Couleur
Objets désirables, indispensables de la cuisine moderne, le petit électroménager se pare de couleurs chatoyantes ou pastel. Une évolution marquée au cours des décennies. Compléments en images de l’article « couleurs en cuisine » disponible dans le numéro 211 d’Intramuros, bientôt en kiosques.
Mixeurs, grille-pain, bouilloires ou robots, les appareils de l’électroménager ne sont plus exclusivement blancs comme autrefois, symbole de propreté et d’hygiène des années 50. A l’image du frigo, acquisition de base de l’équipement de la cuisine.
En 1955, coup de tonnerre dans le monde de l’électroménager ! Fort de son succès et boosté par les stars de l’époque, le K5A, robot pâtissier de Kitchenaid dessiné en 1927 par Egmont Arens, sort de l’ombre et se pare de couleurs, pétale de rose, jaune solaire, vert insulaire, chrome satiné et cuivre vieilli. Puis en 1994, la palette s’enrichit de bleu cobalt, vert pomme, jaune pastel, gris anthracite ou encore tangerine. Le rouge empire remporte, quant à lui, la palme ; grâce à son succès commercial, il devient le flambeau de la marque.
Lorsqu’en 1997, l’Italien Smeg emboîte le pas pour lancer un frigo dans une palette de coloris très fifties, le modèle FAB est devenu, par ailleurs, iconique grâce ce développement par la couleur. Il a influencé la conception des produits du petit électroménager, en reprenant les formes bombées et arrondies du frigo, déclinés en couleurs pastel assorties, comme l’explique Anaïs Le Dizer, chef de produits de la marque. La gamme conçue par Studio Deep Design a connu un succès fulgurant, dans la lignée des concepts des appareils de cuisson, initiées par les architectes et designers de renom Canali, Marc Newson, Renzo Piano.
Le look rétro et la couleur font vendre… Les industriels ont adopté la tendance. Le crème surfe sur le style scandinave tandis que les vert d’eau et bleu azur annoncent la douceur d’un art de vivre proche de la nature. Dans une démarche plus mesurée, le groupe De’Longhi joue les valeurs sûres. Misant sur la couleur comme starter pour bien démarrer la journée, il s’est concentré sur le set du petit déjeuner, proposant une gamme restreinte, en quatre coloris rassurants et intemporels au design résolument rétro. Ou encore, pour sa marque Kenwood, il décline ses robots pâtissiers Titanium d’une touche discrète de rose, bleu ou vert pailleté.
Quand le design s’empare de la couleur
Loin d’être anecdotique, le design s’est immiscé dans les objets du quotidien, apportant une réelle valeur ajoutée au produit ! La couleur a toujours fait partie de l’esprit ludique d’Alessi, afin de rompre avec l’uniformité du design international, dans l’élaboration des objets usuels, tels que le service à thé ou à café. La dernière création, une bouilloire semblable à un morceau de tissu plié, est dessinée par l’architecte designer Michele de Lucchi. La gamme s’est étendue aux petits appareils qui nous simplifient la vie, batteur, mélangeur, grille-pain et presse-agrumes, cinq objets dont le graphisme a puisé ses sources dans l’univers de la mode intemporelle, joyeuse et festive des années 50 à 60.
Chez Hay, qui s’imprègne aussi de la mouvance rétro au quotidien, la gamme est conçue par Georges Sowden l’un des fondateurs du groupe Memphis. On y retrouve l’esprit constructif et ludique des objets de ce mouvement des années 80. Après les sets dédiés au petit déjeuner, certaines marques se lancent sur le marché de nouveaux appareils en lien avec les modes de vie actuels, utilisés par chaque membre de la famille.
On connaissait les robots pâtissiers, voici les robots à tout faire, qui coupent, tranchent, mélangent, mijotent, et sont dotés de multiples fonctions, et de technologies de pointe en lien avec les smartphones. La marque Moulinex du groupe Seb, innove avec des coloris pour son multi-cuiseur interactif, une nouvelle génération sophistiquée de cocotte-minute pour cuisiner tranquille. La couleur a donc son rôle à jouer dans la personnalisation de l’appareil qui sort de l’anonymat du gris métallisé.
Le Tripostal à Lille prolonge jusqu’en novembre l’excellente exposition « Colors, etc. » co-organisée avec le Musée du Design de Gand. Le parcours orchestré sur tous les espaces du bâtiment interroge notre relation à la couleur, au gré d’installations immersives d’artistes contemporains et d’expérimentations de designers. Il se termine dans une enquête passionnante sur le travail de la couleur du peintre Van Eyck, mise en scène dans une « Pigment Walk » comprenant plus de 100 objets.
Ressentir, entendre, explorer, interroger la couleur… c’est le parcours que propose la commissaire Siegrid Demyttenaere au Tripostal, en collaboration avec Sofie Lachaert pour la dernière partie de l’exposition.
