Objets
Pour son 117ème anniversaire, la marque automobile Lancia dévoilera Lancia Ypsilon Edizione Limitata Cassina. Ce nouveau modèle, réalisé en partenariat avec Cassina, sortira en février en édition limitée.
La célèbre marque de véhicules italiens s'est alliée avec Cassina, pour fêter son 117ème anniversaire. Et pour cette occasion, Lancia s'offrira en février la Lancia Ypsilon Edizione Limitata Cassina, un modèle à l'intérieur entièrement dessiné par la marque. Le véhicule,dont très peu d'informations ont pour l'heure été partagées, sera électrique et limité à seulement 1906 pièces numérotées, en référence à l'année de création de Lancia.
Le design automobile, nouvelle opportunité pour Cassina
Reconnue pour ses multiples contributions notamment dans le monde de la mode et de l'architecture, Cassina inscrit désormais son empreinte dans l'univers automobile. « Nous avons une vision très large du design et nous pensons qu'il est important d'explorer de nouvelles voies pour représenter au mieux le style de vie d'aujourd'hui » explique Luca Fuso, le PDG de Cassina.
Forte d'une approche tournée vers l'excellence artisanale, la marque apporte ici son expertise dans le traitement des intérieurs, à une zone plus restreinte mais toute aussi exigeante : l'habitacle. En témoigne le « tavolino » (la tablette située au centre du véhicule), aux finitions particulièrement soignées. Selon Luca Napolitano, directeur général de la marque Lancia : « Grâce à la collaboration, cette voiture devient l'expression ultime du sentiment d'être chez soi à bord d'une voiture Lancia, en mettant l'accent sur l'attention portée aux détails, aux matériaux, aux couleurs et aux espaces, avec le tout premier " tavolino " embarqué dans une voiture".
Un virage électrique et esthétique
"Aujourd'hui se grave la Renaissance de la marque avec la première image de la Lancia Ypsilon, la première des trois voitures de notre Plan Stratégique » détaille Luca Napolitano. Un plan qui s'illustre par un virage en faveur d'une motorisation 100 % électrique. Une transition énergétique à laquelle Cassina prend part en s'engageant dans ce projet alternatif basé sur un avenir plus durable.
En début d'année, Lancia avait partagé son véhicule concept, Pu+Ra HPE, marquant les prémisses d'une collaboration entre les deux grandes marques italiennes.
La marque de motos BlackTrack et l'horloger Bell & Ross s'allient dans une collaboration limitée. Un partenariat haut de gamme où la puissance de l'automobile et la précision de l'horlogerie font route ensemble.
Pour ce projet en dehors des sentiers battus, les équipes de conception de Bell & Ross et de BlackTrack ont travaillé main dans la main sous la direction de Sacha Lakic. Le designer automobile et industriel à l'origine de la marque de motos, propose un projet complémentaire où élégance et raffinement vont de pair avec la vitesse et l'adrénaline.
Deux objets en résonance
De cette collaboration née d'une passion pour l'innovation, et la précision esthétique, a résulté une alchimie technique au design singulier. Les couleurs, les textures ou encore les finitions se font écho. Tandis que le monde de l'horlogerie a puisé son inspiration dans ce qu'incarne le design de BlackTrack, à savoir la puissance et la vitesse, Sacha Lakic s'est quant à lui inspiré de l'ingénierie du temps. Deux domaines éloignés qui se complémentent jusqu'à s'assembler. Car par-delà l'inspiration, la moto a été conçue pour devenir l'écrin de la montre avec un emplacement dédié, au centre de l'appareil. Une synchronie parfaite pour que chaque instant compte.
Entre technicité et sens du détail
Véritable fusion de savoir-faire et de créativité, cet ensemble s'inscrit comme une célébration de la mécanique. Pensé comme un inséparable duo, les corrélations entre ces deux objets sont nombreuses. Parmi elles, les détails du cadran faisant écho aux éléments de crénage de la moto, la carrosserie imprimée en 3D et son revêtement en céramique évoquant la finition satinée de la montre, ou encore le numéro de châssis gravé au dos du boîtier. Mais ce sont plus globalement les composants de cette esthétique soignée et radicale passant par des lignes rigides et des volumes facettés, qui procurent une identité si forte à l'ensemble.
Une ligne d'accessoires et d'œuvres complémentaires
Désormais riche de cinq années dans le domaine de la conception automobile, BlackTrack se diversifie avec une ligne d'accessoires signés par son fondateur, Sacha Lakic. Puisant son inspiration dans les méandres des moteurs, de la vitesse et de l'adrénaline qui s'en dégage, le designer inscrit sa gamme dans un univers particulièrement ancré. Lunettes en acétate confortable sous un casque lui-même conçu en partenariat avec Quark, bagages ergonomiques et foulards en soie, sont autant d'éléments fabriqués en Europe qui viennent ainsi enrichir l'univers BlackTrack.
Dans son dernier numéro, Intramuros vous propose de découvrir une sélection d'objets sortis cette année. De la paire de baskets au chandelier en passant par des luminaires, la rubrique « Design 360 » regorge d'objets à (re)découvrir. Focus sur 10 coups de cœur de la rédaction en 2023 !
Chaise Boo, design Tim Leclabart
Remarqué lors du salon Maison & Objet en septembre en tant que Rising Talent, Tim Leclabart propose des réalisations oscillant entre art et sculpture. La collection de chaises en médium laqué Boo, sont présentées comme des totem pouvant prendre plusieurs formes et différentes couleurs.
Pantalon en denim, maison Alaïa
La maison de couture Alaïa présente le jean Ovale, dont les jambes ont la spécificité d'avoir une forme ovale. Combinant un délavage à la pierre classique pour une couleur unique, le pantalon se porte taille haute.
Tube Shelf, design Tim Teven pour Atelier Ecru Gallery
La galerie belge atelier Ecru, basée à Gent, présente Tube Shelf, par le designer Tim Teven. Connu pour aimer travailler les matières et les techniques de manière expérimentale, l'étagère en édition limitée Tube Shelf est réalisée à partir de tubes en acier zingué, entrant parfaitement dans la lignée brutaliste des autres réalisations du designer.
Pilulier Nomaday, design Guillaume Delvigne pour Lexon
Issu de la collection Nomaday, ce pilulier imaginé par le designer Guillaume Delvigne pour Lexon, transforme cet objet du quotidien en un accessoire design. Fait en aluminium, ce dernier dispose de sept compartiments, ce dernier coulisse et se transporte facilement. Disponible en six coloris : rouge sombre, bleu sombre, gris métallique, noir, or doux et vert sombre.
Etagère, design Lucas Maassen & Erwin Thomasse pour A1043
C'est dans le cadre de l'exposition "Let's play", au sein de la Galerie parisienne A1043, du 19 octobre au 25 novembre dernier, que le prototype de l'étagère Design de Lucas Maassen & Erwin Thomasse était exposée.
Boîte à outils, Puebco Europe
La marque Puebco, spécialisée dans la création d'objets à partir de matières recyclées, présente cet organisateur "boite à outils" en plastique, idéal pour le stockage de petits objets. Doté d'une poignée, il est également possible d'en ajouter une deuxième ou une troisième grâce au clip sur le dessus.
Table basse Azo, design François Bauchet pour Galerie kreo
Le designer François Bauchet présente pour la Galerie kreo la collection Azo. La table basse rectangulaire de la collection est ainsi réalisée à partir d’un nouveau matériau composé de sable, béton et résine dont le rendu offre un aspect minéral, résistant, léger et doux au toucher. Cette dernière est disponible en deux coloris, rouge brique ou blanc.
Tabouret Tracteur, design Atelier Baptiste et Jaïna pour Galerie 54
Ce tabouret, dont l'assisse, est celle d'un tracteur, puisqu'elle a été moulée puis pressée d'après un siège original, se dévoile comme une sorte de mise en abîme entre la terre et son usage, en clin d'œil à la forme iconique de l'assise dans le design. Un modèle fait à partir de différentes terres brutes que sont le grès noir, rouge, ocre et blanc.
Big Bell Chair, design Sam Klemick pour Objective Gallery
La designeuse américaine Sam Klemick, connue pour travailler sur les matériaux recyclés et les textiles vintage, présente à l'Objective Gallery de New York le fauteuil en bois de sapin Douglas récupéré et doté d'un tissu jacquard au motif fleuri.
Miroir denim House, design Harry Nuriev pour la Carpenters Workshop Gallery
Ce miroir issu de la collection Denim House, présentée à la Carpenters Workshop Gallery de Los Angeles jusqu'au 27 janvier 2024, est la représentation d'une salle familiale idéalisée. Une exposition dans la continuité de Denim, dans laquelle le designer a approfondi les nuances du denim en tant que matériau d'expression et dont les pièces ont été arborées d'une écriture brodée à la main, d'autocollants et d'accessoires supplémentaires. Il expose aux côtés de deux autres designers français : Martin La Foret et Léa Mestres (cf portrait Intramuros 218).
