Design

Le designer Patrick Jouin a dévoilé en exclusivité au sein de son studio du 8e arrondissement, sa toute première collection de mobilier auto-éditée.
« L’auto-édition me permet de faire des pièces que je ne pourrais pas forcément faire avec les éditeurs. C’est un espace de liberté dans lequel je peux faire ce que je veux » déclarait Patrick Jouin lors de la présentation de sa première collection autoéditée. Une collection qui est le fruit de plusieurs années de travail pour arriver aux produits finis. Un ensemble composé de différents éléments singuliers, entre simplicité et complexité, et qui mêle différentes pratiques qui sont chères au designer, pour une ode aux détails et aux savoir-faire artisanaux.
Le fauteuil Olo, tout en simplicité
Le premier élément de la collection est un fauteuil en cuir intitulé Olo. Une pièce qui semble technique, mais que le designer a au contraire souhaité la plus simple possible. « C’est notre première collection, on s’est donc contraint nous-même à faire quelque chose qui ne soit pas trop complexe » explique le designer. Un fauteuil habillé d’un cuir non traité volontairement, pour laisser à la matière la possibilité de se transformer avec le temps et les épreuves rencontrées au fur et à mesure pour offrir un caractère spécifique à la pièce.

La table Drop, la touche colorée
Passionné de peinture à laquelle le designer aime s’adonner dans son temps libre, la table drop allie avec précision les peintures « coulées » avec précision sur le plateau en tôle d’acier. Un travail en plusieurs étapes pour arriver à des associations de couleurs à la fois vives et singulières. Un modèle disponible sous forme de table, de guéridon et de table basse.

Le service de table Flip, tourné, retourné
« La première pièce de l’agence était une chaise et la seconde était une assiette pensée pour Alain Ducasse » racontait Patrick Jouin. Un objet que le designer affectionne particulièrement, car il lui rappelle des souvenirs d’enfance où lorsqu’après avoir fini sa soupe étant enfant, il fallait retourner l’assiette pour prendre son dessert. Un set de trois assiettes en grès pensées de cette façon, en tourné retournée, qui peut en laisser entrevoir six et laisser place à plusieurs possibilités d’assemblage et de présentation de la nourriture. Réalisées par une céramiste, les assiettes sont sublimées par des émaux coulés et colorés par des palettes de couleurs utilisant le même principe de coulage que pour la table Drop.

Le tabouret transportable Mate
Inspiré des reposes sacs imaginés dans le restaurant Louis XV du Chef Alain Ducasse, Mate est un tabouret nomade pliable, en bois et cuir. À la manière d’un origami, il se plie et se déplie en un mouvement, pour se transporter à la main, comme un sac.

La chaise pliante Monk
En adoration des chaises pliantes, Monk se situe entre l’objet purement fonctionnel et le raffinement d’une pièce d’ébénisterie haut de gamme. Une pièce dont la structure est en chêne massif, dont le savoir-faire en termes d’usinage offre des subtilités au niveau du dossier notamment, pour offrir un confort précis.


Faye Toogood aime croiser les disciplines dans tout ce qu’elle propose. Rédactrice en chef du magazine anglais « The World of Interiors » pendant huit ans, elle décide de monter son studio en 2008. Depuis, elle enchaîne les projets et les collaborations, des intérieurs au mobilier en passant par le textile.
Journaliste, designer, architecte d’intérieur, créatrice de mode… La liste des expériences de Faye Toogood est longue, et nous donne l’impression qu’elle a vécu plusieurs vies en une. Née en 1977, la designer britannique, qui a étudié l’histoire de l’art à l’université de Bristol, s’est d’abord essayée au poste de rédactrice en chef de « World of Interiors » avant de se lancer à son compte. Aujourd’hui, nombre de ses créations font partie des collections permanentes de plusieurs musées internationaux, à l’instar du musée du Verre de Corning à New York, du Fabergé Museum à Saint-Pétersbourg ou encore du Musée national du Victoria à Melbourne. Elle est fascinée par les matériaux, les formes et l’artisanat depuis toujours, et la création de son studio en 2008 n’était finalement pas une grande surprise. Au sein de ce dernier, elle propose des projets toujours plus éclectiques, mêlant le design à la mode ou encore l’architecture d’intérieur à la nourriture. « Je me décris souvent comme un outsider dont le travail défie toute catégorisation. Ma pratique englobe le design d’intérieur, le mobilier et les accessoires pour la maison, les beaux-arts et la mode. Je refuse d’être contrainte par une seule discipline ou une méthode de travail définie. »

Une pratique focalisée sur la forme
Influencée par l’art, l’architecture, le design ou encore la nature, Faye Toogood utilise un processus de création qui se tourne plutôt vers les formes que vers la fonction. « Je suis une designer axée sur la forme et j’aime remettre en question la fonction. Pourquoi une chaise doit-elle avoir cette forme, cette hauteur, cette proportion ? Pourquoi les poches de votre manteau doivent-elles se trouver dans ces positions ? Dans mon travail, je fais confiance aux gens avec qui je travaille pour trouver la fonction, je considère que c’est un processus engageant et passionnant. »

Son objectif au sein de ses projets est avant tout de proposer des pièces ludiques et inattendues, créées grâce à un savoir-faire particulier. Et c’est justement cet équilibre qui fait partie intégrante de tout ce qui est imaginé et conçu au sein de son studio. « En tant que cabinet pluridisciplinaire, nous nous influençons toujours les uns les autres – qu’il s’agisse d’un meuble qui s’inspire d’un tissu de vêtement ou de la silhouette d’une robe qui prend forme à partir d’une sculpture. Nous commençons souvent par des mini-maquettes en argile, en papier d’aluminium ou en carton, pour trouver des formes organiques que nous développons ensuite. »
Des collaborations remarquées et remarquables
Durant l’année 2024, Faye Toogood a su surprendre le public avec ses installations, à Milan et à Copenhague notamment. Pour la Milan Design Week, en avril dernier, elle présentait sa collection de tapis Rude, imaginée avec cc-tapis – la troisième collaboration du studio avec la marque –, ainsi que la collection de mobilier Cosmic avec Tacchini. « Le fait de pouvoir combiner le savoir-faire inégalé de cc-tapis et de Tacchini avec mon propre langage de conception a été ressenti comme une renaissance créative. » Plus récemment, en juin, à l’occasion des 3daysofdesign, à Copenhague, Faye Toogood s’est associée au studio Frama pour proposer « Collage », une installation qui mêlait plusieurs univers en un.

« Nous voulions explorer l’intersection de l’art, du design, de la nourriture et des gens, en nous réunissant pour une exposition collaborative au sein du showroom de Frama à Copenhague. Une première collaboration durant laquelle nous avons voulu présenter une vue amplifiée de l’une de nos expériences les plus humaines : le partage d’un repas. » Une installation présentée dans le prolongement du restaurant voisin du showroom, l’Apotek 57, dans laquelle les visiteurs ont été invités à manger dans tout l’espace sur des sculptures tactiles, dont les choix des couleurs ont été apportés par l’expertise de Toogood.

Des collections conviviales
En plus des collaborations avec les marques et les éditeurs, le studio de Faye Toogood élabore également ses propres collections. En avril, toujours pour la Design Week de Milan, elle dévoilait son projet « Assemblage 8: Back and Forth », composé des collections Gummy et Palette. La première est une chaise rembourrée qui a été pensée de manière durable et dont les matériaux utilisés sont tous naturels, puisque aucune mousse ignifuge cancérigène ou synthétique n’est utilisée, ce qui constitue une réelle prouesse technique et environnementale. « Je voulais créer une chaise avec beaucoup de personnalité, qui puisse s’intégrer dans n’importe quel intérieur, qu’il soit historique, grandiose, moderne ou familial. » Quant à Palette, il s’agit d’un ensemble de tables en bois – une table basse, une table d’appoint et une console –, dont les formes courbes se croisent et semblent s’emboîter. Le nom fait référence au contour organique de chaque plateau qui rappelle la palette de peinture d’un artiste. Un projet que la designer dit être une « célébration de la nature et de l’éducation. »

Désignée comme « designer de l’année » pour la prochaine édition du salon Maison & Objet du 16 au 20 janvier 2025, Faye Toogood présentera « Womanifesto », une installation inspirée du thème de l’année : « Sur/Reality.» Une mise en scène surréaliste, dans laquelle elle invitera les visiteurs dans son propre cerveau, pour comprendre et décortiquer son processus créatif.

Fondé en 2007 par les artistes néerlandais Lonneke Gordijn et Ralph Nauta, le Studio Drift réunit nature et technologie dans des dispositifs souvent spectaculaires – en particulier avec l’usage de drones – et enclins à un esprit de célébration parfois très symbolique et festif, à l’image des différentes installations présentées au cœur du célèbre festival américain Burning Man.











