La Kamellschmelz, l’usine sidérurgique à bonbons
La Kamellschmelz © Studio Frank Weber

La Kamellschmelz, l’usine sidérurgique à bonbons

Transposer les grands principes de production d’une aciérie pour concevoir une usine à bonbons en miniature : voilà une manière bien originale pour l’artiste luxembourgeoise Trixi Weis de donner plus de saveur au design industriel patrimonial de son terroir !


Pour sa nomination comme capitale européenne 2022 de la culture, la cité luxembourgeoise d’Esch sur Alzette a choisi de revisiter l’histoire et le patrimoine de son bassin minier, au travers d’un programme général baptisé Remix et qui a notamment investi le cœur central du site d’Esch Belval et de son haut-fourneau avec une série de pièces et d’installations massives. Pour autant, en marge du site central, d’autres artistes et designers du cru se sont emparés de la thématique pour explorer de manière plus intimiste et singulière cette piste du remixage couleur locale. Du côté du tiers lieu FerroForum (centre de savoir-fer logé dans l’atelier central d’origine de l’ancienne fonderie Arcelor Mittal d’Esch-Schifflange), la plasticienne Trixi Weis, artiste invitée pour l’année culturelle européenne, a ainsi imaginé un curieux projet entre usinage et prototypage. Un projet plutôt gouteux, puisqu’il se révèle être une véritable usine sidérurgique en miniature, qui produit non pas de l’acier mais des bonbons !

C’est en s’invitant dans son atelier tout en longueur, un ancien bureau en bout de chaîne des différents espaces laborieux de FerroForum où le métal se travaille toujours de façon artisanale (et fumante), que l’on découvre le prototype du dispositif Kamelleschmelz (Kamell signifiant bonbon et schmelz voulant dire fonderie) conçu par Trixi Weis. Haut-fourneau, laminoir et même rails ou engins de transport, le tout à échelle réduite, se retrouvent disposés sur un long plan de travail de plusieurs tables qui donnent à la fois des airs ludiques, mais aussi une contenance très sérieuse à tout ce processus industrieux étalé sous nos yeux. « La réalisation de cette usine à bonbons est un défi, car à la base, la production de bonbons en sucre dur et complètement différente de la production d’acier, tant au niveau de l’échelle, des ingrédients, des températures, des conditions hygiéniques et des étapes de production », explique Trixi Weis. « La seule chose en commun, c’est la chaleur destinée à faire fondre et cuire des ingrédients pour produire une masse liquide qui se resolidifiera ensuite. »

Une illustration culinaire du patrimoine luxembourgeois

Pour cette « œuvre d’art ludique à caractère pédagogique », illustration d’« une partie du patrimoine luxembourgeois, qui a largement contribué à l’enrichissement du pays de 1850 à la fin du vingtième siècle », Trixi Weis évoque des souvenirs personnels. « Son idée m’est venue grâce à l’association de deux expériences », raconte-t-elle. « La première expérience se situe dans mon enfance lorsque ma grand-mère coulait le caramel chaud, sur une table en marbre huilée, avant de le découper en morceaux. Ces caramels s’appelaient des Kalugas. La deuxième, est la visite du four électrique de Esch, où j’habite depuis 14 ans et où j’ai pu admirer la coulée de l’acier brûlant avec des amis ferrophiles. »

La Kamellschmelz © Anouk Flesch

De facto, armée de son harnachement de protection, Trixi Weis a des allures de véritable ouvrière sidérurgiste sur les photos extraites d’une première performance qu’elle présente. « Ces mêmes amis m’ont invité dans le tiers lieu culturel DKollektiv », raconte-t-elle. « J’y ai réalisé des Kalugas dans une usine bricolée quelque peu minimale, lors d’une soirée culinaire sur le thème de la sidérurgie ». Une première étape du processus dira-t-on, que la Kamelleschmelz vient prolonger et complexifier.  

Une chaîne de fabrication pour la chaîne de production

Si la conception générale du projet doit en effet beaucoup aux émois personnels de Trixi, la fabrication des différents éléments a requis l’assistance de structures associées. « La Kamelleschmelz est un prototype motorisé et complexe très couteux, réalisé en partenariat avec différents acteurs, notamment les ingénieurs, les constructeurs et les sponsors dont l’ONS et ESCH22 », résume-t-elle.