Retrouvez la totalité de la sélection dans la rubrique "Design 360" dans le numéro 218 d'Intramuros, disponible partout.
Dans son dernier numéro, Intramuros vous propose de découvrir une sélection d'objets sortis cette année. De la paire de baskets au chandelier en passant par des luminaires, la rubrique « Design 360 » regorge de potentielles idées cadeau. Focus sur 10 coups de cœur de la rédaction en 2023 !
Chaise autoproduite, design Pierre Charpin pour Yvon Lambert
Conçue avec l'idée de « faire une chaise comme un dessin », le designer à fabriqué cet objet rectiligne grâce à une scie circulaire dont le déplacement n'était que horizontal ou vertical. Assemblée très simplement avec de la colle et des vis, son confort ne repose que sur les inclinaisons précises.
Chandelier Chunk, design Ward Wijnant pour Object with narratives
Chunk est un objet conçu avec plusieurs feuilles d'étain pressées sous haute pression. Une technique qui permet d'obtenir des formes diverses tout en conservant la puissance évocatrice de la matière. Le métal offre ainsi au chandelier un aspect brillant et extravagant dans lequel la lumière se reflète.
Exp mug, design Peter Shire pour momosanshop.com
Pour Peter Shire, cette tasse est à l'image de son travail ; à l'intersection de l'artisanat, des beaux-arts et du design industriel. Chacun de ses produits aux formes non-consensuelles est peint à la main. En résulte un objet du quotidien unique imprégné d'art pictural.
Nike Air more Uptempo Low x Ambush
Fruit d'une collaboration entre l'artiste Yoon Ahn et Nike, la Uptempo s'inscrit dans la lignée des Limestone et Black White. Cette fois-ci, le modèle initialement conçu en 1996, allie le vert sapin et le lila. Un changement qui élève l'imposante chaussure au rang d'accessoire audacieux.
Hydrofoil électrique, design Marc Newson pour Flite
Marc Newson, designer australien passionné de surf, propose un efoil (surf électrique volant) ultra léger de moins de 20 kilos. Réalisé en fibres de carbone monobloc, il est connecté et permet aux utilisateurs de connaître leurs performances.
Lampe iJobs, design Jean-Sébastien Blanc (du studio 5.5)
Pour cette lampe, le designer du studio 5.5 Jean-Sébastien Blanc, spécialisé dans le réemploi et dans la revalorisation des matériaux, détourne le célèbre pied des ordinateurs MacBook d'Apple. En venant simplement appliquer un tube d'éclairage à son sommet, Jean-Sébastien Blanc propose un éclairage de bureau design et complémentaire de l'usage originel de l'objet. Il s’agit d’ailleurs du premier produit Apple en réemploi.
Enceinte Demerbox DB2 Indestructible bluetooth speaker
Résistante aux chocs et à l'eau grâce à sa coque étanche, l'enceinte Demerbox DB2 propose également un compartiment pour y ranger ses affaires. Malgré sa petite taille et son poids plutôt léger, elle dispose de 40 heures d'autonomie.
Citadine 100% électrique Microlino
Avec une autonomie pouvant atteindre les 230 kilomètres, Microlino est la citadine par excellence. Avec un espace optimisé pour deux adultes « et trois caisses de bières », elle permet de se garer perpendiculairement au trottoir. Idéal pour les centres-villes encombrés.
Montre customisée GP10010C Green label chez WMT Watches
Cette pièce d'horlogerie avec mouvement à quartz Miyota FS20 et résistante à l'eau propose un design à la fois rétro et moderne. La numérotation ainsi que les aiguilles dessinées à la main, apportent une touche d'originalité à cet ensemble sobre et élégant.
Lampe Farfalline, design Julian Grégory pour Ukurant.com
Ce luminaire propose un design simple et épuré mettant élégamment à l'honneur le pliage de la tôle. Réalisés en une seule feuille de métal pincée en son milieu pour évoquer le faisceau de lumière, ses deux volumes de part et d'autre permettent un éclairage doux et orienté. À cela, s'ajoute un délicat jeu de reflet sur les courbures du produit.
Retrouvez la totalité de la sélection dans la rubrique "Design 360" dans le numéro 218 d'Intramuros, disponible partout.
Pour cette fin d'année, la lampe Cabanon de l'architecte Le Corbusier est éditée par la maison italienne Nemo. Initialement dessinée en 1951 pour habiller une micro-architecture, elle fait sa réapparition avec de nouveaux matériaux, mais toujours avec style.
La maison milanaise Nemo, fondée en 1993, notamment connue pour la collection The Masters, qui regroupe des lampes conçues par des maîtres du design moderne, revient sur le devant de la scène. Après avoir réanimé des luminaires de Charlotte Perriand, c'est au tour de son homologue, Le Corbusier d'être mis en lumière. La marque édite ainsi la lampe Cabanon créée initialement en 1951.
Un design architectural
Haute de 42 centimètres pour la moitié moins de largeur, cette conception propose un style sobre et épuré. Son abat-jour directement encastré dans le piètement offre un aspect presque monobloc à l'ensemble. De part et d'autre, trois tiges viennent maintenir la structure en courbe et la referment à son sommet par un morceau de zinc. Grâce à ce système d'encastrement et de maintiens verticaux, les matériaux fusionnent harmonieusement. Les volumes semblent naturellement contraints faisant disparaître les caractéristiques classiques d'un luminaire. Il en résulte un délicat mélange entre conception architecturale et forme organique évoquant l'univers maritime.
La traduction d'une vision
Les beaux-arts ont toujours été au cœur des intérêts de l'artiste selon qui « l'architecture est le jeu savant, correct et magnifique, de formes assemblées dans la lumière. » Cette lampe est donc, de ce point de vue, l'illustration parfaite de la philosophie du Corbusier. Mais il s'agit également d'une traduction plastique de son environnement. Alors que l'architecte vient de créer son « cabanon », un bâtiment de 3,66 mètres de côté pensé selon les règles du Modulor, il conçoit cet objet. Plus qu'un simple luminaire, ce dernier est véritablement dessiné pour s'inscrire dans cet archétype de l'architecture essentielle. Elle en deviendra donc la lampe éponyme.
À l'origine fabriquée avec le reste d'un porte-obus de mortier échoué sur une plage et de feuille de claque, elle témoigne d'une vision architecturale totale dans un contexte historique précis. Pour son édition 2023, Nemo propose une réinterprétation du modèle d'origine avec une structure en zinc surmontée d'un papier glacé.
La marque italienne fondée en 1970 est désormais leader mondial des hottes d’aspiration. Un succès qui s’explique entre autres par la place qu’Elica accorde à l’innovation et au design.
Présente sur le marché depuis plus de cinquante ans, Elica est devenue un incontournable des systèmes d’extraction dans la cuisine. Ses usines implantées dans sept pays lui confèrent aujourd’hui une solide assise sur le marché mondial. Réputée pour la qualité de ses équipements, Elica se divise en catégories. D’un côté la société propose ses produits sous son propre nom ou sous celui de ses partenaires, et de l’autre, elle conçoit, fabrique et commercialise des moteurs pour ses conceptions. Un savoir-faire gage de qualité mais également d’innovation. Ainsi, ce sont des hottes multifonctionnelles, dynamiques, tactiles… mais avant tout design qu’Elica propose à ses clients.
Un design inspiré du quotidien
À son arrivée dans l'entreprise en 2005, Fabrizio Crisà, designer chez Elica, s'est demandé : « pourquoi toutes les hottes ont une forme de cheminée ? Je voulais quelque chose de différent, donc je suis reparti de zéro. Les personnes achetaient des frigidaires ou des fours pour leurs designs, mais pas les systèmes d'aspiration. C'est ce que je voulais changer. » Au cours des 18 ans passées dans l'entreprise, le designer n'a jamais rien imposé si ce n'est l'intemporalité et la diversité. Ainsi se côtoient style scandinave et inspiration futuristes dans un showroom de 600m² situé dans la région mère d'Elica, celle des Marches en Italie. Un territoire propice à l'imagination de Fabrizio Crisà. « C'est très difficile de savoir d'où elle vient, mais je pense qu'elle est liée à mon quotidien. Quand je passe du temps avec ma famille ou que je vais au restaurant, mon cerveau se met en route. Les visites d'usines ou de showroom me donnent aussi un aperçu des tendances et de ce qui plaît ou non dans chaque pays. Finalement, ce qui me conduit au produit, ce ne sont pas les études que je mène, mais ce que je vis ! »
C'est par ce cheminement qu'il a eu l'idée en 2016 de créer une nouvelle gamme de plaques aspirantes, situées directement sur la table de cuisson. « Lorsque j'ai créé le système NikolaTesla, je me suis retrouvé face à un problème d'ordre esthétique. Je n'arrivais pas à cacher le système d'aspiration dans la plaque de cuisson donc je l'ai placé au centre de la table pour, non plus le dissimuler, mais le mettre en valeur. » Un raisonnement et un système novateur récompensés par le Compasso d’oro. Aujourd'hui, le système NikolaTesla en est à sa troisième génération et propose désormais un design plus épuré dû au camouflage du système de ventilation. « Notre modèle a évolué car les personnes souhaitent désormais des lignes plus simples. Pourtant, sur notre dernier modèle Unplugged, j'ai souhaité remettre des boutons de commandes en complément de l'écran tactile. J'ai remarqué que les personnes aiment toucher des modules pour commander. C'est évidemment le cas dans la musique où nous réglons les volumes à notre convenance et où les DJ manipulent presque le son. » Une allusion qui a donné son nom au modèle : Unplugged. « Mais la cuisine est aussi un univers très sensoriel, donc permettre de toucher les choses est presque redevenu un besoin » conclut-il.
