Le juste design d’Antoine Lesur
Portrait d'Antoine Lesur © Laurence Revol

Le juste design d’Antoine Lesur

Depuis qu’il est indépendant, le designer Antoine Lesur revendique une certaine polyvalence et une approche transversale de son métier. De mobilier d’édition en projets exploratoires, souvent autoproduits, il tente avant tout de pratiquer un design visant une production juste, nécessaire et durable.

Antoine Lesur fonde son studio en 2012, après dix années passées en agence, dont celle du designer Patrick Jouin. Depuis, il développe des collections de mobilier pour Fermob ou Maiori ; vient d’engager une collaboration avec une marque lançant un service de location de mobilier pour enfant ; de mettre au point un rituel de dégustation du vin au verre dans des restaurants étoilés pour Châteaux et Domaines Castel.

Maiori, collection Huggy, chaise bistrot, design Antoine Lesur
Sancal, Lapso, design Antoine Lesur en association avec Marc Venot © Sancal

Tout en travaillant sur un lombricomposteur domestique (un projet qui lui tient beaucoup à cœur) ; à l’amélioration constante d’un système de jardin vertical autoproduit ; ou encore, à la mise au point d’un sound system alimenté à l’énergie solaire pour une start-up marseillaise (Pickip). « Ce qui m’intéresse dans mon statut d’indépendant et le design tel que je le pratique aujourd’hui, c’est la transversalité de sujets et d’approches qu’ils me permettent, dit-il. Qu’il s’agisse de répondre de la manière la plus intelligente et élégante possible à une commande, ou de fixer mon propre cahier des charges, pour des projets que je développe seul. Parce que nos pratiques quotidiennes, notamment notre rapport à la nature ou à la gestion des déchets domestiques soulèvent, à un moment, des questions auxquelles il me paraît important de trouver des réponses. Même à ma modeste échelle. » Un pied dans l’exploration, donc, l’autre dans l’industrie. La tête dans les questions, les mains dans la mesure, et les yeux bien ouverts sur le quotidien. Il est designer comme ça, Antoine Lesur.  

Concept de sobriété

Nulle schizophrénie à l’horizon cependant : toute ces approches se nourrissent les unes les autres. Et à son sens, sont une condition essentielle de la pratique d’un design visant une production juste, nécessaire, et durable. High-tech, low-tech, question de contexte. Pas d’opposition frontale. Cela ne sert à rien. N’a pas vraiment de sens, hors du projet et de la problématique dans laquelle celui-ci s’insère. « Je suis un lecteur assidu de Pierre Rabhi, poursuit-il. Son concept de sobriété heureuse me parle beaucoup. »

Fermob, fauteuils de la collection Cadiz, design Antoine Lesur © Cyril Abad

Faire le choix de la modération de nos désirs, d’une sobriété libératrice et volontairement consentie, pour « remettre l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations, et redonner enfin au monde légèreté, joie et saveur »*. Joli programme, tout de même. Très désirable… Il poursuit : « On oppose souvent le caractère industriel aux problématiques environnementales, et je trouve cela dommage. Il me semble que l’on peut aussi trouver des réponses dans l’industrie. » Sa collaboration avec le fabricant de mobilier outdoor Fermob en est une belle illustration : évoluer dans le cadre industriel donné, pour tenter de limiter au maximum l’impact de chaque pièce. Une base solide du bon design. Du juste design. Et une approche bien plus complexe qu’il n’y paraît. Trouver la bonne balance requiert un jeu d’équilibrage subtil et très fin de nombreux paramètres, notamment techniques. Là, Antoine Lesur excelle, dans une connaissance profonde des matériaux et des procédés industriels.

Boutique Maurice & la Matelasserie, rue De la Fayette, design Antoine Lesur et Marc Venot, lauréat ``Mode et Décoration`` du prix Paris Shop and Design 2021

Technique

« L’objectif de la conception de la gamme Cadiz, consistait par exemple à limiter au maximum l’encombrement des meubles, de les rendre vraiment empilables pour des questions de stockage, de logistique ou encore de transport, explique-t-il. Mais aussi d’utiliser le moins de matière possible, tout en jouant sur des détails de dessin, pour apporter de l’élégance et du caractère au siège. Ne pas être dans un produit de tendance que l’on va vouloir changer tous les deux ans, et à la qualité de fabrication irréprochable. » Ici, donc, le design se trouve dans les détails, comme celui de la forme de l’accoudoir qui vient discrètement signer le bridge, les cassures au niveau de l’assise et du dossier relevées par une sorte de ruban organique et qui en constitue aussi les renforts.