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La fondation Cartier propose jusqu'au 16 mars 2025 une large rétrospective du travail d'Olga de Amaral, ambassadrice du Fiber art. Une mise en lumière sensible et particulièrement réussie où s’entremêlent les techniques et les inspirations, avec, au bout du fil, de véritables architectures.
Pour la première fois en Europe, une exposition d'ampleur propose de plonger dans l'univers de l'une des figures les plus emblématiques du Fiber Art : Olga de Amaral. À travers près de 80 ouvrages réunis aux quatre coins du monde, la Fondation Cartier rassemble six décennies de création. Véritable rétrospective du travail de l'artiste, l'exposition offre une déambulation libre et onirique dans son univers coloré et rigoureusement sensible. Servi par une conception spatiale subtile, aussi immersive que discrète signée par l'architecte Lina Ghotmeh, le parcours questionne l'évolution formelle et colorimétrique des réalisations aux inspirations géographiques et architecturales diverses. Autant d'horizons convoqués dans ces œuvres vibrantes aux émanations spirituelles.

Une vision architecturale
Nouées, tressées, tissées, cousues, entremêlées... De la diversité des œuvres d'Olga de Amaral, se dégage une certitude. Le fil n'est pas l'aboutissement d'une technique mais le médium au cœur d'une démarche prospective. De ses premières créations dans les années 60 aux « Brumas » réalisées il y a une petite dizaine d'années en passant par les productions monumentales réalisées 30 ans plus tôt, l'artiste a construit son travail en résonance avec son parcours d'abord dans le dessin d'architecture à l'université de Bogota, puis plus artistique à l'université américaine de Cranbrook – l'équivalent américain du Bauhaus allemand – où elle découvre le tissage aux côtés de la designer textile finlandaise Marianne Strengell. Un parcours tourné vers la construction, dont elle gardera tout au long de ses 60 années d'activité, une vision très spatiale : ne pas concevoir comme des tableaux, mais comme de véritables architectures, vivantes sur leurs deux faces. Un parti-pris respecté sur l'ensemble de sa carrière à de rares exceptions près, parmi lesquelles les créations monumentales de la série « Muros » réalisées entre la fin des années 70 et le milieu des années 90. Une période de création faste au cours de laquelle les œuvres témoignent également d'une évolution formelle. D'abord construites selon des jeux de trames très rectilignes avec « Elementos rojo en fuego », les créations se sont progressivement assouplies par la déformation des lignes jusqu'à devenir un nouveau langage stylistique à l'image de « Strata XV » en 2009. Une diversification visuelle menée parallèlement à un grand nombre d'expérimentation sur les volumes dans les années 70 et 80 - « Naturaleza Mora » - puis sur les jeux de lumières à la fin des années 80 et courant 90 - « Entorno quieto 2 » -. Un moment de transition progressif entre la fin du siècle et le début du suivant où seront créées « Las Brumas » en 2013 et 2020. Une ultime série en rupture absolue avec ses créations précédentes. Interrogeant le médium sous un angle nouveau, Olga de Amaral propose une collection emplie de légèreté où les fils ne sont plus entremêlés mais indépendants. Simplement enduits de gesso - sorte de plâtre – peint astucieusement de manière à dessiner des formes, à la manière d'anamorphoses. Une approche innovante dont le nom et la conception sont d’évidents clins d’œil aux brumes omniprésentes de la cordillère des Andes natale de l'artiste.

La couleur, une matière au cœur de l'œuvre
« Je vis de la couleur. Je sais que c'est un langage inconscient et je le comprends. La couleur est comme une amie, elle m'accompagne » raconte Olga de Amaral. En effet, si la technique confère indéniablement aux œuvres, leur essence, la couleur en dégage souvent un sens. Tantôt automnales, tantôt prégnantes, elles habillent les créations de l'artiste et les animent. Témoignant d'une inspiration tout autant culturelle que symbolique, elles fragmentent sa production dans le temps. Très inspirée par l'histoire précolombienne, Olga de Amaral offre par le prisme de la couleur un regard à la fois historique et spirituel. Ainsi, comment ne pas voir dans les couleurs organiques des fibres, autant de portraits de sa région, rehaussés çà et là de bleu et de rouge rappelant la faune sauvage à l'image de « Naturaleza mora ». Une approche très personnelle dans l’œuvre de l'artiste, mais progressivement éclipsée à la fin dans les années 70 par l'arrivée de l'or dans son travail. Un matériau introduit dans sa démarche par la rencontre de Lucie Rie qui lui enseigne la technique du kintsugi – art japonais de la réparation des pots cassés avec de la poudre d'or -. Dès lors, l'activité d'Olga de Amaral entame une métamorphose technique, passant d'une matière principalement tissée brute, à des assemblages cousus de petits morceaux de coton rigidifiés par du gesso et recouverts d'acrylique et de feuilles d'or. Une évolution qui ouvre les portes d'un nouvel univers très visuel, évoquant des écailles colorées aux reflets dorés multiples. Se dégage de cette approche un nouveau monde, plus spirituel, plus précieux, aux intonations liturgiques en écho aux églises colombiennes fréquentées par Olga de Amaral dans sa jeunesse. De ces cartographies mémorielles et oniriques se dégagent également de nouveaux horizons. L'eau bien sûr avec « Umbra verde », mais également la terre ou encore le ciel avec « Estelas » - qui signifie les stèles, mais que l'on pourrait traduire par les étoiles -. Une double lecture qui conjugue le symbolique à l'artistique.

Un lieu repensé pour l'occasion
Architectures en elles-mêmes, les créations d'Olga de Amaral trouvent à la Fondation Cartier un écrin taillé sur mesure. Ces tapisseries modernes et suspensions contemporaines par définition statiques auraient pu figer l'exposition dans une atmosphère répétitive. Il n'en est rien. Construit par l'architecte Lina Ghotmeh, le parcours propose une approche vivante des créations où la monumentalité de certaines n'écrase pas la finesse des autres, mais participe à la construction d'un univers. Par le biais d'apports comme des pierres rappelant celles sur lesquelles Olga de Amaral photographiait son travail en Colombie, ou la mise en place d'un film sur les vitres du bâtiment afin de refléter « Las brumas » dans le jardin de la Fondation, l'architecte convoque une dimension poétique à la rétrospective. Également à l'origine d'une restructuration complète du niveau inférieur, Lina Ghotmeh invite le visiteur à une découverte intimiste des œuvres. Mise en scène de manière simple mais très habile, chacune renvoie la lumière et évoque au gré d'un parcours en spirale, un voyage entre inspirations précolombiennes et japonisantes, marines et cosmiques.
Une exposition très réussie qui, après 40 ans passées au 261 boulevard Raspail, sera la dernière de la Fondation Cartier avant son déménagement Place du Palais-Royal prévu pour octobre 2025.


Wendy Andreu lance son studio en 2016. Reconnue pour avoir imaginé le procédé Regen qui lui a permis de créer tout un artisanat, elle développe depuis des pièces éclectiques autour de ce dernier, entre autres projets de mobilier, joaillerie ou aménagements d’intérieur. En septembre 2024, elle était lauréate des Grands Prix de la création pour récompenser l’ensemble de son travail.
Wendy Andreu a été formée à l’école Boule en métal avant d’intégrer l’Académie d’Eidhoven en design pendant 5 ans jusqu’en 2016. À peine sortie d’école, elle lance son « one Women business » afin d’être indépendante et commencer les projets et les collaborations, notamment avec Faye Toogood à l’époque. Depuis, elle a installé son atelier à Paris dans le 19e arrondissement au sein de Métropole 19 pour élaborer ses projets, mais également de continuer à mener des recherches sur son procédé Regen, qu’elle développe depuis maintenant 10 ans.

Un artisanat unique
L’aventure Regen commence en 2014, lorsque, dans le cadre d’un projet d’école elle décide d'élaborer une collection textile d’accessoires de pluie - qui donnera le nom à son procédé qui n’est autre que la traduction littérale de pluie en néerlandais - et qui s’avère être un réel saut dans le vide pour la designeuse qui n’a aucune expérience dans le domaine. « J’avais une formation en métal suite à mon passage à l’école Boule, c'est le métier que j'ai appris et donc se lancer dans le textile en faisant des moules en métal n’a pas été le plus simple au départ. J’ai commencé alors que je ne savais pas faire, et pour contourner le problème j’ai dû trouver des solutions alternatives. » Sans formation pour manier les machines à tisser, elle décide de coller les matières, du latex et de la corde de coton à l’époque, pour parvenir au résultat estompé. Une technique réalisée comme un test au départ sur un simple échantillon expérimental qui lui permet finalement de développer tout un artisanat qui aujourd’hui lui est propre. « Il y a toujours une innovation qui s’ajoute au fur et à mesure des années et comme je n’ai aucune référence pour m’aider j’invente des choses, ce qui me permets d’acquérir de nouveaux savoir-faire au fil du temps. »

Des objets très techniques, qui nécessitent des heures de travail pour créer la « peau textile » parfaite, confectionnée à partir d’un moule en métal, pour ne pas oublier ses origines et sa formation initiale. Wendy Andreu confectionne tous ses moules et utilise toutes sortes d’outils, parfois inattendus, comme un couteau de jardinier ou encore un peigne pour chien, l’objectif étant de pouvoir arriver au résultat attendu. Des pièces toutes uniques, confectionnées à la main avec l’aide d’une tapissière pour toutes les finitions. Parmi ses réalisations, on peut citer l’imposante Dragon chair, l’assise Soft Stools ou plus récemment la Ghost Chair réalisée dans le cadre de l’exposition « Les Aliénés du Mobilier national. »

L’importance du process
Et si son procédé de départ se développe à partir de ficelle collée avec du silicone, elle aime continuer de jouer avec les matières et les contraintes pour étendre sa technique. « Je suis assez curieuse de tous les matériaux, mais particulièrement des techniques et des process, et la manière de les modifier pour arriver à de la nouveauté. » Avec la marque française Polène, elle a travaillé à partir de rébus de cuir pour une édition limitée de 200 miroirs. Pour MontBlanc, elle a travaillé sur un comptoir de 9 mètres de long avec la contrainte d’adapter sa technique aux normes coupe-feu, puisque le bâtiment est situé dans un espace public. Enfin, avec l’entreprise coréenne Hyosung, qui fabrique des fibres en lyocelle - matière notamment utilisée pour renforcer les pneus - elle a confectionné le fauteuil Tyre.