L'innovation, centre névralgique d'Elica
Afin de conjuguer l'innovation au design, l’entreprise s'appuie sur son propre laboratoire technologique. « Conçu pour favoriser l'essai et la recherche de solutions », il accueille régulièrement des étudiants par le biais de partenariats universitaires ou des marques venant tester leurs produits. Réparti en plusieurs pôles, il vise notamment à la vérification des normes de sécurité, au niveau sonore des équipements, au contrôle des volumes d'aspiration ou encore à la résistance des colis. Des contrôles favorisant l'innovation, nécessaire aux yeux du directeur d'Elica, Giulio Cocci. « Lorsque je suis arrivé en 2018, j'utilisais quotidiennement de l'électroménager sur lequel on ne voyait pas l'innovation. Mais quand je suis arrivé dans le showroom d'Elica, j'ai vu des dispositifs avec des design et des styles qui changeaient radicalement les produits. Le laboratoire est donc une étape importante car, même si le concept d'une hotte reste plus ou moins le même, les performances, le design ou l'utilisation changent. C'est qui permet de donner de nouvelles opportunités aux consommateurs. Notre capacité à innover au niveau des performances vient donc entre autres de la présence de notre laboratoire. » Si l'innovation technologique reste l'une des spécificités d’Elica, l'approche plus humaine est aussi complémentaire à la notion d'innovation selon Fabrizio Crisà. « Ces 5 dernières années, l'approche que les personnes ont de la cuisine a beaucoup changé. Il faut se demander comment elles occupent cet espace, le temps qu'elles y restent, l'importance que cela a dans leurs vies... Les regards sont aussi davantage tournés vers la qualité de l'air ou encore l'utilisation réelle (et plus seulement décorative) des produits. Donc pour nos futures inventions, l'innovation ne sera pas forcément technologique, mais plus fonctionnelle et plus simple. »
Un positionnement conscient des enjeux
Aborder la question de l'innovation et celle de la recherche sans parler de l'environnement n'est plus vraiment concevable pour une entreprise telle qu'Elica. Une vision exprimée par Giulio Cocci pour qui « la durabilité d'une entreprise ne s'exprime pas simplement économiquement. C'est un système global qui commence par le management de l'entreprise et se termine par l'utilisation du produit et son futur. » Mais pour le directeur de la marque, cela implique également des choix induits par des facteurs extérieurs. « Toutes nos plaques fonctionnent à l'induction car l'électricité va prendre très rapidement la place du gaz à l'échelle mondiale. En nous situant dans ce segment, nous contribuons d'une certaine manière à l'avenir. » Une vision entrepreneuriale et sociétale à laquelle le designer apporte une vision plus matérielle. « Le plus écologique, c'est le produit que vous n'aurez pas envie de changer. Si vous créez un objet qui suit la mode, ce ne sera pas bon car les consommateurs ne le garderont pas à vie. Je pense qu'un produit qui utilise du plastique recyclé, de la peinture à faible impact environnemental, c'est bien, mais un produit avec un bon design et de bonne qualité sera meilleur. C'est simple, un t-shirt que vous gardez 50 ans sera plus favorable que 100 tee-shirts avec des fibres écologiques, et si vous voulez changer votre voiture pour une autre qui vous plaît plus, c'est que le design de la première est raté. » C'est dans cette optique que le designer qui a appris dans sa scolarité à « rester loin des codes de la mode », a proposé dès 2009 un modèle de hotte tactile toujours dans l'air du temps. « Cette création a 14 ans et pourtant on dirait la dernière sortie avec ses modules d'aspiration qui sortent de la paroi. C'est donc un bon design qui s'explique par des lignes n'appartenant pas à une époque et une absence de couleurs. » Une conception du design visuellement sobre mais très technologique qui permet à ce modèle comme aux autres, de s'inscrire dans tous les intérieurs et dans toutes les époques.
Une perspective d'innovation malgré le contexte
« Aujourd'hui, l'entreprise réalise 25 % de son chiffre d'affaires grâce aux moteurs et autres composants stratégiques que nous produisons en interne puis vendons à des marques comme Electrolux » détaille Giulio Cocci. « Le reste ce sont des hottes d'aspiration ou des tables de cuisson comme les NikolaTesla. » Une part majoritaire au sein de laquelle 40% est vendu en B2B et 60% en B2C. Une part cependant en souffrance du fait de l'inflation. « Les clients n'ont pas vraiment la tête à dépenser en ne sachant pas de quoi demain sera fait. Or, notre challenge est bien de conserver nos marges pour investir dans l'innovation. » Un champ qui, par-delà les collines de l'Est italien, fait la réputation de cette marque qui brasse de l'air dans bien des cuisines !
Pour sa première édition, EspritContract se tiendra du 18 au 21 novembre au Parc des Expositions de la Porte de Versailles. Plus d’informations sur : https://www.espritmeuble.com/fr/secteur/contract
Flos accroît le développement de son activité CHR sur le territoire sous l’impulsion de Jason Brackenbury, son Président France.
Philippe Starck, les frères Bouroullec, Jasper Morrison, on ne compte plus les designers majeurs édités par la marque italienne. « Au départ, Flos a commencé avec des produits décoratifs, c'est-à-dire des produits domestiques. Cela a évolué, mais aujourd'hui encore, il s'agit de la partie la plus connue et celle sur laquelle il est le plus simple de communiquer. » décrit Jason Brackenbury, président de Flos France. Une part de marché qui représente la moitié du chiffre d'affaires global de l'entreprise. « La France est une sorte de microcosme qui reflète de manière équilibrée la tendance mondiale. À mon arrivée dans l'entreprise il y a une douzaine d'années, nous ne faisions que 15 à 20% de projets contract dans le pays et le reste était du retail. Désormais, c'est équilibré. » Mais Flos se retrouve dans un moment charnière. « Nous avons beaucoup de projets en rapport avec les Jeux olympiques notamment avec les restaurants et les hôtels. Cependant, hormis la conjoncture géopolitique qui impacte les investissements, il y a aussi l'arrivée de jeunes entreprises sur le marché qui offrent des produits abordables. Nous allons donc continuer à vendre nos pièces iconiques sans problème, mais face à ce renouveau, c'est la part de projets contract qui devrait majoritairement augmenter notre chiffre d'affaires. »
Le luminaire au cœur de la conception
« Lorsqu'un architecte vient vers nous pour mettre en place une suspension dans un projet, il prend généralement nos produits architecturaux et les éléments décoratifs. Donc nos objets sont souvent des produits d'appels pour des chantiers plus vastes » analyse Jason Brackenbury. Une situation possible grâce à l'équipe de Flos pour qui quatre architectes travaillent à plein temps sur les projets. Mais c'est avant tout le bureau d'étude composé de 2 ingénieurs d'éclairage, d'une architecte créatrice et de plusieurs éclairagistes, qui permet à l'entreprise de s'engager sur des travaux considérables. Pourtant, « il y a encore 10 ans, c'était mal vu qu'un fabricant ait un bureau d'étude car on vous disait que c'était prendre le travail des autres. Mais le monde a changé et cela permet d'apporter un côté très technique aux réalisations. C'est aussi une manière de renforcer notre capacité de fabrication et notre compétitivité ». Une situation qui a permis à la marque de réaliser de petites pièces techniques permettant par exemple la création d'un luminaire sur-mesure d'une vingtaine de mètres de hauteur réalisé en verre vénitien.
Des contraintes à l'origine du design
Le positionnement de la marque à la genèse des projets lui permet de diversifier ses secteurs d'activités. D'abord connue pour ses produits vendus aux particuliers, elle gagne également du terrain auprès des entreprises. « Nous fournissons désormais de plus en plus de produits BtoB décoratifs pour les entreprises. » Un phénomène nouveau dans le monde du meuble mais qui fait écho à un virage plus général. Les assises vendues dans les bureaux ressemblent de plus en plus à des fauteuils et des canapés pour répondre à une atmosphère de travail moins formelle et dans laquelle le salarié évolue. Résultat, « nous sommes souvent impliqués dans des parties communes comme les entrées ou les derniers étages. Quant aux produits que l'on vend, on ne sait pas toujours où ils vont se retrouver dans le bâtiment ». Une orientation bien différente de celle présente dans les palaces pour lesquels Flos a travaillé. « Nous venons de refaire l'extension de l'hôtel Costes et dans ce type de projet, l'idée est de parfaitement adapter le luminaire à l'architecture. Il y a donc une logique et un besoin de se réinventer avec précision pour que le résultat impacte le client. » Deux univers dans lesquels Flos répond aux contraintes techniques par l'ingénierie, et offre à l'espace une solution design.
