Martin Szekely : l’art de s’en tenir aux faits
© Fabrice Gousset

Martin Szekely : l’art de s’en tenir aux faits

Certains le connaissent grâce à son iconique chaise longue PI, d’autres à travers l’une de ses nombreuses collaborations de marques ou encore ses expositions en galerie. Avec l’édition d’un catalogue de deux précédentes expositions attendu pour fin 2024 ainsi que d’autres projets à venir encore tenus secrets, nous avons pu échanger avec Martin Szekely sur son travail et sa vision du design.

Dans votre travail, il semble que ce soit surtout le dessin - et plus particulièrement le fait de ne plus dessiner - qui occupe une place importante dans votre réflexion et processus de création. Quel est votre point de vue sur cet aspect-là en particulier ? 

« Ne plus dessiner » n’a rien d’une fulgurance. Cet énoncé manifeste un cheminement qui prend son sens dans un contexte personnel et historique. C’est la reconnaissance progressive que tout objet a sa définition, sa fonction et ce, bien avant son dessin. Par ailleurs, cette définition est intégralement déterminée par l’usage ; et un usage ne se dessine pas. Ne plus dessiner, c’est se mettre à une distance objective du projet. C’est ne plus s’en remettre à l’imagination individuelle et son corollaire le dessin ou la recherche d’« une ligne », comme ce fut mon cas dans les années 80 et 90. C’est établir une méthode de travail basée sur les données extérieures et partageables par tout un chacun, que je nomme « les pierres dures », c’est-à-dire l’intitulé du projet (une table, une chaise…), sa dimension culturelle (son histoire, son usage…), les modalités de réalisation - qui comprennent bien évidemment le choix du matériau -, sa destination contextuelle (le lieu) et enfin, et surtout les personnes à qui est destiné le projet. Ne plus dessiner, c’est aussi s’en tenir aux faits, à l’instar d’un scientifique, à un moment précis et en un lieu donné. De nouveaux faits interviennent et le projet se modifie en conséquence. Ce qui me fait avancer, c’est de constater les faits et données qui s’imposent à moi et de les conjuguer entre eux jusqu’à ce qu’ils se donnent à voir sous une forme unie et dotée d’une espèce d'efficacité qui momentanément, me comble.

Quelques exemples précis à donner ?

Prenons Des étagères, réalisées en 2005 et construites à partir de feuilles d’aluminium rectangulaires découpées et assemblées. Le matériau dicte sa règle et je l’ai mis en évidence, rien de plus. Tous les composants sont interdépendants. S’il en manque un, l’ensemble perd sa cohérence et sa tenue n’est pas assurée. La construction est dictée par la spécificité fonctionnelle du mode d’assemblage et non par des choix subjectifs d’ordre esthétique ; elles s’auto-déterminent et je ne les dessine pas. La fixation d’une étagère oblige à un décalage vers le haut ou vers le bas de la tablette voisine et ainsi de suite. L’ensemble de ces décalages participe au maintien de la structure et de sa charge. L’espace entre deux tablettes est déterminé par l’usage, dans ce cas ranger des livres et des objets. L’intervalle entre deux montants est aussi déterminé par l’usage : sortir et repositionner un livre sans effort ; ainsi les montants font office de serre-livres…. De fait, « ne plus dessiner » n’a rien à voir avec le fait d’utiliser un stylo pour prendre des notes ou bien même faire un croquis.

Des étagères, design : Martin Szekely © Marc Domage

Je peux également citer le verre Perrier crée en 1996, qui a modifié en profondeur ma façon d’envisager le travail de designer. Ce dernier a été conçu à partir de données objectives extérieures à ma personne et dont je décrivais à l'époque l’objet et son usage de la façon suivante : l'objet et emblème de Perrier était jusqu’alors la petite bouteille Perrier reconnaissable entre tous par sa forme de quille. En charge de réaliser le premier verre pour la marque, j’ai immédiatement eu conscience qu’il s’agissait d’un mariage entre cet objet historique qu'était la petite bouteille, et le verre. Qu’est-ce qu’un mariage si ce n’est le rapprochement de deux entités qui partagent le même état d’esprit sans pour autant se ressembler physiquement ? J’ai alors pris connaissance de l’histoire de la bouteille et analysé sa forme : une base étroite mais suffisante pour tenir debout, un corps rond pour contenir l’eau pétillante et un col étroit pour la verser. Quelque temps après le lancement du verre, j'ai compris que ce verre n’avait pas été "dessiné" mais résolu à partir de données effectives et tangibles. Mon travail avait été de faire la synthèse de ces données objectives.