Jardin vertical, design Antoine Lesur, en collaboration avec Marc Venot
Pikip Solar Speakers, Pikip Stage, design Antoine Lesur

D’ailleurs ici, le procédé de production est emprunté à l’industrie du cycle : l’hydroformage, utilisé pour la fabrication des cadres en aluminium. Et Antoine Lesur de préciser : « Pour pouvoir souder de manière résistante de l’aluminium sur de l’aluminium, le matériau doit être exactement le même. Ici, le recours à cette technique nous permet donc de souder du tube sur du tube, plutôt que de la fonte d’aluminium sur du tube, et ainsi d’obtenir une structure très solide, et légère, avec beaucoup moins de matière. En tant que designer, c’est vraiment ce qui m’intéresse : être sobre sur ce que raconte le produit, et aller dans des micros détails. Que la technique ne soit jamais arrogante, qu’elle se dissimule pour faire parler d’elle autrement. C’est un challenge. Les gens n’imaginent pas toutes les prouesses techniques qu’il peut y avoir derrière un meuble. » Juste avant de conclure, non sans humour : « Je suis quand même de la vieille école, on ne va pas se mentir. J’ai grandi avec une vision du design (à la fin des années 1990), où l’édition signature permettait de se faire connaître, dans le mobilier principalement. C’est le chemin par lequel je suis passé, et qui est aujourd’hui payant. Je suis très conscient de la chance que j’ai. Mais c’est aussi probablement ce qui me pousse à faire des pas de côté le plus souvent possible. »

Rédigé par 
Maëlle Campagnoli

Vous aimerez aussi

Temps de lecture
24/1/2025
Altas Concorde x Intramuros : La chaîne de valeur des matériaux dans les grands projets architecturaux

A l’occasion de l’ouverture de son nouveau showroom parisien, Atlas Concorde, leader italien de la céramique, a convié Intramuros pour une série d’entretiens avec de grands acteurs de l’architecture et de la promotion immobilière. Cette journée, qui nous a permis de rencontrer des talents créatifs et entrepreneuriaux, engagés et conscients, s’est achevée par une table ronde ayant pour thème « la chaîne de valeur des matériaux dans les grands projets architecturaux ».

Avec :

Ana Moussinet - Architecte d'intérieur (Ana Moussinet Interior)

Natacha Froger - Fondatrice Atome Associés

Léa Blanc - Architecte d'intérieur (Arte Charpentier)

Stéphane Quigna - Directeur associé (Arte Charpentier)

Alexandre Montbrun - Directeur des opérations (Oceanis)

Frédéric Marty - Rédacteur en chef (Intramuros Magazine)

Temps de lecture
24/1/2025
Charlotte Juillard et Tikamoon élaborent une collection pour les 150 ans de l’Opéra de Paris

À la croisée de l’art lyrique et du design, la collection anniversaire élaborée par la designeuse Charlotte Juillard avec Tikamoon est un hommage au savoir-faire unique de la marque lilloise alliée à l’histoire de l’Opéra national de Paris. Une collection disponible à partir du 5 février.

« L'idée était de créer une collection de mobilier qui vienne valoriser le travail d'ébénisterie tout en évoquant la beauté, la richesse et la singularité de l'Opéra de Paris. J’ai eu une totale liberté dans la conception et j’ai voulu raconter une histoire qui parlait de bois, d'ancrage, de durabilité, de mouvement, de matériaux et de ballet » raconte Charlotte Juillard. Une collection qui est d’abord l'histoire d’une rencontre hasardeuse entre Tikamoon et les équipes chargées des partenariats avec l’Opéra Garnier qui cherchait à élaborer une collection de mobilier. Déjà en contact depuis plusieurs années, lorsque les équipes de Tikamoon se sont rapprochés de l’Opéra pour la collaboration, le nom de la Charlotte Juillard a rapidement été évoqué. Un nouveau défi pour la marque de mobilier, qui n’avait jusqu’ici jamais collaboré avec un designer extérieur. Une collection qui s'avère avoir été réalisée en très peu de temps puisque moins d’un an s’est écoulé entre le début des échanges, les premiers prototypes et la présentation officielle au public lors de la Design Week en Janvier à Paris.