Parmi les grandes marques d’éditeurs et les jeunes designers talentueux, dans les allées de Maison & Objet, repérage de produits à découvrir sous la thématique « Enjoy ».
Modularité colorée
Déjà présent dans les collections, le canapé Bolster de Fést se déploie en méridienne. Modulable, composable, il offre la possibilité de créer de nombreuses configurations selon l’espace. Dessiné par le designer Martin Hirth, il est recouvert de tissus Kvadrat dans une large palette de coloris.
Recyclé et imprimé
Lorsque qu’il était étudiant, le designer Dirk van der Kooij a découvert l’impression 3D et en a fait sa technique de prédilection pour ses créations. A partir de plastiques recyclés, il a conçu la chaise Chubby, un modèle ludique fabriqué en petites séries avec ce process.
Perles rares
Pour son premier salon, la jeune marque finlandaise Quu, fondée par la designeuse et architecte d’intérieur Heli Mäkiranta se distingue par sa créativité. Elle associe la douceur du style scandinave intemporel à la beauté des matériaux tels que le bois, le verre ou la céramique.
Valeur sûre
La collection de tables basses PL dessinée par Alain van Havre pour Ethnicraft exprime toute la force d’un design proche de la nature. Chaque pièce en acajou teinté et vernis est polie à la main garantissant son unicité.
Beau verre
Chaque table est unique et produite en petite série ; elle met en lumière la beauté visuelle et tactile du verre. La collection se complète de petits objets, patères, vide-poche dans un esprit résolument seventies. Par le studio Melle Jo.
Crédit photo : Joan Bebronne
Organique
Le designer belge Sylvain Willenz bouleverse les codes de la géométrie en dessinant pour Pulpo la petite table Offset en céramique brillante ; les lignes ont été tracées à la main afin d’être au plus près du grain de la matière.
Ping Pong chic
La collaboration entre Giobagnara et Poltrona Frau, deux marques de l’excellence du Made in Italy, a donné naissance à une collection basée sur le travail du cuir et dédiée au fitness.
Transparence du bois
Grâce à un système coulissant, la feuille de placage qui compose cette lampe artisanale se déplace de haut en bas pour orienter la lumière. Son nom découle du jargon de l’ébéniste, à savoir l’épaisseur du placage de 6/10ème de millimètres. Par Oros Editions, fabrication en France.
Ça roule
Le scooter électrique CEB conceptualisé par Athime de Crécy répond à la mobilité dans l’air du temps et préfigure le design de demain. Il a été sélectionné par Philippe Starck dans le cadre des Rising Talents Awards, au salon Maison & Objet.
Son nom signe des créations comme on appose un sceau. Pour les nostalgiques, il est avant tout l’iconoclaste qui a secoué la sphère du design français dès les années 1980 et l’a menée sur la scène internationale. Pour les aficionados, cet inclassable visionnaire illumine tout ce qu’il touche. Pour les esprits chagrins, c’est un label « bankable » par sa notoriété, qui dépasse bien largement l’audience habituelle du design. Repris ad libitum, le cliché d’« enfant terrible du design » occulte le bourreau de travail qui remet sans cesse les compteurs à zéro pour innover. Si l’on s’arrête sur les données, sa carrière donne le vertige : plus de 860 créations – de l’objet au véhicule, en passant par le mobilier et le luminaire –, plus de 180 projets d’architecture réalisés, plus de 300 prix et distinctions reçus, plus de 70 expositions… Sans compter les projets dans les cartons ou ceux en cours, de la voiture à hydrogène H+ au complexe d’entraînement pour les astronautes d’Orbite… sans oublier des cannes ergonomiques ! Pour ce numéro spécial « Design en France », avec l’élégance de l’expérience, il nous partage sa vision de la génération montante et le fonctionnement de son agence.
Comment percevez-vous la génération actuelle ?
Les jeunes créateurs actuels sont fantastiques, parce qu’ils sont nés dans une société en voie de dématérialisation. Or le futur est la dématérialisation. J’aurais aimé pouvoir créer davantage en m’émancipant de la matière, que je considère comme vulgaire. Hélas, cela n’appartenait pas à ma génération, mais en cela, la nouvelle sera meilleure.
Comment vous positionnez-vous vis-à-vis d’elle ?
Chaque génération change, de plus en plus rapidement et de plus en plus profondément. Je travaille toujours seul, face à moi-même, avec mon bloc de papier calque et mon critérium, afin de rendre le meilleur service à ma communauté. Je n’utilise pas de téléphone ou d’ordinateur, car vous êtes nécessairement limité par la technologie, par le logiciel. Notre cerveau est l’ordinateur le plus puissant ; avec mon crayon et ma feuille, ma seule limite est mon imagination.
Quelles sont ses forces ? Ses faiblesses ?
Cette nouvelle génération retrouve des valeurs éthiques, sur le modèle de designers italiens communistes tels qu’Enzo Mari. Ils ont conscience qu’ils doivent faire face aux paramètres urgents de notre époque, comme la dimension écologique. L’important est de retrouver des valeurs simples et pérennes, de vivre en harmonie et intelligemment.
La diversification et l’omniprésence des réseaux sociaux, notamment, font qu’ils regardent beaucoup plus ce que les autres font, ils se comparent et s’inspirent les uns les autres. Or la première chose est de comprendre que tout ce qui vient de vous doit vraiment venir de vous. Je pense que tous les matins il faut être un cheval et passer un obstacle. Le mieux est de ne pas tomber, de réussir à passer l’obstacle et, le lendemain, d’en passer un encore plus grand. Pour cela il faut être seul, face à soi-même. Il faut comprendre qui l’on est, et son potentiel. Comprendre réellement ce qui vous intéresse. Puis, il ne faut pas écouter les gens, lire les journaux, regarder la télévision ni se rendre dans les soirées mondaines. Il faut vivre comme un ermite. C’est difficile quand on est jeune, mais c’est la seule façon de pouvoir apporter au monde une idée fraîche, parce qu’elle sera sortie de vous. Qu’elle soit bonne ou mauvaise, ce n’est pas le sujet. L’important est que vous ayez créé avec un engagement total, avec la plus grande honnêteté, la plus grande largeur d’esprit et la plus grande générosité. Et si personne n’a compris l’idée, tant pis. Il ne faut pas écouter les avis. À un moment ou à un autre, le temps vous rattrapera signifiant que vous étiez en avance. C’est formidable d’être en avance, c’est un devoir.
Qu’attendez-vous de cette génération ?
Cette génération ne doit pas entrer dans le jeu du marketing et être la complice de la sur-séduction, car cela incite à l’achat de quelque chose dont nous n’avons pas besoin et qui étouffe le monde. La partie intelligente de la production humaine s’appelle la dématérialisation. C’est-à-dire qu’autour de nous notre production intelligente augmente la qualité, augmente la puissance, augmente l’intelligence tout en faisant décroître la matière. Il y aura de moins en moins de matière et de moins en moins d’objets. Heureusement, parce que plus il y a de matière, moins il y a d’humanité. Aujourd’hui, un designer doit penser à des services immatériels ou à des objets à condition qu’ils offrent un véritable service à la communauté, qu’ils soient utiles et durables, pensés dans des matériaux intelligents.
Et à l’inverse, au regard de votre carrière et de votre notoriété, ressentez-vous une pression d’être un ambassadeur du design ?
Le design est juste un moyen faible d’exprimer des idées et des concepts. Cependant je suis conscient, en tant qu’être humain, de mon devoir de transmission, de mon rôle dans l’histoire et l’évolution de l’humanité.
Comment sourcez-vous les jeunes talents ?
Pour être honnête, je ne m’intéresse pas du tout au design. Je travaille seul de douze à quatorze heures par jour, en restant concentré sur des sujets compliqués. Donc je n’ai pas le temps de regarder ce que les autres font. Pour cette édition des Rising Talent Awards, à laquelle je suis honoré d’avoir été invité en tant que président, j’ai eu l’occasion de découvrir des jeunes designers à travers la sélection du jury. J’ai choisi Athime de Crécy, qui a travaillé dans mon agence et qui possède une grande et rare singularité.
Votre agence comprend un département en design et un autre en architecture. Comment fonctionnez-vous avec vos équipes ?