Verre Perrier, design : Martin Szekely © Alain Beulé


Vous avez collaboré avec de nombreuses galeries tout au long de votre carrière pour y exposer vos œuvres, quelle importance ont eu ces collaborations ? Certaines ont-elles été plus marquantes que d’autres ? 

C’est sans aucun doute la rencontre en 1984 avec Pierre Staudenmeyer et Gérard Dalmon, co-directeurs de la galerie Neotù qui fut la plus déterminante. Ils étaient des érudits férus de mathématiques, de psychanalyse et de cuisine. Ils connaissaient l’Histoire de l’art et avaient un esprit de synthèse rare. Pierre était pour moi celui qui commentait le travail pendant que moi muet, je l’écoutais. J’ai beaucoup appris sur moi-même grâce à lui et sur ce que je faisais alors de façon plus intuitive que réfléchie.

Au-delà de votre large collection de pièces de mobilier, parmi laquelle la collection PI, vous avez également collaboré avec plusieurs institutions/marques très différentes les unes des autres. Comment arriviez-vous à jongler entre ces différents projets et comment les abordez-vous à chaque fois ?

Chaque projet est envisagé selon ses particularités et dans un même état d’esprit. Travailler pour l’industrie c’est, de fait, ne pas connaître précisément les destinataires du projet, contrairement aux projets attentionnés, dédiés à des personnes en particulier. C’est un travail que je mène parallèlement à mon travail de recherche. Cela me permet de vérifier régulièrement ma capacité à ressentir une certaine réalité. La particularité de ce travail est de devoir être accepté et compris dès sa mise à disposition sur le marché, contrairement à la recherche qui dans le meilleur des cas se vendra à un petit nombre de gens initiés, souvent collectionneurs. Une marque est un univers en soi et son propriétaire et concepteurs ponctuels n’en sont que les dépositaires momentanés. L’univers d’une marque a son propre territoire culturel. Mon travail à chaque nouvelle rencontre avec le représentant d’une marque est d’envisager ensemble les limites qui définiront jusqu’où il est possible d’aller en termes de proposition. Aujourd’hui, je me consacre principalement à mon travail de recherche, à quelques exceptions près comme se fut le cas pour le mobilier du Louvre en 2021 ou Tectona avec la collection Soleil en 2022.

Fauteuil de la collection Soleil, design : Martin Szekely pour Tectona ©Philippe Garcia

Un certain nombre de vos pièces font aujourd’hui partie des collections permanentes de musées, quelle signification cela a pour vous ?  

J’envisage l’espace du musée comme un espace protégé pour mes créations, une façon de les mettre à l’abri des aléas du commerce et spéculations dans la durée.

Siège Louvre, design Martin Szekely pour le Musée du Louvre à Paris © Fabrice Gousset

Si vous deviez définir votre vision du design en quelques phrases, quelle serait-elle ? Comment décririez-vous votre travail de manière plus globale ?

Le mot "design" est par lui-même riche de sens : des signes, dessin, projet… À contrario, le sens communément partagé est restrictif et connoté ; il évoque le plus souvent une attitude positiviste pour un monde meilleur. Pour ma part, le travail se résume essentiellement à constater l’état actuel du monde dans un domaine circonscrit : celui des usages, des matériaux et des structures, à l’échelle du mobilier. Faire ce qui est possible à l’endroit où l’on agit.

Parmi tous vos projets, en avez-vous certains qui sortent du lot et qui ont une signification particulière ?

Chaque projet prit séparément est envisagé comme une séquence d’une histoire déjà longue de près de cinquante ans. J’aurais du mal à mettre en exergue un projet plutôt qu’un autre, mais peut-être est-ce celui auquel je me consacre aujourd’hui qui prend le plus d’importance. C’est sous l’intitulé « Objets de Valeur » que je conçois et fabrique par moi-même un projet au long cours que je dévoilerai peut-être un jour… 

Avez-vous des actualités particulières à venir, des projets en cours dont vous pouvez nous dire quelques mots ? 

