Architecture d’intérieur
Nathalie Crinière, scénographe de l’exposition «Sculpting the senses», visible au Musée des Arts Décoratifs de Paris du 29 novembre 2023 au 28 avril 2024, revient sur son choix d’une mise en scène sobre. Un travail d’un an et demi qui permet d’admirer les œuvres oniriques et surnaturelles d’Iris van Herpen.
Au travers d’une centaine de robes, le visiteur est invité à découvrir l’univers d’Iris Van Herpen où s’entremêlent technologie et nature. Depuis la fondation de sa marque éponyme en 2007, la styliste de 39 ans propose une réinterprétation totale des codes de la mode. Un monde surprenant mis en scène par Nathalie Crinière, créatrice sans frontière; à l’origine de l’exposition Schiaparelli qui s’était également tenue au MAD en 2022, ainsi que du musée de la boutique Dior, avenue Montaigne. Entretien avec cette scénographe à l'œil rieur.
La complexité esthétique des œuvres d’Iris van Herpen a-t-elle été plus difficile à scénographier que d’autres maisons de couture ?
Celle-ci ne l’était pas plus. Elles sont toutes complexes. La contrainte principale était la présence de grandes robes et d’immenses œuvres. Il fallait avoir l’espace nécessaire, mais également penser au recul pour les contempler. Au musée des Arts décoratifs, nous sommes très dépendants de l’architecture et c’est assez délicat car il y a 12 travées et un escalier. Nous avons en revanche pris le parti de laisser occasionnellement le béton et les parpaings apparents pour jouer avec l’intérieur brut du musée. Donc c’est tout un jeu de discussions et de fabrications sur mesure qui s’opère pour utiliser l’espace à sa juste valeur.
Pourquoi avez-vous dessiné un espace avec tant de sobriété ?
Notre scénographie simple et discrète, est faite de noir et de blanc, sans effets de matières, car les robes d’Iris Van Herpen ne sont pas très colorées, mais ont une présence très forte. Pour soutenir les tenues, c’est un dispositif tout en courbe, en écho aux formes organiques des créations, qui prend place au ras du sol. Je voulais qu’on puisse regarder les robes dans les yeux.
D’autant que la plupart ne se trouvent pas dans des vitrines…
Oui, la créatrice nous a autorisés à exposer les trois-quarts de sa collection sans protection. C’est une chance car on ne regarde pas une robe en direct comme on la regarde à travers du verre. Pour les protéger, nous avons simplement conçu une rivière de miroir au sol qui évoque la limite à ne pas franchir et permet aux visiteurs de voir les créations autrement.
Était-ce votre choix d’enrichir le parcours d’un panel hétéroclite d'œuvres ?
L’enjeu central posé dès le début par la commissaire d’exposition, Chloé Pitiot, était de mettre les robes d’Iris Van Herpen en parallèle d'œuvres qui contextualisent son travail inspiré de l’Art et de la nature. Pour mieux comprendre son univers, nous sommes allés dans son atelier, à Amsterdam, où nous avons vu les éléments de près ainsi que ses nombreuses recherches. De là, nous avons conçu une scénographie qui ne s’inspire pas d’une collection ou d’une tenue, mais de son travail global.
Y a-t-il eu un désir de rendre la technologie prégnante en raison de la place centrale qu’elle occupe dans le travail de la créatrice ?
Nous n’avons pas directement mis en avant la technologie présente au cœur de son processus de création. Bien qu’il y ait des impressions 3D, il y a aussi beaucoup de bouts de ficelle et du papier qui jouent parfois sur la multiplication d’images ou la profondeur. C’est donc très intéressant, car il y a dans l’exposition une impression de technologie qui est parfois très low-tech [mouvement technocritique en opposition au high-tech].
Dans ses défilés, Iris Van Herpen prône une certaine sobriété contrairement à d'autres maisons. Êtes-vous allé à l’encontre des mises en scène habituelles de votre agence ?
Nous n’avons pas d’habitudes scénographiques. Nous sommes à l’écoute des créateurs et des maisons pour comprendre ce qu’ils veulent transmettre. Dans ce projet, la mise en scène est très simple et très sobre à l’inverse d’autres maisons de couture, mais nous n’aurions jamais fait ça pour Dior ou Schiaparelli. Nous essayons de comprendre les personnes pour nous adapter aux contenus et faire quelque chose d’unique ! La sobriété n’était pas une demande de la créatrice mais ça s’est imposé de par la complexité de ses robes et sa personnalité. Lorsque vous écoutez les gens, ça vous fait déjà un petit peu d’espace en trois dimensions. Dans votre profession, vous concevez des espaces tandis qu’Iris Van Herpen crée des robes très architecturales.
Finalement, vos professions sont assez similaires ?
Dior voulait être architecte... donc oui, il y a des liens. Selon moi, le point le plus probant, c’est l’espace en trois dimensions. Un vêtement, c’est une petite architecture qui vient habiter et habiller l’espace. C’est ce que fait Iris Van Herpen avec les volumes qu’elle dessine. Pour nous, en tant qu’architecte d’intérieur, c’est la même chose sauf que la mode se met sur des corps et que nous nous inscrivons dans des espaces existants.
À Berlin, la célèbre maison Moët & Chandon propose depuis novembre, un bar consacré au champagne. L'espace conçu par l'agence Yabu Pushelberg, se veut à la fois intime et convivial pour que chacun profite du plaisir de la dégustation.
Un lieu à la hauteur du prestige de la marque. Voici l'enjeu confié par Moët & Chandon à l'agence Yabu Pushelberg pour la conception de ce bar. Prenant place dans un très célèbre grand magasin allemand, KaDeWe, ce projet devait retranscrire l'âme de cette grande maison afin de proposer aux multiples clients une expérience cohérente avec l'image de marque.
La traduction d'une identité
Pour l'agence, créer un bar dédié, impliquait de capter son image et ce qui s'en dégage. Une recherche qui leur a permis de « comprendre que l’artisanat demeure l’âme vive de cette maison de champagne» expliquent George Yabu et Glenn Pushelberg. Mais par-delà cette notion intrinsèquement liée à l'histoire de Moët & Chandon, le duo souhaitait un espace en capacité de provoquer l'émerveillement des consommateurs. Un enjeu qui les a rapidement poussés à désigner les émotions comme vecteur indissociable de la prestigieuse boisson. De ce triple facteur est ainsi né le fil rouge de ce projet où s'entremêle désir, intimité et célébration.
Un espace intense mais intimiste
En dépit de l'image élitiste inscrite par Moët & Chandon dans l'inconscient collectif, le duo de créateurs a souhaité concevoir un espace où viennent se fêter les grandes et les petites occasions. Pour donner corps à cette vision, l'agence Yabu Pushelberg a conçu un espace accueillant où s'articule convivialité et intimité. Ainsi, c'est dans ce lieu tout en courbes que des recoins intimistes viennent se lover, tandis qu'au centre, un grand bar en arc de cercle offre un lieu plus propice à la dégustation. Les parois rouge et crème délicatement soulignées par l'éclairage indirect font de cette adresse un écrin chaleureux. Les formes organiques du mobilier et des cloisons donnent à l'ensemble une fluidité mais aussi une intensité exubérante pouvant rappeler, à certains égards, l'underground berlinois.
Depuis plus de 10 ans, Mickael Bénichou à l'origine de Liberté Chaillot, redessine des boulangeries en apportant force et caractère au lieu. Pour sa neuvième création parisienne, il a collaboré avec l’architecte d’intérieur Jules Mesny-Deschamps. Un projet à l'ambiance très italienne réalisé main dans la main.
Armée d’une vision architecturale forte - mêlant le traitement brut de la coque architecturale des lieux à la préciosité et à la noblesse des matériaux qui composent les agencements - Liberté écrit chaque magasin comme un chapitre de son histoire. Si chaque projet est différent, le quatre mains avec un architecte/designer différent est la règle d'or de Mickael Bénichou, fondateur de la marque. Après un premier concept confié pour son adresse de la rue des vinaigriers aux architectes Mur Mur, Liberté Chaillot a collaboré avec Le duo Jaune, Emmanuelle Simon ou encore Dorothée Meilichzon. Pour sa neuvième boulangerie à Paris, Liberté s’installe rue Chaillot, dans le 16è arrondissement, niché entre l’Alma et l’Etoile. Elle choisit, pour l’accompagner, l’architecte d’intérieur Jules Mesny-Deschamps.