Ayant une longue carrière, j’ai la chance d’avoir un réseau Starck, que nous appelons le Starck Network, très diversifié et fort, regroupant différentes expertises. Je dessine tout moi-même, seul, au milieu de la forêt et des dunes, et ma formidable équipe de « Formule 1 » développe sur ordinateur. Il s’agit d’une équipe minuscule, composée de quatre personnes en design et d’un peu plus en architecture. Nous travaillons en moyenne sur 250 projets par an. Cela veut dire que je travaille et que nous travaillons tous beaucoup.
Comment le sourcing, point fort de l’agence, est-il organisé ?
Je ne suis ni designer ni architecte. Je suis un explorateur qui explore un peu de tout. Ensuite, j’ai des choses à raconter. Toute ma vie, j’ai travaillé avec des matériaux intelligents. Des matières issues de l’intelligence de l’homme, quelles qu’elles soient, pour ne pas avoir à utiliser uniquement les matériaux issus de la nature, parce que les matières naturelles sont des matières vivantes. La recherche de nouveaux matériaux est constante, pour plus de durabilité, plus de produits biosourcés. C’est un défi que nous avons relevé par exemple avec Kartell ou encore avec la recherche d’un contreplaqué moulé, en trois dimensions, que nous avons fait avec Andreu World. Au-delà des matériaux, il y a de bonnes marques qui inventent et font des produits de qualité, intelligents. En général, ce sont celles avec lesquelles nous travaillons.
Comment fonctionnez-vous dans le suivi des projets ?
La réalisation d’un projet, du concept à sa matérialisation, prend en moyenne de cinq à dix ans en architecture, et environ de deux à quatre ans en design. Avec mon équipe, je suis toutes les étapes, dans les moindres détails – car le diable est dans les détails. En architecture comme en design, un bon design se joue souvent au dixième de millimètre près.
Comment garantissez-vous en interne une signature Starck avec une nécessaire délégation dans la réalisation de projets (pour les produits comme pour les aménagements) ?
Les principes fondamentaux sont : la créativité, la vision la plus élevée, la vision la plus lointaine pour cette créativité, l’honnêteté absolue et le travail, le travail, le travail, le travail. Et essayer d’être bon, d’être une bonne personne, d’être toujours dans l’élégance – non pas vestimentaire – mais du rapport aux autres. Le projet n’est que le résultat de l’élégance dans les rapports entre les partenaires pendant tout le processus.
Comment l’équipe est-elle recrutée ?
Nous recevons des candidatures régulièrement, et dès lors que nous avons un besoin, je contacte directement les designers dont les profils m’intéressent. Pour ce qui est des autres domaines d’expertise, c’est ma femme qui s’en occupe.
Quelle fidélité existe-t-il avec ceux qui partent se mettre à leur compte ensuite ?
Tout créateur a une responsabilité, et fréquemment il finit par voler de ses propres ailes un jour ou l’autre. Aujourd’hui, je suis content de voir le travail que proposent d’anciens collaborateurs et d’anciennes collaboratrices dont les réalisations rendent de réels services à leur communauté, tels que Matali Crasset, Ambroise Maggiar ou encore Athime de Crécy.
Raphaël Le Berre et Thomas Vevaud se consacrent à des projets résidentiels privés haut de gamme. Ils revendiquent leur appartenance à une filiation, celle des grands décorateurs et ensembliers français du XXème siècle.
Depuis leur rencontre à l’École Camondo, renforcée par la création de l’agence d’architecture d’intérieur en 2008, ils ne font qu’un. Leur style et leur mode de fonctionnement perdure depuis plus de 30 ans. Leur secret ? Des solutions rigoureuses, exigeantes, proches des métiers d’art et des savoir-faire d’excellence. Unis dans la première phase de questionnement et de recherche, chacun dans ses compétences prend en main une partie du projet, dans la phase de réalisation autour d’une même synergie. « Apprendre à connaitre le client, échanger sur les grandes lignes, tels sont les étapes qui guident notre cheminement créatif ».
De l’appréhension de l’espace au design de mobilier
En tant que décorateurs, ils placent le mobilier au cœur de leur réflexion. Comme une extension de l’architecture intérieure, il est intégré dès la première phase du projet parce qu’il donne l’échelle, définit les cloisonnements, les circulations entre les sous espaces et la volumétrie de la pièce. « On aime créer des formes naturelles rondes et confortables tout en matières pour des fauteuils ou des canapés dessinés sur mesure. » Souvent issues de collections personnelles du client, les œuvres d’art elles-aussi, sont absorbées dans la conception d’un appartement haussmannien ou d’une maison de vacances. « Les peintures grands formats ou les paravents sont positionnés, éclairés en fonction de la vision du propriétaire des lieux, sans privilégier le contexte muséal »…
Quant au choix de matériaux, il est en perpétuelle mouvance mais proche du cahier des charges du client. Et si les goûts affutés et éclectiques des décorateurs ont évolué avec le temps, il y a cependant une échelle minimale constante, que concrétisent les belles palettes claires des peintures Ressource, ou Argile. Les matériaux nobles tels que le bois, la pierre ou le marbre, ajoutent sans surenchère, une qualité sublimée par les réalisations sur mesure des artisans. « Ce qui crée le socle de notre travail, c’est cet écrin de teintes naturelles, les murs écrus ou le parquet en chêne clair brossé mat ». Résultat, on reconnait parfaitement une écriture personnelle qui intègre les besoins du client.
Le mobilier et les objets de design
Dans un futur proche, les projets résidentiels ne manquent pas : la réhabilitation d’appartements de style victorien à Londres dans le quartier de Kingston garden, une extension d’appartement à Neuilly sur deux niveaux, une maison sur toit terrasse face au Bois de Boulogne… Pendant la Paris design Week, l’agence présente ses collections de mobilier de haute facture dans leur galerie rue de Verneuil à Paris. Les jeux de matières et de textures chics et audacieuses de Nomade, et le développement de Terra et Empreinte sont convaincants pour le visiteur, et soulignent la modernité des collections faciles à adopter chez soi. Le plateau Tortuga, le banc Goa ou la table Giulia, les luminaires et chandeliers, le tabouret Barth expriment ce langage créatif qui s’inscrit dans la lignée des nouveaux classiques de la décoration. Les collaborations du tandem avec de grands éditeurs de tissus d’ameublement, tels que Misia ou Metaphores, viennent clore la richesse de leurs créations d’un art de vivre à la française, entre le classique style Art déco et la gaieté du mouvement Memphis.
Du 7 au 11 septembre, Fien Muller et Hannes Van Severen sont les Designer(s) Of The Year 2023 au prochain Maison&Objet. En une douzaine d’années, ils ont su développer un langage stylistique unique qui bouscule les codes du mobilier. Une exposition-cocon sur le hall 7 à Paris Nord Villepinte offre une plongée dans leur culture flamande et leur imaginaire.
Quand on les voit en photo, leur nonchalance et leur aisance appelle immédiatement l’image du couple Bogart-Bergman dans Casablanca. C’est pourtant de Evergem, petite bourgade oubliée en lisière de Gand, dans un studio ouvert sur la nature, qu’ils dessinent leurs projets. Ils se sont rencontrés à l’Académie des Beaux-Arts de Gand où Hannes se forme à la sculpture et Fien à la photographie. En 2011, ils débutent leur collaboration dans un réel partage d’une culture nourrie d’arts visuels, de photographie et de design. Dans leur stand ils ont souhaité recréer le paysage figurant les éléments principaux de leur quotidien : l’atelier, la maison, le jardin. « Trois îlots recomposent au milieu des allées du salon, notre petite oasis dans le désert d’Evergem, explique Fien Muller. L’exposition agit comme une installation globale et immersive où nos pièces existent comme autant de petites entités autonomes. Elle est un miroir de notre intérieur mais aussi de notre esprit. »
Et leur esprit est fait de lignes droites et d’angles droits à l’image du Poème de l’angle droit. «C’est à l’intérieur des limites imposées par l’objet que notre créativité s’exprime le mieux explique le couple. Le champ des arts peut sembler effrayant tant il est vaste et riche de possibilités.»
Des meubles-sculptures
Comme dans une bulle suspendue, leurs meubles-sculptures, comme autant de micro-architectures indépendantes, se répondent et invitent à une expérience sensorielle de l’objet. Avec les bleus, rouges, verts et jaunes vifs ils font directement référence à Piet Mondrian et au groupe De Stijl. Dans la collection Future Primitive, ces couleurs se répètent imposant le style Muller Van Severen. On ne parle pas design mais style, à la française. Les étagères de différentes hauteurs et configurations incorporent des transats ou des luminaires sur pied, pour faire lampes de lecture. Les lignes ne sont pas simplistes mais simples, les couleurs vives, ludiques, joyeuses. « Grande source d’amusement ». Les armoires murales en acier de la série Wire ou les bancs et cabinets Alltube réconcilient le tout-venant avec l’aluminium, matière exceptionnelle.