Des projets sont prévus oui, mais je ne peux pas encore en parler, sauf de l’édition du catalogue en octobre 2024 des expositions Martin Szekely - Début (décembre 2020 - février 2021) et Martin Szekely - Marie France Schneider (octobre - décembre 2022). Le catalogue regroupera photographies et documents issus des deux expositions organisées par la galerie Mercier & Associés et Rémi Gerbeau et consacrées à mes premiers travaux. 

Rédigé par 
Maïa Pois

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6/11/2025
Les faits et gestes d’Hugo Besnier exposés le long de la Seine

Fondateur d’Hartis, le designer Hugo Besnier investit jusqu’au 30 novembre un appartement parisien, quai Anatole-France, pour y présenter sa nouvelle collection : Tour de Mains.

« C’est un appartement qui m’a toujours fait rêver. Pouvoir y exposer aujourd’hui est une chance », annonce Hugo Besnier depuis la vaste véranda de cet appartement ouvert sur la Seine. C’est dans cette ancienne propriété du couturier Pierre Cardin, prêtée par l’agence Barnes jusqu’au 30 novembre, que le fondateur d’Hartis présente Tour de Mains, sa nouvelle collection. Composée d’une trentaine de pièces, pour la majorité nouvelles à l’exception de quelques éléments imaginés pour des projets précédents mais redessinées, la collection se découvre de salle en salle. Transcription de l’univers d’Hugo Besnier, celle-ci a été imaginée pour fonctionner comme un tout. « Mon but était de créer un ensemble harmonieux, mais en évitant à tout prix l’effet catalogue, avec le même détail et la même finition partout. C’est quelque chose à la mode, mais je voulais absolument éviter cette facilité », revendique le designer, qui est à l’origine d’un ensemble avant tout usuel, dans lequel « on n’a pas peur de poser un verre ou de s’asseoir ».

©Matthieu Salvaing

Le geste créateur

La chaise Biseau, la table d’appoint Cintrage ou encore la suspension Ciselure. En lisant le catalogue de l’exposition, la philosophie d’Hugo Besnier s’impose rapidement. « Chaque pièce porte le nom d’une technique artisanale ou d’un outil, car Tour de Mains est un hommage à l’écosystème de l’artisanat. » Conçue avec l’appui des Meilleurs Ouvriers de France et des Compagnons, la collection a été imaginée comme un vecteur de mise en valeur du geste : de celui du dessinateur, auquel le designer se prêtait déjà enfant lorsqu’il s’ennuyait à l’école, jusqu’à celui du fabricant. Un principe guidé par la rencontre de deux mondes : celui d’une construction rationnelle, fruit de l’intelligence humaine d’une part, et la notion d’évolution plus aléatoire et organique de la nature d’autre part. Une dualité héritée de son enfance passée entre Fontainebleau et Paris ; « les arbres et les immeubles haussmanniens » mais aussi caractéristique de ses inspirations. « Le mobilier Louis XIV et le repoussement des limites artisanales dans une sorte de perfection, parfois au détriment du fonctionnalisme, me parlent tout autant que son opposé, le style scandinave. Quant au Wabi-Sabi et à l’idée de beauté dans l’imperfection, j’y vois une certaine résonance avec mon approche », assure le designer, dont la collection a été l’occasion de développer de nouvelles techniques, parmi lesquelles le ponçage et le polissage de la croûte de cuir.

©Matthieu Salvaing

Un parcours façonné par la création

Inspiré par les dessins de sa mère et la délicatesse de sa grand-mère, « qui dissimulait les portes et recherchait l’harmonie en accommodant les meubles avec des fleurs de saison », le designer se souvient avoir « toujours voulu être architecte d’intérieur ». Mais c’est lors de ses études en école de commerce que l’idée se concrétise, avec son premier appartement étudiant « entièrement dessiné pour qu’il ne ressemble à aucun autre ». Un projet personnel qui l’amène rapidement à repenser l’intérieur de l’hôtel particulier de son parrain de promotion. Dès lors, la machine est lancée et Hartis naît en 2020. Puis les choses s’enchaînent : d’abord sur le continent américain, avec un premier article dans le AD américain, puis une place dans la Objective Gallery de Soho, d’où naîtront plusieurs projets. Ce n’est qu’avec Tour de Mains que le designer revient sur la scène française. Un projet mené dans la continuité de son parcours, dans lequel la qualité du geste est aujourd’hui le qualificatif premier de son approche.