La Kamellschmelz © Anouk Flesch

Les plans ont ainsi été dessinés par l’entreprise luxembourgeoise Paul Wurh SA, spécialisée en la matière. Et la réalisation des pièces proprement dites a été du ressort des équipes éducatives et scolaires de deux lycées techniques de Luxembourg : l’Ecole privée Emile Metz et le Lycée des arts et métiers, pour ce qui concerne le haut-fourneau et tout le début de la chaîne de production. « Ce début de chaine comprend un monte-charge qui mène le sucre vers le haut-fourneau, et le haut fourneau lui-même dans lequel le sucre cuit », explique Trixi Weis. « Les étudiants ont construit le haut fourneau, y compris l’électronique. Nous avons fait tous les essais pratiques sur place ».

La Kamellschmelz © Studio Franck Weber

La partie centrale du dispositif, en l’occurrence la poche transportée par un train et destinée à recevoir la masse de bonbon qui sort du haut fourneau, puis, la grue transportant la poche vers le convertisseur et le convertisseur lui-même, ont été réalisés par une autre entreprise spécialisée. C’est dans ce convertisseur que sont ajoutés le goût du bonbon (cola) et son colorant. Le convertisseur déverse ensuite la masse à bonbons sur une plaque en inox où elle est malaxée manuellement à l’aide d’une spatule afin de la refroidir avant d’être passée dans le laminoir. C’est ce laminoir qui donne aux bonbons leur forme de petites pastilles en bandes. Des bonbons ensuite convoyés vers la dernière étape : une sorte de passoire rotative dans laquelle ils sont précipités pour l’ébavurage et le sucrage évitant qu’ils ne collent avant la fondamentale étape de la dégustation.

Pour les curieux, le FerroForum ouvre ses portes le 30 avril. La Kamelleschmelz sera d’abord visible en tant que construction non fonctionnelle. Puis elle sera présentée au public en activité du 1er au 30 juin (sur réservation au +352 621 254 466).

Rédigé par 
Laurent Catala

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21/11/2024
À la Tools Galerie, Döppel Studio mets la lumière sur l’amphore avec « Néophore »

Jusqu’au 11 janvier, Döppel Studio présente à la Tools Galerie son exposition de 12 pièces uniques intitulée « Néophore ». Un projet qui croise les matières et surtout les usages avec un seul objectif : faire entrer la lumière.

Créer des objets lumineux à partir d’objets d’atmosphère, d’était un peu l’idée directrice de « Néophore ». Un projet carte blanche mené par Lionel Dinis Salazar et Jonathan Omar qui forment Döppel Studio depuis 2016. « On a fait beaucoup de collaborations avec des marques et on voulait repasser sur de la pièce unique avec une galerie. On a très vite pensé à Tools pour son esprit avant-gardiste et les prises de risques qu’elle avait pu prendre sur certaines collections. Nous avons rencontré le directeur Loïc Bigot il y a un an et demi avec qui il y a eu un réel échange d’idées tout au long du projet » raconte le duo.

Un symbole : l’amphore

L’idée de partir de la symbolique de l’amphore, ce vase antique le plus souvent utilisé comme contenant, est venu assez instinctivement. Le duo avait en effet eu l’occasion de travailler sur le thème de l’amphore lors de sa participation au concours de la Villa Noailles en 2016. Pour cette exposition, l’objectif de cette collection était cette fois-ci de lui faire prendre une toute autre fonction. « On a voulu retravailler la valeur d’usage de l’amphore en lui retirant cette faculté de contenant pour apporter de l’immatériel avec la lumière. On a confronté l’artefact de ce vase avec un objet plus technique, qui est ici le néon flex. » Pour réaliser les pièces, le duo s’est accompagné de la céramiste tourneuse Aliénor Martineau de l’atelier Alma Mater, situé à la Rochelle. Une première pour le duo, qui a dû sortir de l’aspect industriel pour se tourner vers l’artisanat et accepter l’aléatoire. Toutes les pièces sont par ailleurs recouvertes d’un émail avec nucléation, dont la composition permet d'obtenir des effets complexes qui laissent une part d’imprévu et rendent ainsi chaque pièce unique.

