Le Centre Pompidou-Metz accueille jusqu’au 6 février 2023 sa nouvelle exposition intitulée « Mimèsis : un design vivant », signant là son premier accrochage centré exclusivement sur le design. Une idée fruit d’un dialogue de plus de deux ans entre Marie-Ange Brayer, conservatrice chargée des collections Design et Prospective industrielle du Musée national d’art moderne, et Olivier Zeitoun, attaché de conservation du département.
“Mimèsis : un design vivant” s’articule comme une réflexion autour de l’évolution de la nature dans le design comme l’exprime jusqu’à son nom, mimèsis, reprenant le concept platonicien d’imitation dans les arts. Cette tension entre design et nature, entre imitation et re-création est alors mis en avant. L’exposition se pense comme une conversation avec le vivant, en mêlant le travail de designers originaires du monde entier, abordant des techniques et des approches nouvelles, toujours centrée sur cette exploration du vivant. Au total, l’exposition regroupe 400 œuvres de 90 créateurs, exposées sous une forme chronologique et thématique et explorant biomorphisme, biomimétisme ou encore biofabrication. Immersive et vivante, l’exposition propose également deux focus : le premier sur le designer de la modernité française Serge Mouille et le deuxième sur le duo de designers contemporains Erwan et Ronan Bouroullec.
Living design explored in all its forms
The exhibition traces the history of living design through the presentation of the fascination of certain designers for nature, its forms and creative processes over time. At the entrance, the work “Grotto II” (2015-2016) by Michael Hansmeyer and Benjamin Dillenburger, a cave screened with new technologies and made up of around forty 3D printed blocks, offers an opening to the marvelous. “This work has the value of a manifesto to deal with this new relationship of the living” comments Olivier Zeitoun. Throughout the rooms, the evolutions and avant-gardes present are deciphered to explore, in all its forms, this notion of living design.
Michael Hansmeyer and Benjamin Dillenburger, Grotto II, 2017
Michael Hansmeyer and Benjamin Dillenburger, Grotto II (detail), 2017
400 pieces of emblematic collections for ten themed rooms
Throughout the exhibition, the visitor is invited to discover – or rediscover – iconic pieces. If the route is chronological, the first two rooms, “Grotesques” and “Cabinet de curosités”, are more like inventories of the materials and the digital in all that they are broad. Room 3, entitled “Biomorphism”, which extends from the 1920s to the end of the 1950s, presents the work of several renowned designers and pioneers of their time, in particular Charlotte Perriand with the Table in shape (1938) or even the Shadow chair (1955), which are the result of her research on nature that she worked as raw material.
Charlotte PERRIAND, Shaped table, 1938
Pieces by the Finn Alvar Aalto, curator of organic design, the DCW chair (1946) by the couple Charles & Ray Eames are among the pieces presented. Scandinavian design and in particular the pieces of Arne Jacobsen are also in the spotlight, with the Goutte chair (1958) and the Signe armchair (1958), logically inspired, through their name, by nature for their design.
Charles Ray Eames, DCW Chair, 1946
Arne JACOBSEN, Drop Chair, 1958
La salle 4, nommée « Pop, natures artificielles » balaye la période de 1960 à 1980. Ici, le design vivant rime plutôt avec couleur et forme qui rappellent la nature, à l’instar de la célèbre chaise Tulipe (1656-1957) d’Eero Saarinen ou de la chaise Peacock (1960) de Vernon Panton.
Verner Panton, Peacock Armchair, 1960
Dans la salle 5, c’est le matériau qui devient l’organisme vivant, puisque celle-ci est centrée sur le travail du designer Serge Mouille, créateur de plus de 50 familles de réflecteurs. Sont présentées, entre ses luminaires emblématiques, des réalisations qu’il a imaginées comme des objets dynamiques, pensés comme des torsions organiques créées par le métal dans lequel ils sont fabriqués. À partir des années 1980, le processus de création ne va plus simplement se baser sur les matériaux et les inspirations de nature, mais va mêler des processus industriels, comme le montre la salle 6, « Natures à l’oeuvre ». Le bois n’est en effet plus le seul matériau utilisé, à l’instar de l’oeuvre “Tree 5” (2010) de l’Italien Andréa Branzi, qui associe l’usage du bois à l’aluminium.
Andrea Branzi, Tree 5, 2010
Serge Mouille, Object Small monotype, 1951-1956
Et si le dialogue entre nature et design se renouvelle avec de nouveaux procédés, l’espace public, n’est pas en reste. Ainsi, la salle thématique sur les frères Bouroullec, présente les Rêveries urbaines, installations issues d’une exposition faite à Rennes en 2016. Une présentation qui remet à l’honneur les espaces urbains « oubliés », comme ce pourrait être le cas de certaines places ou parcs. Comme une expérimentation, les designers ont imaginé des espaces où la nature serait à nouveau omniprésente. Des réalisations sont allées bien au-delà de la simple maquette puisque les villes de Paris, de Miami ou d’Aarhus les ont mis à l’échelle.
Ronan & Erwan BOUROULLEC, view of the exhibition Urban Reveries, Les champs Libres, Rennes, 2016
New technologies and environmental interests
Room 8, focused on “Digital recreation”, presents pieces designed in the 2000s, which combine new know-how and creative processes, punctuated by the arrival of 3D printing, like the Solid C2 chair (2004) by Patrick Jouin, the first creation made using this printing technique, or the Adaptation Chair by Joris Laarman (2015). A ninth and penultimate room, which is entitled “Chaises Longues”, proposes to draw a parallel on the evolution of the latter, over time, through the presentation of The Chair (1948) Charles & Ray Earles, the Bone Chair Prototype (2006) by Joris Laarman and the very surprising Divan Duchess (2020) by French designer Aurélie Hoegy.
Joris LAARMAN, Adaptation Chair (Gradient Cooper Chair), 2015
Patrick JOUIN, Solid C2 Chair, 2004
L’exposition se clôt sur une dernière et dixième salle, intitulée “Biofabrication”, qui expose les travaux de designers qui imaginent les biomatériaux comme des objets de recherche. En alliant procédés numériques et matériaux organiques, le résultat peut-être plus que surprenant. Le travail de Samuel Tomatis, diplôme de l’ENSCI en 2016, se concentre notamment sur la création d’un nouveau matériau fait à partir de déchet organique : les algues. Plus surprenant encore, le travail du Néerlandais Eric Klarenbeek, qui fut le premier à maîtriser la technologie du mycellium associé à l’impression 3D, présente la Mycellium chair (2018-2019), totalement biodégradable in fine.
Studio Klarenbeek & Dros, Mycelium flesh, 2018–2019
Ainsi, “Mimèsis : un design vivant” dévoile un spectre de recherche et d’évolutions indiquant que le design vivant, au fur et à mesure du temps, continue d’intriguer et de fasciner les designers. Avec l’aide des nouvelles technologies et la prise en compte des problématiques sociétales, ces derniers proposent des pièces inspirées et tirées de la nature, manifestes et chargées d’histoires significatives.
Olivia Demigneux et Maïa Pois