Des innovations techniques qui demandent des temps de recherche importants et surtout nécessaires pour continuer de faire évoluer la pratique, mais auxquelles la designeuse ne souhaite pas accorder 100 % de son temps. « J’aime me dire que j’ai une partie prospective dans mon travail avec ces temps de recherche pour développer ma technique et de l’autre côté l’aspect commission et commandes de pièces. Les deux vont ensemble, la prospective permet d’inspirer la commission et la commission permet de financer la recherche. » Une idée qui rejoint son envie de faire du design avant tout, sans avoir d’étiquette précise ou de chemin tout tracé. « Il n’y a pas d’esthétique particulière qui prédomine dans mon travail, je dirais plus que ce sont plutôt les process qui m’interpellent. Mon univers n’est pas formel mais très rationnel, je cherche surtout à comprendre comment les choses sont faites. »
Autres projets inspirés
En parallèle de sa pratique autour de Regen, Wendy Andreu travaille sur des projets qui allient différents matériaux, notamment le métal et plus récemment le verre, dans le cadre de sa résidence au CIRVA durant laquelle elle a élaboré la collection de vases Jardin Mécanique. Pour Théorème Éditions, elle collabore sur la seconde collection de l’éditeur avec le miroir Maze et pour Rimowa, elle imagine la table basse Aircraft.


Avec le designer Bram Vanderbeke, rencontré sur les bancs d’Eidhoven, elle collabore sur différents projets, notamment sur les pièces Triple Pyramid & Upside Down Pyramid, réalisées avec la galerie Nilufar dans le cadre de l'exposition FAR lors de la Design Week de Milan en 2019, ou encore sur l’aménagement intérieur de la boutique du musée du design de Gand, en Belgique. Un travail qu'elle réalise seule ou en collaboration, mais qui répond toujours à une commande spécifique, qu'elle aime voir aboutir. « Ça me rend heureuse de faire quelque chose pour quelqu’un, c’est d’ailleurs pour ça que je suis designer et pas artiste. J’aime l’aspect de commande pour faire plaisir aux autres.»

Pour les mois à venir, les projets devraient continuer d’osciller entre réponses aux commandes, temps de recherche et élaboration de nouvelles collaborations. En parallèle, la designeuse confie avoir un rêve, celui de créer un jour, un best-seller, une pièce anonymisée qui ferait partie du quotidien. Bien qu’elle conçoit que son design soit pour le moment plutôt Collectible, on sait bien qu’il ne faut jamais dire jamais…

Pour cette quatorzième et dernière année de collaboration, Vitra a proposé de mettre la Prismatic table au cœur de la vente aux enchères caritative de ce lundi 9 décembre, organisée par l'association La Source Garouste à l'Hôtel de l’Industrie. Un objet au design familier réinterprété cette année par 52 créateurs.
Repenser des icônes du design au profit d'une association,voici l'idée qui aura guidé quatorze années durant le partenariat entre Vitra et l'association La Source Garouste. Une collaboration originale initiée en 2011, par laquelle la marque de design invitait chaque année nombre de créateurs reconnus pour réinterpréter un classique du design, de la Panton Chair de Verner Panton en 2011 au Nelson bench de George Nelson en 2019 en passant par la Wire Chair des frères Eames en 2015. Des pièces choisies pour « leurs histoires fortes et leurs allures intemporelles, mais également leurs matériaux permettant ensuite aux artistes de les retravailler pour en réinventer de nouvelles versions » explique Karin Gintz, directrice générale de la marque. Un enjeu au cœur de ce projet considéré « comme une source d'inspiration d'un point de vue artistique, mais également un biais par lequel le design devient un vecteur d'art et de solidarité tout en tissant de nouveaux liens avec des architectes, des artistes ou encore des industriels. »
Pour cette dernière année comme partenaires, Vitra et La Source Garouste ont décidé de célébrer la Prismatic table du designer americano-japonais Isamu Noguchi. « Nous avons choisi de clôturer cette belle collaboration avec cette création, car elle incarne parfaitement l’essence du design Vitra : l’équilibre entre fonctionnalité et sculpture, simplicité et sophistication » résume Karin Gintz. Une belle source d'inspiration pour les 54 créateurs de cette année, qui ont redessiné les perspectives de l'objet ou l'ont agrémenté de nouveaux éléments visuels comme structurels. Parmi les participants de cette 27e édition, nous avons demandé à Constance Guisset, Mathieu Delacroix, ainsi qu'aux studios BrichetZiegler et Passage, de nous parler de leur approche et de leurs liens avec l'objet. Explications.

Constance Guisset :
Noguchi est un designer essentiel pour moi et dans mon histoire avec le design. J'ai nombre de ses livres et je les regarde souvent. Il est toujours intéressant de travailler sur une pièce imaginée par un autre designer, mais travailler sur cette pièce en particulier a été une belle surprise. Cela nous confronte à d’autres façons de réfléchir, de dessiner, de conceptualiser et cela nous fait souvent explorer des directions nouvelles. Ici, je crois reconnaître des indices de mon univers : la propension à dessiner un objet qui a l’air en mouvement, comme prêt à s’envoler, la souplesse et la douceur des traits, l’aspect protecteur, organique, enveloppant d’un objet qui vient jusqu’à englober la Prismatic table. J’ai cherché à la prolonger, à la déployer, à la continuer, à adoucir ses lignes avec une forme douce comme un hommage au reste de son travail qui est très libre et très organique. Finalement, j'ai trouvé un certain plaisir aussi à la transformer pour qu'elle se rapproche d'une soucoupe volante ou d'un animal des abysses, loin des lignes géométriques de départ. Cependant, je n’ai pas nécessairement cherché à me démarquer de l’existant, ni à imaginer toutes les déclinaisons possibles. La Prismatic est simplement au cœur de l'objet, elle le structure.

Mathieu Delacroix :
Pour revisiter la Prismatic Table de Vitra, mon intention était de dialoguer avec l’héritage d’Isamu Noguchi, dont le travail est une exploration des tensions entre nature et artifice, organique et géométrie. Je souhaitais ne pas perdre l'essence même de la table, sa forme hexagonale et son élégance architecturale. En revanche, l'idée était d'y ajouter une technique de recouvrement et un motif particulier afin de générer un dialogue visuel entre forme et volume, surface et texture, familier et inattendu. Cette approche m’a inspiré à imaginer une histoire pour l’objet : celle d’un rocher aux facettes symétriques qui, au fil du temps, s’est paré d’une étrange mousse verte. J’ai travaillé à transposer cette narration en recouvrant les différentes surfaces de la table avec un flocage électrostatique vert afin de créer un nouveau motif aléatoire et irrégulier en opposition avec la géométrie et la symétrie originelle de la table. À travers ce procédé, j’ai cherché à conférer à cette table une dimension plus onirique, tout en m’assurant que son identité de Prismatic Table reste immédiatement reconnaissable. C'était aussi une approche entre la régularité et l'aléatoire qui reflète peut-être d'une certaine manière mon univers. Ma pratique oscille toujours entre une fascination pour les formes nettes, précises, minimales et la volonté d’y insuffler des aspérités, du contraste et du sens. Finalement, j'aime cette idée d’une nature qui s’impose sur une géométrie et vice-versa.

