Villa Noailles
La Villa Noailles célébrait son centenaire cet été. Avec un programme d’expositions riche, le pari a été plus que réussi, puisqu’un record de fréquentation a été réalisé.
Que ce soit à Hyères ou à Toulon, la Villa Noailles a su attirer de nombreux visiteurs cet été. Avec plus de 75 000 entrées recensés depuis le 30 juin, l’institution a battu son record de fréquentation. Avec une large proposition d’expositions, les visiteurs avaient de quoi faire. À travers les expositions dédiées aux finalistes de la Design Parade 2023 d’abord, respectivement à Hyères pour la partie design et à Toulon pour l’architecture. Pour rappel, les projets des 9 finalistes de Hyères sont à découvrir à la Villa Noailles jusqu’au 3 septembre tandis que les 10 finalistes de Toulon sont exposés jusqu’au 5 novembre à l’Ancien Evêché. D’autres présentations autour de l’évènement sont également proposées, avec la participation de plusieurs professionnels du secteur notamment, à l’instar des designers Ronan Bouroullec, Jean-Baptiste Fastrez ou encore Noé Duchaufour-Lawrence.
Pour célébrer son centenaire, la Villa Noailles organise une exposition dédiée intitulée « Les Nuits d’été » à découvrir jusqu’au 14 janvier 2024. À Toulon, entre autres évènements annexes, les étudiants sont mis aussi mis à l’honneur avec deux expositions. Chez Monique Boutique d’abord, les étudiants de l’école Camondo Méditerranée présentent leur projets d’études, alors que les étudiants de l’ESADTPM s’exposent au sein de la galerie de l’école.
À Saint-Paul-de-Vence, la fondation CAB célèbre celle que l’on surnommait « la Grande Dame du Design », à travers une exposition marquant le centenaire de la Villa Noailles.
Première exposition du genre au sein de la fondation, « Andrée Putman et le Mouvement Moderne » est le fruit d’un partenariat de trois ans avec la Villa Noailles. « En créant cette manifestation design, nous souhaitions nous ouvrir à d’autres médiums, attirer un public plus large, tout en conservant notre ligne minimaliste », explique Annabelle Audren, coordinatrice de projets à la fondation. Sous le commissariat d’Elea Legangneux, spécialiste des Arts Décoratifs français du XXème siècle, l’exposition scénographiée par Olivia Putman, fille d’Andrée et de Jacques Putman, mais aussi directrice artistique du studio éponyme, fait la lumière sur une facette plus intimiste de sa mère, mais aussi son audace à avoir remis au goût du jour certains grands créateurs oubliés des années 1920-1930.
Narratif, le parcours débute par des photographies très variées, dont de très beaux portraits de la créatrice par les artistes Pierre et Gilles en 1982, Andy Warhol en 1985, ou encore Annie Leibovitz, en 1989. Posés sur un présentoir en céramique blanche, dont les carreaux rappellent le design de sa table Jean-Paul Goude de 1992, et exposée au centre d‘une des salles, certains tirages la présentent avec son équipe chez Prisunic dans les années 1960 ou, parmi d‘autres, dans son loft à Saint Germain des Prés, en 1996. Plus loin, on découvre un petit mot qui lui est adressé sur un papier à entête de l’hôtel Morgans, à New York, écrit de la main de Keith Haring, mais aussi un extrait de journal du Palace des années 1980, évoquant cette grande icône de la nuit… En d’autres termes, de nombreux objets, lettres, carnets à lignes, bracelets, agendas provenant de ses archives personnelles – collection Olivia Putman – rendant vivant ce personnage atypique, disparu il y a dix ans, et qui n’a eu de cesse de rapprocher de nombreuses disciplines telles que la mode, la décoration et le design.
Renaissance des « Modernes »
Une salle est consacrée à la présentation de quelques pièces de créateurs modernistes des années 1920-1930, provenant de la Villa Noailles qui fête, cette année, son centenaire. Soutenus et collectionnés, à leur époque, par quelques mécènes, dont le vicomte et la vicomtesse de Noailles, ces partisans de l’adage « Less is More » sont tombés dans l’oubli, jusqu’au moment où, en 1978, Andrée Putman créé sa société de réédition Ecart international.
Dans les années 1980, grâce à son défi de « réaliser le rêve de diffusion » des pères du design que sont Eileen Gray, Robert Mallet Stevens, Pierre Chareau, Jean-Michel Frank et d’autres, leurs pièces font alors fureur et deviennent des best-sellers. Fascinée par leur vision avant-gardiste, la créatrice française déniche, réédite leurs ouvrages et, selon ses propres termes, « les aide à renaître », en créant « un catalogue d’une inestimable cohérence », selon le site du Studio Putman. Elle se servira de leurs créations pour la majeure partie de ses commandes.