Exposition "Néophore" par Döppel Studio à la Tools Galerie © Ophélie Maurus

3 dessins, 12 possibilités

L’exposition « Néophore » présente ainsi douze pièces, sur une base de trois dessins qui ont ensuite été déclinés en fonction du passage du néon dans le vase. « On a volontairement pensé à des formes simples et archétypales, car on savait que la complexité, on l’amènerait avec le tressage et le néon. » Une technique minutieuse, puisque chaque vase est entouré ou enroulé de 2 à 3 mètres de néon, tressés par le duo lui-même. Une exposition qui ne manquera pas de retenir l’attention, à l’heure où les journées se raccourcissent et la lumière naturelle se fait de plus en plus rare…

Exposition "Néophore" par Döppel Studio à la Tools Galerie © Ophélie Maurus
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18/11/2024
Meljac au salon Interior Exterior & Design Meetings !

Organisé à Cannes du 19 au 21 novembre, le salon Exterior & Design Meetings prend ses quartiers au Palais des Congrès. Un salon axé sur l’échange entre professionnels, pour présenter une large gamme de matériaux, d’objets et de mobilier pour les projets de luxe et haut de gamme. Parmi eux, le fabricant français d’appareillages électriques haut de gamme Meljac.

Sur le stand D18 du salon, la marque française Meljac, spécialisée dans la conception d’interrupteurs haut de gamme présentera une large gamme d’interrupteurs, prises de courant, liseuses. En effet, les visiteurs pourront découvrir les diverses gammes standards mais également quelques exemples de réalisations sur-mesure, qui sont un des incontestables atout de la marque.

Allier savoir-faire, qualité et personnalisation

Meljac c’est surtout des pièces qui mettent en avant la noblesse du laiton, proposé sous divers formats et combinaisons possibles de mécanismes. La marque présentera également à ses visiteurs tous les offres en termes d’habillages, qu’il s’agisse de thermostats, de systèmes domotiques, de commandes de climatisation, de stores, de son… Des pièces proposées avec 29 finitions, issues d’un traitement de surface effectué en interne, gage du savoir-faire minutieux de la marque, permettant de fait de pouvoir proposer des Nickels, des Chromes, des Canon de Fusil, des Bronzes ou encore de la dorure.

En parallèle, la marque propose une offre de personnalisation qui fait sa force. En effet, qu’il s’agisse de gravures, de résines, de leds, rétroéclairage… Meljac offre de nombreuses options avec plusieurs designs et finitions de leviers ou de boutons-poussoirs, que les visiteurs auront l’occasion de découvrir sur le stand.

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19/11/2024
Unheimlichkeit, « l'inquiétante étrangeté » d'Edgar Jayet

Le designer Edgar Jayet propose Unheimlichkeit, une nouvelle collection plus complète que ses précédentes et pensée comme un hommage au siècle des Lumières.

Voici une collection aux origines aussi diverses qu'à l'inspiration hors du temps. Hommage aux métiers d'art du XVIIIe siècle ainsi qu'au tissage vénitien, Unheimlichkeit est une collection contemporaine construite sur l'héritage du passé. Une dualité porteuse d'un concept et « d'un supplément d'âme » évoqué dans le nom même de la collection : Unheimlichkeit. Un mot concept inventé par Freud et traduit il y a plus de trois siècles par la reine Marie Bonaparte comme une « inquiétante étrangeté ». Une évocation aussi floue que intrigante réhabilitée par le designer, Edgar Jayet, dans cet ensemble de sept modules.

©Stéphane Ruchaud

Une association de techniques et de connaissances

Derrière son nom allemand, Unheimlichkeit est le fruit d'une rencontre transalpine. Inspiré par l'Hôtel Nissim de Camondo et sa vaste collection de pièces du XVIIIe siècle, Edgar Jayet avait depuis quelque temps l'idée de conjuguer son goût pour le mobilier d'antan et la création contemporaine. Une envie « de prolonger l'histoire » concrétisée en 2022 lorsqu'il rencontre à Venise où il séjourne fréquemment, la designer textile Chiarastella Cattana. Débute alors une collaboration faite de savoir-faire croisés où le travail de l'ébénisterie historique rencontre celui du tissage. Un projet nouveau pour le designer qui mêle ainsi « la structure d'un meuble typiquement français du XVIIIe siècle réalisée avec des pièces en fuseau (modules de forme pyramidale) reliées entre elles par des dès d'assemblages (petits cubes situés aux intersections du meuble), et un travail de passementerie issu d'un tissage italien originellement utilisé pour les lits de camp et nommé branda. » Une association esthétique mais également technique. « Avec la réutilisation de cette structure constituée de modules développés au XVIIIe siècle, nous pouvons facilement ajuster nos pièces en fonction des besoins de nos clients. » Un atout renforcé par l'absence de contrainte structurelle de l'assise, uniquement maintenue par deux cordons de passementerie. Une finesse grâce à laquelle « la toile semble flotter sur le cadre comme par magie, dégageant ainsi cette notion d'inquiétante étrangeté » résume le créateur.