Passé sur les bancs de l’école Camondo, Jules Mesny-Deschamps fonde son agence sans attendre la fin de son cursus, et opère initialement dans la rénovation résidentielle. Un passage de 5 ans à la co-direction du magasin parisien Merci lui ouvrent l’univers du retail, et lui confèrent une vision certaine de l’expérience d’un lieu marchand. Rompu depuis lors à imaginer des lieux à l’image forte, Jules Mesny-Deschamps livre ici la plus “Italienne” des versions de Liberté. “Mickaël est venu me voir avec une idée très claire : exprimer tout le caractère patricien de ce quartier en rendant hommage aux boulangeries italiennes. Nous sommes naturellement allé chercher l’inspiration dans les bars milanais, les cafés Turinois, et tout l’imaginaire que déploie l’Italie des années 50/60.” explique-t-il.
Une évocation transalpine
Pour cette création, le Studio Mesny-Deschamps développe ainsi un vocabulaire de matières propres à l’élégance italienne. Le bois rouge au vernis brillant, poncé à l’eau et passé en 8 couches, comme la coque des Riva, nés sur le lac de Côme est souligné par le chrome qui en rappel l’accastillage. L’idée n’étant pas pour autant de donner dans le pastiche, c’est là que l’aspect cru de la coque tranche avec la citation, et rejoint l’histoire de la première Boulangerie Liberté. L’inox brut du comptoir contraste avec ce raffinement presque désuet et ramène l’esprit du lieu à notre époque. Le sol a été chiné dans le centre de la France. En céramique grise flammée, sa composition rappelle les pavés de l’avenue Marceau, voisine de la boulangerie. Sur les murs, a été appliqué un enduit, dont la texture rappelle la pâte pétrie dans le tour. Granuleuse, elle prend la couleur du mastic, et son application irrégulière marque les murs de cette matière “non raffinée” qui constitue une partie des codes des lieux Liberté. “Nous n’avons rien voulu cacher du laboratoire que nous avons installé juste derrière l’espace de vente, visible à travers les arches en bois vernis brillant . Nous n’avons masqué ni le tour, ni la façonneuse, et encore moins le fournil. C’est le cœur de la boulangerie, et l’essence même du lieu. Cette technique ajoute du sens, et contraste, Comme à l’habitude de la marque, avec l’apparente préciosité de l’écrin.”
Liberté célèbre donc ses dix ans en réaffirmant une fois encore sa vision architecturale forte, et enrichie de collaborations avec des créateurs qui embrassent cette vision, et écrivent chaque nouveau chapitre dans le respect du ton général : dans le respect de l’héritage de la boulangerie, sans oublier d’y adjoindre une certaine irrévérence comme gage de modernité.
Retrouvez notre article sur Liberté Turbigo par Jessica Mille dans Intramuros 218
Depuis septembre 2023, le cuisiniste allemand Bora à ouvert au public les portes de son nouveau bâtiment de Herford, en Allemagne. Un lieu architecturalement innovant et en phase avec les valeurs de la marque.
Pour abriter son nouveau showroom de Herford, l'équipementier de cuisine haut de gamme Bora a fait appel à l'architecte Peter Lorenz. Une collaboration qui a abouti à un bâtiment d'environ 2000m² qui accueille le magasin de la marque, une cuisine d'exposition, un restaurant et des surfaces dédiées aux partenaires. Ouvert au public en septembre 2023, l'édifice de deux niveaux structurellement surprenant, reflète la philosophie novatrice de Bora. Fondée en 2007, la marque qui emploie désormais 500 collaborateurs à travers le monde, a reçu plusieurs prix d'innovations parmi lesquels le Red Dot Awards, le German Design Awards, ou l’Iconic Awards.
Une architecture à la limite de l'impossible
Haut de 13,5 mètres et long d'une centaine, le bâtiment se différencie en tout point des constructions industrielles classiques. Construit sur des pilotis dégageant un parking couvert de 80 places, le bloc habitable de 10 mètres de haut semble déformé. La structure en acier en forme de losange aux coins arrondis est entièrement vitrée sur ces deux extrémités. Autour, l'enveloppe métallique perforée du bâtiment se déploie ponctuée de grands panneaux de verre coloré. Un design qui laisse passer la lumière et offre à l'ensemble un aspect futuriste.
Mais c'est véritablement la façade sud surplombant la voie rapide qui a représenté un défi technique. Désirant apporter du dynamisme à la structure, l'architecte à réalisé une paroi inclinée à 42°. Cette forme particulière aux nombreuses contraintes techniques peut se déformer jusqu'à 13 centimètres pour éviter une rupture. Un défi pour l'architecte Peter Lorenz, à l'origine d'autres sites de la marque, que rien ne « motive plus que l'opportunité de sortir de l'architecture de routine pour réaliser des solutions d'exception ».
Un édifice bien dans son époque
A l'intérieur, la structure du bâtiment est apparente. Visibles, les poutres répondent au principe d'architecture du créateur et au désir de la marque de mettre en avant l'aspect technique, en accord avec la philosophie des produits Bora. Outre l'aspect structurel, l'enveloppe du bâtiment et son inclinaison permettent une communication visuelle entre les personnes situées de chaque côté des fenêtres. Quant à la lumière, elle est accrue par un toit vitré composé de deux éléments de 63m² chacun surplombant les espaces lounge et restauration. Cette infrastructure « cabriolet » peut également s'ouvrir, conférant au lieu une atmosphère unique, sans trop de nuisances sonores dues à la voie rapide. « Il n'y a pas de toit de verre coulissant plus grand en Allemagne » affirme l'architecte pour qui « la mise en œuvre a été un véritable défi [...] et constitue l’une des raisons pour lesquelles ce projet a été si exigeant. »
Mais la construction prend également en compte les critères environnementaux, difficilement dissociables d'un tel projet. La surface restante sur le toit est entièrement recouverte de panneaux solaires alimentant le bâtiment en énergie. Quant à la consommation thermique, elle est prise en charge par un système de géothermie constitué de 20 sondes s'enfonçant à 130 mètres de profondeur. L'eau peut ensuite être stockée dans une cuve de 200 litres qui assure l'autonomie du bâtiment en période hivernale.
« Ravissez-moi avec une proposition unique au monde. »
Innovant de par son architecture et les prouesses qui lui ont permis de sortir de terre, ce bâtiment s'affiche comme le dernier fleuron de la marque. Avec sa conception durable implantée dans un parc, son confort intérieur et sa localisation surplombant un axe de circulation important, Bora inscrit ce projet comme un véritable porte-étendard de sa philosophie. Le fondateur de l'entreprise Willi Bruckbauer avait dit à l'architecte : « Ravissez-moi avec une proposition unique au monde. » C'est désormais chose faite par un savant mélange de technique et avant-gardisme.
Pour sa première édition, EspritContract se tiendra du 18 au 21 novembre au Parc des Expositions de la Porte de Versailles. Plus d’informations sur : https://www.espritmeuble.com/fr/secteur/contract
La modification des habitudes de travail due à la crise covid a poussé les entreprises à se réorganiser. Pour rester attractifs, les bureaux se sont métamorphosés et les espaces secondaires se sont « réenchantés ». Une évolution constatée par Paul Silvera.
Les années 2020 et 2021 ont profondément modifié notre rapport au travail et particulièrement aux espaces professionnels. Selon Paul Silvera, fondateur de la marque éponyme « on ne reviendra plus jamais en arrière avec l'ensemble des salariés dans des bureaux. Mais la société se dirige vers un équilibre entre le télétravail et le présentiel. » Cette réalité a permis l'explosion des espaces de co-working et la démocratisation de nouvelles configurations comme le flex-office. « Ce nouveau modèle permet à certains domaines comme la tech ou les métiers de la création, une plus grande efficacité par l'agencement très libre des espaces de travail. Mais il y a également une dimension économique puisque le télétravail permet de réduire d'un tiers les surfaces de bureaux ». Un changement largement perçu par Silvera qui, depuis 1990, aménage majoritairement des bureaux et sièges sociaux notamment par des solutions contract. Une branche qui représente 60 % du chiffre d'affaires global de l'entreprise et mobilise une quinzaine de personnes.