Collection Tikamoon x Opéra national de Paris, design : Charlotte Juillard © Tikamoon

Une collection pour raconter l’excellence

Pour imaginer cette collection, la designeuse a jugé intéressant d’évoquer les deux Opéras, Bastille et Garnier, qui malgré leurs différences marquées, font partie de la même maison. « L’Opéra Garnier, représente le faste et l’opulence de l’architecture néo-baroque du XIXe siècle, tandis que Bastille incarne la modernité et la fonctionnalité de l’architecture contemporaine. La collection s’inspire donc de ces deux univers et se divise ainsi en deux ensembles distincts » ajoute la créatrice.

Console et miroir, Collection Tikamoon x Opéra national de Paris, design : Charlotte Juillard © Tikamoon

Composée de six pièces, la collection s’inspire de l’élégance qui accompagne ces deux Opéras, tout en mettant en avant le savoir-faire d’ébénisterie propre à Tikamoon. Des pièces façonnées avec des matériaux en lien avec les deux Opéras et qui arborent des formes qui rappellent les mouvements des danseurs de ballet. « Le fauteuil, la console et le miroir puisent leur inspiration dans l’accumulation de matériaux propres à l’Opéra Garnier, avec des formes ondulées en hommage aux danseurs. Une dualité renforcée par la juxtaposition de deux bois aux teintes contrastées qui est un hommage aux superpositions de styles du grand Opéra et un clin d'œil aux célèbres pas de deux. La psyché, le tapis et le bout de canapé s'inspirent quant à eux de Bastille et de ses formes imposantes et généreuses. Les courbes rappellent la structure du bâtiment, mais évoquent également le mouvement » continue Charlotte Juillard. Un ensemble de deux collections en une, dont chaque détail rend hommage de manière subtile à l’histoire de ces deux lieux mythiques.

Fauteuil, Collection Tikamoon x Opéra national de Paris, design : Charlotte Juillard © Tikamoon

La collection sera mise en vente en exclusivité sur le site de Tikamoon ainsi qu'au sein de la boutique parisienne Place des Victoires à partir du 5 février. En parallèle, celle-ci sera exposée à l’Opéra Garnier pendant un mois.

Temps de lecture
22/1/2025
Entrechoquer les univers à la galerie Philippe Valentin, « Et pourquoi pas... » ?

La galerie Philippe Valentin consacre jusqu'au 22 février une exposition sur les travaux des designers Patrick de Glo de Besses et Jean-Baptiste Durand. Un savant mélange d'univers que tout oppose, et pourtant habilement réunis sous les regards bienveillants des silhouettes de la peintre Camille Cottier.

Il fallait un brin de folie et surtout une vision affûtée pour oser présenter ce trio de créateurs. Un défi autant qu'une prise de position affichée dès le nom de l'exposition : « Et pourquoi pas... ». Loin de chercher à mettre en avant « un corpus d’œuvres autour d'un thème ou d'un propos spécifique », Philippe Valentin, a souhaité confronter deux designers, Jean-Baptiste Durand et Patrick de Glo de Besses, exposé à l'Intramuros Galerie lors de la PDW en septembre 2024.

Deux artistes dont les travaux jusqu'alors distincts, sont pour la première fois réunis. Une idée « à première vue presque absurde, tant elle est binaire, qui me permet néanmoins d’affirmer ma vision de l’art : un art qui prend en compte la diversité des pratiques et ne s’enferme pas dans un dogmatisme, au service d’un non-goût ou d’une étroitesse d’esprit » explique le galeriste.

©Gregory Copitet

Contraster pour mieux exister

Rarement une exposition de design contemporain n'avait eu pour parti-pris de réunir deux univers si éloignés. Ultra-techno, le monde de Jean-Baptiste Durand s'affiche de manière très prégnante dans la galerie en un ensemble de câbles, de vérins et matières polymères aux assemblages industriels. Un design particulièrement novateur et unique face auquel Patrick de Glo de Besses répond par une sélection de 19 chaises aux allures artisanales mais non moins contemporaines et techniques. Une confrontation dans laquelle les compositions aux matériaux industriels évoquent un univers organique, presque vivant, alors même que les assises en bois semblent figées avec grande précision par la rigidité des coupes sculpturales. Un paradoxe mis en exergue par la proximité entre les pièces. « Lorsque j'ai découvert le travail de Patrick sur Instagram il y a deux ans, j’avais en tête de lui proposer un projet, mais je ne trouvais pas la bonne idée. C'est en voyant celui de Jean-Baptiste que j'ai eu l'idée d'une confrontation » observe Philippe Valentin. Saisi d'un côté par « l'idée tenace et radicale de la déclinaison », et de l'autre par « l'exubérance et la liberté formelle », il voit dans cette rencontre une possible diversité de réponses aux besoins du monde dans lequel nous évoluons.