Citons, à la fondation, la présence de la Table Eventail de 1929, en acier laqué noir de Pierre Chareau, du Fauteuil Transat ou encore du Miroir Satellite de 1927, d’Eileen Gray, dont Ecart réédite en premier les œuvres, dès la fin des années 1970. A ce propos, plusieurs pièces de la designer historique irlandaise, qui ont servi, pour beaucoup, à l’aménagement de sa Villa E-1027 à Roquebrune-Cap-Martin, ont été utilisés pour celui des appartements du couturier Karl Lagerfeld, à Paris et à Rome. Il en va ainsi du Miroir Satellite, que l’on retrouvait dans sa salle de bain romaine, en 1982.
Hôtel Morgans, Concorde : brève revue de ses grandes créations
À côté de photographies des années 1930 qui évoquent également le Clos St Bernard (ou Villa Noailles), l’exposition se poursuit par l’évocation de certaines de ses plus grandes réalisations. La salle de bain au carrelage iconique en damier noir et blanc de l’hôtel Morgans, premier boutique-hôtel aménagé par ses soins, en 1984, à New York, a été reconstituée à la fondation, grâce notamment au concours de Sophie Industries, l’éditeur historique d’Andrée Putman. Prêt d’Air France, un set de vaisselle réalisé pour le Concorde, en 1993, accompagné de menus peints par Christian Lacroix, montre sa vison épurée des arts de la table. Celle qui modernisa l’intérieur du supersonique fut, en effet, également en charge de revoir l’art de sa table. Elle imagina donc un service de porcelaine blanche, au lignes pures, soulignées d’un liseré bleu, révélateur de sa philosophie minimaliste. Enfin le Banc Eléphant, créé en 2001, et des œuvres d’art provenant de sa collection privée achèvent également le parcours.
Si l’exposition fait surtout un focus sur quelques œuvres choisies, elle réussit toutefois à souligner la pensée presque totale d’Andrée Putman. De ces architectes-designers, un temps dans l’ombre, cette dernière a su capter le caractère innovant et révéler au grand public leur manière de vivre. De même, par la présence de ses nombreux effets personnels et correspondances avec des couturiers et artistes d’autres disciplines, la fondation CAB met en lumière le caractère transversal de sa philosophie. On aurait juste aimé en voir un peu plus.
Pour sa programmation Hors les murs, la Villa Noailles lance une exposition centrée sur le dessin de designer. Une série inaugurée par Pierre Charpin, déjà exposé à la Villa Noailles en 2015 à l’occasion de la Design Parade de Hyères. Une exposition tenue à l’Hotel des Arts de Toulon du 5 mars au 30 avril, qui propose de découvrir des dessins originaux, et pour beaucoup inédits.
Le dessin constitue une étape nécéssaire dans le processus de création pour beaucoup de designers car il permet une vision profonde de l’univers créatif. Pour Pierre Charpin, designer de mobilier et d’objets depuis le début des années 1990, le dessin n’est pas simplement une étape dans le processus de création mais bel et bien un moyen de traduire une autre relation à la forme que prend l’objet.
Pierre Charpin, quand le dessin égale la forme
« Je crois être en mesure de dire qu’à peine en capacité de tenir en main un crayon et de pouvoir ébaucher un signe, j’ai toujours dessiné ». Pierre Charpin décrit son appétence réelle pour le dessin comme un champ d’expression à part entière, qui s’est développé au fil du temps de manière assez logique. Formé en arts visuels à l’École des Beaux-arts de Bourges dans les années 1980, il a concentré ses recherches sur la forme et la couleur ainsi que sur les motifs appliqués à l’objet dans son travail. « Mon rapport au dessin égale mon rapport à la forme. C’est pour moi le moyen le plus immédiat, intuitif et naturel, de faire émerger la forme qui n’est pas encore là ».
Des « dessins de dessins »
Pour pousser encore plus sa pratique, Pierre Charpin explique produire en complément des croquis de ses créations, des « dessins de dessins ». Réalisés pour la plupart en très grand format, ils permettent surtout au designer de développer une grande gestuelle et un nouveau rapport au trait. Une pratique particulière mais qui n’est pas nécessairement développée en parallèle de chacun de ses projets. Elle se fait lorsque le besoin se fait sentir. « Lorsque la mécanique du dessin se met en marche, elle consiste autant faire qu’à défaire ».
Exposition Pierre Charpin « Avec le dessin », du 5 mars au 30 avril 2022 à l’Hotel des Arts de Toulon. Horaires : de 11h à 18h. Entrée gratuite.
Plus d’informations sur : www.villanoailles.com