©Stéphane Ruchaud

Travailler le présent pour ne pas oublier le passé

« Concevoir des collections contemporaines en y incorporant les techniques du passé est presque un exercice de style auquel je m'astreins pour faire perdurer ces savoir-faire, explique Edgar Jayet. C'est la raison pour laquelle on retrouve la passementerie dans plusieurs de mes créations. » Convaincu par l'importance de rassembler les époques, le designer précise avant tout travailler l'épure de chaque projet. « Unheimlichkeit montre qu'il est possible de faire du contemporain avec les techniques anciennes. Mais cela passe par la nécessaire obligation de faire fit de l'ornementation car c'est elle qui vieillit dans un projet, pas la structure. Ce décor servait autrefois à transmettre des messages ou des idées. Au XIXe siècle son utilisation surabondante et en toute direction menant à l'éclectisme signe véritablement sa fin et conduit progressivement vers le XXe siècle et sa maxime : form follows function. » Une lignée dans laquelle le designer s'inscrit. « A l'agence, nous essayons de récupérer l'essence même du mobilier en le dégageant au maximum de l'ornementation contextuelle et souvent anachronique. De cette façon, nous pouvons restituer des pièces de notre temps, mais semblant malgré tout flotter entre les époques. » Une démarche engagée dans les dernières collections d'Edgar Jayet où se retrouvent des typologies de meubles aujourd'hui disparues. On note par exemple le paravent d'un mètre de haut présenté à la galerie Sofia Zevi à Milan en 2023, mais également le siège d'angle. « Finalement, je crois que la permanence du style passe par le travail de la main. C'est elle qui apporte le supplément d'âme, le Unheimlichkeit théorisé par Freud, mais c'est également par son biais que les techniques refont vivre les époques passées » conclut-il.

©Stéphane Ruchaud
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18/11/2024
Bellhop glass, la réinterprétation de Barber Osgerby pour Flos

Le duo britannique Barber Osgerby réinterprète la lampe Bellhop de Flos dans une version suspendue et une autre à poser.

Imaginée en 2016 pour le restaurant Parabola et la Members room du Design Museum de Londres, la Bellhop a depuis été repensé à quatre reprises. Cette année, c'est au tour du duo de designers Barber Osgerby de proposer une nouvelle approche de ce classique de la maison italienne Flos. Dessinée originellement en aluminium puis déclinée en polycarbonate, la Bellhop s'offre une nouvelle enveloppe en verre soufflé. Une approche différente en termes de matériaux mais également une diversification avec l'apparition d'une suspension en complément d'une version à poser présentée lors du Fuorisalone 2024.

©Flos



Le fonctionnel réinventé

« Lorsque nous travaillons avec Flos, notre point de départ n'est jamais la forme, mais la qualité de la lumière, explique Jay Osgerby. Dans le cas présent, nous souhaitions une lumière d'ambiance chaude et accueillante, homogène et douce, capable d'éclairer un volume spacieux sans générer de forts contrastes. » Un enjeu qui a amené le duo à se tourner vers l'utilisation d'un verre opalin triplex. Un matériau nouveau, mis au point avec l'équipe R&D de la marque, constitué de deux couches de verre transparent intercalées d'une autre en verre blanc. Néanmoins désireux de proposer une lampe tout aussi adaptée au moment d'intimité qu'au travail, les designers ont allié à la diffusion du globe de suspension, un faisceau plus direct orienté vers le bas. Une source émanant de la même ampoule, mais entourée en partie basse d'une bague en aluminium de sorte à diriger le fuseau pour éviter l'aveuglement.

©Flos

Adaptée pour les vastes espaces comme les plus étroits, la suspension Bellhop glass est proposée en trois dimensions (18, 33 et 45 cm de diamètre et uniquement 33cm pour celle à poser). Disponible dans les coloris Cioko, White et Aluminium Brill, les éléments en aluminium apportent au verre une touche de brillance issue des différents bains de fixation préalables. À noter enfin, la présence très visuelle du câble, voulu comme un « apport  chorégraphique et source de mouvement. Il s'agit presque d'une représentation visuelle du flux d'électricité » conclut Edward Barber à propos de cette ultime réinterprétation d'une silhouette toute en rondeur, devenue familière.

©Flos
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