Caroline Ziegler et Pierre Brichet du Studio BrichetZiegler :
L’exercice du détournement sur une pièce iconique est un peu acrobatique, car nous ne voulons pas dénaturer ou trahir l’intention originale du designer. Nous prenons toujours le parti de retravailler l’objet en faisant le lien avec la pièce originale et l’esprit de son créateur. Pour la Prismatic table, nous avons eu envie de rendre hommage au travail de sculpture de Noguchi qui assouplit les matières les plus dures. Pour cela, nous avons cherché à casser l’aspect très géométrique de la table originale en lui apportant une touche plus organique, voire un peu désordonnée. Nous avons cherché à nous raconter une histoire : les 3 éléments en tôle pliée évoquent des blocs de glace à la dérive dont l’unité a été lentement rompue par l’érosion, semblant s’éloigner les uns des autres dans un certain chaos géologique. Nous avons mis en valeur ses composants en créant un contraste mat/brillant. Nous voulions la penser comme un nouvel objet en allant au-delà d’une réinterprétation de sa surface. Cette pièce nous ressemble car c’est un objet évocateur et poétique, qui fait référence à l’histoire (du design). Sa forme assez sculpturale et très travaillée offre différents points de vue lorsque l’on tourne autour.

Arthur Fosse et Samuel Perhirin du studio Passage :
Transformer cette table, c’était révéler ce qu’elle portait déjà en elle. Sa construction modulaire en trois parties et sa géométrie triangulaire ont naturellement inspiré le motif en losanges, comme une évidence graphique. Nous l’avons alors imaginée vêtue d’un costume d’Arlequin, un hommage à l’univers pictural de Gérard Garouste. Nous souhaitions donc réaffirmer notre vision : faire dialoguer la mode et le design. Le costume, ludique et chargé de symboles, devient le médium d’une narration où l’objet cesse d’être fonctionnel pour devenir porteur d’histoire. Pour cela, nous avons opté pour une intervention subtile et réversible, respectueuse de l’objet et de son créateur que nous admirons. Le costume d’Arlequin, rehaussé de trois sphères en laiton, agit comme une "seconde peau" soulignant la géométrie de la table. Les attaches textiles, discrètement placées derrière les pieds, laissent le système de fixation des 3 éléments et la signature Vitra pleinement visibles. Notre réinterprétation est donc une invitation poétique à renouer avec l’enfance, en écho aux initiatives de la fondation La Source Garouste.

La vente se tiendra ce lundi 9 décembre à l’Hôtel de l'Industrie, 4 place Saint-Germain-des-Près, 75006 Paris, et en ligne sur Piasa Live et Drouot.com .

Fondée en 2019, mais dévoilée pour la première fois en 2022 lors de la Paris Design Week, la maison d’édition Glass Variations se développe dans ses usines basées en région lilloise, avec l’envie de mettre en valeur le verre, aussi complexe soit-il.
Pour comprendre l’histoire de Glass Variations, il faut revenir un peu en arrière. Tout commence en 2011, lorsque Thierry Gautier, désireux de se lancer dans une nouvelle aventure entrepreneuriale, se décide à racheter les miroiteries Dubrulle, spécialisées dans le savoir-faire du verre. Un réel défi pour cet entrepreneur qui avait eu l’occasion d’être en contact avec le secteur lors d’une précédente expérience, mais qui n’avait pour autant jamais évolué dans le façonnage de la matière en elle-même. Le groupe Cevino Glass, crée par la suite en 2012, dont le siège et les ateliers sont basés à Villeneuve D’Ascq dans le Nord, comprend aujourd’hui les miroiteries Dubrulle ainsi que Glass Variations, et s’attarde à proposer des pièces de qualité, du verre plat au verre bombé. Parti au départ avec 120 salariés répartis dans différentes sociétés partout en France, le groupe compte aujourd’hui plus de 370 personnes sur 20 sites, qui réalisent tout type de produits en verre, de la coupe au produit façonné. « L’un des grands enjeux de mon métier, c’est de s’aider des technologies tout en gardant un maximum de savoir-faire humain. Nous sommes tous des passionnés de verre, c’est notre métier et ça doit rester essentiel » confiait Thierry Gautier. Si les miroiteries Dubrulle travaillent dans le façonnage de pièces en verre pour des projets intérieurs et extérieurs de toute taille, Glass Variations apporte, depuis 2019, une nouvelle pierre à l’édifice du groupe, avec un nouveau travail de la matière, axée sur le design.

Glass Variations, une histoire de rencontres
Si le groupe Cevino Glass est créé en 2012, l’aventure Glass Variations ne commencera que quelques années plus tard en 2019, après une rencontre de Sandrine Gautier, co-fondatrice de la maison d’édition, avec l’agence d’architecture et de design Exercice. Le studio, qui avait eu l’occasion d’expérimenter le travail du verre lors d’une précédente résidence, a collaboré pour cette première collection, intitulée Monolog, composée d’une étagère, d’une table basse et d’un fauteuil, dont le sens du détail et la réalisation relève presque de l’art. Bien qu’imaginée en 2019, la promotion sera fortement perturbée par la crise sanitaire en 2020, et il faudra attendre la Paris Design Week en septembre 2022 pour la dévoiler officiellement à la scène design.

À cette occasion, Glass Variations avait ainsi présenté la collection Monolog d’Exercice Studio, mais également les collections Hélia et Sublime imaginées par Bina Baitel. Une première participation remarquée avait valu à la marque à la marque Glass Variations de faire partie de la sélection « What’s New » d’Elisabeth Leriche en janvier 2023 lors du salon Maison & Objet. Suit ensuite la participation à divers salons, tels que le Collectible de Bruxelles ou l’ICFF de New York avant de finalement revenir sur ses pas en septembre 2024, à Paris.
Repousser les limites du verre
Pour son retour parisien, Glass Variations avait choisi de s’exposer à la galerie Bertrand Grimont avec l’exposition « A Burst of Light » durant laquelle étaient présentées deux nouvelles collections aux côtés des collections d’Exercice et Bina Baitel qu’on ne présente plus. La collection Illusion, d’une part, imaginée par le designer belge Alain Gilles, composée d’une console et d’un bureau, joue sur les contrastes, les perceptions et les couleurs. « Avec cette collection, j’ai voulu me questionner sur la stabilité tout en jouant sur la texture et le graphisme dans mes pièces. Cette collaboration m’a permis d’avoir une approche sensuelle du verre » raconte le designer. Pool Studio dévoilait quant à eux Perspicio, une collection composée d’une table basse et d’un bout de canapé, qui là encore joue sur les lignes et les formes du verre.

Des pièces de verre, toutes singulières, dont la technicité apportée leur confère un caractère unique. Avec Glass Variations Sandrine Gautier souhaite en effet proposer des pièces de haute qualité, impliquant un savoir-faire unique et en repoussant au maximum les possibilités offertes par ce matériau. Pour l’heure, la marque continue l’édition de ses pièces dans ses ateliers, mais réfléchit à de nouvelles collaborations, pour le moment tenues secrètes, mais qui ne devraient pas manquer de faire parler d’elles…


La start-up Urban Native dévoile la trottinette T9, son premier projet. Un produit design entièrement repensé pour répondre aux besoins du consommateur dans l'univers urbain.
Une recherche radicale de la simplicité pour réduire l'objet à sa fonction première. Voici l'idée dominante derrière Urban Native, une start-up européenne - entre la France, l'Espagne et le Portugal - à l'origine de la trottinette T9. Spécialisée dans la haute technologie, la société fondée il y a cinq ans, vient de sortir son premier produit. Un moyen de locomotion en apparence classique, mais derrière lequel se cache un savant mélange de sensation et de praticité. Fruit d'une volonté de retrouver la « sensation du ride », et du besoin d'une véritable alliée pour arpenter les villes, la T9 est une invention novatrice. Imaginée frugale mais résistante, elle s'impose comme une petite deux roues sans équivalence sur le marché, et un exemple de design prospectif appliqué à l'univers des mobilités douces. « Nous proposons avec ce produit en titane, un outil permettant d'être en cohérence et en résonance avec les révolutions sociologiques, technologiques et environnementales en cours » explique Julien Vaney, fondateur d'Urban Native.

Répondre à un besoin urbain
Parti du constat que rien ne lui convenait pour bouger dans Paris avec aisance, vélos électriques trop encombrants et trottinettes trop fragiles ou trop lourdes, Julien Vaney a souhaité révolutionner cet univers. C'est de cette idée première qu'est né le désir de concevoir une nouvelle trottinette faite pour l'environnement urbain. Rapidement, deux lignes directrices se sont dégagées. « D'une part, je voulais remettre du plaisir au cœur du transport en retrouvant des sensations de vitesse et un confort de glisse. D'autre part, j'ai remarqué grâce à mon parcours en maths-physique, que les trottinettes produites sur le marché ne sont pas pensées par des entreprises de deux-roues, mais par des sociétés d'électronique qui intègrent des concepts déjà existants. Or, pour qu'une trottinette fonctionne, elle doit avoir la capacité de rouler comme un vélo, mais le marché actuel ne pense pas vraiment au confort et encore moins à la légèreté, déplore Julien Vaney. Pourtant, c'est une problématique au cœur de son utilisation, car c'est ce qui permet de la rendre portative et amusante à conduire. »
Un cheminement émotionnel et quasi-sociologique qui a guidé quatre années de recherche et de développement,mené par la dizaine de personnes d'Urban Native, mais également par un maillage d'une centaine d'ingénieurs auxquels l'entreprise a fait appel tout au long de cette évolution.