Une reconsidération globale des bureaux
Les derniers projets de Silvera pour Pernod-Ricard, Sanofi, Doctolib ou encore Leboncoin, témoignent de l'importance pour le domaine privé de repenser ses espaces de travail. Mais des projets à gros budget auprès des ministères ou du domaine public, montrent également une envie plus large de faire revenir les travailleurs en réenchantant les lieux. « Avant le covid déjà, une volonté de gommer les frontières entre la maison et l'entreprise se faisait sentir car ces dernières cherchaient plus de chaleurs et un esprit cocooning ». Preuve de ce renouveau, les projets concernant des firmes reprennent les codes de l'hôtellerie, second secteur d'activité de Silvera. « Les halls des sièges sociaux ressemblent maintenant à des accueils d'hébergement haut de gamme, et des espaces comme les cafétérias deviennent de véritables lieux de rencontre et d'échange. Si ces dernières sont mal pensées, cela peut même avoir un effet sur l'entreprise. » analyse le directeur. Un changement de paradigme en France mais aussi à l'étranger.
Un avenir équilibré et bénéfique
« Malgré le boom post-covid, je suis confiant pour les trois années à venir car toutes les entreprises se questionnent et réfléchissent à leurs aménagements. » Une continuité des commandes qui s'explique aussi par la maîtrise de Silvera dans les projets relatifs
« aux zones de détente, de coworking, et même au monde complémentaire des cabines acoustiques qui est devenu un secteur en lui-même particulièrement important. » Cette gestion globale et l'imagination du groupe constituent un avantage sur les marques concurrentes. « Chez Silvera, nous travaillons avec des architectes qui peuvent piocher dans une vingtaine ou une trentaine de marques pour un projet, là où ces dernières se contenteront souvent d'une gamme particulière. »
Mais au-delà de l'aspect créatif, Silvera bénéficie également d'un noyau pluridisciplinaire. « L'avantage que nous avons, ce sont nos multiples secteurs. Quand le contract s'écrase avec le covid par exemple, l'habitat nous permet de nous maintenir à flot, et vis-versa. De ce point de vue, le secteur de l'ameublement est donc encore assez privilégié. » Une situation d'autant plus réjouissante que le monde de l'hôtellerie profite actuellement d'un véritable dynamisme assurant de nombreux projets contract au groupe dans les mois à venir.
Pour sa première édition, EspritContract se tiendra du 18 au 21 novembre au Parc des Expositions de la Porte de Versailles. Plus d’informations sur : https://www.espritmeuble.com/fr/secteur/contract
Depuis 1987, RBC porte son expertise dans diverses projets d'aménagement contract. Face à l'évolution du secteur comme de la société, l'entreprise pose aujourd'hui un regard critique sur ses choix et l'industrie du design. Une position évoquée par Tristan Lohner, comme une forme d'engagement éthique.
« Au début, RBC c'était un homme, Franck Argentin, qui se battait avec sa sacoche pour remporter des projets » rappelle Tristan Lohner, directeur général adjoint de la marque. Puis il y a eu un premier showroom ouvert à Nîmes, suivi des 7 autres et des projets toujours plus importants. De la médiathèque aux sièges sociaux parmi lesquels Chanel ou LVMH, en passant par de « l'hospitality » auprès du groupe Accor, les projets se sont diversifiés grâce à l'expertise RBC dans le domaine du contract. « Dès le début, nous savions que nous ne pouvions pas compter que sur le retail. » constate le directeur adjoint dont 70 % du chiffre d'affaires provient du contract.
Une expertise et « un côté terrien »
Fondée en 1987 loin de Paris, la marque « est ancrée dans la réalité. Chez RBC nous privilégions les expériences de côté dans l'architecture, le design, la création en général. » explique Tristan Lohner. « Nous ne cherchons pas des personnes sorties de parcours stéréotypés, mais des interlocuteurs cultivés, passionnés, qui vont être efficaces et rapides et avec lesquels nos clients pourront même potentiellement nouer des liens. » Une manière de proposer des projets ciblés porteurs de sens. Mais plus qu'une stratégie commerciale, il s'agit d'une réassociation des acteurs entre ceux qui pensent le design et ceux qui le commercialisent. Un phénomène permettant aux clients d'obtenir des propositions plus adaptées et aux professionnels de saisir correctement les enjeux d'un monde qui change.
Parmi les différents exemples de la fluctuation des tendances, l'entreprise réalise aujourd'hui 30 % de bureaux et 70 % de zones informelles. Une demande en totale opposition avec la décennie passée, ce qui amène les créateurs à se renouveler. « Le monde des bureaux, jusqu'à maintenant gris et kafkaïen, s'est modifié grâce à l'exigence de la clientèle. J'ai l'impression que les consommateurs sont très inventifs en ce moment et nous poussent à être moins sérieux. C'est une sorte de provocation positive dans laquelle certains designers rentrent et c'est formidable. Il faut séduire et dédramatiser ce milieu ! »
« A l'origine le design n'est pas haut de gamme. C'est la création intelligente »
Avec 800 marques partenaires, RBC porte une attention particulière à la qualité du design utilisé dans ses projets contract. « Notre objectif n'est pas de vendre le plus possible un produit. Il faut vendre intelligemment ». Une vision qui implique une attention toute particulière à la matière, au processus de fabrication ou encore à l’ergonomie des articles. “ Nous sommes passionnés par la notion de design au sens de produit industriel. Il y a une forme de désir d'un retour à cette époque de la révolution industrielle dans le sens ou il est question de vraiment répondre à une cible et à un besoin. »
Une notion d'industrialisation du mobilier qui résonne avec la question des coûts de fabrication et de leurs répercussions sur la vente. « Aujourd'hui nous avons des chaises à tous les prix et notamment du très haut de gamme à plusieurs milliers d'euros. Mais si nous trouvons des chaises à 59 € qui correspondent à nos attentes, ça en fait un très bon produit. C'est la prouesse intellectuelle qui a permis une conception optimisée qui fait qu’un produit est très haut de gamme à nos yeux ! »
Un regard éthique avant l'esthétique
A la question de la pensée industrielle s'ajoute aussi celle intimement liée de l'éthique. « Chez RBC nous estimons avoir la responsabilité de nos produits, ce qui nous oblige parfois à dire non à certaines marques pour ne pas cautionner un modèle potentiellement problématique éthiquement ou environnementalement. Notre expertise en tant qu'entreprise est justement de nous interroger sur nos limites pour que nos projets ne sombrent pas dans le quick design. »
Une démarche encouragée par l'Etat qui inclut désormais un barème de notation sur la traçabilité des matériaux, l'aspect managérial de l'entreprise ou encore le bilan carbone dans les appels d'offres. Une forme de sanctions financières approuvée par RBC dont une branche interne est en charge de ces questions ainsi que de l'analyse des marques partenaires. Une manière de garder en tête « qu'à l'origine le design n'est pas haut de gamme ou bas de gamme. C'est le lien entre l'industrie et le rêve. »
Pour plus d'informations sur les réalisations et les produits RBC, rendez-vous sur rbcmobilier.com
A Stuttgart, dans un immeuble du début du XXe siècle, le Studio Alexander Fehre a eu pour mission de transformer un rez-de-chaussée en une maison familiale chaleureuse, au design bien pensé, où chacun trouve sa place.
Un espace continu et fluide, sans murs et une esthétique claire et accueillante, telles étaient les intentions du projet de la Villa L. « Vivre un lieu résidentiel est un sujet très privé et représente quelque chose de particulier pour chacun. Aussi fallait-il prendre en compte le cahier des charges, tout en suivant le cap d’un projet précis, même si l’incertitude pendant le processus de conception est assez fréquente » détaille l’architecte d’intérieur Alexander Fehre.
Le confort et la simplicité avant tout
Première étape, en supprimant les murs et toute idée de portes ou de cloisons, les pièces s’enchainent les unes avec les autres naturellement. Les fenêtres ont été agrandies, doublées de voilages blanc aériens qui accentuent la luminosité tandis que la terrasse largement ouverte a été aménagée dans le prolongement du séjour et la chape du sol déposée pour l’installation d’un chauffage. Deuxième étape, un bloc de rangement multifonctions XXL décrivant un L redéfinit la pièce principale comme élément architectural central. Les courbes douces accompagnent le mouvement de cette transformation, alors que le volume toute hauteur dissimule l’utilitaire accessible derrière un habillage vertical de lattes de chêne scandinave, qui rythme et unifie l’espace.