©Matthieu Salvaing
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4/11/2025
Fumi, pour un hiver scandinave

Le designer Guillaume Delvigne et la marque Eldvarm se sont associés pour créer Fumi. Une collection hivernale chaleureuse où les esprits scandinaves et japonais se rencontrent.

L’hiver approche et, avec lui, tout son lot d’objets réconfortants et utiles. Principalement connu pour ses pièces de mobilier, le designer Guillaume Delvigne a collaboré avec Louise Varre, fondatrice de la marque Eldvarm. Créée en 2015 à Stockholm et spécialisée dans les accessoires de cheminée, cette dernière marie design scandinave et savoir-faire français. Un mélange porteur de sens pour le créateur formé à l’École de design de Nantes Atlantique puis au Politecnico di Milano, et ancien collaborateur de Marc Newson. Frugale dans sa composition, avec pour seules pièces essentielles un serviteur et un range-bûches, la collection Fumi l’est aussi dans son esthétique. Un parti pris imaginé pour coller aux intérieurs épurés et contemporains dans lesquels les poêles à bois remplacent progressivement les cheminées volumineuses. Un point de départ contextuel qui a poussé le designer à chercher l’inspiration bien au-delà de la Scandinavie.

Faire feu de tout bois pour la sobriété

« Je voulais créer quelque chose que l’on est heureux d’utiliser, mais aussi de montrer », explique Guillaume Delvigne, dont le projet s’inscrit dans l’esthétique sobre caractéristique d’Eldvarm. Et pour cela, quelle meilleure inspiration que le pays du Soleil-Levant ? Inspiré par les balais japonais dont le manche se termine par une forme d’éventail, le designer a fait de la géométrie son axe de recherche principal. « Ce que Louise appréciait dans mes objets, c’était l’aspect sculptural de mon travail », relève le designer. Un constat qui l’amène à penser des objets qui puissent être « scénographiés comme des œuvres d’art » et à travailler l’acier thermolaqué et des essences naturelles comme le bois et le frêne. Une matière inerte et une autre noble, assemblées par des vis volontairement laissées visibles. Une manière pour le créateur de souligner les connexions culturelles et techniques, mais également d’assurer un design « minimal sans être simpliste », conclut Louise Varre.

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31/10/2025
Le Collectionneur, une plongée Art déco dans l'univers d'Edgar Jayet

Présenté dans l'Hôtel de Maisons à l'occasion de Design Miami Paris, Le Collectionneur est un ensemble dessiné par le designer Edgar Jayet. Fruit d'une collaboration avec la Maison Lelièvre, la composition s'affirme comme un hommage à l'Art déco.

Des œuvres de Jacques Maillol, deux vases romains du IIe siècle après J.-C., des luminaires de la Maison Delisle ou encore des objets signés Puiforcat et Saint-Louis. C'est au milieu de ce qui pourrait ressembler à une reconstitution historique de l’entre-deux-guerres qu'Edgar Jayet a présenté Le Collectionneur. Portée par Paragone à l’occasion de Design Miami Paris, la collection prend place dans un décor imaginé comme un hommage libre au pavillon conçu par le décorateur Jacques-Émile Ruhlmann en 1925. Largement inspirée du mouvement Art déco, qui célèbre cette année ses cent ans et auquel la scénographie fait écho, la collection a été imaginée en collaboration avec la Maison Lelièvre. Une association née d'une rencontre début 2024 entre le designer et Emmanuel Lelièvre, directeur de la marque, mais aussi « de l'idée de tisser un lien avec une manufacture comme le faisaient les ensembliers il y a un siècle ». L'occasion de co-construire ce projet dont les textiles ont façonné les contours.