Un design pour allier confort et praticité
« Contrairement au développement du vélo étalé sur plus de 150 ans - roues de même taille, puis l'ajout de frein ou encore de vitesses -, celui de la trottinette a été beaucoup plus court. Le drame de cette machine, c'est que si l'on veut en faire un véhicule vraiment performant, il faut tout redessiner. C'est pourquoi nous sommes partis d'une page blanche » relate le fondateur d'Urban Native. Une démarche qui a engagé de nombreux prototypes et la création de nouveaux éléments, comme les roues de douze pouces entièrement dessinées, ou des systèmes novateurs à l’image de la recharge par câble USB type C, une première mondiale pour cette typologie d'objets. Des détails en apparence, mais des atouts en réalité permettant à la T9 d'allier au confort de la pratique, celui de la vie quotidienne. Une double notion due en grande partie au cadre. Fabriquée dans une usine portugaise, cette pièce très résistante en titane absorbe les bosses sans amortisseur grâce aux facultés naturelles de ce matériau. Son architecture ultra-légère de deux kilos, place ce cadre bien en deçà du poids général sur le marché. « C'était une question particulièrement importante également sur le plan de l'autonomie. Avec cette conception efficace, cette batterie et le freinage régénératif, la T9 bénéficie d'une autonomie de 25 kilomètres ! » Mais au-delà de ce facteur, l'aspect formel de la trottinette a également été imaginé pour minimiser son emprise au sol une fois pliée. « Ce n'est pas un facteur anecdotique, car l'encombrement freine souvent les personnes dans l'achat d'un vélo ou dans le fait d'amener sa trottinette sur son lieu de travail » assure Julien Vaney.

Véritable concentré de design prospectif, la T9, à l'origine de deux brevets, est le reflet d’une philosophie. « Dieter Rams disait “Good design is a minimum design”. Pour nous, il s'agit avant tout de faire valoir un design efficace et environnementalement intéressant en valorisant la pérennité du produit et en remplaçant le superflu par des éléments utiles. » Ainsi, l'appareil n'intègre presque pas de plastique et toutes ses pièces sont facilement remplaçables. « C'est une machine faite pour durer à l'image d'un sac de luxe. Elle doit tenir dans le temps et nous espérons qu'elle deviendra ainsi iconique. C'est pourquoi, après ce projet, nous ne souhaitons pas nous diversifier, mais continuer de sortir d'autres versions de la T9 jusqu'à ce qu'une machine occupe chaque appartement » conclut Julien Vaney.


Le duo britannique Barber Osgerby réinterprète la lampe Bellhop de Flos dans une version suspendue et une autre à poser.
Imaginée en 2016 pour le restaurant Parabola et la Members room du Design Museum de Londres, la Bellhop a depuis été repensé à quatre reprises. Cette année, c'est au tour du duo de designers Barber Osgerby de proposer une nouvelle approche de ce classique de la maison italienne Flos. Dessinée originellement en aluminium puis déclinée en polycarbonate, la Bellhop s'offre une nouvelle enveloppe en verre soufflé. Une approche différente en termes de matériaux mais également une diversification avec l'apparition d'une suspension en complément d'une version à poser présentée lors du Fuorisalone 2024.

Le fonctionnel réinventé
« Lorsque nous travaillons avec Flos, notre point de départ n'est jamais la forme, mais la qualité de la lumière, explique Jay Osgerby. Dans le cas présent, nous souhaitions une lumière d'ambiance chaude et accueillante, homogène et douce, capable d'éclairer un volume spacieux sans générer de forts contrastes. » Un enjeu qui a amené le duo à se tourner vers l'utilisation d'un verre opalin triplex. Un matériau nouveau, mis au point avec l'équipe R&D de la marque, constitué de deux couches de verre transparent intercalées d'une autre en verre blanc. Néanmoins désireux de proposer une lampe tout aussi adaptée au moment d'intimité qu'au travail, les designers ont allié à la diffusion du globe de suspension, un faisceau plus direct orienté vers le bas. Une source émanant de la même ampoule, mais entourée en partie basse d'une bague en aluminium de sorte à diriger le fuseau pour éviter l'aveuglement.

Adaptée pour les vastes espaces comme les plus étroits, la suspension Bellhop glass est proposée en trois dimensions (18, 33 et 45 cm de diamètre et uniquement 33cm pour celle à poser). Disponible dans les coloris Cioko, White et Aluminium Brill, les éléments en aluminium apportent au verre une touche de brillance issue des différents bains de fixation préalables. À noter enfin, la présence très visuelle du câble, voulu comme un « apport chorégraphique et source de mouvement. Il s'agit presque d'une représentation visuelle du flux d'électricité » conclut Edward Barber à propos de cette ultime réinterprétation d'une silhouette toute en rondeur, devenue familière.


8 épisodes pour 8 designers : entre confessions et récits, les invités viennent, dans ce format inédit, détailler leurs processus créatifs et exprimer leurs singularités.
Objets, architecture, mode... le design est omniprésent dans chaque recoin de notre quotidien. Mais au-delà de l'aspect pratique auquel se conjugue l'esthétisme, le design est avant tout le fruit d'une réflexion et souvent d'un imaginaire personnel.
Au travers d'un nouveau format, Silvera propose de s'immiscer dans les processus créatifs de huit designers. Des rencontres au cours desquelles chaque concepteur laisse entrevoir sa personnalité par le biais de ses créations. L'occasion de porter également un regard plus transversal sur les effets de la société en terme d'écologie, d'intelligence artificielle ou encore de transmission.
Episode 1 : Gam Fratesi
Pour ce premier volet, Silvera reçoit Stine Gam et Enrico Fratesi du studio Gam Fratesi. Ils y abordent les liens entre le travail des designers d'hier et les répercussions sur les créations d'aujourd'hui. Comment réinterpréter les inventions passées ? Quelles places occupent le contexte historique et les évolutions comportementales des utilisateurs ?
Autant d'interrogations auxquelles le duo répond dans ce format intimiste de deux minutes.
Episode 2 : Tom Dixon
Dans ce deuxième épisode, Tom Dixon réaffirme la place de la singularité des idées.
Célèbre notamment pour ses luminaires, le designer britannique brosse un portrait réflexif où créativité et innovation s'entrecroisent, éléments-clés d’une société où numérique et intelligence artificielle occupent une place de plus en plus prépondérante.
Une courte mais riche leçon de l'un des designers les plus marquants des 30 dernières années.
Episode 3 : Jorris Poggioli
Fasciné par la conception et l'ampleur des possibles depuis son enfance, l'architecte-designer franco-italien Jorris Poggioli joue aujourd'hui avec l'espace mental, libre de tout enjeu, et le monde réel aux multiples contraintes.
Intéressé par la notion d'intemporalité de ses pièces ainsi que par leur dimension émotionnelle, le créateur aborde également son travail sous l'angle de la transmission à l'égard des jeunes designers. Une démarche transgénérationnelle liée par le besoin de concevoir et la curiosité.
Episode 4 : Patricia Urquiola
Consciente du monde particulièrement numérique et connecté qui nous entoure, la créatrice Patricia Urquiola se questionne quant à la place du progrès dans ses objets. « L'énergie presque magique » qui se dégage des formes courbes et leurs conséquences sur les utilisateurs constituent pour la designer espagnole le point névralgique de son travail.
Une sensibilité personnelle et matérielle qu'elle transmet en quelques mots dans ce quatrième épisode.
Episode 5 : Ron Arad
Le 5e épisode de la série se concentre sur le designer israélien Ron Arad, connu pour naviguer entre art, design et architecture. Assis sur le très sculptural fauteuil One Page édité par Moroso, il se livre sur l’importance de se focaliser sur les bonnes idées. « Quand tu as une idée, tu dois te demander : "si je vais dans une galerie et que je vois cet objet, serais-je jaloux ?" Si la réponse est non alors je l’abandonne et si c’est oui alors je le fais. »
Episode 6 : Studio Zaven
Condition sine qua non à toute conception design, l'idée est « la base du travail ». Pour ce nouvel épisode dédié à l'inspiration, Enrica Cavarzan et Marco Zavagno du studio vénitien Zaven abordent l'importance de combiner intérêt et attention notamment aux choses futiles du quotidien. Une source foisonnante d'éléments favorisant le renouveau de sa vision et susceptibles d'inspirer de nouveaux axes de recherche. Une réflexion sur l’un des fondamentaux du design, préalable à l'imagination.
Episode 7 : Jean-Marie Massaud
Où se positionner pour répondre correctement aux besoins et comment les synthétiser pour y apporter des réponses simples ? Dans ce sixième volet, Jean-Marie Massaud soulève des questionnements propres au monde de la conception, et existentiels dans l'esprit de chaque créateur.
Entre quête de clarté et de singularité, le designer français propose de naviguer entre l'idée de base et la solution matérielle. « Le design n'est pas "problem solver" mais "solution provider" » résume celui pour qui ce domaine est avant tout une affaire « d'innovation élégante ».
Épisode 7 : Faye Toogood
Créatrice londonienne, Faye Toogood questionne la place du designer dans la société. Convaincue par le rôle de l'objet comme transmetteur émotionnel entre elle et l'utilisateur, la créatrice de vêtements et de pièces de mobilier pose un regard empreint de sensibilité sur son métier. Une évolution par rapport à la notion initiale du design qui visait seulement « à résoudre un problème avec rigueur et recherche ». Un sujet abordé parallèlement au regard porté sur la place des femmes dans cet univers au cours des dernières décennies.