Dans le séjour, le poêle à bois, élément fort de la rénovation, s’ajoute au confort du chauffage par le sol, ce qui évite les radiateurs muraux. Ainsi débarrassé d’éléments structurels auxquels on a apporté des solutions, l’espace est appréhendé plus aisément en harmonie avec le mode de vie des propriétaires « Le projet a avancé dans la confiance réciproque avec nos clients et grâce à cette approche globale, nous avons mieux cerné la réponse émotionnelle qu’ils souhaitaient. » explique l’architecte.
Un lieu de partage avec les enfants
Outre l’absence de murs intérieurs et de portes, que seul perturbe une discrète cloison en verre pour le sas d’entrée, les propriétaires n’ont pas suivi le schéma d’une implantation classique, en faisant l’impasse sur les archétypes du salon : canapé, lampadaire ou téléviseur. La Villa L est un espace à vivre, partagé équitablement entre parents et enfants leurs activités et besoins de mobilité. Les murs peints en blanc, le bois de chêne huilé, quelques touches de couleur dans les niches sont autant de matériaux choisis parce que vecteurs d’un design calme. A l’image de l’ensemble de la maison rénovée, la cuisine a été imaginée comme un lieu de rencontre intergénérationnel sans perdre son lien avec l’extérieur, associant le bien-être et l’esthétique. Une pierre monobloc en ilot d’une grande sobriété intègre la plaque de cuisson, des rangements invisibles et fait face à l’équipement de l’électroménager regroupé méticuleusement rangé dans une niche peinte en vert: l’évier et le four encastré dans le panneau de bois, le micro-onde, la machine à café. Une ouverture discrète s’immisce dans l’agencement en tant qu’élément de design, équipée d’étagères en verre coloré qui livrent leurs effets avec la lumière.
Les enfants ont leurs territoires identifiés pour s’isoler ou lire, au creux des banquettes intégrées sur mesure dans les fenêtres et dans l’élément central à l’image d’une cabane. Mais ils ont aussi leur salon dédié, à l’extrémité de la pièce : avec un toboggan, une niche pour s’asseoir, une structure qui permet des espaces de jeu créatifs et une bibliothèque. En supprimant le toboggan et quelques marches, l’espace évolue pour s’adapter aux besoins changeants à chaque âge des enfants.
En déployant une réflexion autour des recherches de l’impact écologique, Paul Emilieu conçoit des espaces qui mêlent l’architecture, la scénographie et les usages.
Son diplôme de l’École Camondo en poche, Paul Emilieu a pour ambition de diffuser auprès d’un large public ses connaissances et ses convictions acquises. Avec plusieurs cordes à son arc, il est à la fois enseignant, designer, scénographe et architecte d’intérieur… En 2011, il crée la plateforme Matières Premières, un groupe de recherche qui analyse et anticipe l’impact de l’architecture et du design dans notre société. « Au travers de publications print digital ou de missions de conseil ciblées, ce champ d’exploration est la colonne vertébrale de notre réflexion au sein même du studio » …
Favoriser l’habiter
Fort de cette méthodologie, Emilieu Studio analyse les programmes pour le tertiaire en mission de consulting ou de mises en espace des projets avec une conscience aiguë des enjeux environnementaux. L’aménagement des bureaux Vinci Facilities à Villeurbanne conçu avec l’architecte Héloïse Gaudin, en est la démonstration. L’enjeu du projet ? Transformer 550m2 d’open space en alternance avec des panneaux 3 plis chêne sans perturber l’organisation de l’entreprise. L’utilisation de rideaux acoustiques en coton permet de créer des espaces d’isolement temporaires. 90% des usagers ont été satisfaits de cet usage singulier qui résout en partie la difficile équation du travail entre temps de partage et productivité.
Pour le résidentiel, la démarche est claire. « Nous acceptons uniquement ce type de projet dans une démarche d’écoconception. Nous faisons l’analyse de l’existant et de la manière dont le propriétaire investit son espace, afin d’aller vers le réemploi. » L’équipe, composée de différents corps de métier, fait un état des lieux précis pour harmoniser des ensembles hétérogènes. Dans une rénovation d’appartement à Pantin, la cuisine des années 70 est réemployée tandis que ses surfaces sont retraitées avec des peintures ou des gainages. Conserver certains éléments, (re) travailler la couleur et la matière, tels sont les objectifs d’une réhabilitation où l’imprévisible fait partie du projet qui n’a pas d’image définitive.
Des enjeux écologiques
Avec quatre salariés interdisciplinaires, les activités au sein de l’agence sont multiples : écriture, scénographie, architecture, design, communication, photo, vidéo, et travaux de couture ! Paul Emilieu glisse avec une aisance déconcertante et une tête bien faite, de l’un l’autre. Un projet bar pour la marque Absolut vodka côtoie du mobilier open source destiné à la médiation numérique. Pour ce dernier, l’appel à projet lancé par l’Agence National de la Cohésion des Territoires (ANCT) Emilieu Studio a fait partie des trois lauréats. Le résultat ? La création d’un outil de transport pour les médiateurs numériques, un chariot fabriqué en réemploie (contreplaqué marin, chutes de bâches).
Le studio s’est vu confier également le réaménagement intérieur de l’École Camondo Méditerranée, devenu un espace inspirant pour les étudiants, tandis qu’ils sont incités à créer des textures, à toucher, à explorer. Les deux plateaux de 1000 m², une grille technique au plafond pour composer une plate-forme ouverte modulable, fonctionnent telle une boîte à outil pédagogique. Avec des éléments de mobilier en textile récupéré montés sur roulettes, l’expérimentation innovante et écologique est un terrain de jeu.
Raphaël Le Berre et Thomas Vevaud se consacrent à des projets résidentiels privés haut de gamme. Ils revendiquent leur appartenance à une filiation, celle des grands décorateurs et ensembliers français du XXème siècle.
Depuis leur rencontre à l’École Camondo, renforcée par la création de l’agence d’architecture d’intérieur en 2008, ils ne font qu’un. Leur style et leur mode de fonctionnement perdure depuis plus de 30 ans. Leur secret ? Des solutions rigoureuses, exigeantes, proches des métiers d’art et des savoir-faire d’excellence. Unis dans la première phase de questionnement et de recherche, chacun dans ses compétences prend en main une partie du projet, dans la phase de réalisation autour d’une même synergie. « Apprendre à connaitre le client, échanger sur les grandes lignes, tels sont les étapes qui guident notre cheminement créatif ».
De l’appréhension de l’espace au design de mobilier
En tant que décorateurs, ils placent le mobilier au cœur de leur réflexion. Comme une extension de l’architecture intérieure, il est intégré dès la première phase du projet parce qu’il donne l’échelle, définit les cloisonnements, les circulations entre les sous espaces et la volumétrie de la pièce. « On aime créer des formes naturelles rondes et confortables tout en matières pour des fauteuils ou des canapés dessinés sur mesure. » Souvent issues de collections personnelles du client, les œuvres d’art elles-aussi, sont absorbées dans la conception d’un appartement haussmannien ou d’une maison de vacances. « Les peintures grands formats ou les paravents sont positionnés, éclairés en fonction de la vision du propriétaire des lieux, sans privilégier le contexte muséal »…
Quant au choix de matériaux, il est en perpétuelle mouvance mais proche du cahier des charges du client. Et si les goûts affutés et éclectiques des décorateurs ont évolué avec le temps, il y a cependant une échelle minimale constante, que concrétisent les belles palettes claires des peintures Ressource, ou Argile. Les matériaux nobles tels que le bois, la pierre ou le marbre, ajoutent sans surenchère, une qualité sublimée par les réalisations sur mesure des artisans. « Ce qui crée le socle de notre travail, c’est cet écrin de teintes naturelles, les murs écrus ou le parquet en chêne clair brossé mat ». Résultat, on reconnait parfaitement une écriture personnelle qui intègre les besoins du client.