©Gregory Copitet

Des chaises en bois en passant par le lustre et le lampadaire en doudoune fabriquées par Jean-Baptiste Durand et son équipe peu de temps avant l'ouverture de l'exposition, chaque création a ici sa place. Complétée par un ensemble d’œuvres picturales plus sensibles et aux figures humaines signées Camille Cottier, la sélection de mobilier trouve aussi un écho chromatique sur les pièces murales. Une résonance discrète, mais grâce à laquelle le triptyque trouve indiscutablement son équilibre.

L'exposition est visible jusqu'au 22 février à la Galerie Philippe Valentin, 9 rue Saint Gilles, 75 003 Paris. Retrouvez également les portraits de Jean-Baptiste Durand et Patrick de Glo de Besses et dans les numéros 221 et 222 d'Intramuros !

©Gregory Copitet
Temps de lecture
21/1/2025
BIG-GAME dévoile la collection Niwar avec Phantom Hands

Le studio suisse BIG-GAME dévoilait à Paris la collection Niwar en collaboration avec l’éditeur indien Phantom Hands. Une collaboration entamée il y a plusieurs années, dont le nom Niwar, est fortement inspiré de la culture et de l’histoire de l’Inde.

Lancée en 2014 à Bangalore, la marque de mobilier indien Phantom Hands dévoilait sa nouvelle collaboration avec BIG-GAME sur la collection Niwar, pensée dans la tradition artisanale indienne, chère à Phantom Hands et à ses fondateurs Deepak Srinath et Aparna Rao. Une collection composée d’un sofa, le premier de l’éditeur, d’un fauteuil et d’un ottoman. Des pièces qui sont le résultat de quatre ans de travail, après une première rencontre en 2016. « Nous faisions un voyage en Inde pour découvrir la culture et l’artisanat et nous avons rencontrés Deepak et Aparna et nous avons tout de suite accrochés » raconte Elric Petit. Désireux de faire collaborer des designers au sein de leur collections, ils se sont rapprochés du studio 6 ans plus tard pour travailler sur cette ensemble de pièces.

Une collection en hommage à la culture indienne

Pour imaginer cette collection, le trio de designers de BIG-GAME composé d’Augustin Scott de Martinville, Elric Petit et Grégoire Jeanmonod a souhaité rendre hommage la culture indienne. Ils sont alors parti d’un élément central et très symbolique en Inde, le « diwan », que l’on peut communément associé à un divan, pour penser un sofa dont la coque serait rigide pour laisser place à une assise douce et enveloppante, avant de le développer sous forme de fauteuil et ottoman.

Fauteuil Niwar, design : BIG-GAME © Phantom Hands

Un nom inspiré d’un textile traditionnel

Le nom de la collection, Niwar, n’a pas été choisie au hasard. Celle-ci fait en effet référence à un type de tissu très répandu en Inde, qui fait penser à un ruban épais, à l’origine composé de coton. Dans la version de Phantom Hands avec BIG-GAME, le textile est conçu par Zanav Home, un fabricant également basé à Bangalore. Le textile utilisé associe le coton et le lin, pour arriver à un résultat plus élevé en termes de qualité. « Au moment de penser la collection, on voulait ajouter un détail pour rappeler l'Inde. C’est là que nous avons pensé à inclure du niwar au sein des produits » ajoute Elric Petit. Une collection d’autant plus significative pour la marque qui voit en cette collaboration le moyen de marquer un nouveau tournant en termes de développement de marques, notamment à l’international. Niwar est disponible en trois coloris - vert foret, bleu ombre et gris colombe - ainsi qu’en deux finitions de bois en teck naturel et teinté foncé.

Sofa et Ottoman, collection Niwar, design : BIG-GAME © Phantom Hands
Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir chaque semaine l’actualité du design.