©Oskar Proctor

Un centenaire inspirant

Connu pour son approche « dix-neuviémiste » liée à la compréhension des systèmes constructifs (comme en témoigne la collection Unheimlichkeit présentée fin 2024), Edgar Jayet s'est cette fois-ci attaqué, plus qu’à une technique, à un style. « Je ne crois pas à la création ex nihilo et je ne pense pas que l'on réinvente les choses. Le Collectionneur est davantage un regard de notre époque porté sur un mouvement. Les assemblages ont été réalisés à la main comme en 1925, mais c'est surtout le choix des matérialités, comme le sycomore ou le nickel argenté, et des codes esthétiques propres à l'Art déco, qui connectent mes objets à ce style. » Pour cette nouvelle collection, le designer a imaginé trois typologies d'objets inspirés de l'univers du voyage : une armoire, une méridienne de 1925 millimètres et des malles auxquelles vient s’ajouter un tapis. « L'Art déco s'est exporté dans le monde entier. C'est d'ailleurs ce que l'on a appelé le style paquebot, puisqu'il était associé aux grands transatlantiques pour lesquels Ruhlmann a beaucoup travaillé. C'est d’ailleurs lui qui a créé en 1925 l'Hôtel du Collectionneur. C’était un véritable lieu manifeste de l’Art déco dans lequel tout était sur mesure et très personnalisé. On voulait retrouver ça, mais avec une typologie plus inhabituelle. » Un cheminement qui amène le designer vers « le salon de bain », un espace plus intimiste à la croisée « du boudoir et de la dressing-room », qui donnera son nom à la scénographie de l’exposition : Le Bain du Collectionneur.

©Oskar Proctor

Au bout du fil, le savoir-faire Lelièvre

« Le modus operandi de cette collection ? Le même que Jacques-Émile Ruhlmann à l'époque. Travailler ensemble, avec les meilleurs artisans, pour créer un ensemble qui ait du sens », résume Edgar Jayet. Si la collection a vu le jour en une quinzaine de mois grâce à l’investissement de six partenaires (Les Ateliers de la Chapelle, Jouffre, les Ateliers Fey, Maison Fontaine, Atelier Yszé), spécialisés dans la serrurerie d'art, la gainerie ou encore le travail du laiton, c'est avec la Maison Lelièvre que les contours de la collection ont été tissés. « Tout s'est fait lors d'une rencontre dans le showroom, explique Emmanuel Lelièvre. Je lui ai montré un certain nombre de créations récentes, mais également d'archives Art déco que nous présentions dans le cadre d’une rétrospective en janvier. » Une immersion à l’origine d’un corpus d’étoffes très différentes choisi par Edgar Jayet. Parmi elles, une moire noire synthétique à l'aspect ancien. « C'est un tissu très technique adapté au yachting ou à la restauration, mais qui rappelle très bien les textiles Art déco et c’est ce qui m’a plu », explique le créateur. Un choix sobre, combiné à Rêverie, une réédition ornementale d'une des archives de la marque, et réinterprétée par le designer sur le dos de la malle. « Comme nous n'avions pas le temps de modifier les tissus existants, le petit twist a été d'utiliser Rêverie à l'envers. » Une manière pour le créateur de flouter légèrement le visuel en lui apportant une touche plus contemporaine. Un petit pas de côté dans l'utilisation classique des textiles d'ameublement, dont une gamme en fibres naturelles a également été utilisée. Trois sortes très différentes sur le plan stylistique, mais également technique, « venues conforter l'idée d'un mobilier de voyage ». Le Collectionneur, « ce n'était pas simplement l'idée de faire des pièces historiques visibles dans une galerie, mais de repenser certains codes pour faire de l'usuel », résume Emmanuel Lelièvre. Plus qu'un hommage aux ensembliers de l'Art déco, c'est donc surtout un hommage à l'union des savoir-faire que Le Bain du Collectionneur semble abreuver.

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28/10/2025
EspritContract : chez Neology, la polyvalence comme moteur

Aujourd'hui considéré comme l’un des derniers fabricants de canapés français, l’entreprise corrézienne Neology, qui compte 25 salariés, augmente progressivement sa part de contract. En cause, une évolution du secteur depuis une trentaine d’années.

Pour sa troisième édition, EspritContract se tiendra du 15 au 18 novembre au Parc des Expositions de la Porte de Versailles.Plus d’informations sur : https://www.espritmeuble.com/le-salon/secteurs/secteur-contract.htm

Comment le contract structure votre activité et quelles ont été les évolutions de ces dernières années ?