Le mobilier et les objets de design
Dans un futur proche, les projets résidentiels ne manquent pas : la réhabilitation d’appartements de style victorien à Londres dans le quartier de Kingston garden, une extension d’appartement à Neuilly sur deux niveaux, une maison sur toit terrasse face au Bois de Boulogne… Pendant la Paris design Week, l’agence présente ses collections de mobilier de haute facture dans leur galerie rue de Verneuil à Paris. Les jeux de matières et de textures chics et audacieuses de Nomade, et le développement de Terra et Empreinte sont convaincants pour le visiteur, et soulignent la modernité des collections faciles à adopter chez soi. Le plateau Tortuga, le banc Goa ou la table Giulia, les luminaires et chandeliers, le tabouret Barth expriment ce langage créatif qui s’inscrit dans la lignée des nouveaux classiques de la décoration. Les collaborations du tandem avec de grands éditeurs de tissus d’ameublement, tels que Misia ou Metaphores, viennent clore la richesse de leurs créations d’un art de vivre à la française, entre le classique style Art déco et la gaieté du mouvement Memphis.
De son expérience d’architecte, Olivier Lekien en extrait la rigueur. Patiemment, il glisse vers l’architecture intérieure qui valorise la diversité de ses projets résidentiels et tertiaires.
Après des études d’architecture à l’ESA de St Luc à Liège en Belgique, Olivier Lekien obtient l’équivalence du diplôme DE-HMONP, (qui lui permet de s’inscrire à l’Ordre des architectes et de délivrer des permis de construire). Durant quatre années, il s’engage auprès d’agences opérationnelles dans les grands concours de programmes publics (logements, bureaux, espaces culturels) chez DesignWorkshop en Afrique du Sud puis chez Lacaton & Vassal à Paris. « Ce sont les plus grands architectes avec lesquels j’ai travaillé », raconte-t-il. La conception et la réalisation d’une élévation de 1000 m2 de bureaux, à Suresnes, va confirmer son choix décisif. Cette mission lui offre l’opportunité de s’exprimer, dans une dimension architecturale plus souple, et d’affiner son regard sur les finitions, les assemblages. « Dans les marchés publics, les projets se déroulent sur du long terme, parfois 10 ans, sans qu’ils aboutissent ! » L’architecture d’intérieur et le design d’espace correspondent plus à ses ambitions. Sachant qu’il y a peu de demande de constructions neuves à Paris, l’atelier OLK, basée dans la capitale, se tourne vers la transformation de structures existantes.
Design d’espace et aménagement intérieur
Les process de conception de ces programmes d’architecture intérieur vont à l’essentiel, dans l’optimisation des espaces et le rendu des matériaux. « Cette nouvelle adaptation n’efface en rien les quatre années passées en agence. Je retrouve dans ces projets, une certaine rigueur administrative propre au marché public », détaille-t-il. Sans se limiter à une typologie, les restaurants et commerces, les logements et surfaces destinées à l’investissement, lui sont confiées pour des missions complètes. Objectif ? Donner une plus-value à l’espace en proposant des matériaux adaptés, des éléments particuliers de mobilier.
Pour la boulangerie parisienne Tranché, il a dessiné ces drôles de tables hautes sur pieds à boules, dans le coin chaleureux du snacking. Quant au dessin plus complexe des chaises, il avoue humblement que c’est l’affaire du designer et opte pour des modèles déjà testés proposés par les éditeurs…
Douceur des volumes
Dans une synthèse globale associée aux contraintes contextuelles et budgétaires, le choix de matériaux devient une évidence en connaissant les principes constructifs. Le bois, qu’il affectionne, est transformé selon ses aspects et contraintes spécifiques (contre-plaqué, mdf ou bois massif) tandis que d’autres matériaux sont détournés légèrement de leur fonction au service du design d’espace, comme le plâtre en plaque fine, de 6 mm, pour des encadrements de portes en arches dans un appartement privé.
Si de ses réalisations émanent une certaine douceur, l’appropriation de l’espace par l’usager est une fonction liée à la conception. La flexibilité des aménagements refait surface, un enseignement qu’il a acquis auparavant en agence. Par ailleurs, sachant que 95% des projets sont des réhabilitations, l’existant est un paramètre non négligeable de l’étude et de la finalité du projet. L’analyse scrupuleuse dans l’état des lieux, de chaque mur, plafond ou détail d’architecture, détermine l’orientation du projet et sa mise en concurrence avec le programme. Les voiles de béton à poncer, les poutres en bois à rénover, les plafonds et les moulures conservées dans un immeuble haussmannien sont autant d’éléments sensibles à prendre en considération pour l’aboutissement d’un projet de transformation, souvent destiné à être réversible.
Si créer pour une société à la fois durable et créative est la base de la philosophie de l’architecte Jacques Ferrier, il compte bien la transmettre lors de son programme à Campus MaNa. La thématique « Habiter la fenêtre » en dit long sur ces quinze jours d’atelier ! Il traitera la fenêtre en tant qu’élément primordial de l’architecture, véritable lien entre l’intérieur et l’extérieur.
Accompagné de l’assistant architecte et théoricien Clémentin Rachet, et de Mathieu Luzurier, menuisier habitué au campus, Jacques Ferrier abordera des sujets incontournables en termes de construction dans un contexte de crise climatique. Pour lui, la relation entre l’habitant et l’environnement est essentielle, et passe notamment par l’appropriation et le désir d’usage.
Véritable défit architectural, la baie vitrée fragilise une architecte en retirant de la matière. Revoir l’histoire de toutes ces ouvertures, de l’arc roman aux constructions en béton armé, permet d’envisager une nouvelle vision de la fenêtre, non seulement stylistiquement mais aussi techniquement.
De la théorie à la pratique, la fenêtre, symbole de liberté et d’évasion, sera au cœur des échanges et de l’atelier bois du campus. Transparence, occultation, performances techniques et écologiques, sans oublier esthétique, tous ces points seront abordés durant ce programme.
Car au-delà d’être uniquement un vecteur d’air et de lumière, la fenêtre peut être habitée. À l’instar des bow window ou fenêtre en saillie, c’est un seuil entre l’intime et le public que l’on habille de rideaux ou de volets pour se protéger. Mais le verre utilisé peut aussi être chauffant, teinté, voire changeant. La fenêtre est une thématique qui mérite une attention toute particulière pour les enjeux d’aujourd’hui et de demain !
Détails du programme
Du 18/09/2023 à 29/09/2023
Matériaux: végétal, bois, métal, autres
Domaine : Architecture
Durée : 2 semaines
Langue : Français & anglais
Coût : 3900 € TTC
Ce tarif comprend le coût de la formation, l’hébergement et la pension complète, les matériaux et les équipements de protection individuelle.
Ce tarif comprend le coût de la formation, l’hébergement et la pension complète, les matériaux et les équipements de protection individuelle.
De 18/09/2023 à 29/09/2023
Bien connu pour ses Janus, l’Institut Français du Design l’est parfois moins pour son implication dans l’architecture d’intérieur. Garant du « design à la française », l’IFD fait office d’observatoire dans tous les secteurs de l’industrie et du commerce depuis 1951. Entre Grands Prix sino-français et entrée aux MAPIC, retour sur des concours récents.
Choisi il y a une décennie par l’organisme chinois CIID88, qui promeut le travail d’architectes d’intérieur et designers chinois sur la scène internationale, l’Institut français du design sélectionne des dossiers d’aménagement et de design produit parmi de très nombreuses propositions. C’est sous l’appellation « Grand Prix Design Paris » que le jury a choisi les meilleurs projets.
Sobriété élégante
En décembre dernier, les 11 jurés français du concours sino français ont décerné 16 Golden Awards à différentes réalisations comprenant des projets d’architecture d’intérieur de résidences, d’espaces commerciaux, mais aussi de mobilier et produits. Le jury, composé d’Olivier Bragard, Odile Duchenne, Jacques Mandorla, Béatrice Mange, Stéphane Quigna, Matthieu Rochette, Michel Sanlaville, Anne-Marie Sargueil, Olivier Poiseau, Isabelle Hernio et Chantal Aïra Crouan, a privilégié l’élégance, l’harmonie et les valeurs liées à l’identité chinoise.