Plusieurs artistes et designers ont été invités à créer des installations in situ afin d’explorer les relations des 5 sens avec la couleur. Avant tout sensoriel, le parcours se veut ludique pour le grand public tout étant très riche en informations sur les recherches actuelles pour qui souhaite approfondir le sujet. Entre effets sur le psychisme et recherche de biomatériaux, le propos de la commissaire est de montrer combien la question de la couleur couvre de larges champs d’interventions : « Pour le scientifique, la couleur est un effet de variations spectrales de la lumière visible tandis que le pigment est une coloration de la cellule vivante. L’art et le design se détachent ici de la science. La culture fait face à la biologie. La couleur est une notion psychique, un moyen de communication mais surtout un ressenti. »
Une entrée en matière immersive
Dès l’entrée, Liz West s’empare des colonnes du hall pour les transformer en îlots lumineux successifs, habillés de gaze, de miroirs et de couleurs différentes et pousse le visiteur à s’interroger sur la source lumineuse, et sur l’effet de la perception de l’espace ainsi défini. Plus loin, dans « The Secret of Red», Fernando Laposse interroge l’histoire de la cochenille, à l’origine de la couleur vive d’un colorant lié à la production d’acide carmique. L’effet de la lumière sur la couleur est abordée ensuite en présence des sublimes « cairns » de Dawn Bendick. Ils sont composés de pièces de verre dichroïque, qui a pour particularité de changer de couleur en fonction de la nature de la lumière, et l’artiste interroge ici parallèlement le temps qui passe dans un jeu d’alternance de sources lumineuses différentes, qui reproduit une chronologie du lever et du coucher du soleil.
Projets de recherche
Aux côtés d’autres « experiences rooms », l’exposition se poursuit avec un étage particulièrement consacré aux recherches actuelles. La sélection de projets exposés met en avant des designers à la recherche de solutions, dans des collaborations avec des scientifiques et créateurs d’autres disciplines. Parmi les travaux exposés, le Studio Thus That conçoit notamment des poteries émaillées à partir des oxydes contenus dans la « boue rouge » issue de produits résiduels de l’industrie de l’aluminium et constituée de bauxite.
Christien Meindertsma présente Fibre Market, qui repose sur la technologie Fibresort qui analyse et trie des vêtements en fonction du type de fils qui les compose, pour vérifier la véracité de l’étiquette de composition. Caroline Cotto pour sa part a composé un nuancier réalisé à partir de fragment de coquilles d’oeufs qu’elle a dénichés partout dans le monde, et met en avant la proximité de leurs nuances avec celles la peau. Parallèlement à son travail sur le pigment noir, Hella Jongerius démontre avec The Evening Textile comment créer un large spectre de couleurs à partir d’un nombre limités de fils. Naving G. Khan Dossos a étudié les effets de la couleur à l’hôpital dans le cadre d’ateliers organisés au St Mary’s Hospital à Londres.
De son côté Lynne Brouwer étudie comment la couleur peut aider à contrôler l’inconfort d’une situation en s’intéressant à des lieux aussi divers et difficiles que les crématoriums, les commissariats de police et tribunaux. Le visiteur découvrira aussi des performances de design culinaire de Celine Pelcé, comme une installation saisissante de Penique Productions qui propose une immersion particulière dans un jaune chaleureux à travers une forme de sculpture à vivre.
L’enquête mystique
La dernière partie de l’exposition s’ouvre sur une installation de Studio Plastique présentant l’histoire de la couleur bleue à partir de panneaux de verre coloré d’un ton bleu particulier, d’importance historique, à l’image d’une frise chronologique en verre. Une belle introduction à la promenade autour de l’univers des couleurs de aménagée autour de l’univers des couleurs de Van Eyck, en s’appuyant sur l’analyse de 13 détails de L’Agneau mystique. À chaque détail est associé un groupe d’œuvres qui reprennent une couleur déterminée dans le retable. Une mise en perspective dans une « Pigment Walk » orchestrée avec la présentation de créations de plus de 100 designers et artistes, qui valorisent bien évidemment une expression de ces couleurs sélectionnées, mais aussi et surtout interrogent les notions de symbolique, de savoir-faire, de transparence, de rendus de matières…
Un jeu d’enquête et d’observation qui fait slalomer le visiteur autour de créations entre autres de Ettore Sotsass, de Konstantin Grcic, des frères Bouroullec, de Patricia Urquiiola du Studio Maarten, de Nendo, de Truly Truly… Juste passionnant !
« Colors, etc. » Jusqu’au 14 novembre 2021, Tripostal, Lille
A voir également à proximité « Young Colors », exposition rassemblant des jeunes artistes récemment diplômés, jusqu’au 4 juillet, Institut pour la photographie et Eglise Sainte-Marie-Madeleine, Lille