Crée en 1919 par Louis Midavaine, l’atelier Midavaine, aujourd’hui dirigé par sa petite fille Anne, est une référence dans son domaine. Avec des commandes pour de grands émirats, décorateurs ou maison de luxe du monde entier, l’atelier n’a pas le temps de s’ennuyer.
Une hauteur sous verrière de plus de cinq mètres, des pinceaux un peu partout, rangés dans des pots sur les dizaines d’étagères clouées aux murs, des croquis, exposés comme des oeuvres d’art, représentant des panthères pour la plupart, à l’image de l’un de leur client majeurs. Au fond de la cour du 54 rue des Acacias dans le 17e arrondissement, l’atelier Midavaine s’est installé depuis plus d’un siècle, et ne compte pas déménager de sitôt. « Nous ne sommes pas des artistes mais des artisans d’art. Nous n’avons pas de maitre d’art à proprement parlé. Chez nous, c’est tout l’atelier qui est le maitre d’art, en plus d’etre une entreprise reconnue patrimoine vivant » expose la gérante actuelle de l’atelier, Anne Midavaine.
Véritable savoir-faire artisanal, la laque d’art est un processus qui consiste à prélever la résine naturelle d’un arbre, le Rhus Vernicifera, pour le transformer en un vernis dur et résistant. Il existe différents types de laques – végétale ou cellulosique – qui pourra être utilisé ensuite pour décorer des panneaux ou du mobilier notamment.
Une reconversion évidente à 35 ans
Chirurgienne dentiste de formation, Anne Midavaine, a décidé de tout quitter à 35 ans pour reprendre en 1994 l’atelier de son grand-père et perpétuer son savoir-faire. « Je ne dirais pas que c’était un changement de vie, je vois plutôt ça comme un retour à la maison ». Aujourd’hui, l’atelier compte six salariés permanents, dont certains présents depuis plus de 25 ans. Un sentiment fraternel lie ainsi les artisans et Anne, offrant une vision commune des choses. « On fonctionne comme une famille, confie t-elle avec fierté. Si quelque chose ne va pas on le dit sans pincettes, et on se soutient lorsque l’idée est bonne. On se connait tous par coeur, ce qui a des avantages et des inconvénients, mais finalement, c’est ce qui nous permet d’avancer et arriver à de tels résultats ».
Des méthodes de travail perpétuées depuis plus d’un siècle
L’adresse de l’atelier n’est pas un hasard. Ancien combattant de 1914-1918, Louis Midavaine se décide après la guerre à créer son atelier précisément dans la rue des Acacias, en raison de la proximité avec les carrossiers de voitures de luxe de l’époque. « C’était un atelier d’invalides de guerre. Mon grand-père l’était lui-même et voulait donc avoir des salariés dans la même situation. ». À l’époque, les voitures sont recouvertes de laque cellulosique, matière qu’il appliquera au sein de son atelier, et qui n’a jamais disparue depuis.
Au coeur de cet atelier éclairé par lumière naturelle grâce aux verrières au plafond, le silence règne. Seules la ponceuse et la visseuse résonnent à certains moments et perturbent le bruit des coups de pinceaux. « Lorsque des stagiaires viennent travailler chez nous, ils sont étonnés de nous voir dessiner autant. Or, cela fait partie intégrante du processus créatif. Pour avoir des résultats comme les nôtres, il faut beaucoup de calme et de précision », évoque Anne.
Une collaboration notable avec Cartier
Depuis 2013, l’atelier Midavaine crée des panneaux décoratifs pour les boutiques Cartier du monde entier. Paris, Moscou, Shangaï, Amsterdam, New York… La liste est longue. Le dernier projet en cours, dont ils venaient juste de recevoir les panneaux lors de la visite de l’atelier, est un pan de mur entier, de 46m2, pour une boutique en Corée du Sud, dont la livraison est attendue avant l’été. « C’est l’un de nos plus gros chantiers pour Cartier jusqu’ici. On y travaille depuis presque un an, entre le lancement du projet, le travail sur les échantillons pour définir les couleurs et les motifs finaux, et jusqu’à validation », explique Anne. Bien que l’atelier ai réalisé plus d’une quarantaine de panneaux pour la maison Cartier, aucun d’entre eux n’est identique. Le détail le plus important ? La panthère, symbole iconique de la maison, qui n’a pas été simple à apprivoiser, en témoigne les nombreux croquis gardés précieusement par les artisans. « On doit veiller à ce que la panthère ne soit pas trop méchante, ou trop humaine, précise Anne Midavaine. Les panthères de Jean-Noel ne sont pas les mêmes que celles de Sophie ou de Garance. Chacun à sa touche personnelle, mais il faut néanmoins continuer de respecter les valeurs de Cartier ». Un travail de recherche à plusieurs dimensions, qui demande sérieux, minutie, et surtout, beaucoup de patience.
La patience, maître mot du laqueur
Et si le silence est d’or les 80 % du temps au sein de l’atelier Midavaine, la patience l’est tout autant. Sophie, l’une des artisane de l’atelier, œuvrait par exemple sur un secrétaire inspiré d’un bureau qui appartenait à Louis XIV, qui est aujourd’hui exposé au musée du Louvre. Dans son processus de création, elle a dû en premier lieu dessiner les calques selon les dimensions du bureau en question, puis les retranscrire sur ce dernier. Et c’est là que les choses deviennent sérieuses. Tandis que les premières esquisses des motifs ont été réalisées, que les feuilles d’or ou la poudre d’or sont collées grâce au processus de miction, il faut que ça sèche. « C’est cette étape qui pose le plus de problème aux clients. Ils n’ont pas la conscience du temps de séchage et de repos qui peut parfois prendre plusieurs jours », explique Sophie. Ce à quoi Anne Midavaine fini par ajouter en souriant : « Ils pourront nous payer autant qu’ils le veulent, c’est impossible de faire en un jour ce qui demande une semaine, ça relèverait du surnaturel ».
Maïa Pois