Ces prix saluent une qualité des savoir-faire traditionnels, une maîtrise d’œuvre soignée, une harmonie entre les matériaux et la lumière, une intégration du paysage naturel dans les projets architecturaux. Les 11 membres ont observé la jeunesse des équipes participantes et leur capacité à marier intelligemment tradition et esprit contemporain. Mission à nouveau accomplie pour un IFD qui s’internationalise de plus en plus.
Bien au-delà du design
Ces grands prix ne sont pas le seul exemple d’intervention de l’Institut français du design, au-delà des Janus attendus par le milieu du design. En novembre dernier, l’Instituut organisait les premiers Best Stores Design by French Designers, qui devenaient la 12e catégories des MAPIC Awards et consacrait l’excellence française dans le retail. La réalisation de Lacoste Arena par Cigue a été distinguée par le jury du MAPIC, aux côtés des trois autres nominés retenus par le jury organisé par l’Institut français (Van Cleef & Arpels à Seoul par l’agence Jouin-Manku, Bienvenue en cuisine par Market Value et Ateliers-Boutiques YesYes par Brio).
Dans un tout autre domaine, depuis plusieurs années, l’Institut français du design organise aussi le concours Explore à destination des étudiants des écoles d’art et de design, les invitant à capter le réel en proposant une photo ou une mini-série commentée autour d’une thématique : après le travail, la ville, puis les essentiels, le thème de 2023 porte sur « les beautés de demain ». Le jury étant composé de personnalités issues d’horizon divers – design, histoire de l’art, sciences humaines, les échanges permettent souvent de décrypter les signaux faibles et de détecter les scénarios du futur.
Workspace, le salon du design, du mobilier et de l’aménagement des espaces de travail, se déroulera du 4 au 6 avril à Paris, Porte de Versailles, Pavillon 1. Une édition marquée par un dixième anniversaire, et un panel de conférenciers de haute volée.
Workspace Expo confirme son statut de 1er salon B toB européen pour le mobilier et l’aménagement des espaces de travail en termes d’offre et de visitorat. Lors de sa dernière édition, 18 009 visiteurs se sont réunis pour identifier les innovations et nouveautés dans le secteur du bureau à la recherche d’innovation, de solutions et d’idées pour leurs espaces de travail. Décisionnaires finaux, acheteurs, prescripteurs, architectes… se sont retrouvés sur le salon, véritable carrefour d’échange et de réflexion, pendant 3 jours.
Workspace : une édition 2023 tournée vers l’avenir
En 2023, Workspace Expo fête ses 10 ans. Plus de 300 exposants sont attendus avec les plus belles marques du marché telles que Vitra, Lapalma, Pedrali, Nowy Styl, Kastel, Silvera, LBC, Moore, Orangebox, Actiù, Bene, Sedus, Haworth, Interstuhl, Mara, Fantoni, Dynamobel, etc.
Un programme exceptionnel de conférences prospectives sur l’avenir des espaces de travail est mis en place avec des architectes et des designers de renom tels que Borina Andrieu, directrice générale de Wilmotte & Associés, Patrick Norguet, designer français, Ronan & Erwan Bouroullec, designers français, Marcelo Julia, architecte et designer argentin, Emmanuel Gallina, designer franco-italien.
L’espace tendance réalisé par l’architecte Karl Petit, Studio K sera organisé autour du thème « 10 ans au vert ». L’écoresponsabilité est enjeu majeur pour notre planète. Il trouve une déclinaison naturelle au sein des espaces de travail. La scénographie présentée, avec le concours des exposants du salon, proposera une sélection argumentée de produits spécifiques pour imaginer des lieux à la fois conviviaux, et respectueux.
Workspace Expo est plus que jamais le lieu pour pérenniser son business, le développer et représente un réel accélérateur incontournable pour votre activité.
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Ouvert depuis le 5 décembre 2022, le nouveau Terminal 1 de l’aéroport Charles de Gaulle ne ressemble en rien au précédent. Un espace totalement réagencé, dont la salle d’embarquement a été imaginée par les designers Hugo Toro et Maxime Liautard. Une mise en beauté qui agit comme témoin de la nouvelle offre lancée par le groupe ADP : Extime.
Inauguré en 1974, le terminal 1 de l’aéroport Charles de Gaulle n’avait jusqu’ici jamais été réhabilité. Imaginée à l’époque par l’architecte Paul Andreux, la structure initiale du Terminal consistait en une architecture circulaire reliée par sept satellites. Sous l’impulsion du groupe Aéroports de Paris (ADP), cette configuration a été quelque peu remodelée pour proposer une configuration en adéquation avec le lancement de leur nouvelle offre de services Extime.
Faire vivre une expérience
« Plutôt que de faire subir le temps d’attente aux voyageurs, pourquoi ne pas en faire un temps choisi ?« Voici les mots qu’a choisis Caroline Blanchet, directrice marketing du groupe ADP pour expliquer dans les grandes lignes le concept d’Extime. En joignant ainsi les satellites 1 et 3 mais en gardant la structure d’origine, le nouveau Terminal 1 agit en tant que témoin de l’expérience que souhaite proposer Extime. Un nom qui désigne une volonté « d’offrir de l’extratime ou de l’extraordinarytime« .
Et pour arriver à soumettre cet « extratime », les designers internes du groupe ont analysé les besoins et usages spécifiques des voyageurs afin de leur proposer une offre de shopping et de restauration adaptée à leurs envies, leur budget et leurs habitudes. Plus largement, Extime a été pensé comme une marque à part entière dont l’objectif est d’offrir une expérience globale à tous les voyageurs. Un concept sur mesure intégré dans la stratégie globale du groupe ADP qui souhaite l’exporter au maximum, sur les autres terminaux d’abord, puis au sein des aéroports français et internationaux.
Les designers Hugo Toro et Maxime Liautard appelés sur le projet
Et si l’offre d’Extime passe par ses services, l’aménagement de ses espaces a nécessité un travail de réflexion important. Et pour ce faire, le groupe a fait appel aux designers Hugo Toro et Maxime Liautard pour imaginer le nouvel espace d’embarquement du Terminal 1, dont la superficie est de 5600m2. « J’ai voulu créer quelque chose de plus domestique qui soit un hommage à Paul Andreu » explique Hugo Toro. Après trois ans de travaux, le nouvel espace d’embarquement se dévoile sous des codes de brasseries parisiennes, tout en y apportant des touches de nature de manière subliminale à travers les couleurs utilisées, à dominantes de vert et orange.
Raphaël Navot semble être le « nouveau » designer que tout le monde s’arrache. Avant le monde, peut-être le Tout-Paris. Il livre début février l’Hôtel Dame des Arts, rue Danton dans le 6e arrondissement et sera le Designer de l’Année pour l’édition de janvier 2023 du salon Maison & Objet.
Il est né à Jérusalem en 1977. Diplômé de la Design Academy Eindhoven en design conceptuel, il s’installe à Paris dans le Marais et accorde architecture d’intérieur et design au moment où les matières premières nobles et les techniques de fabrication par l’homme sont au plus haut. Il travaille avec les meilleurs ateliers d’Europe et ses réalisations courent du night-club le Silencio, rue Montmartre à Paris, aux revêtements de sol End Grain pour Oscar Ono ou des tapis artisanaux pour la Galerie Diurne, rue Jacob, de l’Hôtel National des Arts et Métiers à Paris à la bibliothèque et la galerie d’Art du Domaine des Etangs à Massignac en Charentes.
Le Silencio
La première fois qu’Intramuros a écrit le nom de ce jeune quadra, Raphaël Navot, ce devait certainement être en 2011, lors de la rédaction du Paris Design Guide où une place non négligeable était accordée au Silencio, réalisé par David Lynch à la demande d’Arnaud Frisch et Antoine Caton, club culturel d’un nouveau genre, « une histoire de casting regroupant l’agence d’architecture Enia, le concepteur de lumière Thierry Dreyfus et le designer Raphaël Navot. »
Trois séries de mobilier originales étaient alors créées par David Lynch et réalisées sur mesure par la maison Domeau & Pérès. Le design, mais aussi le cinéma, l’art, les spectacles vivants, la littérature, la musique comme la gastronomie ont toujours leur place au sein de la programmation dédiée aux membres du Silencio de 18h à minuit. Au delà, le Silencio devient un night-club ouvert à tous et tous les trois mois, un artiste est invité à y réaliser un projet. Rue Montmartre, il faut descendre dans la cave, pour se retrouver chaleureusement enveloppé d’or, sur les murs, les plafonds, les meubles et les bars à cocktails derrière lesquels s’activent quelques barmen insensibles à la faune nocturne du lieu… de Pharell Williams à Jean-Charles de Castelbajac, Virgil Abloh ou Agnès Varda. Tous se retrouvent là, dans des salles privatisées ou devant la scène où se joue, quart de queue et guitares vintage à l’appui, l’avenir de la musique. Comme un hommage au cabaret de Mullohand Drive, la scène ressemble à un ancien cinéma, encadrée avec des rideaux qui coulissent. À ses pieds, une piste de danse accueille les pas les plus sages comme les plus débridés. Un lieu où vivre des expériences originales.
