5.5. Leur point commun : une réflexion aboutie autour du respect de la nature.
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Huit valeurs fortes
Aux questionnements sur la responsabilité du designer, l’épuisement des ressources naturelles, la pollution générée par le recyclage, le duo répond avec 8 valeurs fortes qu’ils mettent en avant à l’instar d’un manifeste. Au programme, pas de collection mais des produits intemporels et utiles qui s’inscrivent dans la durée et auxquels d’autres viendront s’ajouter. Ces premiers s’articulent autour de 3 objets : la banquette « Orage », déclinée en trois tailles avec un coffre de rangement intégré, les tables « Nuage » et la lampe « Tempête ».
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Les formes sont volontairement simples pour être atemporelles et transmissibles. Leur architecture est dissociée pour permettre la réparation d’éventuelles pièces à changer. Vendus à prix juste, mobilier et accessoires le sont uniquement en ligne afin d’éviter les intermédiaires.
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Canapé Orage, disponible en trois tailles, avec coffre de rangement intégré © Demain Jardin
Livrés à plat pour une meilleure optimisation du transport, les éléments en aluminium, verre et liège sont fabriqués à 85% en France avec des filières de recyclage existantes. Si faire autrement passe par un retour aux sources, alors le pari est réussi !
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Repensée par le studio 5.5, la libraire des expositions fait peau neuve. Tout en respectant les codes de l’architecture particulière du Centre Pompidou.
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© 2021 Librairie Centre Pompidou - Design par le studio 5.5
Parcours fluide et flexibilité
Accéder à la librairie et des expositions située au 6ème et dernier étage du Centre Pompidou, par la chenille récemment rénovée, permet de découvrir graduellement la vue remarquable sur les toits parisiens. Ce parcours, qui dessert aussi les accès aux collections permanentes, à la bibliothèque, participe largement au succès et à l’engouement de la visite de ce lieu culturel emblématique. La Rmn-Grand-Palais, nouveau concessionnaire, et le studio collectif 5.5 ont œuvré de concert afin de réaménager la librairie des expositions dans la continuité du bâtiment iconique de Renzo Piano, inauguré en 1977.
« Le projet a muri pendant la période du confinement. En trois semaines de conception et trois mois de travaux, on a défini une identité à la fois souple et ancrée dans l’architecture du Centre Pompidou » explique Anthony Lebossé, chef de projet. Attachés à l’institution, -certaines de leurs pièces appartiennent désormais aux collections permanentes du musée -, les 5.5 jouent collectif, assumant non seulement leur affinité pour les ready-made de Marcel Duchamp mais aussi leur décryptage méthodique du cahier des charges. Ils ont ré-ouvert l’accès aux terrasses en supprimant les rideaux, libéré l’espace et gagné de la fluidité dans une configuration nouvelle imposée par les entrées des deux expositions en cours.
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© 2021 Librairie Centre Pompidou - Design par le studio 5.5
Chariots mobiles et multifonctions
À l’écoute des habitudes de travail de l’équipe de vente, le collectif a misé sur la librairie en tant que lieu de vie fonctionnel, pouvant accueillir jusqu’à 200 visiteurs. « Il ne s’agissait pas pour nous d’arriver en conquérant, et de faire une autre architecture dans une architecture » La modularité s’est imposée très vite ; selon les expositions, on change le contenu, les ouvrages d’actualité, thématiques, produits dérivés et carterie… En découle le chariot, élément de base de l’espace modulable imaginé sur le modèle de ceux utilisés pour le transport des œuvres. Éco-conçu, léger, fabriqué dans un même panneau évitant ainsi les pertes, il est équipé d’étagères, de présentoirs interchangeables, le tout monté sur roulettes industrielles capables de supporter la demi tonne de livres !
À retenir aussi l’idée astucieuse de l’accrochage des affiches que l’on peut changer suivant les expos, au dos des chariots, elles sont montées sur des magnets. De même, l’éclairage va à l’essentiel. « On a décidé de ne pas surcharger l’espace avec des lampes additionnelles superflues, à part quelques spots ponctuels au plafond ». La lumière naturelle et ambiante suffit tant les codes couleur du Centre Pompidou, -bleu jaune vert-, associés aux fonctions, y sont présents. Le gris clair de base apporte l’unité à l’ensemble et une mise en valeur des ouvrages.
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© 2021 Librairie Centre Pompidou - Design par le studio 5.5
La possibilité de réaménagement de l’espace est inhérente au projet, compte tenu des futurs travaux annoncés. Après la première tranche portant sur les escalators, et les panneaux vitrés de la chenille, le Centre Pompidou fermera fin 2023 jusqu’en 2027, pour un chantier colossal de rénovation, de désamiantage et mise aux normes de sécurité, d’accessibilité, ainsi que la mise en place d’un plan d’économie d’énergie. La conception légère et évolutive de la librairie des expositions va ce sens ; tout en étant facilement démontable, elle sera réinstallée à l’identique dans ses fonctions pour que ce nouvel espace soit durable.