La marque italienne Saba, d’ores et déjà implantée à Milan, vient d’inaugurer son premier flagship français boulevard Saint-Germain.
L’enseigne ne pouvait pas espérer meilleur emplacement. Fondée en 1987, la marque n’avait jusqu’ici jamais dépassé la frontière italienne. Après l’ouverture d’un premier showroom à Milan en 2022, la marque a voulu s’étendre davantage. Pour son premier flagship, c’est à Paris, à la place de l’ancien Rochebobois contract que Saba a décidé de prendre place. La France, qui représente le premier marché à l’international de la marque, était donc un choix logique pour exporter une première boutique hors d’Italie. « La France est le pays hors Italie où nous vendons le plus. Jusqu’ici nous n’avions que des revendeurs mais ça nous tenait à coeur de pouvoir ouvrir un magasin physique à Paris » racontait Alexandra Santi, responsable communication de la marque, lors de l’inauguration du showroom.

Une marque à l’ADN féminin
Entreprise entièrement dirigée par des femmes, on retrouve ainsi une touche de féminité et de sensualité dans tous les produits Saba. « Nos designers ne sont pas tous des femmes, mais ils ont compris quel était le message que l’on voulait transmettre avec nos pièces. Si je devais décrire la marque en quelques mots, je dirais qu’elle est humaniste, poétique et sensuelle » ajoutait Alexandra Santi. Pour cette première présentation, le showroom a été aménagé de sorte à exposer des modèles iconiques d’une part ainsi que les nouveautés qui avaient été présentées lors de Salone del Mobile à Milan en avril dernier. On peut ainsi citer parmi les iconiques exposés les canapés Pixel de Sergio Bicego ou encore la table Teatro Magico de 967Arch. En termes de nouveautés, on peut retrouver le canapé Vela Piping de Zanellato/Bortotto ou encore les tables basses Tres de MUT design.

Autour de Jonas Pettersson et John Löfgren, une équipe de designers s’est fédérée et a mis en commun toute son intelligence. Créé en 2005, FUWL a déménagé début 2023 dans le quartier de la Petite France, à Stockholm.
À l’origine de ce nom, une faute de frappe qui a été transformée en signature. Quand on part en voyage, on envoie souvent des cartes postales à toute sa famille avec un simple « From us with love ». Qu’importe, la formule a été conservée et elle est devenue la devise du studio qui, cette année, à la veille de ses 20 ans, organisait dans ses nouveaux locaux une démonstration sur ce que l’on peut faire de mieux en Suède quand on n’a d’autres ressources que le bois. Ils sont devenus Les Experts en recyclage, une norme qui s’impose à tous. Leurs portes ouvertes mettaient en avant quatre marques suédoises et collaborations nées avant tout de rencontres humaines : Ateljé Lyktan, Stolab, Forming Function et Savo, dirigées respectivement par Richard Wegele, Martin Johansson, Pontus Everhed et Craig Howarth.

Avec Ateljé Lyktan, ils réalisent la suspension Hood, qui crée à la fois le halo et la lumière tout en isolant du froid et du son, s’étend par simple ajout de pièces et se décline dans de nouveaux matériaux compressés, recyclables, comme la laine et le chanvre. Avec Stolab, fabricant de chaises en bois, ils imaginent l’Alt Collection, qui combine assise sur piétement en bois à quatre pieds ou sur piétement cinq branches à roulettes, avec possibilité de rembourrer le dossier ou l’assise avec de la mousse et du tissu issus du recyclage. Avec Forming Function, une entreprise suédoise de luminaires établie en 1983, ils ont conçu une collection qui met le focus sur l’absence d’universalité des prises. Des multiprises se développent en deux, trois, quatre ou cinq longueurs de prises femelles pour recevoir des lampes à poser de 15 centimètres, à recharger avant de les emporter sur son poste de travail ou sa table de repas. La lumière en Suède est une matière rare, et il s’agit de la partager. Avec Savo, qui a l’ambition de penser le mobilier de bureau du futur, ils développent Spine, un tabouret de bureau pivotant sur lequel se greffe une colonne vertébrale sur laquelle coulissent dossier et repose-tête, réglables en hauteur et pour tout type de morphologie.

Flexibilité et adaptabilité
Un talk réunissait Oli Stratford, Grant Gibson de Material Matters, Akanksha Deo Sharma, designeuse Ikea et artiste, autour de John Löfgren de FUWL. Dans un monde qui ne cesse de se modifier, dans ses coutumes comme dans ses usages, le mobilier doit en permanence remettre en question ses matériaux et ses modes de fabrication, ainsi que son ergonomie et son adaptabilité pour mettre en forme des espaces plus fonctionnels, plus flexibles et plus évolutifs en fonction des postes de travail. Les espaces publics doivent aussi offrir des lieux dans lesquels on puisse se reposer et même laisser « flotter » son esprit, se relaxer. Avec Cubicle, FUWL proposait une installation spatiale propice à la concentration et à la productivité. Entrer dans un Cubicle se rapproche de la sensation que l’on peut avoir en entrant dans un compartiment de train, un sentiment d’isolement, de repos tout en restant connecté. Dans la bibliothèque d’Aarhus, il s’avère que les sièges favoris des visiteurs sont ceux qui sont dos au mur et face à l’extérieur, à la nature. « Ce genre de statistiques informe beaucoup les architectes d’intérieur sur les implantations à réaliser avec Cubicle », indique Martin Halle, directeur artistique chez +Halle. Des vitrines rendent hommage à Cubicle, presque comme dans le film « Playtime » (1967), de Jacques Tati. Chacun a son espace mais avec des liens – banc, table d’appoint, table de liaison… – qui permettent de définir une zone protégée, tout en restant connecté à l’équipe, au réseau, grâce à de simple liaisons en bois. « Vous pouvez installer jusqu’à vingt Cubicle dans un lieu ou un seul. Cubicle assure les mêmes fonctions que n’importe quel transport public, où vous pouvez vous asseoir les uns à côté des autres, face à face ou seul, en indépendant », explique Gabriel Follonier, designer industriel chez FUWL. Inspiré par l’architecture de bois de la chapelle Woodland (1935) de l’architecte Gunnar Asplund, FUWL a créé une assise fraîche, élégante, en simple multiplis de bois courbé, avec un pied en bois solide pour un langage architectural rassurant. « Nous voulions donner aux gens une sorte de paix d’esprit en convoquant notre passion pour les voyages en train, enveloppé dans des sièges confortables avec des tablettes pour travailler ou jouer. » Comme dans un voyage au long cours.

De la cendre au phosphate
Avec EasyMining Sweden, présent en novembre 2023 à la COP28 de Dubaï dans la délégation suédoise, ils exposaient les matériaux issus de la technologie Ash2Phos (de la cendre au phosphate), un procédé breveté de récupération du phosphore, qui produit un sable rougeâtre riche en oxyde de fer, et des matières essentielles à la production naturelle d’engrais issues des boues incinérées et intégrables dans de nouveaux circuits circulaires. Parmi eux, deux produits : une boue brunâtre qui peut faire office de peinture et un panneau insonorisant où le sable rouge joue un rôle essentiel. Le sable a été l’ingrédient clé pour fabriquer la peinture à la boue produite par Färgbygge Productions contenant un liant recyclable et un matériau de remplissage recyclé. Le sable a été utilisé pour remplacer une partie du ciment dans les panneaux acoustiques Traüllit réduisant ainsi l’empreinte carbone globale du produit. Form Us With Love a été invité fin 2022 par EasyMining à réaliser une étude pilote pour explorer les possibilités d’application du sable rouge. Le studio s’est concentré sur les éléments architecturaux allant de la peinture, des dalles isolantes aux briques de terrazzo, en passant par le mobilier d’extérieur en béton. Les quantités espérées par année frôlent les 45 000 tonnes. On est loin d’un projet à l’unité, et ils n’ont pas fini d’explorer le potentiel du fameux sable rouge.

Récentes collaborations
En juin 2024, à l’occasion des 3daysofdesign de Copenhague, ils présentaient avec String Furniture le système Center Center composé de plusieurs modules pouvant être assemblés au grès des envies, dans un souci de pluralité des usages. En octobre, ils ont été invités par Rareraw aux côtés de neuf autres designers pour créer une série d’objets afin de célébrer les 10 ans de la marque. Le duo dévoilait la table Runda, déclinée en plusieurs formats et coloris. Sur le salon Orgatec à Cologne également en octobre, ils dévoilaient le sofa Coomo et la chaise Noova réalisés pour Bene, en intégrant notamment sur l’usage de plastiques recyclés et recyclables dans leur processus de création.