Jouer Paris
L’Hôtel Dame des Arts qui ouvre le 1er février 2023, propose ce même type d’expériences mais à une échelle plus large. Les 109 chambres de l’hôtel, écrin 4 étoiles, portent en elles, l’esprit de la rive gauche et de la Nouvelle Vague. Inspiré par les philosophes, les artistes et les intellectuels du quartier, il déploie tout l’esprit de Saint-Germain-des-Prés. Dans ce bâtiment des années 50, l’hôtel conjugue chambres avec vue, rooftop à ciel ouvert, charmantes terrasses, jardin verdoyant, studio de fitness avec sauna, salles de réunion pas comme les autres. Un point de départ parfait pour explorer la capitale et l’art de vivre parisien. Avec son décor Nouvelle Vague, ses œuvres d’art et sa signature olfactive signée Arthur Dupuy, l’hôtel joue les jeunes premiers.
Lignes simples, formes graphiques, matières minérales et naturelles, il a sollicité les meilleurs artisans pour atteindre un résultat cosy et chaleureux. Loro Piana Interiors, Veronese, Cappellini, Oscar Ono ou Roche Bobois fabriquent pour lui. Le restaurant 39V, avenue George V et l’Hôtel des Arts et Métiers à Paris, l’Hôtel Belle Plage à Cannes ou la Bibliothèque du Domaine des Etangs en Charente, lui ont déjà livré leurs espaces. Tout a été fait ici sur mesure (à l’exception de deux chaises Roche Bobois, DOT et Identities). Le demi-cylindre cannelé en chêne massif qui recouvre certains murs des espaces publics et des chambres fait écho au sol en chêne noir carbonisé à la flamme et recouvert d’une résine protectrice. Un design chaleureux et bienveillant dans des chambres de 15 m2 pour les plus petites, avec lit Queen Size et chaque soir, cinéma privé à tous les étages à 21h et 23h.
Des rencontres
Le POH (Patchwork Oval Hemisphere), édité par Cappellini en 2014, est une pièce composée, mariant le fait-main, le fait par ordinateur et le fait à la machine. L’assemblage d’un volume chaotique, sculpté par une machine selon un modèle généré par un ordinateur, pour à chaque fois obtenir un objet unique qui ne peut être répété, un peu à la Gaetano Pesce. Conçu pour l’exposition « Post Fossile » dans le musée Holon, par Lidewij Edelkoort au printemps 2011, il a intégré la collection permanente de Cappellini. Chaque pièce est unique et découle de l’inversion du principe de conception. « La forme suit la fonction » devient « la fonction suit la forme ». Une révélation au Holon Museum, le célèbre musée complété en 2004 par Ron Arad d’une extension tout en acier Corten, un musée fondé par Moti Masson, maire d’Holon, (à l’initiative de la médiathèque, du centre culturel, du centre multimédia, du musée du design et du musée israëlien de la bande dessinée) et Hana Hertsman, directrice générale de la municipalité qui depuis 1993 cherchent à positionner Holon comme « La ville des enfants ».
Pour Pas de Calais, jeune marque japonaise créée en 2015 par Ykari Suda en hommage à la dentelle de Calais, qui développe ses propres textiles avec coton, lin et soie et une combinaison de teintures traditionnelles ou techniques de pointe, il signe une boutique parisienne rue de Poitou. Habitée par l’Arte Povera ou arte povera pour faire plus modeste, la simplicité des matériaux – bois fissuré, métal corrodé ou calcaire poudreux – sont une véritable ode à la nature. En 2014, il signe la suspension TOH pour Véronese. En 2019, Roche Bobois lui demande de refaire la boutique du boulevard Saint-Germain où l’on trouve ses collections au détour des escaliers. Pour la galerie Friedman Benda, il signe des canapés voluptueux et soyeux.
Au fil du temps, Raphaël Navot a su se démarquer avec des projets d’architecture d’intérieur remarqués. Parmi ses derniers projets de rénovation, on note un hôtel 4 étoiles, le Belle Plage à Cannes, livré cet été, et qui vient de mettre en service un grand espace spa également aménagé par Raphaël Navot. On peut également citer la rénovation du restaurant 39 V, qui a par ailleurs été récompensé en octobre dernier par le prix Paris Shop Design dans la catégorie « Hôtels, Cafés, Restaurants ».
Un hall circulaire sur Maison & Objet
L’Apothem Lounge à l’entrée du hall 7 sur Maison & Objet à Paris Villepinte, doit offrir une émotion, un concentré d’hospitalité, ou « Le monde fantastique de Raphaël Navot ». Son grand hall circulaire sera comme une installation immersive de lumière et de textures procurant une émotion visuelle où les visiteurs seront invités à découvrir les intérieurs indépendamment de leur fonctionnalité ou contexte comme dans un théâtre où les visiteurs sont les comédiens.
Le design est pour lui une forme de scénographie qui vise à créer une ambiance, soutenue ici par les luminaires et l’expertise Flos. Sans client, sans contexte, sans fonctionnalité, l’espace lui permet de faire accéder le visiteur à un royaume plus imaginatif et de créer un intérieur… inattendu. Le hall circulaire, protégé par deux rangées de murs courbés et qui permet aux visiteurs d’entrer et de sortir par ses 12 portails, s’offre comme un labyrinthe simplifié avec liberté et simplicité. À tester obligatoirement.
Du 6 au 9 novembre, durant EquipHotel, Intramuros a coanimé des cafés-débats avec l’Ameublement français, sur leur stand baptisé Interior Design Center. Ont été abordés des sujets liés à la conception d’espaces CHR, la mutation et le développement du marché. Retrouvez le résumé des échanges du 8 novembre portant sur la responsabilité RSE dans un projet CHR.
Sept professionnels ont accepté de débattre :
- Marie Carcassonne, gérante et fondatrice de la société Dyn-amo
- Thomas Delagarde, architecte d’intérieur et designer, Thomas Delagarde studio
- Thomas Garmier, CEO, the Great Hospitality
- Maxime Legendre, directeur marketing & commercial, Evertree
- Solenne Ojea-Devys, directrice générale, Okko Hôtels
- Bérangère Tabutin, architecte d’intérieur CFAI, studio BBonus
- Léa Querrien, cheffe de projet, Valdelia
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La RSE dans le milieu de l’hospitality : quels constats ?
Une enquête préalable à EquipHotel indique que 94 % des personnes interrogées sont sensibles au positionnement RSE d’un hôtelier, et parmi les 18-25 ans, un sur deux affirme que cela impact leur choix de réservation. Des chiffres parlants qui montrent l’intérêt croissant, voire l’engagement de la clientèle. Mais qu’en est-il aujourd’hui pour les porteurs de projets ?
Si la loi AGEC (loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire) encadre les chantiers publics, Solenne Ojea-Devys, directrice générale du groupe Okko Hotels, explique qu’il n’existe pas d’équivalent pour les chantiers privés. Dès lors, dans les projets hôteliers, le suivi d’une démarche RSE résulte davantage d’une volonté du donneur d’ordre : « D’une part, on a envie d’afficher une bonne volonté au niveau de la RSE. D’autre part, nos investisseurs cherchent à investir dans des bâtiments plus verts. Et l’objectif final des deux côtés est de réussir à baisser le coût de la facture. » Pour autant, sur la question du mobilier, elle constate que c’est encore un « no-man’s land » qui n’est pas du tout encadré et que les décisions sont ainsi faites au bon vouloir du décisionnaire final, à savoir celui qui paye à la fin.