De Bitossi à Hay
Leurs actualités témoignent d’une vive création. 2023 verra une série de vases pour Bitossi présenté à Milan au Salone Del Mobile ; ainsi qu’une lampe de lecture pour valerie_objects. Les tapis March et July qui ont fait fureur à Milan, sont en exclusivité française sur Maison & Objet. Leur surface s’inspire des différents stades de tonte naturelle des moutons et dévoile une méthode de production unique où le berger doit faire preuve d’une maîtrise exceptionnelle pour dégager les 80 kg de laine qui peuvent habiller la bête. « Couleur, goût, odeur, peuvent déclencher des émotions puissantes », explique le duo. Une nouvelle production pour la marque danoise Hay vient enrichir une coopération remarquée.
Réminiscences
Leurs objets s’exposent autant qu’ils s’éprouvent et trouvent leur juste place dans des décors de rêve comme à la Villa Cavrois à Roubaix en 2020 pour l’exposition « Design ! » dans le cadre de Lille Métropole 2020, Capitale du design. Chez valerie_objects, leur mobilier ressemble au mobilier d’école que l’on trouvait dans les années 90 dans les réfectoires. Simples, en bois – bouleau, chêne, cerisier et noyer massif peint – et métal avec des tables rondes, ovales ou en rectangle passant de 150 cm à 240 cm. Les tables se complètent de l’Alu chair en aluminium qui convient aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur grâce à un traitement à la cire d’abeille et une laque de protection contre les UV mais pas d’anodisation. La structure en aluminium brille de mille feux et les assises et dossiers en couleur confèrent à la chaise son esthétique si particulière.
Une certaine maîtrise de l’aluminium
L’aluminium est naturel comme il l’était dans le travail de Maarten, figure tutélaire du père décédé trop jeune, laissant ses dessins à explorer et fignoler. A l’instar de Maarten Van Severen, leurs objets ont une portée de silence, en résonnance avec l’espace. Ils sont installés dans des lieux parfaitement vides, plus comme un signe que comme une écriture. Ils se confrontent à la ligne de partage d’un sol et d’un mur mais aussi à la fenêtre et à la possibilité d’horizon, sont l’expression la plus simple de leur fonction. Adapté aux nouvelles contraintes de la construction, leur aluminium est simplement ciré. Si Maarten Van Severen était réfractaire à l’idée d’un style, Muller Van Severen a fait de ses lignes droites une esthétique qui s’inscrit dans la durée.
Leur chaise Allu se cogne aux couleurs de leurs rangements, tables et chaises. C’est une percussion symphonique. Le Pillow Sofa rallie tous les fans de coussins ceinturés comme le Duo Seat, un siège de conversation. Peut-être ont-ils vécu ce moment pour si bien le retranscrire ou peut-être ont-ils trop traîné dans les musées viennois pour lui donner la contemporanéité du 21e siècle… Une mise en abîme à la Wes Anderson, brodée à quatre mains qui donne le vertige. La finitude des choses n’en finit pas de planer sur les collections de Muller Van Severen.
Praticable est une coopérative-studio de design. Son sujet de prédilection ? Les enjeux du numérique, avec une attention particulière portée aux vies et aux milieux que la technique affecte. Son objectif ? Favoriser l’autonomie, outiller, rendre capable, en donnant forme à des objets praticables, permettant de faire soi-même.
Rencontre avec Thomas Thibault, designer et co-fondateur du collectif, avec Anthony Ferretti, et Adrien Payet, philosophe et codeur, membre du collectif.
Qui est Praticable ?
Un studio de design qui réalise des objets… praticables. C’est-à-dire des objets réglables, transformables, paramétrables. Le « -able » a son importance : c’est là où il y a, à notre sens, du jeu, au sens de marge manœuvre. Des objets finis mais toujours un peu en devenir, à faire. Nous ne cherchons pas à faire des jeux, même si cela arrive, mais nous sommes très attentifs à la dimension politique des jeux (et du jeu) dans le design. Ce que nous pratiquons au quotidien, c’est le numérique. Un contexte dans lequel les parcours sont très guidés. Qui manque beaucoup de jeu, justement. Or, à notre sens, cette marge de manœuvre est très importante. Pour de multiples raisons. Comme par exemple, offrir la possibilité de régler l’impact écologique de ses usages numériques, ou encore en percevoir les mécaniques. Un game designer les fait souvent comprendre à ses joueurs. Dans le numérique c’est beaucoup moins courant. On tente plutôt de cacher aux utilisateurs les mécaniques de ventes de données, les mécaniques sous-jacentes, et les impacts, dans une coque hermétique. Utilisez, y’a rien à voir !
Il y a une dimension pédagogique dans votre approche ?
On envisage souvent la pédagogie comme une manière de délivrer des messages, des propositions, des connaissances, alors que chez Praticable, nous pensons que le fait d’apprendre et de comprendre peut passer, non pas par l’apprentissage de la connaissance, mais par l’expérience technique, qui nous permet de comprendre la consistance du monde dans lequel on vit. C’est comme ça que nous pensons le jeu. Il y a effectivement une dimension éducative, probablement une saveur particulière du jeu. Mais qui ne relève pas de l’excitation, ou de tous ces mécanismes physiologiques ou cognitifs activés par des interfaces « gamifiées » ou « gamifiantes ». Là où on se joue du joueur en mobilisant son appétit naturel ludique. Uber est très bon exemple de « gamification » problématique. Quand on est conducteur, l’application nous enjoint à faire un certain nombre de courses pour débloquer des points. Elle dissimule le travail sous les attributs du jeu. Un jeu qui ne se montre pas, qui ne se déclare pas comme jeu, alors même que le jeu est un espace-temps défini, dans lequel on fait des choses que l’on ne ferait pas forcément dans la vraie vie. Dans lequel on peut essayer, tenter, échouer, sans conséquences. Un lieu où l’on peut être plus audacieux qu’en réalité. Nous entretenons un rapport critique au jeu.
Mais vous le mobilisez ?
Il est moins question de positionner le design en jeu que le jeu dans le design. Laisser ces marges de manœuvre est aussi un moyen de montrer la responsabilité du design, les conséquences des choix de conception. De ne plus placer celui qui pratique dans une position d’utilisateur où le code fait la loi. Si l’on se joue de la proximité entre la règle et la loi, un « appareil » réglable est un appareil dont on peut faire et défaire la loi de fonctionnement. C’est un peu ce que nous poursuivons.
Concrètement ?
Nous menons depuis mars 2022 un projet de recherche en design auprès du laboratoire en informatique LIRIS du CNRS pour réduire les impacts écologiques du numérique. Il s’appelle Limites numériques. L’un des travaux réalisés dans ce contexte était un cahier d’idées pour une pratique écologique dans un navigateur web, qui, en tant qu’individu, est aujourd’hui l’un des derniers outils qui nous permette de jouer avec le web. Le simple fait d’activer un bloqueur de pub, c’est déjà échapper à une partie de la pollution du net, en termes d’énergie et d’attention. Mais nous pouvons aller plus loin. Nous avons réfléchi à la manière dont ce navigateur pourrait faire comprendre son fonctionnement, ses impacts écologiques, et ainsi nous permettre de modifier nos usages de manière consciente et éclairée. Si on ne peut pas modifier, régler, paramétrer, ça ne sert à rien. Nous avons aussi travaillé sur les applications mobiles, les représentations du numérique, la manière dont il se présente à nous (formes, images, pictogrammes), et conditionne ce que l’on en pense. Si je représente le cloud avec un nuage, je n’en ai pas la même compréhension que si je montre que c’est l’ordinateur de quelqu’un d’autre. Ces choix de mots, et de vocabulaire graphique conditionnent notre perception. C’est important.
Autre exemple : nous avons été consultés pour réaliser la mise en forme (voire en page) d’un document d’étude sur les usages du numérique dans le théâtre. Nous avons proposé un logiciel, un outil dans lequel les commanditaires puissent intégrer tous les contenus de l’étude, tout en laissant aux autres lecteurs la possibilité d’exporter leur propre étude. Les parties, textes, chiffres, informations peuvent être ré-agencés différemment par les lecteurs, en fonction de leurs besoins. Ils peuvent ensuite retravailler leur collecte et l’exporter en PDF par exemple, et aller présenter cette étude à un élu, une directrice, pour les convaincre de mettre en place telle ou telle action. La condition du mouvement, presque mécanique des tous ces éléments, ces informations, c’est qu’il y ait du jeu. Un jeu qui court-circuite un peu la dimension dogmatique que peut avoir une étude, et qu’elle serve à tous. Si on présente les chiffres, les informations dans un ordre différent, qu’on l’a défait, déconstruit, dont on a extrait des parties, l’étude peut dire autre chose. C’est là où il y a du jeu : dans la production possible d’un autre sens. Ici, nous cherchons des pratiques de lecture et de partage. Mais au fond, nous travaillons de cette manière-là sur presque tous les sujets qui nous sont soumis.
Quoique évoluant dans les espaces virtuels, l’artiste et designer Charlotte Taylor procède d’une approche créative particulière. Alors qu’elle travaille elle-même en « analogique », avec crayons et papiers, elle s’entoure d’artistes 3D pour l’aider à peaufiner des projets épousant les nouveaux contours technologiques des intérieurs immersifs qu’elle signe.