Le contract est une part croissante de notre activité puisqu’il représente 40 %. C’est le double d’il y a cinq ans et cela ne fait qu’augmenter. C’est notamment dû à un contexte global : d’une part, l’écroulement des ventes en direct au profit du marché digital, et d’autre part la fermeture d’un grand nombre d’entreprises, ce qui nous amène à être de plus en plus sollicités. Aujourd’hui, le secteur du canapé français est en voie de disparition. Il a été affaibli dans les années 1990 et au début des années 2000 avec l’arrivée de la concurrence polonaise. Mais le contract a été un atout pour nous, car aucun fabricant à l’étranger n’était intéressé pour réaliser dix pièces sur mesure.
Aujourd’hui, nous ne sommes plus que trois à réaliser des canapés haut de gamme en France, avec Duvivier Canapés et Ligne Roset. Mais l’avantage que nous avons chez Neology, c’est notre capacité à tout réaliser. À l’origine, nous étions spécialisés dans le cuir, mais aujourd’hui nous faisons également de la menuiserie, de la découpe de revêtement, de la couture et de la tapisserie, du vernissage ou encore de la laque. Bref, nous sommes autonomes et ça, c’est assez rare.

À quel moment ce secteur s’est-il imposé au sein de votre entreprise ?

La marque a aujourd’hui 52 ans. C’est une entreprise qui était à l’origine spécialisée dans les canapés. Entre 2008 et 2009, l’intégralité de notre marché était de la « négoc », c’est-à-dire de la vente directe aux particuliers. Nous étions déjà sollicités sur des marchés contract, mais nous n’avions pas forcément envie de nous aventurer sur ce secteur, car tout fonctionnait correctement. À partir de 2010, nous sommes rentrés dans l’hôtellerie en faisant des canapés pour des lobbies d’accueil, puis nous avons commencé à faire du convertible et donc à rentrer dans les chambres. À partir de là, nous nous sommes diversifiés avec des cabriolets, puis des bridges, des têtes de lit, etc. Et par la suite, nous avons dérivé vers la restauration avec la création de banquettes ou de chaises. Ça a duré plusieurs années jusqu’à ce que l’on se dise, en 2017, que nous étions capables de passer sur du global. L’événement marquant a été la mise en place d’une collaboration avec une entreprise proche de l’usine pour qui on s’est mis à fabriquer.

Hôtel BEST WESTERN PLUS CRYSTAL  - Nancy Architecte Stéphanie Cayet ©Neology

Et comment avez-vous évolué pour répondre aux besoins du contract ?

On est simplement allé chercher des compétences externes sur des chantiers pour apprendre et évoluer. On a aussi intégré à Neology – avec un premier rachat dès 2000 – les savoir-faire d’entreprises qui fermaient, que ce soit dans la relaxation ou dans le convertible par exemple. Mais de toute manière, nous restions quand même dans le même métier. Le contract, il faut surtout voir ça comme du sur-mesure.

Quels sont vos prochains objectifs ?

Début 2026, vous pourrez découvrir sur le site web une nouvelle collection Neology nommée Signature, qui sera présentée en novembre au salon EquipHôtel. Contrairement à la gamme Privilège, que nous commercialisons déjà, celle-ci sera entièrement destinée au contract et notamment au monde de la restauration. Elle regroupera environ 30 chaises et fauteuils contemporains, allant du pouf au bridge en passant par les convertibles. Nous espérons pouvoir la présenter au cours du premier semestre.

Auriez-vous un projet contract significatif du travail de Neology ?

Je garde en mémoire un de nos premiers projets, en 2017, pour l’Hôtel Jardin Le Bréa situé dans le 6ᵉ arrondissement de Paris. Il s’agissait de têtes de lit dessinées par Laurent Magoust. C’était un projet particulièrement exigeant, avec des dessins complexes, qui avait nécessité un travail millimétré de la part de nos artisans, notamment en couture et tapisserie, pour ajuster divers tissus. C’était assez difficile, mais rien de mieux pour appréhender ce qui était une nouvelle activité à l’époque.

Hôtel JARDIN LE BREA  - Paris Architecte Laurent Maugoust ©Neology
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