Un constat : des mentalités qui évoluent
S’inscrire dans une démarche RSE dans une réponse à un appel d’offres est important, car les donneurs d’ordre y sont de plus en plus attentifs. Pour autant, ce n’est pas encore déterminant pour le remporter. En revanche les mentalités évoluent indéniablement, et outre l’explication d’une démarche, il existe aussi de plus en plus de structures et de réseaux sur lesquels s’appuyer pour s’inscrire dans une dynamique RSE. Marie Carcassonne témoigne ainsi de la mission de la société Dyn-amo, au service des propriétaires, des opérateurs et des designers pour acheter dans les meilleures conditions possibles le mobilier prescrit par les décorateurs : « Notre rôle est un peu particulier car nous agissons en tant que tiers. Ce n’est pas nous qui achetons, qui prescrivons ou qui fabriquons, nous agissons dans la chaîne en tant que tiers-conseil. » La société accompagne et propose des actions plus responsables aux différents acteurs intervenants dans un projet CHR.
Par ailleurs, si certains clients sont encore très réticents au changement, d’autres au contraire sont très volontaires et porteurs d’idées. Un constat que Thomas Garmier, CEO de The Great Hospitality rejoint en tant que porteur de projets : « La RSE est devenue un enjeu global et ceux qui ne l’ont pas compris ne vivent pas dans le même monde que nous. Nous avons tous une responsabilité et celle-ci passe par tous les acteurs d’un projet. » De plus en plus d’éco-organismes existent aujourd’hui et favorisent une meilleure gestion des déchets, du mobilier de seconde main, l’appel à des entreprises spécialisées dans le recyclage de matériaux… Des innovations qui se traduisent dans le travail concret du KoMuT, de la société Krill Design ou de l’Atelier Déambulons selon Thomas Garmier. Ces initiatives peuvent être mises en avant grâce aux différents canaux de communication qui sont multiples aujourd’hui, et plus particulièrement sur les réseaux sociaux.
Comment convaincre le client d’adopter une démarche RSE ?
Il est nécessaire d’expliquer, d’informer, pour que le client se sente impliqué. Pour Bérangère Tabutin, architecte d’intérieur, membre du CFAI, qui a géré divers projets inscrits dans une démarche RSE, l’idée est d’aller le plus loin possible, et de ne pas s’arrêter au greenwashing : « Le promoteur a besoin de pouvoir communiquer sur les produits et de savoir de quoi on parle. Sur l’un de mes derniers chantiers, on a fait un reporting photo de l’avancée du chantier, en allant faire des visites d’usines pour montrer concrètement au client les actions. Cela nous a permis d’aller au-delà des 20 % de mobilier recyclé. » Pour sensibiliser les acteurs, l’éco-organisme Valdélia agit également en accompagnant toutes les parties prenantes d’un projet d’aménagement. Un suivi qui doit se faire le plus tôt possible selon Léa Querrien, cheffe de projet innovations chez Valdélia : « On ne peut pas consommer et aménager un espace en économie circulaire ou tout simplement responsable en s’y prenant du jour au lendemain, il faut y réfléchir en amont. »
Marie Carcassonne et l’équipe de Dyn-Amo ont adressé un questionnaire à tous leurs fournisseurs dans le but de connaître leurs démarches mises en place. « Je pense qu’il y a un vrai marché à prendre, rien qu’en regardant le résultat du questionnaire : seulement 10 % des fournisseurs que nous avons contactés ont apporté une réponse, pas toujours exploitable. » Comment Dyn-Amo procède à son sourcing ? « On tâtonne beaucoup le terrain. Nous faisons de la recherche active en participant à des salons, en nous abonnant à des newsletters pour connaître les nouveaux fournisseurs… » explique Marie Carcassonne. Dans le milieu professionnel, le réseau est essentiel. Le Pôle Action, association issue du Conseil français d’architecture d’intérieur (CFAI) , dont Bérangère Tabutin est membre, permet d’échanger des informations sur des pratiques, des expérimentations, des tests de matériaux.
Le rôle du designer dans la démarche RSE
Thomas Delagarde, architecte d’intérieur et designer, fondateur de son studio en 2019, est en adéquation avec cette idée de travailler les projets en amont. Dans le cadre d’un récent projet avec Adagio, ce n’est pas sur les ressources de matériaux qu’il a appuyé sa réflexion, mais plutôt sur l’aménagement d’espace : « Nous avons réfléchi à la manière dont on habite l’espace, dont on consomme le mobilier. Le projet est né d’un constat : dans un appartement de 4 personnes, seulement 2,4 y sont réellement. On a donc une partie du mobilier qui est en trop. Avec Adagio, j’ai donc imaginé du mobilier modulable multi-usage, disponible pour les espaces chambres, mais également pour les parties communes. »
Un manque d’outils et de méthodologies
Manque de data sur les résultats des actions, manque d’outils d’analyses, de formations, démultiplication des labels… Solenne Ojea-Devys déplore une vision nébuleuse d’informations, et une difficulté à quantifier et mesurer les effets : « Nous n’avons pas encore tous les outils et toutes les réponses, donc il faut souvent faire des choix. Plus il y aura des choses concrètes à mesurer, et également faciles à communiquer à son client final, et plus on pourra avancer. » Au vu du manque d’informations ou de la réticence de certains tiers, il faut donc se fixer des objectifs concrets : « Il faut mettre l’accent sur quelques actions précises afin que le fabricant ou le client puisse s’y retrouver » explique notamment Marie Carcassonne. Une idée que rejoint Thomas Garmier, qui évoque l’importance de développer une relation de confiance entre tous les acteurs pour mener à bien un projet. Et c’est en ayant cette relation qu’un écosystème va se créer. Maxime Legendre expose notamment que chez Evertree, leur qualité de précurseur a permis de leur créer un statut de référent qui rassure. Il conclut son propos : « C’est en étant force de proposition qu’on arrive à créer un mouvement et une dynamique. On ne veut généralement pas être le premier à se lancer, mais on ne veut pas être le dernier non plus. »
Rendre visible l’invisible
Au-delà du fait de mener des actions, les rendre perceptibles au plus grand nombre est un travail à faire sur une plus grande échelle. Chez Evertree notamment, Maxime Legendre explique qu’en tant que fabricant de résine, matériau « invisible » à l’œil nu, la nécessité de sensibiliser sur les résultats visuels pour la santé et la qualité de l’air a été un point important à prendre en compte pour justifier leur démarche.
Autre moyen de rendre visible : l’étiquetage environnemental. Sur ce point, Marie Carcassonne a suivi une formation avec le FCBA afin de l’adapter ensuite à son mobilier et de communiquer sur ce point avec le fabricant après. Pour autant, cette initiative n’est pas sans difficulté, puisque pour du mobilier catalogue, c’est réalisable mais pour du mobilier sur mesure de petites séries, le fabricant aura moins d’intérêts à suivre ces démarches. Une autre solution intéressante : encourager les petites entreprises à s’engager, comme l’explique Bérangère Tabutin : « Après avoir convaincu le client, il faut réussir à expliquer ce que l’on a trouvé, ce qu’il y a d’intéressant dans ce produit sur le long terme. »
Un virage à ne pas manquer
S’il n’y a pas de cadre fort législatif, de réseaux d’informations bien explicites, qu’il faut convaincre, tous les participants insistent sur le fait que les mentalités changent. Il faut continuer à être proactifs dans ce domaine, à toutes les échelles, du bâti à l’aménagement, du matériau au réemploi… Et trouver les équations budgétaires, quitte à repenser la notion même d’investissement dans une projection plus large.
Le mot de la fin reviendra à Bérangère Tabutin dont le dernier projet de campus d’étudiants (Résidence Ecla à Noisy-le-Grand), obtenu lors du premier confinement, résume bien la tendance à prendre : « J’ai répondu à cet appel d’offres en décidant d’y mettre tout ce dont j’avais envie : développement durable, intelligence collective… Et c’est ça qui me l’a fait remporter. Depuis deux ans, j’ai appris énormément de choses, j’ai rencontré beaucoup de monde. C’est un sujet sur lequel on devient rapidement un moteur. Donc il faut se lancer, c’est le moment ! »