« Mes projets sont toujours issus d’un aller-retour entre réel et virtuel », reconnaît-elle. « Cela cadre bien avec ma façon de travailler, à distance, avec une communication purement visuelle et riche en diagrammes ». Les rendus de ses espaces rêveurs – d’où leur nom de dreamscapes – sont particulièrement guidés par la texture de ses images, donnant à la fois un côté très sensible et réaliste à ses intérieurs, en grande partie grâce à la lumière qui s’y exprime. « La lumière est pour moi l’élément clé d’un espace », revendique-t-elle. « Jouer avec une lumière naturelle et chaude donne une impression familière et moins austère aux intérieurs ».
Mais là encore, c’est la référence à des détails très concrets qui caractérise l’essence très vivante de ses créations. « J’utilise toujours des petits détails visuels empruntés au monde réel pour sublimer d’un trait de réalisme des espaces totalement virtuels, mais surtout je traite véritablement mes projets numériques comme s’ils étaient de vrais projets physiques. Dans les projets réels, ce sont souvent les contraintes des clients, d’ingéniérie ou d’autres facteurs liés à l’environnement immédiat qui font varier les projets depuis l’intention initiale. Bien sûr, dans un projet virtuel, l’impossible devient possible. Mais j’aime garder à l’esprit ces petites contraintes qui créent toutes les incidences des intérieurs, comme la disposition des prises, des commutateurs et autres éléments domestiques. »
Maison de sable
Plusieurs de ses projets d’architecture d’intérieur emblématiques ont été conçus avec le designer 3D Stefano Giacomello, comme Casa La Paz ou Sand House (qui a donné le nom de son agence, Maison de Sable). « Sand House est né d’une vision augmentée des châteaux de sable de notre enfance, améliorés en quelques chose de vivable en termes d’échelle », explique Charlotte Taylor. « Dans Casa La Paz et Sand House, comme dans beaucoup de mes premiers travaux, l’espace a été ébauché à partir d’un simple cadrage d’image alors que désormais je travaille d’une façon plus traditionnelle à partir d’un plan mis en perspective, mais cela reste une démarche inspirante. Dans ces travaux, le mobilier est directement lié aux formes de l’architecture. L’idée est vraiment de coller aux formes douces, incurvées et organiques de l’architecture pour créer une conversation homogène entre le mobilier et l’espace. »
Une autre de ses collaborations récurrentes est avec le créateur 3D et designer d’intérieur français Anthony Authié (Villa Ortizet, Neo-Chemosphere, collection de NFTs pour Architoys). « Je collabore avec Anthony depuis très longtemps. Son Zyva Studio a un style visuel totalement unique et nos collaborations sont toujours l’occasion de fusionner nos deux univers ». Entre l’excentricité naturelle, riche en identifiants couleur d’Anthony Authié, et les textures plus fluides et lumineuses de Charlotte Taylor, le courant passe à l’évidence. « Nos projets architecturaux comme Villa Ortizet ou Neo-Chemosphere procèdent toujours d’un désir commun d’explorer et de révéler des choses qu’on ne voit pas. Pour Neo-Chemosphere, nous avons repris la structure externe du bâtiment construit par John Lautner, pour façonner son design intérieur, qui est d’ailleurs toujours susceptible de se compléter d’autres éléments. C’est ce qui est passionnant avec le médium numérique : rien n’est jamais totalement fixé. D’autres parties non visibles peuvent toujours surgir. »
Renaissance est une agence d’un genre nouveau, qui se positionne dans l’accompagnement des artistes et des marques désireuses de pénétrer l’univers du web3 pour qu’elles puissent à la fois comprendre ce nouvel environnement complexe et mettre en place les dispositifs créatifs et stratégiques dans ce domaine.
« Notre idée est de créer des expériences immersives qui rendent intelligibles la complexité du web 3 et qui permettent de mettre en valeur ce principe de rareté digitale induit par les NFTs », explique Adrien Ohannessian, l’un de ses trois fondateurs. Il poursuit : « Avec le WEB 3 et l’apparition des NFTs, nous avons vraiment eu l’impression d’une révolution technologique favorable aux artistes. C’est ça qui nous a donné envie de nous lancer. » En effet, avec les smart contracts – la preuve formelle d’authenticité qui se trouve dans l’œuvre elle-même, et qui intègre le créateur de l’œuvre, tout comme son acquéreur de façon inaliénable – mais aussi grâce au principe de décentralisation de la blockchain, l’artiste n’est plus dépendant d’un tiers comme les grosses structures du réseau social pour affirmer ses droits sur son œuvre et recréer un principe d’échange communautaire dont il reste maître. « Cela fait 15 ans que tout est gratuit sur internet, financé par la publicité et ça ne choque personne. Désormais, on peut parler de souveraineté de la data à l’ère digitale. »
Pour soutenir cette créativité émergente, Renaissance a cofondé la NFT Gallery, une galerie d’art digital créée avec une centaine d’entrepreneurs français, située juste en face de Beaubourg, qui se veut un lieu d’éducation pour comprendre ce nouvel écosystème (pour par exemple se familiariser avec les airdrops, ces fameux lancements promotionnels de jetons promotionnels NFTs à destination de la communauté d’usagers), ou voir des expositions (comme X-Hack, en hommage à artiste de la scène du crypto-art comme XCopy).
La dynamique est réelle en ce moment avec la mise en place de nombreuses plateformes de vente d’œuvres ou de curation, mais aussi un intérêt de l’institution muséale, avec le lancement de collections de NFTs au Centre Pompidou, qui choisit même de les faire sortir de l’écran en imprimant les formes abstraites d’Autoglyphs, du duo de créateurs Larva Labs, sur les murs du musée.
Une agence intermédiaire entre créateurs 3D et marques
Bénéficiant de cette expérience et de cette dynamique, Renaissance peut ainsi recommander des artistes à des marques, comme le studio 3D Plus Mûrs à Renault, voire épouser elle-même un positionnement artistique (comme cela a été le cas avec la designer d’intérieur Laura Gonzalez, spécialiste du mix and match, dans le cadre de D3sign capsule). Dans tous les cas, l’agence développe une relation privilégiée avec des artistes particulièrement porté par ce nouvel esprit libertaire offert par les NFTs, comme le DJ techno Agoria qui retrouve dans ce nouvel environnement des éléments de comparaison avec le côté underground de la scène électronique des débuts (le duo Larva Labs a d’ailleurs lancé une collection de NFTs à succès baptisée CryptoPunks). Du côté des marques, Renaissance apporte l’avantage d’une expertise et un savoir-faire concret bâti sur ce rapport spécifique avec les artistes numériques/3D liés à ce nouvel environnement web 3. Pour Dom Perignon, Renaissance a créé une expérience 3D online pour vendre 200 bouteilles de champagne virtuelles, donnant chacune accès à une bouteille bien réelle, en amont de sa collection « physique » avec Lady Gaga.
Pour célébrer le cinquantième anniversaire de la R5 (1972-2022) et faire entrer le groupe Renault dans le WEB 3, Renaissance a conçu 1972 nouveaux designs à partir des quatre modèles physiques (R5, R5TL, R5Turbo, et Carvan), et les a diffusés comme des pièces uniques en NFTs, « un peu comme une nouvelle génération de véhicules Renault, mais avec plein de variations de couleurs et de textures ». Pour Evian qui voulait célébrer sa collaboration avec l’artiste Sara Shakeel, connu pour ses travaux de collages à effets paillettes sur des photographies et objets en 3D, Renaissance a lancé une collection de NFTs via le marché Tezos, une blockchain green. L’ensemble des revenus a ensuite été reversé pour financer le programme digital Young Talent Fund du nouveau musée 3D de Somerset House.
Le Grand Est parisien a le vent en poupe ! Pour preuve, la 7e édition de la biennale Emergences a encore une fois exposé un vivier de talents locaux du 1er au 4 juin derniers au Centre National de la Danse de Pantin.
Les métiers d’art et du design du territoire Est Ensemble étaient représentés par une trentaine de professionnels de la création sélectionnés par Véronique Maire et Helena Ichbiah, co-commissaires de In-Situ. Ensemble, elles ont souhaité montrer le processus de création qui a permis la mise en lumière de lien entre les différentes disciplines.
Imaginée en six tableaux baptisés studios, cette scénographie s’est déployée sur trois niveaux du CND. Les pièces exposées dans les studios couleur, matière, ornement, épure, manifeste et radical-futur ont démontré le bon fonctionnement de cet écosystème intercommunautaire.
Engagés, les designers, artisans d’art et artistes, tous affiliés aux neuf villes du territoire Est Ensemble, ont partagé leur univers par le biais de dessins, prototypes, échantillons, réalisations et autres maquettes.