Puiforcat présente Pilotis, sa dernière collection de bougeoirs et candélabres issues d'une collaboration avec le duo Barber&Osgerby.
« En présence d’une matière si réfléchissante, le design, selon nous, doit aller à l'essentiel. » De cette vision claire, les designers Edward Barber et Jay Osgerby ont dessiné Pilotis. Un ensemble de trois bougeoirs et trois candélabres en argent massif et à la forme épurée. Invités par Puiforcat à l'occasion d'une nouvelle collaboration, le duo britannique a confronté son amour de la ligne pure et de la simplicité des formes, avec l'identité de la maison parisienne fondée en 1820. Une rencontre entre deux visions et deux époques, l'une moderniste et l'autre art déco, héritée de l'orfèvre et designer Jean Puiforcat.

La forme simple
Inspirée de la villa Savoye de Le Corbusier et plus particulièrement de son modernisme architectural, la collection s'inspire outre de l'encastrement de ses formes primaires, le rond et le rectangle, du système de pilotis. Un concept nouveau au moment de sa achevée en 1931, et librement réinterprété dans cette collection. La géométrie de la finesse et de l'alignement sur toute la hauteur de ces objets, offre une conjugaison élégante entre la rondeur cylindrique de la bougie et le piètement plat du support. De quoi procurer une impression de flottement et une discrétion qui permet d'éviter tout sentiment de séparation entre les convives à l'occasion d'un dîner. La finition en polie miroir reflète quant à elle les flammes et permet à l'objet de s'intégrer à n'importe quelle table !


Dans le cadre de l'exposition « Bicyclette : Un autre tour entre la France et l'Italie » visible jusqu’au 8 décembre à Milan, deux vélos nés de la collaboration entre la marque française Décathlon et l'école Suisse ECAL, sont présentés. L'occasion de poser 5 questions à Tristan Care, designer en charge du projet.
De l'objet de loisir occasionnel au moyen de transport quotidien, en passant par le sport, le vélo est aujourd'hui et plus que jamais un phénomène social. Cargo, de route, électrique, d'intérieur, tout terrain, handisport, et même pliant, ses déclinaisons l'ont rendu accessible à presque toute la population. Originaire de France et très vite répandu en Italie, le deux-roues musculaire est mis à l'honneur dans une exposition milanaise nommée « Bicyclette : Un autre tour entre la France et l'Italie. » Deux après « Bicyclette(s), faire des vélos » présenté à la Cité du design de Saint-Etienne, Nodesign et Matteo Ragni ont souhaité proposer un aperçu de sa diversité stylistique. Réunis à Milan jusqu'au 8 décembre, 70 vélos rapprochent les racines historiques de cet objet devenu incontournable, et ses innovations techniques. Parmi ceux mis en avant, GALVA et E-VENTURE, tous deux issus du projet de conception « Sortir du cadre » mené par des étudiants de l'ECAL aux côtés de Décathlon. Une collaboration menée par Tristan Care, design leader des vélos trekking de la marque, et initiée sur fond d'éco-conception. Une thématique qui trouve ici toute sa place. « La bicyclette a toujours été au centre des préoccupations des inventeurs et des visionnaires. » note Mario Ragni. Raison de plus pour inscrire dans l'histoire de cet objet, la création de demain.

Pouvez-vous nous expliquer ce choix de travailler avec l'ECAL pour ce projet, « Sortir du cadre » ?
C'est une initiative qui a été lancée par l'équipe de vélo trekking dans la perspective de notre prochaine gamme qui sortira à la fin du mois de février 2025. Il y avait cette volonté de nous ouvrir à d'autres ressources et d'avoir une vision neuve notamment sur la thématique de l'éco-conception. C'est une école que Décathlon avait identifiée comme intéressante en raison de sa réputation d'une part, et de la capacité des étudiants à proposer des concepts forts d'autre part. C'était là le sens du projet, ne pas rester cantonner à ce qui est classiquement fait, mais comme l'indique le nom du projet : sortir du cadre ! Et puis, étant moi-même diplômé de l'ECAL, il y avait également un petit affect...
Comment avez-vous travaillé avec les étudiants sur la thématique du vélo dont ils ne maîtrisaient pas nécessairement les codes ?
Les vélos sont effectivement des produits très techniques et complexes qui intègrent de nombreuses pièces. Nous avons donc mené une phase d'introduction et d'accompagnement les premiers jours puis de manière plus occasionnelle au cours des six mois de projet. Nous nous sommes assez rapidement mis en retrait. Comme nous attendions des idées fortes, nous voulions rester neutres. Nous gardions seulement un regard distant sur les projets pour les aider en cas de besoin, et nous assurer que les idées restaient réalistes. Nous voulions éviter des propositions trop candides comme le bois par exemple qui n'est pas toujours la meilleure solution.
Parmi les choses particulièrement intéressantes à observer, il y avait la pluralité des projets. Dans cette classe, il y avait 10 nationalités différentes et les sensibilités étaient de fait très variées. La preuve que le vélo devait être réinterprété assez librement pour être diversifié.
Le thème de l’éco-conception était au cœur de ces réinterprétations. Comment cela s'est-il traduit ?
Avant tout, nous voulions éviter que les étudiants questionnent l'usage. Le but était de travailler uniquement la cible, à savoir, le vélo. Pour cela, nous leur avons mis à disposition nos ressources d'évaluation des émissions de CO2 en fonction des matériaux, et nous avons fait intervenir des techniciens pendant deux jours. Le but était de les épauler sur les questions de conception et de fonctionnalité. Sur les sept projets présentés numériquement, deux ont gagné et les créateurs sont venus au Btwin village de Lille pour fabriquer leurs prototypes avec nos équipes. Une autre manière de se confronter aux contraintes de l'éco-conception.

En quoi les deux concept-bikes sélectionnés étaient-ils novateurs ?
Chacun à leur manière, ces deux modèles questionnaient le process de fabrication. Le premier, GALVA, réalisé par Justus Hilfenhaus et Jiahao Huang, questionnait la matière en remplaçant l'aluminium habituel par de l'acier, un métal beaucoup plus lourd, mais bien moins polluant. L'allure très squelettique du cadre et la place centrale de la batterie dans une coque galvanisée nous ont plu. Il y avait un côté très technique et sans superflu intéressant. Tout comme la volonté de galvaniser le métal, un procédé plus polluant, mais qui sur le long-terme est extrêmement résistant.
Pour E-VENTURE imaginé par Gabriella Duck Garnham, Aurelia Pleyer et Yichen Wu, nous avons aimé l'idée de supprimer tout le superflu notamment plastique en le remplaçant par des pochettes flexibles et légères en textile. Il y avait également un aspect de valorisation puisque les tissus provenaient de chutes de produits Décathlon.
Ces projets dessinent de nouvelles pistes de questionnements. Seront-ils source d'inspiration ?
Certains prototypes confirment plus ou moins certaines de nos pistes de réflexions. Dans nos équipes, chaque personne a vu dans ces concept-bikes des parallèles avec sa propre spécialité. Néanmoins, notre collaboration n'avait pas pour but de produire des vélos à commercialiser tels quels. Nous changerions beaucoup de choses en interne, car ce projet restait exploratoire. À titre de comparaison, nous travaillons actuellement sur des vélos dont la sortie est prévue courant 2028. Il faut donc avoir un coup d'avance et c'était aussi pour ça que c'était intéressant de collaborer avec l'ECAL, afin de connaître leurs visions. C'est d'ailleurs ce qui a orienté les choix du GALVA et de l'E-VENTURE. Nous ne cherchions pas forcément les vélos les plus réalistes, mais plutôt ceux qui soulevaient des questions pour montrer que l'on peut aller plus loin dans nos réflexions.


Spécialisée dans des pièces de mobilier à l’allure futuriste à mi-chemin entre la technologie contemporaine et l'artisanat d'hier, la marque mexicaine ATRA s’exposait en octobre à Paris. Retour avec son directeur créatif, Alexander Diaz Andersson, sur l'identité créative du studio et sa transposition dans les pièces haut de gamme, souvent uniques.
Atra, c'est la finesse de la pierre qui en fait oublier son poids, c'est l'allure qui en fait oublier la matière, quand ce n'est pas cette dernière qui semble primer sur l'usage. Nous pourrions dire qu'Atra est une marque dictée par la radicalité sculpturale des formes et l'éloignement de tout classicisme, mais son directeur créatif, Alexander Diaz Andersson, préfère lui parler « de créations motivées par un sentiment d'émerveillement. ». Une vision défendue par « CARE INSTRUCTIONS », la première exposition parisienne de la marque qui s'est tenue mi-octobre.

Fondée en 2014 comme une entreprise dédiée au mobilier sur mesure de luxe, ATRA s'est progressivement transformée en studio pluridisciplinaire, devenu au fil des ans une « petite école de pensée et d'expérimentation des processus de conception. » En découlent des pièces - dont une douzaine étaient exposées - aussi diverses dans leurs usages, que dans leurs formes et leurs matériaux. Ainsi gravitaient autour d'un sofa Beluga disproportionnelement grand en alpaga noir bouclé et laiton vieilli, la table basse Pebble en onyx blanc et la table d'appoint Neptuno en marbre vert veiné. Autour, un corpus de luminaires disparates en argent ou en laiton apportaient çà et là, une lumière diffuse. Chez ATRA le décoratif prime sur le fonctionnel et ouvre les portes de « la nouvelle esthétique du futurisme » née d'une « vision utopique de l'avenir où le design, l'architecture, l'humanité et la nature coexistent en harmonie et se nourrissent mutuellement. »

Un design hérité de mondes opposés
« Mes origines suédoises et mexicaines se reflètent dans nos créations » où se mélangent des lignes modernes épurées et la minéralité de matériaux à forte présence visuelle. Éclectique, « CARE INSTRUCTIONS » est le fruit d'inspirations tout autant complémentaires que contradictoires. Outre sa double culture, Alexander Diaz Andersson évoque une « fascination pour le point de tension entre le terrestre et le céleste, le monolithique comme le lourd et le léger, le brutal et le raffiné. » Des oxymores réunis dans des créations luxueuses souvent hors du commun. « C'est le contraste de ces concepts qui définit véritablement le style ATRA. » Mais derrière ces notions, c'est surtout d'idées dont il est question. Créateur de pièces à la fois naturelles dans leurs matériaux mais très artificielles dans leurs styles, c’est donc avec une logique assez paradoxale que le designer dit avoir pour principale source d'inspiration l’écosystème. « Qu'il s'agisse du design cosmique ou de la perfection de la nature, mes idées me viennent de ce qui m'entoure et de ce que je vois en me promenant. »

La conception trait d'union entre passé et futur
Imaginées comme des ponts entre le passé et le présent, les pièces éditées par ATRA font « coexister harmonieusement l'innovation et la tradition. » Une philosophie temporelle et conceptuelle évoquée depuis quelque temps par l'idée de « Future Relics ». Une appellation qui fait le lien entre les époques et amène par l'objet de nouvelles pistes de réflexion. « CARE INSTRUCTIONS » s'offre ainsi au visiteur comme la continuité d'ATRA2100, une première série de pièces présentée lors de Design Miami 2021. Une collection qui avait alors pour but « d'interroger les valeurs futures de l'objet et les aspirations de notre mode de vie à la fin du siècle. » Une philosophie inscrite parallèlement à la démarche du studio entre questionnement temporel et design. « Nous concevons des objets en pensant à l'avenir, c'est-à-dire à la manière dont l'objet vieillira, se patinera. Pour certains, cette empreinte du temps sur leurs objets est quelque chose qu'il faut chérir, tandis que pour d'autres, elle représente exactement le contraire - une aversion à laisser l'entropie entrer dans leur vie. » Deux approches radicalement opposées, que le designer à souhaité soulever discrètement à Paris en disposant en face-à-face deux canapés Beluga blancs dont l'un était entouré d'une Peau en polymère et scellé. L'occasion de recréer « une réflexion sur le passage des ans en juxtaposant un objet sur lequel le temps fait son œuvre et un second ou la notion de temps est suspendu par la préservation et l'inutilisation de l'objet. » Une création concept à la limite du design, de l'Art et de la métaphysique, qui intégrait une autre grille de lecture à cet ensemble luxueux signé ATRA.


À l'occasion de sa nouvelle collection pour Monoprix en vente le 22 octobre, Axel Chay nous parle de son lien au design par le prisme de sa collaboration.
Seconde collaboration avec Monoprix, cette collection dessinée par Axel Chay arrive chez le distributeur ce mardi 22 octobre. D'abord éditée dans une version colorée et pop en février, cette réédition automnale entièrement chromée livre un nouvel aperçu du designer marseillais. Rencontré en juillet dans son appartement atelier où se répondent prototypes en courbe et mobilier Memphis, il nous avait parlé de ses inspirations et de son rapport au « beau ». Entretien avec ce créateur jovial tombé dans le design, quand il n'était pas si jeune.

Après Folies, vous présentez une nouvelle collection qui est la deuxième réalisée avec l'enseigne Monoprix. Pourquoi avoir accepté de renouveler l'opération ?
La première fois, j'avais accepté car c'est Monoprix et donc il y a toute une histoire avec Prisunic et une légitimé à faire du meuble et de la décoration. Ce n'était pas n'importe quelle marque de grande distribution. Il se trouve que la collection avait très bien fonctionné et renouveler l'opération était donc une belle opportunité et un super défi. C'était l'occasion de pousser de nouvelles portes que ce soit avec de nouveaux matériaux ou de nouvelles formes que l'on ne travaille pas en temps normal, car le coût de développement est énorme pour nous.
Mais justement, comment conjugue-t-on son design personnel qui a un coût relativement élevé et une fabrication artisanale, avec l'esprit de Monoprix, c'est-à- dire l'idée du design pour tous ?
Pour Monoprix, il a fallu penser l'objet en contrainte de coût, c'est-à-dire faire une pièce qui ne coûte pas cher à produire. Il y a donc de nouveaux paramètres qui se sont imposés comme le pays de fabrication, le nombre de pièces, ou encore la complexité. Mais le design pour tous, ça se traduit aussi visuellement. Donc l'esprit Monoprix, qu'il soit financier ou esthétique, m'a amené vers quelque chose de simple et d'intemporel.

Cette collection conjugue des courbes très contemporaines à la mode et une allure rétro presque 60-70's. C'est ça l'intemporalité, la navigation entre les époques ?
La collection d'octobre n'est pas inspirée d'une époque particulière, mais elle provient de ma culture design assez tardive. Mes parents n'avaient que du contemporain en décoration et je n'ai pas fait d'école d'art mais une école de commerce. C'est en sortant de mon master que je me suis intéressé au design moderne grâce à ma femme Mélissa qui chinait et mon frère qui est un artiste touche-à-tout avec qui je travaille aujourd'hui. Et j'ai découvert des choses géniales dans chaque décennie. Que ce soient les années 60 avec le développement de la courbe dans le design, l'esthétique 70's avec ce côté vieux James Bond ou encore les années 80 pour les créations notamment vestimentaires très affirmées. Ajoutez à cela l'Art cinétique ou Tom Wesselmann que j'adore... Bref, tout n'a pas été beau, mais tout est inspirant ! Donc mes créations sont surtout une digestion de ce qui a été fait avant. J'aime bien qu'une collection n'ait pas une allure trop ancrée dans son temps, mais qu'il y ait de petites ambiguïtés.
Et quoi de mieux que de changer le revêtement pour changer d'époque et de style. C'est finalement ce qui a été fait entre la collection de février et celle d'octobre ?
Oui effectivement. La première collection était très colorée ce qui a permis d'attirer l'œil et de la populariser en mettant les formes en valeur. Mais pour pouvoir rééditer les pièces, il fallait trouver quelque chose de différent. On est donc parti sur le chrome, car c'est à mes yeux quelque chose de « sexy » et c'est une valeur sûre.

Travailler le chrome, c'était aussi changer d'ambiance, passer d'une collection estivale à un ensemble plus hivernal, non ?
Je n'ai pas du tout pensé cette modification en termes de saisonnalité. Je n'intellectualise pas du tout la couleur, car ce n'est pas mon métier. Que ce soit pour Folies ou pour les nouveaux modèles, il s'agit surtout d'une question de goût et d'émotion. Pour la couleur, les formes sont très primaires, car la forme l'est. Il y a quelque chose qui tient presque du Memphis. Pour le chromé, il y a une forme de facilité encore plus grande, car le rendu est tout de suite très visuel et ça fonctionne avec tout, quel que soit l'objet. Quand j'étais jeune et que je n'avais pas encore de passion réelle pour le design, j'allais chez Emmaüs et je récupérais un buste sans valeur ou un vase inesthétique et avec une bombe de couleur ou chromé, je lui redonnais vie. J'avais ce besoin d'avoir un intérieur beau et scénographié qui sortait du lot. Aujourd'hui, ce n'est plus pareil car l'époque et mon travail ont changé, mais j'ai toujours ces besoins dans un coin de la tête.
Vous parlez de scénographie. Dans le cadre de vos collaborations avec Monoprix, le but était donc de concevoir un objet utile dans une scénographie faite pour recevoir ou bien penser l'objet pour qu'il soit scénique ?
Les deux. C'était important que l'objet soit assez fort pour créer son petit univers, qu'il existe par lui-même, mais il devait aussi créer une ambiance. C'est ce qui me plaît. J'aime aller au-delà de l’aspect décoratif pour essayer de faire quelque chose de beau qui fait plaisir. C'est ça le but de mon design et de cette collection finalement : faire plaisir.