Les travaux d’ébénisterie de Materra-Matang, le constructivisme de Pierre Lapeyronnie, la transversalité de l’atelier Noue, l’engagement de Hall.Hause, l’harmonie décalée de Hugo Dubray ou encore la dénonciation d’Anaïs Beaulieu font partie des coups de cœur de cette biennale dédiée au savoir-faire et à l’excellence.
Ce panorama très enthousiasmant est un des reflets du dynamisme de ce territoire ascensionnel.
En 2023, la sixième biennale des métiers de l’art et de la création contemporaine a fêté ses dix ans d’existence en célébrant la créativité du Québec, pays à l’honneur.
Le Grand Palais Ephémère vient de refermer ses portes sur le salon Révélations. Très qualitative, cette nouvelle édition a permis au public de découvrir 350 exposants, dont 71 % de nouveaux venus. Dans la scénographie toujours aérée du designer Adrien Gardère, ces créateurs, galeries, manufactures, régions et associations, issus de 29 pays, ont été sélectionnés par le comité d’orientation artistique, composé de onze acteurs de la filière, des arts, du marché et des institutions. Fidèles à ses valeurs, Ateliers d’Art de France, organisateur de l’évènement, a renouvelé son exposition centrale « le Banquet », mis en lumière la création foisonnante d’un pays – cette année, la province du Québec -, ou encore a réalisé un focus appuyé sur les jeunes talents du secteur.
Le Banquet, l’excellence des savoir-faire internationaux
Exposition-signature du salon, le Banquet 2023 a présenté la crème de la création provenant de dix régions du monde. La Chine, l’Egypte, l’Equateur, la France, l’Irlande, le Portugal, les Pays-Bas, mais aussi le Rwanda, la Suède, l’Ukraine et l’Europe ont dialogué autour des matières et des techniques. En dix espaces, 70 artistes et manufactures ont repoussé les formes et les frontières. Parmi les propositions, quelques pièces ont retenu notre attention. Certaines provenaient de l’exposition « les Aliénés » du Mobilier national, réalisée en 2022, présentant des meubles inusités du Mobilier, revus par des plasticiens aussi audacieux que provocateurs. Sur le Banquet, le designer Thierry Betancourt, en collaboration avec la Maison Louis Marie Vincent a posé La Rêveuse, commode en bois de rose de style Louis XV, recouverte d’une épaisse gangue blanche, réalisée en « carton pierre », une technique ancestrale du XVIIème siècle remise au goût du jour. Les formes organiques de cette dernière semblent annihiler le caractère utilitaire du meuble. A l’aide de cuivre gonflé à la flamme, Prisca Razafindrakoto a transformé la chaise d’écolier Mullca 510 du créateur légendaire Gaston Cavaillon. De même, sur le Banquet Europe, la suédoise Léonie Burkhardt a présenté Radiant Pink, sorte de vase textile créé à partir d’un fil rétractable thermoréactif, où aucune couture n’est visible, tandis que Blush, pièce de l’Irlandaise Helen O’Shea sublimait une bouteille plastique grâce aux fils de coton et épingles à coudre. Enfin, le Rwanda brillait notamment à travers Mannequin, une pièce imposante de métal et fils, du jeune plasticien Cedric Mizero.
Le Québec à la fête
Aux côtés de nouveaux pays exposants comme l’Arménie, l’Egypte, le Danemark, le Liban, mais aussi l’île française des petites Antilles Saint-Barthélemy, pour ne citer qu’eux, la nation Québec était l’invitée d’honneur du salon, faisant suite à l’Afrique en 2022. « Ce pays était déjà présent sur le Banquet 2019, explique Stéphane Galerneau, président fraîchement élu à la tête d’Ateliers d’Art de France et du salon. Bénéficiant du plus gros budget culturel jamais alloué aux métiers d’art, nos cousins francophones portent les couleurs d’une création libérée des contraintes patrimoniales, et ont cette volonté d’inclure les peuples autochtones. » Soutenus par le conseil des métiers d’art, la maison des métiers d’art de Québec, le gouvernement québécois et sa délégation parisienne, trente-quatre créateurs dont dix des Premières Nations ont proposé des pièces en verre, textile, métal, pierre, papier, bois, céramique, hybridant les cultures nordaméricaine et européenne. Parmi ces nombreux artistes de la matière, le duo canadien Hélène et son mari – la céramiste Hélène Chouinart et le sculpteur Jean-Robert Drouillard – exposait, non sans humour, J’effeuille les parfums de mon enfance, une installation composée d’une kyrielle de tasses en céramique, accompagnées d’une figure en bois. Une œuvre illustrant les pratiques traditionnelles de cet art du feu, réactualisées par des motifs imprimés par décalcomanie. Exclusivement dédié à quinze artistes québécoises et canadiennes, dans trois lieux parisiens, le programme « Hors les murs » accompagnait également cette foisonnante sélection de la Belle Province, visible sur les deux grands stands in situ.
Sur l’Agora, l’avenir du secteur
L’exposition collective des dix ans du Prix de la Jeune Création Métiers d’Art, accueillait le public, dès son entrée, sur l’Agora. « Cette année, Révélations a souhaité valoriser tous les lauréats dénichés sur le territoire français depuis une décennie », renchérit Stéphane Galerneau. Lauréate 2023 avec l’artiste du verre Tiphaine Germaneau, la céramiste Cécile Fouillade alias Siquou présentait quelques nouveaux Vases Fourrure reproduisant en céramique le pelage animal, inspiré de sa dernière résidence artistique au Groenland. Parmi d‘autres, la brodeuse Clémentine Brandidas, lauréate 2018 exposait Shanshui, marqueterie de plumes sur soie teintée, tandis que l’étonnant collier Kaa, en cuivre et argenture était l’œuvre réalisée et récompensée en 2016, par Marine Dominiczak, artiste du bijou contemporain.
Tremplin pour la jeunesse, acteur économique déterminant pour toute une filière, le salon s’est créé, au fil du temps, un ADN unique. Cette année, cette identité particulière s’est aussi exprimée à travers Columbidae, œuvre délicate de papier de la sculptrice japonaise Kuniko Maeda, associant technologie numérique et artisanat d’art nippon. « Nous souhaitions souligner la diversité de nos métiers, poursuit Stéphane Galerneau, et présenter au public des métiers plus rares. »
Le design en trois coups de coeur
Si le président d’Ateliers d’Art de France et du salon affirmait que « la biennale est cette niche d’excellence qui ne dérive pas vers l’art ou le design », cette nouvelle édition lui donnerait-elle tort ? En témoignent quelques exemples parmi beaucoup d’autres, venant appuyer l’idée de porosité des frontières, de filiation entre créateurs et designers.
Tiffanie Baso/ Magdeleine, Slacken
Fondatrice, en 2019, originaire d’Occitanie de la marque Magdeleine, Tiffanie Baso est une jeune artisane-designer du bois, pleine de promesses. Créé en 2021, son fauteuil Slacken en frêne et orme a été réalisé grâce à la technique du cintrage. « Le cintrage tord le bois, explique-t-elle. Une accumulation de lames est nécessaire pour fabriquer notre forme finale. Lorsque nous avons sélectionné et organisé minutieusement nos lamelles, nous les plaçons dans une étuve à vapeur, élément-clef pour plier le bois. Elle permet de réchauffer et détendre la fibre du bois, afin de la façonner aisément autour d’un gabarit pour créer une forme spécifique, et obtenir des courbes optimales. »
Seraphyn’, Gracile et Mangrove
Dessinée par la créatrice Seraphyn Luce Danet, la chaise Gracile créée en 2023 a été exécutée par l’atelier de menuiserie Falher. Selon la technique brevetée par le Français Claude Barlier, sans assemblages apparents, elle est décomposée en une série de strates numériques découpées dans des matériaux en plaques, ensuite compilées pour reconstituer la pièce finale. Quant à son guéridon Mangrove, en bronze poli et doré, exécuté par le ciseleur Mapie Belgary et le fondeur Yannec Tomada, sa forme organique et asymétrique s’inspire d’une végétation racinaire qui se développe dans les marais des littoraux tropicaux, lieu de reproduction de la biodiversité.
Mobilier National et la Cité de la céramique – Sèvres & Limoges
Pour la première fois, la Cité de la Céramique-Sèvres & Limoges et le Mobilier national ont partagé un stand. Grâce à la scénographe Mathilde Bretillot, cinq « tableaux » offraient des points de vue sur la création mêlant de nombreuses pièces. Parmi celles-ci, quelques tapisseries de Jean Messager, Geneviève Asse ou Cécile Bart, un fauteuil de Francesco Binfare, une banquette du Studio Mr. & Mr, des guéridons d’Eric Schmitt ou encore plusieurs vases de grandes signatures.
Depuis dix ans, Révélations a su affirmer son positionnement d’excellence en faveur des métiers d’art et de la création. De plus en plus décomplexés en regard des nouvelles technologies, tout en respectant les traditions et l’environnement, ces métiers font de ce salon, un exemple unique en son genre.